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Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Réjean Ducharme

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Message par Bédoulène Dim 4 Déc - 18:10

Réjean Ducharme
(1941-2017)


Réjean Ducharme Rejean10

Réjean Ducharme, né à Saint-Félix-de-Valois, dans Lanaudière, au Québec, le 12 août 1941, est un écrivain, dramaturge, scénariste et sculpteur québécois.

Réjean Ducharme refuse toujours toute demande d'entrevue et ne fait aucune apparition publique. À peine deux photos de lui existent, et seules quelques rarissimes lettres aux quotidiens ont été publiées, au début de sa carrière. Il habiterait toujours Montréal. Tout comme l'écrivain américain Thomas Pynchon, il vit dans l'anonymat.
Son premier roman publié chez Gallimard en 1966, L'Avalée des avalés, le consacre instantanément comme un des grands écrivains québécois de sa génération.

Auto-présentation de l'auteur (à 24 ans) :

« Je ne suis né qu'une fois. Cela s'est fait à Saint-Félix-de-Valois, dans la province de Québec. La prochaine fois que je mourrai, ce sera la première fois. Je veux mourir verticalement, la tête en bas et les pieds en haut.
À l'école, j'étais toujours le premier à partir. Je n'y allais pas souvent et j'y restais le moins longtemps possible. J'ai complété mes études secondaires à Joliette, avec les Clercs de Saint-Viateur.

J'ai souffert six mois à l'École polytechnique de Montréal. Enfin délivré, je me suis pris pour un commis de bureau et me prends encore aujourd'hui pour tel. Mais ceux qui embauchent des commis de bureau ne veulent pas me prendre pour un commis de bureau. Je ne travaille pas toujours et ne travaille pas toujours comme commis de bureau.
Un mois sur deux, je suis en chômage.

J'ai été dans l'Arctique avec l'Aviation canadienne, en 1962. Personne ne veut me croire. Je ne sais pas pourquoi. Je dis : « J'ai été dans l'Arctique. » Ils répondent : « Pas vrai. »
En 1963, 1964 (l'année de travail sur L'avalée des avalés) et 1965, j'ai fait de l'auto-stop au Canada, aux États-Unis et au Mexique. C'est fatigant.

J'ai vingt-quatre ans. Je n'ai plus toutes mes dents. Et cela m'écœure.
Je ne me suis pas marié une seule fois encore. Les femmes ne veulent pas se marier avec moi. Si elles avaient voulu, je me serais marié tous les jours et, aujourd'hui, j'aurais à peu près 5 768 enfants. S'il n'y avait pas d'enfants sur la Terre, il n'y aurait rien de beau.»


Réjean Ducharme est décédé à Montréal le 21 août 2017.


 
(wikipedia)

Bibliographie :

L'Avalée des avalés (1966) :  Page 1
Le Nez qui voque (1967) : Page 1
L'Océantume, 1968)
La Fille de Christophe Colomb (1969)
L'Hiver de force (1973) : Page 1
Les Enfantômes (1976)
Dévadé (1990) : Page 1, 2
Va savoir (1994) : Page 1
Gros Mots (1999)

Théâtre
Le Cid maghané Festival de Ste-Agathe (1968)
Ines Pérée et Inat Tendu (1968)
Le Marquis qui perdit (1969)
Ha ha!... (1978)

À l'automne 2001, le Théâtre du Nouveau Monde présente une adaptation théâtrale de L'Hiver de force mise en scène par Lorraine Pintal.
Du 15 novembre au 10 décembre 2011, le Théâtre du Nouveau Monde présente une nouvelle production de la pièce HA ha! dans une mise en scène par Dominic Champagne.

Autre publication
Trophoux (Lanctôt, 2004) : catalogue des œuvres plastiques de Roch Plante.

Maj de l'index le 04/10/18


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Message par Bédoulène Dim 4 Déc - 18:11

Réjean Ducharme 51ioit10

Va savoir

Comme disent nos cousins Québecquois je crains d’être tombée en amour  pour cet auteur.

Rémi, le narrateur, aime les femmes, sa femme d’abord qui ne s’est jamais aimée et qui à la suite d’une double fausse-couche part courir le monde en compagnie de Raïa l’ancienne maîtresse de Rémi lequel  lui a confié Mamie  pour lui redonner le goût de l’amour et la ramener auprès de lui.

Pendant ce temps Rémi restaure une veille maison qui accueillera sa Mamie quand, enfin,  si elle revient ; elle lui a dit en partant « la vie il n’y a pas d’avenir là dedans faut investir ailleurs ». Rémi lui s’investit dans l’amour, celui qu’il garde pour Mamie, celui qu’il prend de Jina et Mary ses voisines mais surtout celui de Fanie la fillette de Mary, c’est  d’ elle d’ailleurs qu’il recevra après tant de complicité, de jeux le plus grand mépris.

Mamie s’ingénie à se perdre, à se gommer de la vie, de celle de Rémi et des autres ; elle le fait si bien que même Raïa avoue à Rémi qu’elle l’a perdue complètement.
Comme il le dit à Hubert le mari de Mary, Rémi est un panier percé, il perd les femmes qu’il  aime. Il avait investi, il a compris qu’il ne le fallait pas. Hubert, le mari de Mary  (qui lui perd sa vie) lui accorde à sa succession,  le cœur de Mary.  

Va savoir ?

Ces portraits de femmes sont superbes . Le langage m’a surprise dans les premières pages mais quelle force , quel coup au cœur ces phrases. J’aime cet homme qui met ses sentiments à nu, qui lit si bien les femmes et a su conquérir Fanie qui ne s’était pas ouverte à la vie.


Extraits

Fanie :

« Elle me prend par la main. Je me laisse mener. On ne peut pas résister,  des doigts si menus, si délicats, ce n’est pas humain. On est saisi par la grâce et remis à sa place, au règne inférieur où  on s’élève en grandissant. On est tout organes et tout infections, elle est tout art. On râle, elle rêve.  On a des mangeoires, des lavoirs, des histoires, des boudoirs, des baisoirs, des histoires où les ranger, des maîtres équipés pour nous y tenir et mieux nous rançonner. Elle n’a rien , elle est tout ce qu’elle a. »

« Et ça l’avait épuisée. Ou elle me faisait un numéro, pour se faire porter. Je ne me suis pas fait prier, je l’ai juchée sur mes épaules, et je ne sais pas ce que ça m’a encore fait comme effet, si j’étais heureux de l’avoir, ou malheureux qu’elle ne soit pas à moi. »

« C’est à ce moment que le petit miracle instantané s’est produit. C’est en tout cas l’effet que m’ a fait ce que j’ai pris dans mes bras quand Fanie a réussi à s’échapper et qu’elle m’a escaladé pour que je la sauve… Le monde entier comprenait de quel prix je paierais un autre écart de loyauté : il ne s’en est pas mêlé. »

Raïa :

« Elle veut visiter la vie, fourrer son nez délicat, aux parois frémissantes, où ça fermente. Il faut que ça souffre et ça sacre, se caresse et se salisse, sinon ça l’assomme.

Dali le chien : « Dali finit par la trouver sympathique aussi malgré les accrocs de leurs premiers contacts. Il la raccompagne en prenant ses coordonnées avec son nez, il sait tout de suite où les trouver. Il ne faut pas s’attacher aux gogo-girls qui ont du cran, elles sont trop portées à se ramasser dans un fossé avec du plomb dans le compteur. »

Mamie :

« Pour moi, il y en a une, une seule, et c’est bon de la perdre une fois de temps en temps, de courir le danger de la chercher encore, trouver sous quel visage elle s’est encore cachée. Qui risque rien n’ a rien, et c’est à ne souhaiter à personne, encore moins à la personne qu’on a qu’à la personne qu’on est… »

« Je te prends les doigts et te les mords, te les mange un par un comme je faisais à Raïa parce que tu m’en donnais envie et que tu confisquais les tiens, pas assez soignés, assez élégants pour être adorés, tu leur trouvais des cuticules, un air trapu, bossu, tordu, tout ce qui pouvait t’arranger… »

« Si tu disparais ainsi tu m’auras quitté en me serrant dans les bras de Raïa, et pour le fou d’amour que je suis c’est l’image idéale pour tracer une croix. Tu aurais fait exprès que ça ne me surprendrait pas. Tu auras fait ton gros possible , une dernière fois. Je te demande pardon  de t’avoir demandé ce que tu ne pouvais plus donner mais je sais pas si ce n’est pas moi qui ne te pardonne pas. Tu m’as dévoyé finalement, disqualifié, empêché d’accomplir ma sale petite  besogne de vivant. »

Jina et Mary : « Je les aimais de plus en plus sans le leur faire payer et ça leur faisait de plus en plus plaisir sans que ça paraisse. Histoire d’essuyer mieux les plâtres, on a combiné un de nos
fameux pique-niques. »

(message rapatrié)


mots-clés : #famille #social


Dernière édition par Bédoulène le Dim 29 Oct - 15:32, édité 2 fois

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Message par Bédoulène Mer 30 Aoû - 14:46

Réjean Ducharme Cvt_la10



L'avalée des avalés

ouf je me suis moi aussi laissée avalée par le récit, par les phrases  qui s'enchainent rapides, intrépides, choquantes, bouleversantes comme le sont les idées, les actions et les sentiments de cette gamine rebelle. Sa rébellion qu'elle nourrit de sa haine, de sa force,  de sa solitude et de sa peur parce que la vie n'est que "vacherie de vacherie", les adultes ne sont pas à la hauteur, ni sa mère, ni son père lesquels dans un  profond ressentiment réciproque se sont "partagés" l'éducation  des enfants, l'aîné Christian appartiendra à la mère (catholique) et Bérénice à son père (Juif). Comment un enfant peut-il vivre son enfance,  être équilibré dans un tel foyer  ?

De Christian et Constance son amie, seuls, elle souhaite obtenir.

"Quelque raison qui m'éclaire ce soir, quelque force qui m'émeuve maintenant, il reste que Christian et Constance me hantent que je les cherche, que je les attends, qu'il faudrait que je les possède, qu'il faudrait que je ne souffre pas à cause d'eux. Il faudrait que je ne connaisse d'eux que leur visage. Il faudrait qu'ils ne soient pour moi que le fou et la reine qu'on déplace sur l'échiquier. Mais je m'ennuierais. Il ne faut pas souffrir. Mais il faut prendre le risque de souffrir beaucoup. Mais j'aime trop les victoires pour ne pas courir après toutes les batailles, pour ne pas risquer de tout perdre. Va te coucher. Vacherie de vacherie!"

"On ne peut rien contre la solitude et la peur. Rien ne peut aider. La faim et la soif ont leurs pissenlits et leur eau de pluie. La solitude et la peur n'ont rien."


Mais Bérénice  veut que son frère lui appartienne elle veut compter beaucoup, trop, pour lui alors même qu'elle est très lucide sur la soumission qu' il accorde à sa mère qu' elle veut haïr ; qu'elle croit haïr.

"Elle me dépasse. Elle m'échappe. Elle me glisse entre les yeux comme l'eau glisse entre les doigts. Pour moi c'est clair : elle est un danger, une menace terrible. C'est un soleil qui me flamberait l'âme si je ne fuyais pas, ne m'en défendais pas."

"Mon idylle avec la panthère blanche aux yeux d'azur ne dure plus, n' a plus cours. Elle a vécu ce que vit toute douceur : l'espace d'un malentendu. C'est sa faute ! C'est une imbécile. Elle est bête à pierre fendre. Elle n'a rien compris. Je l'aimais comme un garçon aime une fille.  Quand j'étais seule avec elle je ne pouvais la regarder sans avoir l'impression de faire du mal. Elle n'a rien compris."

Il faut à Bérénice se protéger en niant, en fuyant tout, même la vie.

"La vie ne se passe pas sur terre, mais dans ma tête. La vie est dans ma tête et ma tête est dans la vie. Je suis englobante et englobée. Je suis l'avalée de l'avalé."

La gamine, se réjouit des disputes entre ses parents, ce qui est d'ailleurs assez rare chez les enfants, mais elle s'en nourrit.

Le père évoquant la mère  :

"Elle a un sexe entre les jambes, elle le porte haut et droit, et un sexe, ma bonne amie, un sexe de femme, un sexe comme tu as la douleur et la honte de devoir en avoir un, c'est tout ce qu'un homme a besoin quand il prend une maîtresse. Elle copule, et ça ne lui met pas le coeur à l'envers. Elle se regarde quand elle est toute nue, et ça ne la dégoute pas. J'ai entendu dire qu'elle lave aussi souvent son sexe qu'elle se lave les oreilles. Pis, elle m'a avoué qu'elle traite son sexe comme son estomac. Quand l'un ou l'autre crie famine, elle lui donne à manger. C'est un curieux spécimen d'une race à laquelle ont ne veut plus guère appartenir : la race humaine."

La mère au père :

"-oui mes frères collaboraient ! Et j'aurais dû collaborer avec eux ! A quatre, nous aurions tué plus de juifs ! Il en resterait moins aujourd'hui. Vous ne seriez peut-être pas de ceux qui restent."

Alors que Christian se bouleverse pour ses péchés, Bérénice ne cède rien à la religion, n' y trouve aucun secours.

"Je ne marcherai pas avec Yahveh. Je marcherai contre les flammes et contre les armées. J'aime mieux être du mauvais côté, s'il faut absolument être d'un côté."

Bérénice choque son frère par son attitude, ses excès ; elle s'accorde tout de même un inceste dans la vie qu'elle a dans sa tête avant d' être expédiée  à New York par son père chez un oncle "redresseur".

"Je sors enceinte du lit de l'enfance. J'en ai plein la ceinture. Des crimes ont pris racine dans mes entrailles, et poussent, se gonglent. Quand je mettrai bas, ce sera laid ! Quand je me promènerai sur le trottoir avec ma ribambelle de crimes, ils trembleront. S'ils ne tremblent pas, ils vomiront ou me cracheront à la figure."

Son amie Constance l'accompagne dans son exil, mais elle y perdra la vie. Bérénice grandit mais elle continue à faire le "mal" et l'oncle la renvoi chez elle.

"J'ai si mal à l'âme Zio, et c'est si important d'avoir mal à l'âme quand on a très mal à l'âme, que je ne peux m'empêcher de m'occuper de mon âme."

Son père l'expédie, à nouveau, mais en Israël.

"Je crois que si les êtres humains s'habituaient à vivre sans rêves, sans leurres, sans faux-fuyants, se décidaient à prendre leur angoisse à bras le corps ils finiraient par produire des individus capables de les guérir.

Elle est incorporée dans une section de l'armée dans  poste de surveillance à la frontière.

"Le seul combat logique est un combat contre tous. C'est mon combat. C'est, sans qu'ils s'en rendent compte, le combat de tous ceux qui font la guerre.

Elle nous l'a dit Bérénice, elle aime les victoires, toutes les batailles, elle le démontrera.



L'écriture m'a encore une fois séduite et c'était pourtant un choix difficile que ce (presque) monologue intérieur d'adolescente.


mots-clés : #initiatique #psychologique


Dernière édition par Bédoulène le Ven 8 Sep - 14:39, édité 1 fois

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Message par Bédoulène Mer 30 Aoû - 14:56

Réjean Ducharme 51124k10


L'hiver de force

Encore une fois Ducharme  m'a séduite, quel livre ! Et comment vais-je arriver à vous communiquer mon plaisir de lecture avec mes mots faibles devant la force de son écriture ?  Il faut suivre André et Nicole s'accrocher à leurs pas comme ils le font eux-mêmes avec leur "Petit Pois" (Catherine) jeune femme belle et artiste, leur "Toune"  la voix qui les fait vibrer, l'air * qu'il veulent entendre,  qui les fait accourir auprès d'elle, qui coupe leur souffle quand elle s'absente ou les renvoie.

"(Pour ne pas passer notre temps à attendre son coup de téléphone, on lui a téléphoné pour lui demander si elle prévoyait qu'elle nous téléphonerait.)"

"Mais c'est injuste d'aimer quelqu'un pour sa beauté ; c'est aussi barbare et malotru que d'admirer la force, le talent ; celui qui est laid et épais** ce n'est pas de sa faute ; choisir c'est, plus que se tromper, tromper tout ce qu'on a pas choisi."

L'affection que les frère et soeur se portent est très forte, exceptionnelle ; en marge de la vie ils sont ensemble, ont les mêmes goûts pour les alcools, écoutent les mêmes musiques, philosophent et ont une prédisposition à ne rien faire, ce qui demande des efforts. Et même s'ils ne sont pas matérialistes il faut de temps à autre travailler, mais "la job payante" leur échappe, sans les bouleverser.

"Nous regagnons notre base solide : notre rêve de ne rien avoir et de ne rien faire."

"A jeun tu as beau chercher, creuser ta tête, passer des journées à ça, tu n'arrives pas à comprendre ce qui se passe. Après deux Bloody Mary, ça vient tout seul, tu le sens, tu l'as : le sens de la vie c'est d'être soûl. Et alors tu commence à parler comme un vrai Verbe."

Leurs peurs, leurs renoncements, leur générosité, leur recherche du bonheur à travers leur "Petit Pois" m'ont émue.

autres extraits

"Les cailloux portent des chevelures de mousses ou béent comme des bouches de sangsues, il ne leur manque que des yeux ; les algues propèrent, visqueuses, tentaculaires, telles qu'on n'a pas osé les regarder de travers de peur qu'elles se mettent à courir après nous."

"L'érotique c'est comme la politique pour nous ; on n'est pas capables ; c'est au-dessus de nos moyens ; on n'a pas les facultés qu'il faut. Mais en même temps que nos coeurs fuient ce danger avec des battements de grandes ailes blanches, la honte et la colère nous harcèlent : on est écoeurés d'être si épaisser, introvertis, si peu enjoués, sportifs."


"Ca fait depuis minuit qu'on se recouche puis qu'on se relève. Ca fait quatre aspirines, quatre tasses d'eau chaude et quatre douches qu'on prend. On a fait assez de tours d'horizon critiques de nos vies pour donner le vertige au hyde-a-bed. On s'est fait tellement de serments de ne plus jamais se remettre les pieds dans des plats pareils qu'on ne sait plus quoi faire avec ."

"Je suis bouffi et boutonneux, du nez, des joues, des fesses, tout partout. Ca ne fait rien. Avec sa peau lisse et satinée, avec sa petite face de minoune, Nicole est en masse belle pour deux."

"Comme d'autres font des oeuvres sans titres, elle ne ferait que des titres, des titres sans oeuvre."

"On sait un tas de choses, des bien pires encore, mais on aime mieux ne pas les dire, on ne veut pas amocher cette institution (Beaux-arts), on veut qu'elle reste comme elle est : rien. Plus qu'il n'y a rien plus qu'on est bien. Mange du vide, ça ne te restera pas sur l'estomac."





mots-clés : #social #viequotidienne


Dernière édition par Bédoulène le Ven 8 Sep - 14:37, édité 1 fois

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Message par Bédoulène Mer 30 Aoû - 15:47

Réjean Ducharme 51002310


Dévadé


Ducharme s'amuse à créer des néologismes ; il fait apparaître par rapport à la langue française un sentiment de dérision voire même de cynisme et d'ironie. Mais je trouve ses néologismes terriblement logiques dans l’originalité.

Le narrateur, Bottom,  est un paumé, un « rada » comme il le dit, qui a besoin d’au moins 6 bières  par jour pour assumer cette vie. Il nous raconte son quotidien,  ses amis ; Juba son petit Donzeur, parce qu’elle l’appelle à 11 h quand elle a besoin de se faire consoler ou de partager ses colères ses rancoeurs contre Nicolas son amant et ami de Bottom, Nicole la voisine de Juba, agréable, pas compliquée, qui tentent tous de survivre, plus ou moins facilement, avec plus ou moins de volonté.

Mais il y a surtout « la patronne » qui aide Bottom, autant qu’il l’aide. Il est  au service de sa personne car cette Dame, divorcée est handicapée, elle ne quitte pas son fauteuil. Bottom la lave, l’habille, la coiffe, bref il lui sert de femme de chambre, de cuisinier, de jardinier, de chauffeur. Il s’en occupe comme elle aime car il l’aime cette « chochotte »,  avec son caractère qui ne se défile pas devant les soucis, les siens et ceux de Bottom.

Les  relations du  petit monde de paumés :

Bottom : Je suis sorti du Marché Soir avec une grappe de six canettes ; le temps de rembrayer, j'en avais deux dans le corps. Quand j'ai eu le feu vert aux Quatre-Coins, j'avais muté, j'étais l'homme que j'aime ; le Mouvant perpétuel, le Fou fuyant, Monsieur le Prince de Personne, qui passe ou qui casse, que ça geigne ou que ça saigne, qu'elles pleurent ou qu'elles meurent, toutes autant qu'elles sont.

Au bar :
A 8 heures, fous moi à la porte !
Puis je me suis donné jusqu'à neuf heures et je me suis ramassé à et demie, trop tard pour que je me dérange ou que ça me dérange : j'avais réglé le fameux problème du mal. Je l'avais bu, éliminé en l'absorbant à rebours jusqu'à la Génèse. Il n'y en avait plus. tout était aux pommes, comme avant le péché éroginel.

Bottom et  Juba : Juba est la seule enfant de mon âge qui veut jouer avec moi. Déficient social crasse, ivrogne trépignant, elle me prend comme je suis, et comme si la sale gueule que je me suis faite pour me rassembler ne chassait pas ses mauvaises pensées, effet que je leur ai toujours fait, toutes autant qu'elles sont, les boudins les premières. On se débat on veut partir, mais elle a des yeux dont on ne sort pas ; ils ne vous retiennent pas mais ils sont trop noirs, on ne trouve plus la sortie.

Si je ne me jette pas dessus, si je résiste cinq minutes, elle basculera ; elle se pelotonnera en ronronnant dans mes bras, comme si je rêvais, comme la femme qu'on dit qu'on a quand on dit ma femme... Ca fait partie de nos cérémonies, les fastes où je l'embrasse tout mon soûl pourvu que je reste en tenue de cambrioleur (tout habillé, tout chaussé) et que je ne la touche pas ici et là. Surtout ici et là.
Juba et Bottom :

- Viens me faire comme hier !
- Rien ?
- oui, il n'y a que toi pour me le faire si bien... Et puis il y a rien et rien, et tu m'as pas fait tout ce qui m'aurait rien fait... Mais on a rien pour rien, et j'avais des idées de te servir le petit déjeuner au lit demain matin.

La patronne  à Bottom :

Tu es resté à l'âge où la liberté c'est rien, où on se trouve libre quand on est responsable de rien, quand on a rien fait qui nous lie à rien, l'âge mental du caillou le long du chemin ; on te piétine ou on te ramasse, on te tient ou on te jette...Bottom tu ne t'appartiens pas.


Elle a réservé un gâteau pour l’Anniversaire de Bottom : Je n'ai pas d'appétit, j'aurais plutôt la nausée. La crève,  mais je ne peux pas résister au bien et au bon que ce gâteau me veut malgré lui... Je n'ai rien laissé, pas une miette
d'apitoiement, pas une trace de tendresse, pas une tâche sur la porcelaine. J'ai tout englouti, croqué, léché. Si je ne passe pas la nuit, malade comme je serais , je n'aurai rien manqué.


Je sais je suis la patronne ; et c'est dans ton sang de te mettre sous un règne. Je sais je suis l'ordre dont tu ne peux te passer. Parce que tout ce que tu sais faire c'est subir et transgresser.

Bottom  et la Patronne :

Et puis chochotte comme j'ai dit et comme je l'aime, elle aime mieux que je ne dise rien, que je n'y touche pas, que ça perce sa place par ses propres forces parmi tout ce qui pousse dans notre drôle de jardin.

La patronne est décidé à ne faire semblant de rien, mais je suis trop tentant. A travers le sourire qu'elle a composé, en mi-majeur ("Seigneur que ma joie demeure" ) elle me complimente sur mes yeux pisseux, embourbés dans mes chairs qui débouffissent.

Elle m'envoie le chat. Elle a plié à son collier à puces le message de réchauffer de la soupe et de beurrer deux toasts. Elle signe "Diminou". Elle s'arrange toujours pour avoir le dernier mot.


Finalement Bottom, trouvera un emploi  à « la plonge » dans un restaurant, il recontactera la Patronne, attendant qu’elle veuille répondre à ses appels téléphoniques. Elle le fera, comme elle lui a dit un jour « tu m’aides » mais moi aussi « je t’aide ».



C’est l’histoire de Bottom, mais  ça pourrait être celle des milliers de paumés comme lui. Comme souvent dans ces vies là l’alcool sert de flotteur et les mots de Ducharme pour décrire ce désamour qu’a la vie pour ces paumés me touchent.
Je n’imagine pas qu’on puisse lire cet auteur et ne pas l’apprécier, ces mots ont une telle contenance ; ils sont goûteux comme la bière, et restent sur les cœurs comme la mousse sur les lèvres.

Bref lisez Ducharme ! à chaque livre lu je me dis celui-ci est meilleur.


mots-clés : #addiction #sexualité #social


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Message par bix_229 Mer 30 Aoû - 16:03

Content pour toi !
Bedou ou la dujardinomania !
Mon préféré reste Va savoir...


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Message par Tristram Mer 30 Aoû - 17:02

Vu l'exposé complet de Bédoulène, je vais sans doute me laisser tenter...

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Message par Bédoulène Mer 30 Aoû - 18:52

cheers

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
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Message par Dreep Ven 8 Sep - 13:12

L'Avalée des avalés

Le récit est un foisonnement d’images très vivantes, et servit d’une remarquable lucidité. Ducharme forme sous les yeux du lecteur un paysage intérieur, en bouleversement permanent. On ne quitte pas un moment les pensées versatile de Bérénice, aux prises avec des conflits familiaux ― le père est juif, la mère est catholique ―, avec sa brûlante sensibilité. Elle devient sauvage, et il faut dire qu’elle et le récit forme un seul et même corps. Les autres personnages sont en elle, elle les dévore ou se fait dévorer par eux. La conscience d’être aimée (ou méprisée) et partant, que les autres fassent d’elle leur chose ; qu’elle-même, ne fait qu’aimer des idées, des projections et non des êtres. Elle devient une aventurière à la poursuite de quelque chose d’indéfinissable. Le récit, avec ses redondances, provoque une sorte d’épuisement, mais contient des moments de poésie assez unique. Très emporté.

J'ai vraiment aimé, même si j'aurais aimé découvrir Ducharme avec moins d'expérience, plus jeune. C'était comme une ivresse.
Il me tarde de lire ses autres livres.
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Message par Bédoulène Ven 8 Sep - 14:35

merci pour ton commentaire très juste Dreep, je suis contente que tu aies aimé cette lecture et attends tes autres lectures !


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Message par bix_229 Ven 8 Sep - 17:36

Tu as raison, Dreep, plus on est jeune plus on est aspiré avec force dans l' univers de
Ducharme -un peu comme pour l' Attrape coeurs...
Mais, rassure-toi, tu es quand meme suffisamment jeune... Wink
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Message par Dreep Ven 8 Sep - 21:15

Oui, je suis même très jeune Réjean Ducharme 3656795967

Mais imaginez un peu cette lecture à l'adolescence...
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Message par Jack-Hubert Bukowski Dim 10 Sep - 8:27

Vaut mieux savoir renouer avec son regard, ou encore son coeur jeune... Smile Ducharme écrit d'une prose qui n'est toujours pas si commode à lire mais justement, on se laisse aspirer et happer au passage par tant de désinvolture et une rébellion devant l'éternel. Il ne veut pas se résoudre à entrer dans un moule avec lequel les autres voudraient l'enfermer...
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Message par Bédoulène Dim 10 Sep - 11:43

pour mieux connaître cet homme à plusieurs talents

"Et, en fait, le roman Les Enfantômes avait d'abord été conçu comme une longue lettre qui lui était destinée. En faisant porter le roman chez Gallimard par Pauline Julien, Ducharme avait d'ailleurs réclamé qu'on le fasse lire à Le Clézio. « [...] Il y a plus de vie dans ce qu'il écrit que dans tous les auteurs de Tel Quel réunis, et plus d'invention, de fraîcheur », avait écrit Le Clézio."

il faisait aussi des sculptures les Trophoux sous le nom  Roch Plante  - les créations lettres : Observatoire de la Langue

Réjean Ducharme 14579411

Réjean Ducharme Duchar10

Réjean Ducharme Roch_p10

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Message par Bédoulène Dim 29 Oct - 15:19

Réjean Ducharme Nez10

Le nez qui voque


Une préface en pied-de-nez,  qui consiste à lister quelques mots glanés dans les œuvres d’ auteurs, philosophes voire anonyme,  que l’auteur conclut ainsi : Je ne suis pas un homme de lettres. Je suis un homme.

L’histoire : Deux adolescent Mille Milles 16 ans et 8 ans, Chateaugué 14 et 6 ans. Oui car Ils veulent demeurer dans l’enfance, surtout MM qui  sent qu’il va devoir lâcher la main de l’enfant de 8 ans qu’il traîne. Chateaugué elle suit MM depuis leur petite enfance.

« Est-ce que c’est vrai qu’elle est encore une petite fille de 6 ans ? Mille Milles lui fait exprès. Mille Milles triche, Chateaugué triche-t-elle ? On dirait qu’elle ne triche pas. Même le poil sous ses bras, blond comme sa peau, à l’air enfantin, en joué, inoffensif ; doux et innocent comme l’agneau naissant. »

Comment ne pas devenir adulte ? ils décident de se « branle-basser » (conprenez suicider).

MM est écoeuré par la sexualité qui s’est éveillée en lui. Il est devenu un « hortensesturber » (il se masturbe quoi !) Rien que de très naturel en somme à son âge « Depuis que le sexuel est en moi, je suis écoeuré, je suis infect envers moi-même et pour moi-même. Je ne suis plus pur, voilà pourquoi je me tue. Voilà pourquoi je ne peux plus souffrir mon mal de l’âme, voilà pourquoi je pense que je ne vaux plus la peine que j’ai mal. »

MM confie à son cahier ses états d’âme,  disant tout et son contraire, décortiquant ses problèmes existentiels.

A vivre tous les jours ensemble, il s’aperçoit que Chateaugué  le trouble.  Elle aussi  grandit, il s’en étonne parfois.

« Est-ce l’écoeurant désir, le désir inavouable, invisible, inaudible, trop bien refoulé, bien noué dans son sac, le désir de jouer avec elle au monsieur et à la madame ? »

« Avant je pensais à l’Alaska, au Labrador, avant qu’elle soit ici. Depuis qu’elle est ici, je ne peux plus penser qu’à sa géographie. »

« Chateaugué arrête de rire, baisse la tête, cache ses yeux avec ses paupières. Soudain, d’un coup de paupières et d’un coup de tête, elle me saisit avec ses yeux, elle m’empoigne avec son regard, elle me demande quelque chose avec la couleur de ses yeux  dans une langue que je ne connais pas. Elle ne m’a jamais regardé de cette façon-là. »

Alors que MM qui a rencontré une femme, mère de famille et que celle-ci par sa désinvolture,  son attention  l’aidera à révéler l’ adulte,  Chateaugué, elle a un besoin vital de MM.

« Questa vient se rasseoir sur mes genoux. Peu à peu, la chair abondante et molle de ses fesses chauffe mes genoux. Elle est lourde. Je la porte comme il se doit, comme un homme, comme un mâle, sans me plaindre, avec orgueil. Je me sens rougir de fierté virile. Il y a dans la surabondance de chair des fesses des femmes, quelque chose de bon, de généreux, de nourricier, de secourable. De tout temps les hommes ont été attendris et alléchés par les fesses des femmes. »

MM s’interroge encore : « Je ne sais plus par quel bout prendre la vie, prendre la mort. Je ne comprends plus du tout. »

Et il décide de choisir la vie, la joie. Ce qu’il tente d’expliquer à Chateaugué :

« De quoi as-tu besoin si tu as la joie ?
Elle s’empresse de répondre, de sa voix et de ses yeux les plus doux et les plus tristes.
- De toi Mille Milles. J’ai besoin de toi. Tu peux dire ce que tu veux : ça ne change rien. Je n’ai que toi. Mais ça ne te fait pas grand-chose. Ça te fait rire. Ça te fait rire ! Tu ne peux pas le nier : tu viens de te tuer à me prouver que tout ne peut que te faire rire. »


Chateaugué  refuse cette « trahison »; d’autant que MM exige qu’elle ait une chambre à elle,(depuis quelque temps, en effet tous deux travaillent, ils sont « utiles à la société comme le dit MM) ce qui déclenche un tsunami d’émotions chez elle. Mais MM ne cèdera pas :

« A mon âme défendant, mon corps désirait le corps presque nu et presque anonyme qui ruait dans je ne sais plus quels brancards. Au fond de moi je me fichais pas mal de l’amitié. Je regardais Chateaugué et je me regardais. Plus je nous regardais, plus je pensais que tout était en péril, que cela ne pouvait plus durer.  Si je lui disais de rester, les  richesses que nous avions été allaient sombrer, les merveilles que nous avions été allaient sombrer dans la cochonnerie, le ridicule, le remords et la haine. »

Seule, elle se retrouve seule et un évènement lui permettra de mesurer ce qui les lie ou se délie entre eux.

« Je te jure, Mille Milles, que si je t’avais vu perdre connaissance, j’aurais eu tellement peur de te perdre que je n’aurais eu peur de personne, que personne n’aurait été capable de m’arrêter. »

Les deux adolescents continueront à déjeuner ensemble dans les restaurants, à se promener, mais leur approche est trop différente.

« Mon regard cherchait à s’enfoncer entre les genoux serrés d’une femme, goûtait à sa peau tendre, allait au-delà, atteignait la pulpe fraîche. »

« Il m’en est bien passé par la tête. J’ai quitté mon banc vert. J’ai pris mon cœur à deux mains. Je lui ai dit que je l’aimais à tout casser. «  [….]Je riais avec elle, mais je n’avais pas le goût de rire. J’avais la bouche trop engourdie. J’avais la bouche habitée, pleine, pleine de feu. Elle n’y a vu que du feu…


Si MM, comme il l’a dit « a triché », Chateaugué elle ne trichera pas avec la vie, ni avec la mort.

***

Encore une fois, même si j’ai trouvé quelques longueurs, les mots de l’auteur m’ont accrochée. Ducharme dévoile par le choix de ses sujets, des hommes et des femmes en rupture avec la société, les délaissés,  beaucoup d’empathie.
Les désarrois, les découvertes des adolescents sont bien décrits même s’ ils restent  incompréhensibles à l’adulte, souvent.



Extraits de plus :

Car MM hait les automobiles et les hommilistes (automobilistes)

« Une automobile rouge, une petite européenne fringante, plus jalouse encore que les autres de son droit de passage, glissait de côté à toute allure en criant victoire de tous ses pneus et s’abattait sur Chateaugué. »
« Devenir adulte c’est entrer, être pris de plus en plus dans le royaume du mal. Même quand il ne fait rien l’adulte vous dit qu’il est occupé. Il est occupé par le mal, investi par la douleur morale. »
« De nouveau je suis seul. Je regarde l’absence de Chateaugué se promener entre les meubles. »




mots-clés : #enfance #initiatique

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Message par Tristram Dim 29 Oct - 15:26

Je sens que je vais craquer. Avalé ?

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Message par Bédoulène Dim 29 Oct - 15:41

je les ai tous aimé !

Bix te diras "Va savoir"

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Message par bix_229 Dim 29 Oct - 15:48

Bravo et merci Bédou !

Tu as raison, dans mon souvenir, Le Nez qui voque n' est pas mon préféré.

Par manque de tonus, j' ai trainaillé, mais je vais commencer L' Avalée des avalés ! Réjean Ducharme 1743235393
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Message par Tristram Dim 29 Oct - 15:52

Tu confirmes Va savoir en priorité ?

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Message par bix_229 Dim 29 Oct - 16:07

C' est mon préféré, mais c' est sujectif et meme affectif !
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