Anosh IRANI
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Anosh IRANI
Né en 1974, Anosh Irani est un romancier et dramaturge indo-canadien. Il a passé son enfance à Mumbai (qu'il préfère nommer de son ancien nom de Bombay). Après avoir travaillé dans la publicité en Inde, il a déménagé à Vancouver en 1998 pour étudier et poursuivre l'écriture.
Ses pièces comme ses romans ont été salués par la critique et ont obtenu de nombreux prix.
Ouvrages traduits en français :
- Le chant de la cité sans tristesse, éditions Philippe Rey, 2007
- Le colis, éditions Philippe Rey, 2018
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"Et au plus eslevé trone du monde, si ne sommes assis, que sus notre cul." (Michel de Montaigne)
Armor- Messages : 4589
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Re: Anosh IRANI
Pour perdre la face, il faut avoir une face, et pas ce qu’avait Madhu : un visage indéfini, homme et femme se la disputant inlassablement pour tenter de s’imposer. Une énergie féminine existait en elle depuis son enfance. Elle s’était exprimée de manière très progressive, d’abord subtile, une cuisse par-ci, un regard timide par-là, un gloussement dans l’obscurité, puis, plus franche, la femme avait pris le dessus, elle s’était moquée de l’homme et l’avait laissé pour mort. Mais cet homme du passé revenait maintenant prendre sa vengeance, il la punissait de s’être débarrassée de lui, se frayait un chemin vers le devant de la scène. Et si cet affrontement ne cessait pas, elle finirait sans visage. Il ne lui resterait plus qu’un crâne.
En Inde, les hijras sont vénérées, un peu. Méprisées, beaucoup. Et craintes peut-être encore plus. Nées femmes dans un corps d’homme, elles se regroupent en communauté autour de leur gourou. Elles ont le don de bénir ou de maudire, à leur guise. Elles sont « le troisième sexe ». Très jeune, Madhu a fui le rejet familial pour devenir l’une d’entre elles et vivre dans le quartier rouge, haut lieu de la prostitution de Bombay. Mais à bientôt 40 ans, son corps autrefois adulé la trahit, et les questions existentielles affluent...
Madhu est à l’heure des bilans. L’heure d'admettre que la liberté qu’elle a crue trouver chez les hijras n’était probablement qu’illusoire et que, derrière le charme de sa gourou et les soupirs exaspérés de son père, se cachaient une complexité qu’elle a toujours niée. L’heure de réaliser que, dans le quartier rouge, les luttes de pouvoir et d’argent sont à l’oeuvre à chaque instant, jusque les rares endroit dont on les pensait exclus. Son passé, sa vie semée d’échecs la rongent… Et c’est précisément à ce moment qu’on la charge d’un nouveau colis.
Les "colis", ce sont des fillettes vendues par leurs familles et qu’il faut broyer mentalement afin qu'elles se résolvent à leur sort : 10 passes par jour, 300 jours par an. Minimum. Madhu a sa propre méthode, bien différente de la violence inouïe des proxénètes, et pourtant tout aussi glaçante… Cette fois encore elle l’applique froidement, consciencieusement. Mais le chaos intérieur qui est le sien depuis quelques temps l’amène à douter…
Il y a des romans, comme ça, qui vous remuent au plus profond de vous. Des livres qui vous rappellent à quel point un seul être peut receler en même temps des abîmes de tendresse et de monstruosité, et qui vous mettent face à votre propre humanité si imparfaite. Pour moi, Le colis fut de ceux-là.
D'ordinaire, les prostituées comme les hijras ne sont que des ombres interchangeables à la merci des proxénètes et du sida, vouées au rejet, aux quolibets et à la honte. Anosh Irani leur rend un visage, des rêves sous le désespoir, des rires et des amours, aussi. Sa plume, tour à tendre tendre, nostalgique ou d’une crudité acerbe, épouse cette humanité mouvante, ambigüe, reniée et pourtant tellement réelle. Madhu, avec ses contradictions, son verbe haut et sa fragilité, est inoubliable.
Un roman coup de poing. Un roman coup de coeur.
Mots-clés : #famille #identitesexuelle #lieu #psychologique #sexualité
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Armor- Messages : 4589
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Re: Anosh IRANI
Merci, Armor, ça semble cru, mais très humain.
bix_229- Messages : 15439
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Re: Anosh IRANI
je me doute des ressentis à une telle lecture. J'ai vu il y a quelques mois un documentaire sur ce sujet, mais la personne habitait un pays d'amérique du sud et n'était pas méprisée, au contraire.
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21020
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Re: Anosh IRANI
bix_229 a écrit:Merci, Armor, ça semble cru, mais très humain.
C'est exactement ça. Oui c'est cru, parfois, parce que dans ce milieu on ne s'embarrasse pas de fioritures pour nommer les choses. Mais c'est aussi tendre et poétique, glaçant et poignant... L'auteur a su raconter tout cela de façon très humaine, sans jamais tomber dans le voyeurisme, la vulgarité ou le sentimentalisme. Chapeau à lui !
Franchement, j'avais acheté le livre car le sujet m'interpellait, mais je n'aurais pas imaginé une telle claque.
Bédou, autrefois les hijras étaient au service des princes et des puissants, notamment dans les harems. Aujourd'hui elles vivent en bénissant les nouveaux-nés et les jeunes mariés (elles ne sont pas toujours invitées, mais à cause des superstitions les entourant on n'ose pas les mettre à la porte...), en mendiant ou en se prostituant, même si d'après l'auteur les "instances dirigeantes" hijras voient cette activité d'un mauvais oeil car elle jette le discrédit sur toute la communauté.
Dernière édition par Armor le Lun 20 Avr - 13:55, édité 3 fois
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Armor- Messages : 4589
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Re: Anosh IRANI
merci pour les explications Armor.
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Bédoulène- Messages : 21020
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Re: Anosh IRANI
Si ça t'intéresse, j'ai l'impression que cet article aide plutôt bien à comprendre qui elles sont : clic
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Armor- Messages : 4589
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Localisation : A l'Aise Breizh
Re: Anosh IRANI
merci !
"dans l’Etat du Bihar, elles sont d’ailleurs employées comme collecteurs d’impôts." étonnant !
beaucoup de sexualité aussi !
"dans l’Etat du Bihar, elles sont d’ailleurs employées comme collecteurs d’impôts." étonnant !
beaucoup de sexualité aussi !
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Bédoulène- Messages : 21020
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Re: Anosh IRANI
Une petite citation pour le plaisir. Je me tristramise... (Ou plutôt je fais du tri dans mes notes !)
La magie, ce n’était pas de faire apparaître des choses à partir de rien. N’importe quel amateur en était capable. La magie, c’était de faire disparaître le réel. Le supprimer de l’existence. Se retourner contre Dieu.
Il crée, se dit Madhu, et moi j’efface.
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Armor- Messages : 4589
Date d'inscription : 02/12/2016
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Localisation : A l'Aise Breizh
Re: Anosh IRANI
Disons plutôt que nous nous armorisons : merci de continuer à trier tes notes, et nous en offrir la crème quintessenciée !
(C'est toujours tiré de Le colis, n'est-ce pas ?)
Tu n'as pas (encore) lu Le chant de la cité sans tristesse ?
(C'est toujours tiré de Le colis, n'est-ce pas ?)
Tu n'as pas (encore) lu Le chant de la cité sans tristesse ?
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15559
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Anosh IRANI
Ah, j'avais raté ton intervention. Oui j'ai lu Le chant de la cité sans tristesse il y a quelques années. J'avoue (un peu honteuse) n'en avoir presque aucun souvenir... D'après ce que je vois dans le carnet où je note mes lectures, j'avais été mitigée. En tout cas ce livre ne m'a pas marquée. Il faudrait peut-être que je le relise.
La lecture du roman Le colis, par contre, fut un coup de coeur comme j'en ai rarement.
La lecture du roman Le colis, par contre, fut un coup de coeur comme j'en ai rarement.
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Armor- Messages : 4589
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