Kurt Vonnegut, jr

Merci, animal.

Tristram, on compte sur toi !

Je suis très vache je tronque mais ça en laisse pour les futurs lecteurs

Il n'y eut pas de blessés, Dieu soit loué, car les deux conducteurs avaient attaché leur ceinture de sécurité. Dieu merci, Dieu merci. La Mercedes n'y laissa qu'un phare. Mais l'arrière de la Cadillac était un rêve érotique pour carrossier. Le coffre et les ailes étaient en bouillie, la malle bâillait comme la bouche d'un idiot de village en train d'expliquer qu'il ne connaît rien à rien. Les portières haussaient les épaules. Le pare-chocs était presque vertical. "La présidence à Ronald Reagan", clamait un autocollant qui y adhérait encore. La lunette arrière s'étoilait. Le pot d'échappement était sur la chaussée.

conclusion : la Mercedes est plus costaud que la Cadillac !

j'aime bien l'expression de la malle !

L'extrait sur la librairie met précisément en perspective singulière une posture d'être, c'est très attirant comme scanssion, rythme. ça sort de la contemplation, ça dynamise un néant ou une gratuité. j ai lu a vol le fil, du coup je ne sais si c'est pertinent, comme remarque, mais je papote aussi (j'ai rigolé à ce commentaire de topocl, bon je reviens ici apres deux mois de globale absence et le sel du lieu me saute à la figure, il y a en effet aussi , ici , le plaisir de voir s'articuler un discours quel qu'il soit autour des mots !)
Je venais de lire le fil sur Simonetta Greggio, étais happée par ses promesses, car son écriture semble réhausser ce qui fait trop mon quotidien, une conscience contemplative et en retrait, sur Morante le sentiment de solitude, et tomber sur cette écriture, au vol et à la suite semble inviter à une toute autre démarche débroussaillante, une échappée vers une sorte de testostérone solutoire à une mélancolie de vivre en marge ou en fétu de paille. A suivre, Greggio comme Vonnegut, sans aucun doute !

Nadine qui revient au galop !

Puisses tu dire vrai. On devient plus solide à vous fréquenter.

Tremblement de temps

quatrième de couverture a écrit:2001 : un « tremblement de terre temporel » renvoie tout le monde en 1991. Un nouveau départ ? Pas vraiment.
L'histoire recommence à l'identique. Les gens commettent des erreurs déjà commises, les mêmes catastrophes se produisent encore et encore. Qui délivrera l'humanité de son infernale apathie ? Kilgore Trout lui-même, l'alter ego littéraire de l'auteur ?

Tel aurait pu être le nouveau roman de Kurt Vonnegut, l'auteur culte d'Abattoir 5 et du Petit déjeuner des champions. Sauf que Kurt n'a pas envie de l'écrire. En tout cas, pas comme ça. À la place, il livre au lecteur la genèse de son récit avorté, et en profite pour l'embarquer dans un étourdissant voyage au pays de la fiction.

Brillante méditation sur les États-Unis, la guerre, les amis, la famille et les choix qui nous composent - la vie, quoi d'autre ? -, Tremblement de temps est un objet littéraire unique, à mi-chemin entre le roman et l'autobiographie. Vonnegut s'y dévoile comme jamais, et livre les clés d'une oeuvre dont le succès, ici comme ailleurs, ne s'est jamais démenti.

Amis de la trame linéaire et explicite passez votre chemin ? Amis du commentaire de lecture clair... aussi ? C'est un joli petit bazar ce Tremblement de temps, tissé d'anecdote, d'appels et de personnages historiques, un petit bazar où distinguer le vrai du faux risque de devenir superflu !

Et il faut en prime s'appuyer l'humour, léger, de l'auteur ainsi que l'omniprésence de Kilgore Trout. Envahissant ? Jusqu'à en devenir sympathique ? Pas impossible.

La sensation d'une lecture décousue mais sympathique, ce Vonnegut a décidément l'air de quelqu'un de bien. L'argument prophétique de la science-fiction est a l'air presque inexploité et en même temps il est là tout le temps, au présent, libre arbitre ? c'est explicite. Tout le reste qui fait une pâte d'images et d'habitudes ça l'est moins et pourtant là-dedans il cherche, retourne, repositionne, rappelle, adoucit beaucoup de choses... sans oublier de dire tout ce qui ne tourne pas rond pour lui, la ligne pacifiste et humaniste est toujours aussi claire.

Et il est observateur. On s'y perd, on s'y amuse, on s'y égare... ça ne donne aucune impression de grand livre mais avec sa manière de brouiller autant les pistes que les niveaux de lecture et pour sa sincérité on en sort forcément mieux qu'on y rentre.

Ca me va moi. Et je reviendrai avec des extraits !

"Réveillez-vous ! Réveillez-vous ! Vous avez à nouveau votre libre arbitre, et il y a du pain sur la planche !"

mots-clés : #contemporain #humour #sciencefiction

Pas clair et sympathique ? C'est l'impression que ça donne !

plus facile ce livre pour entrer dans l'univers de l'auteur et la science fiction ? une science fiction accessible et pas trop SF ? oui je ne suis pas claire

ce n'est pas tant l'aspect SF que celui peu narratif qui me ferait douter ?

Je ne sais pas pour ce livre en particulier, mais ce qu'écrit Vonnegut (et nombre d'autres) a été rangé à une époque sous l'étiquette SF, et comme celle-ci rebute de nos jours la plupart des lecteurs "sérieux", on l'a supprimée. Cette étiquette recouvre d'ailleurs des genres "anticipation", "uchronie", etc. qui n'ont souvent rien à voir avec la science, même de loin. Le souci de cette étiquette, c'est qu'elle fait de certains auteurs de talent et inventifs des parias qui ne sont plus lus, alors qu'une part non négligeable de la production actuelle, d'ailleurs souvent médiocre, pourrait être rattachée à ce genre "mineur"...

J'en connais qui vont sourire avec cet extrait du prologue, ce sont d'ailleurs les premières lignes du livre :

En 1952, Ernest Hemingway a publié dans le magazine Life une longue nouvelle intitulée Le Vieil Homme et la mer. C'est l'histoire d'un pêcheur cubain qui n'a rien attrapé depuis quatre-vingt-quatre jours. Ce Cubain ferre un énorme marlin. Il le tue et l'amarre le long de son petit bateau. Mais avant qu'il ait eu le temps de regagner le rivage, des requins dévorent toute la viande sur le squelette.
A l'époque où la nouvelle est parue, j'habitais à Barnstable Village, au cap Cod. J'ai demandé ce qu'il en pensait à un voisin, pêcheur de son métier. Il m'a répondu que le héros était un imbécile. Il aurait dû lever les meilleurs morceaux de viande, les caler au fond de sa barque, et abandonner la carcasse aux requins.

(vous aurez la suite après !)

je pense tenter un jour (que j'aurai un peu de temps !)

La suite :

Allez savoir si les requins qu'Hemingway avait en tête n'étaient pas en réalité les critiques qui avaient peu apprécié son premier roman en une décennie, Au-delà du fleuve et sous les arbres, sorti deux ans plus tôt. Autant que je sache, il n'a jamais affirmé une chose pareille. Mais si ça se trouve, le marlin, c'était son livre.
Et voilà que moi, à l'hiver 1996, je me trouvais être le créateur d'un roman qui ne tenait pas debout, qui n'allait nulle part et qui, pour commencer, n'avait jamais demandé à être écrit. Merde ! J'avais, si vous voulez, passé pas loin d'une décennie sur ce poisson ingrat. Et il n'était même pas bon à appâter les requins.

Ou autre chose, une fin de chapitre avant de repartir sur encore entre chose (Shakespeare ?) :

Trout, tellement réticent à jouer à la roulette russe de son plein gré à son âge, surtout quand la vie d'autres personnes était en jeu, se rendit finalement compte que, pour le meilleur ou pour le pire, il ferait mieux de se bouger le cul. Mais que faire ?

animal a écrit::

Et voilà que moi, à l'hiver 1996, je me trouvais être le créateur d'un roman qui ne tenait pas debout, qui n'allait nulle part et qui, pour commencer, n'avait jamais demandé à être écrit. Merde ! J'avais, si vous voulez, passé pas loin d'une décennie sur ce poisson ingrat. Et il n'était même pas bon à appâter les requins.

pas de quoi effrayer !

Un autre petit extrait, de contenu, de manière et de contexte :

S'il avait existé un ensemble significatif de potentiels acheteurs de livres portant un quelconque intérêt aux riches Germano-Américains d'Indianapolis, j'aurais pu, les doigts dans le nez, pondre un roman-fleuve démontrant qu'en fait, mon grand-père avait tué ma mère, bien qu'à petit feu, en l'abandonnant il y avait si longtemps.
"Ding, dong, espèce de gros fils de pute !"
Titre de travail : Autant en emporte le vent.

Quand ma mère a épousé mon père, un jeune architecte de condition modeste, des politiciens et tenanciers de saloons et la crème de la société germano-américaine d'Indianapolis leur ont offert un trésor de cristal et de linge de maison et de porcelaine de Chine et d'argent - et même de l'or.
Shéhérazade !
Qui aurait pu douter alors que même l'Indiana possédait sa propre lignée aristocratique, dotée de possessions inutiles capables de rivaliser avec celles des arrogants trous du cul de l'autre hémisphère ?
Durant la Grande Dépression, ça nous semblait juste être de pauvres bibelots à mon frère et ma sœur, notre père et moi.
Le trésor est à présent aussi dispersé que la classe de 1940 du lycée de Shortbridge.
Auf Wiedersehen.

OK, à lire donc.