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Jonathan Swift

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Message par animal Lun 4 Mar - 22:15

Jonathan Swift
(1667-1745)


Jonathan Swift Swift_11

Jonathan Swift, né en 1667, mourut en 1745. Ayant étudié la théologie, il devint pasteur, mais préféra se consacrer à la politique, où il joua un grand rôle par ses satires et ses pamphlets, notamment en faveur de l'Irlande, son pays. Il avait la passion de dénoncer l'injustice, l'hypocrisie, la malhonnêteté, et sut le faire avec un humour et un génie, qui ont donné une valeur universelle à ses "Voyages de Gulliver" (1726), son oeuvre la plus célèbre mais aussi à des textes dont on redécouvre la vivacité, comme la "Modeste Proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d'être à la charge de leurs parents et de leur pays" (1729) et les "Instructions aux domestiques" (1745).

Source : ecoledesloisirs.fr

Plus développé : larousse.fr

Bibliographie : (source wikipedia)

- Pamphlets et Satires (1703-1735)
- La Bataille des livres (1704)
- Le Conte du tonneau (1704)
- Argument sur l'abolition du christianisme (1708)
- Méditation sur un balai (1710)
- Lettre de conseils à un jeune poète (A Letter of Advice to a Young Poet) (1721)
- Les Lettres du drapier (1724)
- Cadenus et Vanessa (1726)
- Les Voyages de Gulliver (1726)
- Modeste Proposition (1729)
- Dernières paroles d'Ebenezer Elliston (The Last Speech and Dying Words of Ebenezer Elliston) (1732)
- La Conversation polie (1738)
- Instructions aux domestiques (1745)
- Journal à Stella (1762-1766)
- Journal de Holyhead, tenu du 22 au 29 septembre 1727 et publié pour la première fois en 1882
- L'Art du mensonge politique, attribué à Jonathan Swift (1733)

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Message par animal Lun 4 Mar - 22:29

récup par épisode. très très très bon souvenir !


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Les voyages de Gulliver

Lecture de la version disponible chez Folio avec préface du fils du traducteur (Maurice et Emile Pons). Préface qui présente un peu l'auteur, sa place dans la société et ses aspirations (plutôt critique, progressiste, et portant du côté de l'Irlande, avec des réserves ?). La préface insiste sur les référence de Swift à sa satire des milieux politiques et de leurs rivalités de personnes et jeux d'influences.

Première partie : voyage à Lilliput.

Lemuel Gulliver, chirurgien de Marine (de milieu relativement modeste qui s'est maintenu si ce n'est élevé) s'échoue sur une île peuplée de petite gens (quelques pouces) suite au naufrage de son navire. Tout est à l'échelle des habitants, Gulliver est de la taille d'un grand arbre, en gros. Cette société s'avère après le premier contact très policée et évoluée (avec quelques différences marquées vis à vis de l'Europe d'alors) et notre grand dadais s'acclimate assez facilement, dévorant seulement de quoi nourrir beaucoup de monde et donnant un coup de main de temps en temps. Notamment dans la guerre qui oppose les habitants de Lilliput à ceux de Blefuscu, l'île voisine. Une lointaine querelle sanguinaire les oppose a propos de.... la façon de manger/ouvrir les oeufs (gros bout ou petit bout ?).

C'est le journal de Gulliver que nous lisons, ces observations sur cette société, sans trop de détail pour ne pas ennuyer le lecteur, et une manière de ménager, de se soucier de sa personne. On aurait pu imaginer un instant que la différence de taille permette des abus mais il n'en est rien, Gulliver se range continuellement du côté des justes, toujours attentif. Pas tant de choses sur cette société différente, si ce n'est en fin de compte qu'on en retient rapidement les grands traits et surtout les apparences. C'est dans l'art de le dire que ça se passe. L'art de raconter des histoires qui en disent long sur l'art d'en dire d'autres et d'en faire.

Les personnages de la galerie sont plaisants, agréables (à quelques exceptions près) mais jamais complètement sympathiques, toujours quelque chose qui cloche. Le divertissement pince sans rire qui longe le précipice.

Lecture très facile, plus grinçante que les souvenirs d'enfance c'est sûr, surtout dans la personnalité de Gulliver, un poil arriviste, un poil faux-jeton.

A l'époque de la publication ça faisait grincer aussi ce genre d'histoires où certains pouvaient se reconnaitre au point que la publication fut faite sous pseudonyme.

Curieux de la suite...

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Message par animal Mar 5 Mar - 20:54

Jonathan Swift Swift_11

Deuxième partie : Voyage à Brobdingnag

Cette fois ci notre Gulliver se retrouve pensionnaire d'un peuple de géants et après avoir été montré en spectacle par un fermier il est rapidement adopté par la famille royale qui lui prête une oreille attentive et amicale.

Ce deuxième voyage est peut-être plus intéressant encore, plus drôle, plus satirique, un peu plus méchant. Le caractère de notre Gulliver n'est que peu ébranlé par sa petite taille si on passe sous silence quelques embarrassantes mésaventures. Il se fait fort de s'instruire et d'instruire ses hôtes. Ce peuple de géant est plus différent des européens que ne l'étaient les lilliputiens. Ils sont plus terre à terre ne se lancent pas de grandes spéculations et se battent peu. Gulliver en est choqué du dédain du Roi pour les querelles et manipulations qui ont court dans sa belle Angleterre. Voire les citations en début de fil si je me souviens bien.

On monte en puissance et la relativisation joue plus fort après Lilliput, différences d'échelles et de perceptions pour mieux conserver, toujours, les identités et tourner autour du jeu des points de vue et des perceptions... un peu plus amer quand cela dévoile aussi avec beaucoup de recul les aspects les plus simples : les apparences physiques, la peau. Plus amer quand s'affirme l'immuable de l'esprit, l'aveuglement. Le Gulliver héros à la bonne apparence est de plus en plus victime malgré lui de ces drôles de récits. Le constat politique est forcément lui aussi sombre.

Ce deuxième voyage est donc un impressionnant rebond sur le premier. Le récit toujours vif laissant entrevoir de plus en plus de perspectives, le simple jeu des échelles imprimant une tournure différente, plus perméable à l'esprit du lecteur. On effleure le jeu de massacre dans une parfaite bonne humeur, plus c'est édifiant plus ça l'est naturellement à l'envers.

Et plus ça va plus cette lecture est prenante.

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Message par Nadine Mar 5 Mar - 20:58

A la bonne heure, à suivre, et j'ai hâte. Il faudra que tu jettes un oeil sur le livre de Cyrano de Bergerac, Voyage dans la Lune, qui décline ces données. Sans doute avec moins de brio , je devrais le relire.
Je vais lire Les voyages de Gulliver. Merci
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Message par animal Mar 5 Mar - 21:14

Il faudra certainement me le rappeler mais c'est alléchant. tongue

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Message par Bédoulène Mar 5 Mar - 22:14

de bien jolies images en tout cas !

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Message par Aventin Mer 6 Mar - 18:00

Jonathan Swift 2126147062 Animal, dans ces conditions j'épingle un commentaire sur Voyage au pays des Houyhnhnms pour d'ici la fin du mois !
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Message par animal Jeu 7 Mar - 0:19

Chouette, on continue le voyage.


Jonathan Swift Gulliv11

Troisième partie : Lagado, Laputa, Glubbdubdrib, Luggnagg et Japon

Nouveau voyage, nouveau naufrage. Sur l'île de Lagado les maitres pensent à tort et à travers, spéculations, mathématiques, culte de l'excentricité, indifférence et asservissement de l'île de Laputa à laquelle l'île volante est liée par son champ magnétique. On retrouve donc la même mode et des maisons de travers et des idées farfelues pour tout améliorer et tout empirer.

Un voyage très politique et satirique encore, plus proche de l'Irlande de l'auteur sans doute dominée et étouffée. Complètement fou, encore plus irréel alors que les proportions sont justes dans ce voyage. C'est un enfer mental qui se dessine d'élucubration en élucubration dans lesquelles d'ailleurs Gulliver se sent plutôt à l'aise et exprime perpétuellement son avis. Un enfer surréaliste d'une projection future en dépit de tout, une folle liberté conditionnée. Impression renforcée par l'îlot de normalité d'une des fréquentations de Gulliver et mécanisée par la visite de l'Académie et sa succession grotesque de folies.

Plus loin Glubbdubdrib et Luggnag on pense beaucoup aussi mais on se rapproche des morts, notre Gulliver se rapproche de la mort. Cruel passage sur l'immortalité. La fuite en arrière vers la raison d'un passé tissé de mensonges et toujours insaisissable. Une partie du voyage qui exprime également un danger plus grand, Gulliver est moins maitre de ses relations, son savoir vivre et sa séduction comme en sourdine, il est plus maladroit qu'à l'accoutumée. Bizarre.

Le passage par le Japon fait comme un sas de décompression pour le lecteur mais forme aussi un lien géographique et d'univers avec le monde du lecteur et de Gulliver, l'Europe. Les lubies et le danger du voyage se retrouvent et coexistent dans ce court passage.

Intéressante partie, beaucoup plus composite que les précédentes, encore plus poussée dans ses singularités (à l'inverse des apparences), plus violente dans ses polarités et encore plus trouble dans ses motivations... sans se départir de la redoutable fluidité de ce récit de voyage qui bascule vers l'intérieur.

ça fait un peu peur mais il se passe quelque chose c'est sûr. c'est un constat noir teinté d'une insistance vivante mais coupable qui est le lien auquel on reste accroché et qui permet cette brève excursion au milieu de nous-mêmes.

c'est à la fois sombre et très motivé et vivant. Et porté par une écriture aussi classique que réfléchie qui va pousser en déséquilibre l'attention de la lecture. le petit quelque chose qui pique au vif.

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Message par animal Ven 15 Mar - 23:24

et nous n'avions donc pas terminé le voyage ?

Jonathan Swift Gulliv12

Quatrième partie : Voyage au pays des Houyhnhnms

Cette fois Gulliver part capitaine mais il y a mutinerie et il se retrouve déposé sur une petite île de l'hémisphère sud. Il y rencontre d'abord d'affreuses caricatures d'humains les yahoos puis de magnifiques chevaux doués de raison les houyhnhnms. Houyhnhnms qui parlent et vivent un peu comme des humains.

Gulliver se retrouve donc à vivre chez un de ces houyhnhnms qu'il appelle son maître et auprès duquel il apprend en quelque sorte la raison. Raison opposée à la bassesse et à la bestialité des yahoos, qui sont sales, griffus, méchants, etc.

Tout cela serait bel et beau si on n'en était pas arrivé si loin dans les péripéties désenchantées de Gulliver. Celui-ci est en pratique un yahoo domestique en mieux, il est ouvertement inférieur et cela lui convient cette fois parfaitement. Les sublimes chevaux se révèlent sages mais inégalitaires au possible et comme dépourvus pas seulement de passions mais de la moindre affection, tout se résumant, sans fin, à un pragmatisme "pour le meilleur".

L'ultime voyage, le voyage au contraste le plus fort, celui qui donne un miroir à l'apparence en montrant la vision du dégoût à mots à peine couverts. Le voyage le plus proche d'une situation normale ou le sujet (Gulliver) a cédé, se rend à quelque chose qui se doit forcément d'être supérieur. Ce dernier épisode achève donc le retour à une situation on ne peut plus concrète et proche et c'est aussi le pire, le plus grinçant le plus déstabilisant. Les causes sont ce miroir physique et la moindre présence de supercheries, de masques devant la morale, morale qui est le principal sujet de ces voyages.


Au final la lecture est un grand voyage, vers l'intérieur avec toute une belle maitrise des modes de la littérature de voyages et de l'exotisme avec des manières de mille et une nuits et quelques emprunts et influences par dessus. Le résultat est très riche, très cohérent... et un peu effrayant, très pessimiste, heureusement grinçant. Une lecture active, bien loin de la punition, édifiante tout de même et qui s'avère vertigineuse dans son rapport de la forme au contenu. Quelque chose d'une mécanique mutante dans la cohérence mouvante triste ou enjouée, blessante ou blessée qui se distingue souvent difficilement dans les mouvements de l'ensemble sous la peau de l'histoire simple et dépaysante. L'art et la manière de dire explicitement autre chose autrement au delà de la simple image utilisée. C'est un peu fou toute cette histoire. Brrrrrrrr...

L'édition Folio propose quelques compléments simples et assez intéressant pour meubler les plus grosses lacunes du lecteur en histoire et pour se faire une idée au moins sur les références employées par l'auteur.

Il y a quelque chose qui turlupine avec cette quatrième partie quand même. L'ensemble sent le texte qui n'a pas été écrit en deux jours et on devine ou on ne se trouble pas si on pense à des fluctuations d'humeur au fil des pages (à l'écrire on pourrait dire aussi que cette animation est une autre des qualités du livre) or cette quatrième partie est la seule à sembler pouvoir "contenir les autres", et elle est la dernière, comme un mauvais tour temporel, pas que temporel.

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Message par Aventin Dim 17 Mar - 8:06

Jonathan Swift 2126147062 tu m'as devancé, Animal, merci, finement observé !
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Message par bix_229 Dim 17 Mar - 12:07

Bel effort, Animal, mais Swift le mérite.
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Message par bix_229 Dim 17 Mar - 12:24

Jonathan Swift était irlandais et très attaché à son pays. Très sensible,
il utilisa sa verve qui était grande et féroce pour fustiger le colonisateur,
la Grande Bretagne.

A qui il impute la misère noire des natifs et notamment des mères et des enfants.
Son humour était noir. Du plus beau noir, celui de Blake ou de Canetti.

Dans Modeste proposition et autres textes, il écrit :


Un jeune américain de ma connaissance, homme très-entendu, m’a certifié à Londres qu’un jeune enfant bien sain, bien nourri, est, à l’âge d’un an, un aliment délicieux, très-nourrissant et très-sain, bouilli, rôti, à l’étuvée ou au four, et je ne mets pas en doute qu’il ne puisse également servir en fricassée ou en ragoût.

J’expose donc humblement à la considération du public que des cent vingt mille enfants dont le calcul a été fait, vingt mille peuvent être réservés pour la reproduction de l’espèce, dont seulement un quart de mâles, ce qui est plus qu’on ne réserve pour les moutons, le gros bétail et les porcs ; et ma raison est que ces enfants sont rarement le fruit du mariage, circonstance à laquelle nos sauvages font peu d’attention, c’est pourquoi un mâle suffira au service de quatre femelles ; que les cent mille restant peuvent, à l’âge d’un an, être offerts en vente aux personnes de qualité et de fortune dans tout le royaume, en avertissant toujours la mère de les allaiter copieusement dans le dernier mois, de façon à les rendre dodus et gras pour une bonne table. Un enfant fera deux plats dans un repas d’amis ; et quand la famille dîne seule, le train de devant ou de derrière fera un plat raisonnable, et assaisonné avec un peu de poivre et de sel, sera très-bon bouilli le quatrième jour, spécialement en hiver.

J’ai fait le calcul qu’en moyenne un enfant qui vient de naître pèse vingt livres, et que dans l’année solaire, s’il est passablement nourri, il ira à vingt-huit.

J’accorde que cet aliment sera un peu cher, et par conséquent il conviendra très-bien aux propriétaires, qui, puisqu’ils ont déjà dévoré la plupart des pères, paraissent avoir le plus de droits sur les enfants.

La chair des enfants sera de saison toute l’année, mais plus abondante en mars, et un peu avant et après, car il est dit par un grave auteur, un éminent médecin français, que, le poisson étant une nourriture prolifique, il naît plus d’enfants dans les pays catholiques romains environ neuf mois après le carême qu’à toute autre époque : c’est pourquoi, en comptant une année après le carême, les marchés seront mieux fournis encore que d’habitude, parce que le nombre des enfants papistes est au moins de trois contre un dans ce royaume ; cela aura donc un autre avantage, celui de diminuer le nombre des papistes parmi nous.
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Message par Bédoulène Dim 17 Mar - 14:01

merci Bix, je n'imaginais pas une telle férocité ! mais compréhensible !

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Message par Aventin Mar 26 Mar - 21:23

Voyage au pays des chevaux

Titre original: A Voyage to the Country of the Houyhnhnms - écriture entamée en 1710, achevée en 1715.

Jonathan Swift Swift12

Lu dans la collection bilingue Aubier-Flammarion(ci-dessus), 156 pages environ (donc à diviser par 2 pour le texte monolingue) hors notes, introduction, tableau chronologique et carte.
On peut le lire en langue originale ici.

Bédoulène a écrit:merci Bix, je n'imaginais pas une telle férocité ! mais compréhensible !
Humour en effet, comique de situation, avec ce pseudo-réalisme absurdisant dans lequel le lecteur "mord", très fécond en matière imaginative, goût à grand peine contenu de la scatologie parfois, on sait aussi que le Doyen Swift affectionne les puns (jeux de mots, calembours), même si ce n'est pas patent dans cet écrit (plutôt dans ses discours et échanges épistolaires).

Sur l'aspect férocité:
Misogynie (à nos yeux d'aujourd'hui c'est plus qu'exaspérant, c'est rédhibitoire, mais c'était nettement moins pointé en son temps et en son lieu, même si le terme existait, disons que "ça passait" beaucoup mieux), misanthropie (ceci en revanche était clairement mis en avant par ses contemporains, et est un des thèmes principaux de Voyage au pays des Houyhnhnms).
Misanthropie ?
Ou peut-être plutôt -c'est du moins mon avis- peine sincère à voir ce que la créature la mieux dotée en raison de l'univers fait de celle-ci.

Férocité toujours dans détestation des corps constitués en tant que tels (nobles, hommes de lois, docteurs, réthoriciens, beaux parleurs, ceux qu'on appelait dans le Royaume-Uni d'alors les antiquaires -pédants détenteurs de connaissances, etc..) les individus, pris séparément, parviennent à trouver grâce à ses yeux .

animal a écrit:
Au final la lecture est un grand voyage, vers l'intérieur avec toute une belle maitrise des modes de la littérature de voyages et de l'exotisme avec des manières de mille et une nuits et quelques emprunts et influences par dessus. Le résultat est très riche, très cohérent... et un peu effrayant, très pessimiste, heureusement grinçant. Une lecture active, bien loin de la punition, édifiante tout de même et qui s'avère vertigineuse dans son rapport de la forme au contenu. Quelque chose d'une mécanique mutante dans la cohérence mouvante triste ou enjouée, blessante ou blessée qui se distingue souvent difficilement dans les mouvements de l'ensemble sous la peau de l'histoire simple et dépaysante. L'art et la manière de dire explicitement autre chose autrement au delà de la simple image utilisée. C'est un peu fou toute cette histoire. Brrrrrrrr...
Sur la qualité littéraire:
Jonathan Swift est un maître-conteur, trois siècles qu'il est reconnu en tant que tel, mais pas à la façon d'une étoile éteinte qui émet encore une brillance perceptible, non, rien n'est éteint au lecteur d'aujourd'hui, je me joins au Brrrrrrrr... que tu pousses devant tant de rationalisme exacerbé, comme j'en pousse un identique devant 1984 d'Orwell ou le transhumanisme: au fond, n'y a-t-il pas des points de jonction entre tout ceci ?    

Le lire en anglais fut très agréable, plus aisé que ce à quoi je m'attendais - salvifique même si, comme moi, votre boulot vous immerge dans le globish à 300 mots de vocabulaire en vigueur internationalement à notre époque et oui, je me retiens à temps de verser à mon tour dans la comparaison évoquant une substance d'excréments.

Tout à l'opposé, c'est parcourir une belle langue riche d'auteur qu'on imagine homme de qualité et de répartie, ouvrage fluide, de plume alerte, littérature fortement pensée et sûrement échafaudée avec soin, comme le suppute aussi Animal, écriture beaucoup plus charmante que désuète.

Il y a aussi cette façon de narrer cru (les pipis-cacas scatologiaques, la tentative de la femelle Yahoo pour alpaguer Lemuel Gulliver à poil dans la rivière, etc...), en droite succession de l'époque médiévale et renaissance, qui s'allie au conte philosophique à tiroir, genre littéraire très XVIIIème avec cette obsédante Raison majuscule, quête graaloïde des Lumières: or Swift écrit ça dans les années 1710...
Est-il un précurseur ?
Je ne suis pas assez ferré (oui, ferré, restons chevaux) en littérature XVIIIème pour l'affirmer.


Est-ce que quelques extraits vous diraient (ou bien Gulliver, c'est déjà assez connu comme ça) ?
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Message par animal Mar 26 Mar - 21:44

(Certainement utiles les extraits).

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Message par Tristram Mer 27 Mar - 1:33

Ah ! Swift ! Le lire c'est comme retourner dans le mythe originel, où rien ne peut vraiment surprendre.
Il participe du même esprit que Rabelais, de ces limbes un peu grasses d'où tout vient.
Extrait, dans le goût de l'époque avant l'Histoire, celle de l'innocence et du rire (Voyage à Brobdingnag) :
« Peu de temps après, ma maîtresse entra et, me voyant tout sanglant, elle accourut et me prit dans ses mains. Je montrais le rat du doigt avec un sourire, et, par d’autres signes, je lui fis comprendre que j’étais sain et sauf. Elle en fut très heureuse et fit venir la servante qui enleva le rat avec une paire de pincettes et le jeta par la fenêtre. Ensuite, elle me posa sur la table où je lui montrai mon sabre couvert de sang, et après l’avoir essuyé avec le revers de ma veste, je le remis dans son fourreau. J’avais besoin de faire quelque chose que personne ne pouvait faire pour moi. J’essayai donc d’obtenir de ma maîtresse qu’elle me déposât sur le sol. Quand ceci fut acquis, ma timidité naturelle me permit seulement de désigner la porte et de m’accroupir à plusieurs reprises. La brave femme finit par comprendre ce que je voulais ; elle me prit dans sa main et m’emmena au jardin où elle me posa par terre. Je parcourus une centaine de toises et, m’assurant qu’elle ne me regardait ni ne me suivait, je me glissai entre deux feuilles d’oseille pour satisfaire aux lois de la nature. »

« Souvent, elles me déshabillaient de la tête aux pieds et me couchaient ainsi, tout en long, contre leurs seins. Ce qui ne manquait pas de me dégoûter, car, à vrai dire, une odeur répugnante se dégageait de leur peau. […]
Elles se déshabillaient devant moi et enfilaient leur chemise en ma présence pendant que je me trouvais sur leur table de toilette, juste en face de leur nudité. Cette vue était loin d’être pour moi une tentation et ne me donnait d’autres émotions que celles de l’horreur et du dégoût. […] La plus jolie de ces demoiselles d’honneur, une jeune fille de seize ans agréable et espiègle, s’amusait parfois à me mettre à cheval sur l’un de ses bouts de sein, avec nombre d’autres caprices sur lesquels le lecteur voudra bien m’excuser de ne rien dire. »
C'est aussi la narration d'un voyage, dans la continuation de celle d'Ulysse, d'île en île, comme l'Utopie de More et tant d'autres.
C'est encore un ton qui est plus que moderne : intemporel.
« Car, s’il avait suivi mes conseils, il aurait pu aussi bien être au chaud, chez lui, avec sa famille. Moi aussi, d’ailleurs. »
Jonathan Swift, « Voyage au pays des Houyhnhnms », in « Voyages de Gulliver »

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Bédoulène Mer 27 Mar - 7:24

quels extraits, merci à tous !

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Message par Aventin Mer 27 Mar - 18:39

Tristram a écrit:
« Car, s’il avait suivi mes conseils, il aurait pu aussi bien être au chaud, chez lui, avec sa famille. Moi aussi, d’ailleurs. »
Jonathan Swift, « Voyage au pays des Houyhnhnms », in « Voyages de Gulliver »
Alors ce passage-là est au tout début, suivant une technique de conteur éprouvée,et bien entendu  le ressenti de Lemuel Gulliver sera absolument tout autre lorsqu'il lui faudra envisager, puis effectuer son retour.

NB: Veuillez m'excuser pour la longueur des extraits ci-dessous !

Les passages ci-dessous indiquent, je crois, assez la joliesse fluide de la langue de Swift, à noter que, dans cette version originale trouvée sur la Toile, beaucoup de majuscules ont été omises aux noms communs, ne respectant pas l'usage en vigueur lors de l'écriture et de la parution initiales.

La traduction française, elle aussi trouvée sur la Toile, est franchement olé-olé, elle prend pas mal de libertés vis-à-vis du texte, je l'ai d'ailleurs un peu amendée/corrigée au début avant d'arrêter par lassitude (comparez les extraits du Chapitre VI, par exemple), la traduction dans la collection que j'indiquais plus haut me paraît de bien meilleure facture.  

Ces extraits, frappants je pense, pour insister sur le courage dans la férocité corrosive, le Doyen Swift, homme public relativement en vue, a par instants une audace folle dans la dénonciation -en son temps et son lieu, ça va de soi-.

Soulignons aussi les aspects Naturalisme et Raison, Swift a bien labouré le terrain pour les Lumières à venir, et, si Pierre Rabhi passe par ce forum un jour, sans doute ne disconviendra-t-il pas que la sobriété heureuse, ce que nous appelons les circuits courts, la tempérance, la paix et la fraternité entre les peuples, en un mot le prendre soin de la Création sont posés depuis au bas mot 300 ans:  

Chapitre V a écrit:Donc pour obéir donc aux ordres de Son Honneur, un jour je lui racontai la révolution arrivée en Angleterre par l’invasion du prince d’Orange, et la guerre que ce prince ambitieux fit ensuite au roi de France, le monarque le plus puissant de  l’Europe, dont  la  gloire  était  répandue  dans  tout  l’univers et qui possédait toutes les vertus royales. J’ajoutai que la reine  Anne,  qui  avait  succédé  au  prince  d’Orange,  avait  continué  cette  guerre,  où  toutes  les  puissances  de  la  chrétienté  étaient  engagées.  Je  lui  dis  que  cette  guerre  funeste  avait  pu  faire  périr  jusqu’ici  environ  un  million  de  Yahoos  ;  qu’il  y  avait  eu  plus de cent  villes  assiégées  et  prises,  et  plus  de  trois  cents  vaisseaux  brûlés ou coulés à fond.

Il  me  demanda  alors  quels  étaient  les  causes  et  les  motifs  les  plus ordinaires de nos querelles et de ce que j’appelais la guerre. Je  répondis  que  ces  causes  étaient  innombrables  et  que  je  lui  en  dirais   seulement   les   principales.   «   Souvent,   lui   dis-je,   c’est   l’ambition  de  certains  princes  qui  ne  croient  jamais  posséder  assez de terre ni gouverner assez de peuples. Quelquefois, c’est la politique  des  ministres,  qui  veulent  donner  de  l’occupation  aux  sujets mécontents. Ç’a été quelquefois le partage des esprits dans le choix des opinions. L’un croit que siffler est une bonne action, l’autre  que  c’est  un  crime  ;  l’un  dit  qu’il  faut  porter  des  habits  blancs, l’autre qu’il faut s’habiller de noir, de rouge, de gris ; l’un dit qu’il faut porter un petit chapeau retroussé, l’autre dit qu’il en faut porter un grand dont les bords tombent sur les oreilles, etc. » J’imaginai  exprès  ces  exemples  chimériques,  ne  voulant  pas  lui  expliquer  les  causes  véritables  de  nos  dissensions  par  rapport  à  l’opinion,  vu  que  j’aurais  eu  trop  de  peine  et  de  honte  à  les  lui  faire  entendre.  

J’ajoutai  que  nos  guerres  n’étaient  jamais  plus  longues et plus sanglantes que lorsqu’elles étaient causées par ces opinions diverses, que des cerveaux échauffés savaient faire valoir de  part  et  d’autre,  et  pour  lesquelles  ils  excitaient  à  prendre  les  armes. Je  continuai  ainsi  :  «  Deux  princes  ont  été  en  guerre  parce  que tous deux voulaient dépouiller un troisième de ses États, sans y avoir aucun droit ni l’un ni l’autre. Quelquefois un souverain en a attaqué un autre de peur d’en être attaqué. On déclare la guerre à son voisin, tantôt parce qu’il est trop fort, tantôt parce qu’il est trop faible. Souvent ce voisin a des choses qui nous manquent, et nous  avons  des  choses  aussi  qu’il  n’a  pas  ;  alors  on  se  bat  pour  avoir  tout  ou  rien.  Un  autre  motif  de  porter  la  guerre  dans  un  pays est lorsqu’on le voit désolé par la famine, ravagé par la peste, déchiré par les factions. Une ville est à la bienséance d’un prince, et la possession d’une petite province arrondit son État : sujet de guerre.  Un  peuple  est  ignorant,  simple,  grossier  et  faible  ;  on  l’attaque, on en massacre la moitié, on réduit l’autre à l’esclavage, et  cela  pour  le  civiliser.  Une  guerre  fort  glorieuse  est  lorsqu’un  souverain  généreux  vient  au  secours  d’un  autre  qui  l’a  appelé,  et  qu’après  avoir  chassé  l’usurpateur,  il  s’empare  lui-même  des  États  qu’il  a  secourus,  tue,  met  dans  les  fers  ou  bannit  le  prince  qui   avait   imploré   son   assistance.   La   proximité   du   sang,   les   alliances,  les  mariages,  sont  autant  de  sujets  de  guerre  parmi  les  princes  ;  plus  ils  sont  proches  parents,  plus  ils  sont  près  d’être  ennemis.  Les  nations  pauvres  sont  affamées,  les  nations  riches  sont  ambitieuses  ;  or,  l’indigence  et  l’ambition  aiment  également  les  changements  et  les  révolutions.  Pour  toutes  ces  raisons,  vous  voyez  bien  que,  parmi  nous,  le  métier  d’un  homme  de  guerre  est  le  plus  beau  de  tous  les  métiers [...]

Chapter V a écrit:In Obedience therefore to his Honour's Commands, I related to him the Revolution under the Prince of Orange; the long War with France entered into by the said Prince, and renewed by his Successor the present Queen; wherein the greatest Powers of Christendom were engaged, and which still continued: I computed at his Request, that about a Million of Yahoos might have been killed in the whole Progress of it, and perhaps a Hundred or more Cities taken, and thrice as many Ships burnt or sunk.

He asked me what were the usual Causes or Motives that made one Country go to War with another. I answered they were innumerable, but I should only mention a few of the chief. Sometimes the Ambition of Princes, who never think they have Land or People enough to govern: Sometimes the Corruption of Ministers, who engage their Master in a War in order to stifle or divert the Clamour of the Subjects against their Evil Administration. Difference in Opinions hath cost many Millions of Lives: For instance, whether Flesh be Bread, or Bread be Flesh; whether the Juice of a certain Berry be Blood or Wine; whether Whistling be Vice or a Virtue; whether it be better to kiss a post, or throw it into the Fire; what is the best Colour for a Coat, whether Black, White, Red, or Gray; and whether it should be long or short, narrow or wide, dirty or clean; with many more. Neither are any Wars so furious and Bloody, or of so long Continuance, as those occasioned by Difference in Opinion, especially if it be in Things indifferent.

Sometimes the Quarrel between two Princes is to which of them shall dispossess a third of his Dominions, where neither of them pretend to any Right. Sometimes one Prince quarreleth with another, for Fear the other should quarrel with him. Sometimes a War is entered upon, because the Enemy is too strong, and sometimes because he is too weak. Sometimes our Neighbours want the Things which we have, or have the Things which we want; and we both fight, till they take ours or give us theirs. It is a very justifiable Cause of War to invade a Country after the People have been wasted by Famine, destroyed by Pestilence, or embroiled by Factions among themselves. It is justifiable to enter into War against our nearest Ally, when one of his Towns lies convenient for us, or a Territory of Land, that would render our Dominions round and compleat. If a Prince sends Forces into a Nation where the People are poor and ignorant, he may lawfully put half of them to Death, and make Slaves of the rest, in order to civilize and reduce them from their barbarous Way of Living. It is a very kingly, honourable, and frequent Practice, when one Prince desires the Assistance of another to secure him against an Invasion, that the Assistant, when he hath driven out the Invader, should seize on the Dominions himself, and kill, imprison or banish the Prince he came to relieve. Alliance by Blood or Marriage, is a frequent Cause of War between Princes; and the nearer the Kindred is, the greater is their Disposition to quarrel: Poor Nations are hungry, and rich Nations are proud; and Pride and Hunger will ever be at variance. For those Reasons, the Trade of a Soldier is held the most honourable of all others [...]

Chapitre VI a écrit: Mon  maître  ne  pouvait  comprendre  comment  toute  cette   race   de   patriciens   était   si   malfaisante   et   si   redoutable. «  Quel  motif,  disait-il,  les  porte  à  faire  un  tort  si considérable  à  ceux  qui  ont  besoin  de  leur  secours  ?  et  que  voulez-vous  dire  par  cette  récompense  que  l’on  promet   à   un   procureur   quand   on   le   charge   d’une   affaire ? » Je  lui  répondis  que  c’était  de  l’argent.  J’eus  un  peu  de peine à lui faire entendre ce que ce mot signifiait ; je lui expliquai nos différentes espèces de monnaies et les métaux  dont  elles  étaient  composées  ;  je  lui  en  fis  connaître  l’utilité,  et  lui  dis  que  lorsqu’on  en  avait  beaucoup on était heureux ; qu’alors on se procurait de beaux habits, de belles maisons, de belles terres, qu’on faisait  bonne  chère,  et  qu’on  avait  à  son  choix  tout  ce  qu’on  pouvait  désirer  ;  que,  pour  cette  raison,  nous  ne croyions  jamais  avoir  assez  d’argent,  et  que,  plus  nous  en  avions,  plus  nous  en  voulions  avoir  ;  que  le  riche  oisif jouissait du travail du pauvre, qui, pour trouver de quoi  se  nourrir,  suait  du  matin  jusqu’au  soir  et  n’avait  pas un moment de relâche. « Eh  quoi !  interrompit  Son  Honneur,  toute  la  terre  n’appartient-elle pas à tous les animaux, et n’ont-ils pas un   droit   égal   aux   fruits   qu’elle   produit   pour   leur   nourriture ? Pourquoi y a-t-il des yahous privilégiés qui recueillent ces fruits à l’exclusion de leurs semblables ? Et si quelques-uns y prétendent un droit plus particulier, ne  doit-ce  pas  être  principalement  ceux  qui,  par  leur  travail, ont contribué à rendre la terre fertile ? – Point du tout, lui répondis-je ; ceux qui font vivre tous  les  autres  par  la  culture  de  la  terre  sont  justement  ceux qui meurent de faim. –  Mais,  me  dit-il,  qu’avez-vous  entendu  par  ce  mot  de bonne  chère,  lorsque  vous  m’avez  dit  qu’avec  de  l’argent on faisait bonne chère dans votre pays ? » Je  me  mis  alors  à  lui  indiquer  les  mets  les  plus  exquis   dont   la   table   des   riches   est   ordinairement   couverte, et les manières différentes dont on apprête les viandes. Je lui dis sur cela tout ce qui me vint à l’esprit, et  lui  appris  que,  pour  bien  assaisonner  ces  viandes,  et  surtout  pour  avoir  de  bonnes  liqueurs  à  boire,  nous  équipions  des  vaisseaux  et  entreprenions  de  longs  et dangereux voyages sur la mer ; en sorte qu’avant que de pouvoir   donner   une   honnête   collation   à   quelques   personnes  de  qualité,  il  fallait  avoir  envoyé  plusieurs  vaisseaux dans les quatre parties du monde. « Votre  pays,  repartit-il, est  donc  bien  misérable,  puisqu’il  ne  fournit  pas  de  quoi  nourrir  ses  habitants  !  Vous  n’y  trouvez  pas  même  de  l’eau,  et  vous  êtes  obligés  de  traverser  les  mers  pour  chercher  de  quoi  boire ! » Je    lui    répliquai    que    l’Angleterre,    ma    patrie,    produisait trois fois plus de nourriture que ses habitants n’en   pouvaient   consommer,   et   qu’à   l’égard   de   la   boisson,  nous  composions  une  excellente  liqueur  avec  le  suc  de  certains  fruits  ou  avec  l’extrait  de  quelques  grains  ;  qu’en  un  mot,  rien  ne  manquait  à  nos  besoins  naturels  ;  mais  que,  pour  nourrir  notre  luxe  et  notre  intempérance,  nous  envoyions  dans  les  pays  étrangers  ce qui croissait chez nous, et que nous en rapportions en échange  de  quoi  devenir  malades  et  vicieux  ;  que  cet  amour  du  luxe,  de  la  bonne  chère  et  du  plaisir  était  le  principe  de  tous  les  mouvements  de  nos  yahous ;  que, pour  y  atteindre,  il  fallait  s’enrichir  ;  que  c’était  ce  qui  produisait   les   filous,   les   voleurs,   les   pipeurs,   les   parjures, les flatteurs, les suborneurs, les faussaires, les faux témoins, les menteurs, les joueurs, les imposteurs, les  fanfarons,  les  mauvais  auteurs,  les  empoisonneurs, les  précieux  ridicules,  les  esprits  forts.  Il  me  fallut  définir tous ces termes. J’ajoutai  que  la  peine  que  nous  prenions  d’aller  chercher du vin dans les pays étrangers n’était pas faute d’eau ou d’autre liqueur bonne à boire, mais  parce  que  le  vin  était  une  boisson  qui  nous  rendait  gais,  qui  nous  faisait  en  quelque  manière  sortir  hors  de  nous-mêmes,  qui  chassait  de  notre  esprit  toutes  les  idées  sérieuses  ;  qui  remplissait  notre  tête  de  mille  imaginations  folles  ;  qui  rappelait  le  courage,  bannissait  la  crainte,  et  nous  affranchissait pour un temps de la tyrannie de la raison. «  C’est,  continuai-je,  en  fournissant  aux  riches  toutes  les  choses  dont  ils  ont  besoin  que  notre  petit  peuple  s’entretient.  Par  exemple,  lorsque  je  suis  chez  moi  et  que  je  suis  habillé  comme  je  dois  l’être,  je  porte  sur  mon  corps  l’ouvrage  de  cent  ouvriers.  Un  millier  de  mains ont contribué à bâtir et à meubler ma maison, et il  en  a  fallu  encore  cinq  ou  six  fois  plus  pour  habiller  ma femme.

J’étais sur le point de lui peindre certains yahous qui passent  leur  vie  auprès  de  ceux  qui  sont  menacés  de  la  perdre,  c’est-à-dire  nos  médecins.  J’avais  dit  à  Son  Honneur que la plupart de mes compagnons de voyage étaient  morts  de  maladie  ;  mais  il  n’avait  qu’une  idée  fort imparfaite de ce que je lui avais dit.  
Il  s’imaginait  que  nous  mourions  comme  tous  les autres  animaux,  et  que  nous  n’avions  d’autre  maladie  que de la faiblesse et de la pesanteur un moment avant que de mourir, à moins que nous n’eussions été blessés par   quelque   accident. Je   fus   donc   obligé   de   lui   expliquer la nature et la cause de nos diverses maladies.  

Chapter VI a écrit:
My Master was yet wholly at a Loss to understand what Motives could incite this Race of Lawyers to perplex, disquiet, and weary themselves, and engage in a Confederacy of Injustice, merely for the Sake of injuring their Fellow-Animals; neither could he comprehend what I meant in saying they did it for Hire. Whereupon I was at much Pains to describe to him the Use of Money, the Materials it was made of, and the Value of the Metals, that when a Yahoo had got a great Store of this precious Substance, he was able to purchase whatever he had a Mind to; the finest Cloathing, the noblest Houses, great Tracts of Land, the most costly Meats and Drinks, and have his choice of the most beautiful Females.

Therefore he desired I would let him know, what these costly Meats were, and how any of us happened to want them. Whereupon I enumerated as many sorts as came into my Head, with the various Methods of dressing them, which could not be done without sending Vessels by Sea to every Part of the World, as well for Liquors to Drink, as for Sauces, and innumerable other Conveniences. I assured him, that this whole Globe of Earth must be at least three times gone round, before one of our better Female Yahoos could get her Breakfast or a Cup to put it in. He said, That must needs be a miserable Country which cannot furnish Food for its own Inhabitants. But what he chiefly wondered at was how such vast Tracts of Grounds as I described should be wholly without Fresh-water, and the People put to the Necessity of sending over the Sea for Drink. I replied, that England (the dear Place of my Nativity) was computed to produce three times the Quantity of Food, more than its Inhabitants are able to consume, as well as Liquors extracted from Grain, or pressed out of the Fruit of certain Trees, which made excellent Drink, and the same Proportion in every other Convenience of Life. But in order to feed the Luxury and Intemperance of the Males, and the Vanity of the Females, we sent away the greatest Part of our necessary Things to other Countries, from whence in return we brought the Materials of Diseases, Folly, and Vice, to spend among ourselves. Hence it follows of Necessity, that vast Numbers of our People are compelled to seek their Livelihood by Begging, Robbing, Stealing, Cheating, Pimping, Forswearing, Flattering, Suborning, Forging, Gaming, Lying, Fawning, Hectoring, Voting, Scribbling, Stargazing, Poysoning, Whoring, Canting, Libelling, Free-thinking, and the like Occupations: Every one of which Terms, I was at much Pains to make him understand.

That Wine was not imported among us from foreign Countries, to supply the want of Water or other Drinks, but because it was a sort of Liquid which made us merry, by putting us out of our Senses; diverted all melancholy Thoughts, begat wild extravagant Imaginations in the Brain, raised our Hopes, and banished our Fears, suspended every Office of Reason for a time, and deprived us of the use of our Limbs, till we fell into a profound Sleep; although it must be confessed, that we always awoke sick and dispirited, and that the use of this Liquor filled us with Diseases, which made our Lives uncomfortable and short.

But beside all this, the Bulk of our People supported themselves by furnishing the Necessities and Conveniences of Life to the Rich, and to each other. For Instance, when I am at home and dressed as I ought to be, I carry on my Body the Workmanship of an Hundred Tradesmen; the Building and Furniture of my House employ as many more, and five times the Number to adorn my Wife.

I was going on to tell him of another sort of People, who get their Livelihood by attending the Sick, having upon some Occasions informed his Honour that many of my Crew had died of Diseases. But here it was with the utmost Difficulty, that I brought him to apprehend what I meant. He could easily conceive, that a Houyhnhnm grew weak and heavy a few Days before his Death, or by some Accident might hurt a Limb. But that Nature, who works all Things to Perfection, should suffer any Pains to breed in our Bodies, he thought impossible, and desired to know the Reason of so unaccountable an Evil.

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