Robinson Jeffers
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Robinson Jeffers
John Robinson Jeffers est un poète et dramaturge américain. Il est connu pour son œuvre évoquant la beauté de la nature sur la côte californienne et pour son antagonisme envers la société humaine. On le connait également pour ses poèmes courts et il est considéré comme une icône du mouvement écologiste, il a inspiré des poètes comme William Everson , Yvor Winters , Gary Snyder et Robert Hass. Il fut chancelier de l'Academy of American Poets.
Robinson Jeffers est le fils de Dr William Hamilton Jeffers, pasteur presbytérien, professeur d’exégèse biblique et d'histoire biblique au Grand séminaire de théologie à Pittsburg, et d'Annie Robinson Jeffers Tuttle. Il reçoit une éducation classique, fondée sur le grec, le latin et l'étude des écrits bibliques. Pendant que la famille Jeffers séjourne en Europe, Robinson Jeffers fait ses études secondaires dans des internats suisses (Zurich, Genève) et allemands (Leipzig). En 1902, la famille Jeffers retourne aux USA et Robinson Jeffers s'inscrit au Presbyterian Occidental College de Los Angeles dans l'État de Californie, il y obtient son Bachelor of Arts en 1905. Il s'inscrit aussitôt à l'University of Southern California pour y entreprendre des études de littérature. Il y rencontre Una Call Kuster, qui devient son égérie et qu'il épouse en 1913. Le couple s'installe à Carmel by the sea, à côté de Monterey. Entre-temps, Robinson s'est rendu en Suisse pour y étudier la philosophie, l'histoire, mais aussi la littérature française, espagnole et italienne. De retour en Californie en 1907, il entreprend des études de médecine qu'il ne poursuivra pas, pour enfin finir ses études universitaires en suivant des cours de gestion forestière à l'University of Washington, à Seattle, dans l'État de Washington.
En 1919, Robinson Jeffers construit un cottage sur les falaises qui surplombent le Pacifique entre Carmel by the sea et Big Sur. Son pessimisme envers l'humanité le conduit à se retirer peu à peu de la société et à entrer dans un face à face tragique avec la nature. L'inspiration de sa poésie est puisée dans la beauté sauvage de la côte californienne, dans la littérature antique, les tragiques grecs, la philosophie nietzschéenne, le pessimisme schopenhauerien et spenglerien.
Oeuvres traduites :
Le Dieu sauvage du monde, Éditions Wildproject, Marseille, 2015.
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Re: Robinson Jeffers
Après Cummings et Williams, j'essaie de défricher un peu la poésie américaine qui me tient à coeur. Jeffers fait partie de ces monuments. Il n'a pour l'instant eu qu'un seul recueil traduit, j'en ai traduit un de mon côté, je vous remets ici le poème que j'avais mis sur un autre fil, et je vous en partage un autre, en attendant peut-être un jour de le voir publié...
Pour ceux qui comprennent l'anglais, je vous conseille ce documentaire, qui présente bien la vie de cet homme atypique, retiré du monde sur son littoral californien, lui qui a construit de ses mains, pierre par pierre, sa maison. Et sa tour, la tour aux faucons.
Il faut savoir que Jeffers jouissait d'une excellente notoriété avant la Seconde Guerre mondiale, puis il s'y est vertement opposé, critiquant l'engagement américain, étant profondément anti-militariste. Il sera ensuite mis au ban, et quasiment oublié.
Pour ceux qui comprennent l'anglais, je vous conseille ce documentaire, qui présente bien la vie de cet homme atypique, retiré du monde sur son littoral californien, lui qui a construit de ses mains, pierre par pierre, sa maison. Et sa tour, la tour aux faucons.
Il faut savoir que Jeffers jouissait d'une excellente notoriété avant la Seconde Guerre mondiale, puis il s'y est vertement opposé, critiquant l'engagement américain, étant profondément anti-militariste. Il sera ensuite mis au ban, et quasiment oublié.
Invité- Invité
Re: Robinson Jeffers
LA MAISON TOMBALE DU CHIEN
(Haig, un bulldog anglais)
J'ai quelque peu changé mes habitudes ; je ne peux plus
Courir avec toi les soirées le long du rivage,
Sauf dans une sorte de rêve ; et toi, si tu rêves un
instant,
Tu m'y verras.
Alors laisse encore quelques temps les traces de pattes sur la porte d'entrée
Là où j'avais l'habitude de gratter pour rentrer ou sortir,
Et tu ouvrais vite ; laisse sur le sol de la cuisine
Les traces laissées par mon écuelle.
Je ne peux plus m'allonger à côté de ton feu comme j'en avais l'habitude
Sur cette pierre chaude,
Ni au pied de ton lit ; non, durant toutes les nuits
Je m'allonge seul.
Mais tes tendres pensées m'ont allongé dehors à moins de deux mètres
De ta fenêtre là où la lueur du feu si souvent ravive,
Et où tu t'assois pour lire — et j'ai si souvent peur que tu sois peiné
pour moi —
Chaque soir la lumière de ta lampe s'étend jusqu'à moi.
Vous, femmes et hommes, vivez si longtemps, c'est difficile
De penser que vous allez mourir un jour.
Un petit chien se fatiguerait, à vivre si longtemps.
J'espère que lorsque vous reposerez
Sous terre comme moi vos vies apparaîtront
Aussi bonnes et joyeuses que la mienne.
Non, mes chers, c'est trop d'espoir : on ne vous veille
pas autant
Que je ne l'ai été.
Et vous n'avez jamais connu l'attention passionnée
Et fidèle que j'ai reçue.
Vos esprits sont peut-être trop actifs, trop fluctuants...
Mais pour moi vous étiez vrais.
Vous n'avez jamais été des maîtres, mais des amis. J'étais votre ami.
Je vous ai vraiment aimés, et j'ai été aimé. Un amour profond dure
Jusqu'à la fin et bien au-delà de la fin. Et si c'est ma fin,
Je ne suis pas seul. Je n'ai pas peur. Je suis toujours vôtre.
Invité- Invité
Re: Robinson Jeffers
CONTEMPLATION DU
SABRE
(avril 1938)
Au bout du compte la raison ne tranchera pas ; le sabre le fera.
Le sabre : un instrument obsolète de bronze ou d'acier,
autrefois utilisé pour tuer des hommes, mais ici
Dans le sens d'un symbole. Le sabre : il est : les tempêtes
et contre-tempêtes d'une destruction générale ;
les tueries d'hommes,
La destruction des biens et matières ; le massacre, plus ou
moins intentionnel, de femmes et enfants ;
Une destruction déversée depuis les ailes, l'air comme
complice, l'air innocent
Perverti en assassin et empoisonneur.
Le sabre : il est : tricherie et couardise, incroyables
bassesses, incroyable courage, loyautés,
insanités.
Le sabre : pleurs et désespoir, esclavage de masse, torture
de masse, frustration de tous les espoirs
Qui étoilaient le front de l'homme. Tyrannie pour liberté, horreur
pour bonheur, famine pour pain, charognes pour
enfants.
Au bout du compte la raison ne tranchera pas ; le sabre le fera.
Cher Dieu, quelle est la pleine splendeur des choses et les
étoiles sacrées, mais aussi la cruauté et l'avidité, les
tricheries
Et vilenies, absurdités et vice et angoisse : maintenant que
cette chose s'approche à nouveau de nous je trouve
ardu
De te prier avec un cœur bien empli.
Je sais ce qu'est la douleur, mais
la douleur peut resplendir. Je sais ce qu'est la mort, je l'ai
parfois
Espérée. Mais cruauté et servage et déchéance,
pestilence, immondices, misère
Des hommes sont comme de petits oiseaux meurtris et des animaux... si vous
n'étiez que
Des vagues battant les rochers, le vent et le cœur d'acier de la terre,
la sauvagerie insolente des flammes du soleil et des étoiles,
Avec quel énorme cœur je pourrais prier votre beauté.
Vous ne vous repentirez pas,
ni n'annulerez la vie, ni libérerez l'homme de ses angoisses
Pour tous les âges à venir. Vous êtes le seul qui se torture lui-même
afin de se découvrir : je suis
Celui qui vous observe et vous découvre, et vous prie
dans de petits paraboles, idylles ou tragédies, bel
Et intolérable Dieu.
Le sabre : il est :
J'ai deux fils que j'aime. Ils sont jumeaux, ils sont
nés en dix-neuf cent seize, ce qui sembla pour nous
la sombre année
D'une grande guerre, et ils ont maintenant l'âge
Que la guerre préfère. Le premier-né est comme sa mère, il est si
beau
Que des gens que je connais à peine m'ont arrêté dans la rue
pour évoquer la grave beauté de son visage.
Le second a la force de sa beauté ; quand il se
dénude pour nager ses épaules de héros et
ses reins de lutteur
Le font paraître comme vêtu. Le sabre : il est : détestable
enlaidissement, aveuglement, mutilation, lèvres
fermées de garçons
Trop fiers pour hurler.
Au bout du compte la raison ne tranchera pas : le
sabre le fera.
Invité- Invité
Re: Robinson Jeffers
Il est à noter que je vous ai partagé deux poèmes assez courts ; enfin courts pour du Jeffers. Car Jeffers use d'une poésie narrative, et certains poèmes peuvent faire plus de 100 pages.
Invité- Invité
Re: Robinson Jeffers
merci Arturo !
"certains poèmes peuvent faire plus de 100 pages." ce n'est pas difficile de les lire sur la longueur ?
" Au bout du compte la raison ne tranchera pas : le
sabre le fera."
cela semble illustrer ce que tu a dit de "l'homme" et qui me le rend sympathique.
"certains poèmes peuvent faire plus de 100 pages." ce n'est pas difficile de les lire sur la longueur ?
" Au bout du compte la raison ne tranchera pas : le
sabre le fera."
cela semble illustrer ce que tu a dit de "l'homme" et qui me le rend sympathique.
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21020
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Robinson Jeffers
Arturo a écrit:Après Cummings et Williams, j'essaie de défricher un peu la poésie américaine qui me tient à coeur.
Alors, peut-être que tu vas nous parler de Franck O'Hara ou Ron Padgett ?
En tout cas, merci pour les partages !
Invité- Invité
Re: Robinson Jeffers
Merci beaucoup, Arturo, pour tous ces fils que tu ouvres actuellement, j'en apprends des choses !
Deuxième lecture, donc, de "La maison tombale du chien", et toujours aussi touchée. Percutant !
Concernant "Contemplation du sabre", la disposition typographique du poème (pas sûre du terme technique) est surprenante, ainsi que l'utilisation des deux points : cela donne tout de suite un rythme bien net en tête, je trouve, sans avoir à passer par la lecture à voix haute.
Deuxième lecture, donc, de "La maison tombale du chien", et toujours aussi touchée. Percutant !
Vous n'avez jamais été des maîtres, mais des amis. J'étais votre ami.
Je vous ai vraiment aimés, et j'ai été aimé. Un amour profond dure
Jusqu'à la fin et bien au-delà de la fin. Et si c'est ma fin,
Je ne suis pas seul. Je n'ai pas peur. Je suis toujours vôtre.
Concernant "Contemplation du sabre", la disposition typographique du poème (pas sûre du terme technique) est surprenante, ainsi que l'utilisation des deux points : cela donne tout de suite un rythme bien net en tête, je trouve, sans avoir à passer par la lecture à voix haute.
Louvaluna- Messages : 1678
Date d'inscription : 19/03/2017
Re: Robinson Jeffers
Bédoulène a écrit:
"certains poèmes peuvent faire plus de 100 pages." ce n'est pas difficile de les lire sur la longueur ?
Non ça raconte une histoire, ça se lit un peu comme un roman en fin de compte ce genre de longs poèmes.
kashmir a écrit:
Alors, peut-être que tu vas nous parler de Franck O'Hara ou Ron Padgett ?
Je ne les ai encore jamais lus, tu vas devoir nous en parler avant !
Oui je trouve aussi.Louvaluna a écrit:
Concernant "Contemplation du sabre", la disposition typographique du poème (pas sûre du terme technique) est surprenante, ainsi que l'utilisation des deux points : cela donne tout de suite un rythme bien net en tête, je trouve, sans avoir à passer par la lecture à voix haute.[/justify]
Merci pour vos retours !
Invité- Invité
Re: Robinson Jeffers
Arturo a écrit:kashmir a écrit:
Alors, peut-être que tu vas nous parler de Franck O'Hara ou Ron Padgett ?
Je ne les ai encore jamais lus, tu vas devoir nous en parler avant !
Ah, non ! Le spécialiste, c'est toi ! Je ne fais que les lire après les avoir découverts, l'année dernière, mais je ne saurai pas bien en parler. On patientera...
Invité- Invité
Re: Robinson Jeffers
Oui, grand merci pour ces découvertes !
Maintenant, les grands pessimistes qui préfèrent la compagnie d'un animal à la société des hommes, ce n'est plus neuf, mais ça a un côté fascinant, et les oscillations autour du thème sont toujours intéressantes...
Je souhaite profondément que tes traductions soient publiées (dis-nous quand elles le seront, et où).
Maintenant, les grands pessimistes qui préfèrent la compagnie d'un animal à la société des hommes, ce n'est plus neuf, mais ça a un côté fascinant, et les oscillations autour du thème sont toujours intéressantes...
Je souhaite profondément que tes traductions soient publiées (dis-nous quand elles le seront, et où).
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15559
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Robinson Jeffers
Ma traduction de Be angry at the sun, devrait voir le jour en 2021 ou 22 aux formidables éditions Unes. Du boulot en perspective et très heureux de voir Jeffers rejoindre le catalogue de Unes. C'est un secret de polichinelle pour l'instant, mais j'ose m'avancer favorablement.
Invité- Invité
Re: Robinson Jeffers
On attend avec impatience ! Encore bravo !
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15559
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Robinson Jeffers
je suis contente pour toi Arturo !
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21020
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
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Re: Robinson Jeffers
Mais c'est une super nouvelle, ça, Arturo ! On attend avec impatience la tournée générale au bar le jour de la sortie !
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"Et au plus eslevé trone du monde, si ne sommes assis, que sus notre cul." (Michel de Montaigne)
Armor- Messages : 4589
Date d'inscription : 02/12/2016
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