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Pierre Jean Jouve

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Message par Cliniou Mer 7 Déc - 9:40

Pierre Jean Jouve
(1887-1976)

Pierre Jean Jouve P_j_jo10

Enfant d'une famille bourgeoise et de santé fragile, Pierre Jean Jouve découvre, à seize ans, Baudelaire et Mallarmé, ses maîtres en poésie.
Ses premiers vers s'inspirent du symbolisme avant que Jouve ne devienne le chantre de l'unanimisme après sa rencontre avec le groupe de l'Abbaye. Pendant la Première Guerre mondiale, il s'engage comme infirmier dans un hôpital militaire, contractant de graves maladies qu'il part soigner en Suisse et sous influence de Romain Rolland, qu'il y rencontre, il publie des textes pacifistes.
De 1921 à 1927, Pierre Jean Jouve traverse une grave crise morale prenant conscience que la poésie est d'essence spirituelle.
Il reniera ensuite toute son oeuvre d'avant 1925. Sa rencontre avec la psychanalyste Blanche Reverchon lui révèle la profondeur de l'inconscient.

Son oeuvre, marquée par la foi chrétienne, tourne dès lors autour d'Eros et Thanatos, de l'inconscient dominé par la sexualité entravant l'aspiration spirituelle. Pierre se retranche dans la solitude pour lire les grands mystiques et publie les poèmes 'Noces' (1925), 'Sueur de sang' (1933), 'Matière céleste' (1937) et les romans 'Hécate' (1928), 'Vagadu' (1931) et 'Scène capitale' (1935).
Durant la Seconde Guerre, il publie une analyse du 'Don Juan' de Mozart (1942) ainsi que 'La Vierge de Paris' (1946), et une 'Défense et Illustration' (1946) de Baudelaire, Rimbaud et Nerval.
La poésie de Pierre Jean Jouve se fait le miroir du conflit de l'homme déchiré entre la spiritualité et les instincts.

source : Evene

Bibliographie :

Artificiel, (1909)
Les Muses romaines et florentines, (1910)
Les Ordres qui changent, (1911)
La Rencontre dans le carrefour, (1911)
Les aéroplanes, (1911)
Présences,  (1912)
Les deux forces, pièce de théâtre en quatre actes, (1913)
Parler, Paris, (1913)
Vous êtes des Hommes, (1915)
Poème contre le grand crime, (1916)
Danse des Morts, Genève,  (1917)
A la Révolution russe, collectif, (1918)
Hôtel-Dieu, récits d'Hôpital en 1915, avec 25 bois gravés par Frans Masereel, (1918)
Le défaitisme contre l'homme libre, (1918)
Heures, Livre de la Nuit, (1919)
Heures, Livre de la Grâce, (1920)
Les Poètes contre la Guerre, collectif (Romain Rolland, Georges Duhamel, Charles Vildrac, bois gravé de Frans Masereel, etc.), (1920).
Romain Rolland vivant, 1914-1919, (1920)
Toscanes, (1921)
Tragiques suivi de Voyage sentimental, (1922)
Prière, portrait gravé par Frans Masereel, (1924)
Tombeau de Baudelaire, Paris, (1958)
Paulina 1880, (1959)
Le Monde désert, (1960)
Aventure de Catherine Crachat I, Hécate, (1961)
La Scène capitale, (1961), comprend Histoires sanglantes et La Scène capitale.
Aventure de Catherine Crachat II, (1963)
Poésie*, 1925-1938, I Les Noces, II Sueur de Sang, III Matière céleste, IV Kyrie, Mercure de France, (1964)
Poésie**, 1939-1947, V La Vierge de Paris, VI Hymne, Mercure de France, (1965)
Le Paradis perdu, Grasset, (1966)
Poésie***, 1939-1947, VII Diadème, VIII Ode, IX Langue, Mercure de France, (1966)
Poésie****, 1939-1967, X Mélodrame, XI Moires, Mercure de France, (1967)
Le Don Juan de Mozart, Plon (1968), avec un avant-dire de P. J. Jouve.

publications posthumes
Œuvre I, Paris
Œuvres II
Paradis perdu
Génie
Folie et génie
Sacrifices
Apologie du poète, suivi de Six lectures
Beau Regard
Le Don Juan de Mozart
Wozzeck d'Alban Berg
Lettres à Jean Paulhan - 1925-1961
Tombeau de Baudelaire




J'ajouterai que je ne connaissais pas Jouve. C'est en découvrant les poésies de David Gascoyne que j'ai découvert Pierre Jean Jouve; ses traductions y sont magnifiques de fidèlité à l'esprit gascoynien. Finalement, ils étaient amis et se ressemblaient quelque part.

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Message par Cliniou Mer 7 Déc - 9:41

ADIEU

I.

Noir. Noir. Sentiment noir.
Frappe image noire un coup retentissant sur le gong du lointain
Pour l'entrée à l'épaisseur bien obscure de ce coeur
L'épaisse cérémonie à la longue plaine noire
De l'intérieur et de l'adieu, de minuit et du départ!

Frappe, comme un gong noir à la porte d'enfer!
Un aigre vent soulève les roseuax des sables
Confond les monts
Sous les nuées de mauvais temps de la mémoire
Fait retomber la vague en éclatante blancheur dans le néant.

C'est la journée épaisse intime où Elle part
Jetant un dernier oeil aux prouesses d'amant,
Où il quitte, quelques maigres longueurs encor de faible sable
Et poussant la vieillesse de l'âge un aigre vent.

Noir, noir, sentiment noir, oh frappe clair et noir
Pour l'épaisse cérémonie à la terre sans lendemain
Portant comme un socle divin le monument de leur départ.

II.

De longues lignes de tristesse et de brouillard
Ouvrent de tous côtés cette plaine sans fin
Où les monts s'évaporent puis reprennent
A des hauteurs que ne touche plus le regard:
Là où nous sommes arrivés, donne ta main,

Puis aux saules plus écroulés que nos silences
A l'herbe de l'été que détruisent tes pieds
Dis un mot sans raison profèe un vrai poème,
Laisse que je caresses enfin tes cheveux morts
Car la mort vient roulant pour nous ses tambours loin,

Laisse que je retouche entièrement ton corps
Dans son vallon ou plage extrême fleur du temps
Que je plie un genou devant ta brume erreur
Ta beauté ton parfum défunt près du départ
Adorant ton défaut ton vice et ton caprice
Adorant ton abîme noir sans firmament.

Laisse ô déjà perdue, et que je te bénisse
Pour tous les maux par où tu m'as appris l'amour
Par tous les mots en quoi tu m'as appris le chant.

III.

Adieu. La nuit déjà nous fait méconnaissables
Ton visage est fondu dans l'absence. Oh adieu
Détache ta main de ma main et tes doigts de mes doigts arrache
Laissant tomber entre nos espaces le temps
Solitaire étranger le temps rempli d'espaces;
Et quand l'obscur aura totalement rongé
La forme de ton ombre ainsi qu'une Eurydice
Retourne-toi afin de consommer ta mort
Pour me communiquer l'adieu. Adieu ma grâce
Au point qu'il n'est espoir de relier nos sorts
Si même s'ouvre en nous le temple de la grâce.

Extrait de "Voyageur", in Mélodrame


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Message par Cliniou Mer 7 Déc - 9:45

Mélodrame, Diadème sont des recueils de poésies intérieures.

Pierre Jean jouve était aussi grand amateur de musique; on peut aisèment s'en douter lorsque l'on voit sa bibliographie.Mozart, Mahler, Monteverdi, Schubert.
Mais il y aussi Alban Berg, son contemporain. D'ailleurs, Gascoyne aussi était admirateur de Berg et a aussi écrit des poèmes en hommage à ce grand compositeur du XXème siècle.

Le Wozzeck que Jouve a écrit avec Fano est surtout conçu comme le" portrait littéraire" de l'opéra; à ce sujet, il fera d'autres portraits littéraires d'oeuvres musicales comme celui du Combat de Tancrède et Clorinde.

Dans la deuxième partie du recueil Inventions, il écrit la Fin de Wozzeck

Les amours tristes furieusement que nous portons
S'achèveront tôt au tard par une mort sans phrase
Ou par la phrase tuant le sexe d'un fer long
Qui s'engloutit lourdement aux eaux de la mémoire;

Nous rêverons alors le rêve d'un certain lieu
De soi ou d'elle? ou de l'autre forme antrieure?
Cependant que le corps sanglant mélangé d'esprit
Par une eau corrompue aura repris son histoire.


Au tout début de Mélodrame, dans la partie Lyrique - Jeune fille-, deux poèmes sont directement liés à l'oeuvre d'Alban Berg.

Votre grâce, ah la naissance de vos yeux
Le cri subtil silencieux de l'ensemble de votre corps
quand il se pose sur l'espace qu'il charge de ses fleurs amères
La paresse de votre main entièrement pareille dans les jeux
A la servante du temple quand elle annonce les mystères;

Le désir de votre fraîcheur lorsque votre âme de raison arrive aux portes rosées
De votre bouche pour parler sinueusement parmi nos murs
De forêts encombrées et de dragons barbus avant l'orée du soir
Dont vous avez rêvé nue en les songes de votre nuit par mille essouflements obscurs;

La caresse de votre jour étant simplement assise
Par la présence irréfutable et quand vos pointes de seins se lèvent
A chaque communion avec l'air souple de la vie où l'enfance vous est promise:
Le vague occupant votre amour et l'innoncence vos chagrins.


N.B: ce poème est précédé de deux mesures tirées de l'andante amoroso de la suite lyrique de Berg, cantilène amoureuse où le compositeur fait du dodécaphonisme un chant lyrique.


Vient ensuite un poème Mémoire d'un ange, allusion au concerto pour violon de Berg qui fût composé pour la mort de Mutzi, fille d'Alma Malher. Le concerto sera créé en mars 1936 alors que Berg décédera trois mois plus tôt.

Suprême dissonance géante dans la consonnance de l'or
Dans la constance d'un orchestre amour du jugement immense
Dans le déchirement d'enfance double requiem des morts
La forme du son par la mort, le sein inconnu de la mort,
et le jeune ange par la mort et l'artiste entier vers la mort;
Chantant l'insouciance des seins
Chantant la promesse du règne et la valse du sourire,
Chantant le fond noir du tonnerre! alors rébellion
dans les chutes, et toutes murailles de l'amer,
Chantant l'atmoe explorant l'horreur et l'épouvante de finir,
avec impossible boussole au souffle marin du délire;
Alors dit le pauvre violon la phrase des tons entiers
Qui est forte phrase du psaume
L'agenouillement de sons entiers déclare Seigneur c'est assez
Alors s'empare du dessous du coeur le psaume égale
volonté qui troue l'atroce délire
Alors se meut le vrai ange écartant de ses mains de soie
tous les hurlements épuisés
Alors travaille une mort sans laideur
Agrandie en perfection jusqu'au gémissement de lumière
A la pointe de la corde sur la base calme de sanglots
où le tout premier né expire.


N.B: toute cette force exprime bien l'émotion de la musique, on a presque une analyse poétique.
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Message par Aventin Dim 9 Déc - 7:43

Dans les années profondes - Matière céleste - Proses

Pierre Jean Jouve Jouve10


Il s'agit d'une sorte de compilation thématique (réussie), éditée en 1995 dans la collection Nrf Gallimard poésie.
- Dans les années profondes est une longue nouvelle ou un court roman (dans les 75 pages environ), paru en 1935 comme second récit d'un titre, La scène capitale, lui-même par la suite compilé en 1948 dans Histoires sanglantes, puis à nouveau sous le titre La scène capitale (vous me suivez toujours ?).
Le titre provient d'un vers, ou plutôt d'un passage fragmenté de Baudelaire, issu de Fusées:
A travers la noirceur de la nuit, il avait regardé derrière lui dans les années profondes (...)

Il est à noter que, bien qu'intervenant assez tôt sa carrière, Dans les années profondes (+ La scène capitale) sera le dernier roman de Jouve.

- Matière céleste paraît en 1937, puis est redécoupé en 1964 - c'est cette seconde version qui est proposée (qui est la première partie de la mouture initiale).

- Proses est publié en 1960.

Il s'agit d'amour, de sexe, de mort et de viatique poétique. Jouve parvient à suggérer (tout est dans l'art de la suggestion) un érotisme ni soft ni porno, mâtiné de fétichisme et de bizarreries: ce livre peut être mis dans quasi toutes les mains, dès l'adolescence, à mon humble avis, et même on peut le lire en considérant que ceci n'est pas la matière première de l'ouvrage, ni son intérêt principal (c'est loin d'être écrit libido-presto, en somme).
Ailleurs, Jouve a estimé que le (bon vieux ?) temps où les écrivains étaient censurés pour atteintes aux bonnes mœurs était, en fait, une aubaine pour ces auteurs-là, et Jouve n'écrit ni pour faire des affaires florissantes, ni pour la gloriole du monde.

Jouve a le culte de l'art, et prétend qu'il aurait tout arrêté s'il n'avait pas la conviction de faire acte sacré en tentant de, par exemple, transgresser les déterminations esthético-éthiques que l'artiste est amené à rencontrer.
Et que dire de cette mort, la Mort majuscule, omniprésente ?
[à titre personnel c'est assez substantifique comme lecture, nourriture à mes réflexions du moment sur la thématique pas si facile ni si tranchée art profane/art sacré].  

On le voit, l'unanimisme de ses débuts est complètement renié, Jouve farfouille sans relâche, outre son âme, ses désirs et instincts pour aller vers un Art dont il serait servant d'autel. De nombreux poèmes de Matière céleste, Espiritual par exemple,  trop long pour que je le reproduise ici, illustre tout cela.

Sa poésie, sans analogie réductrice, rejoint, ou du moins fait parfois penser à celle de ses contemporains Pierre Reverdy et Michel Leiris (enfin, pas quand ce dernier se vautre dans une facilité d'aloi douteux).
Disons qu'elle fait époque, là où Jouve n'a de cesse d'accumuler les référents à son maître proclamé Charles Baudelaire, in memoriam duquel il a composé un Tombeau dont j'envisage fortement la lecture (Qui a lu...?).

Revenons à cet ouvrage, au début est un jeune homme (Léonide, qui campe Jouve, 23 ans) qui tombe amoureux d'une Grande Dame (Hélène de Sannis), nouvelle campée dans les montagnes de la Suisse italophone, apparemment (l'Engadine, presqu'à coup sûr, les noms, la typographie est à peine travestie).

Là-dessus arrive un proche de la famille de Sannis, Pauliet, malade et grand érotomane, qui va servir de passeur-révélateur à Léonide...

Bref, le thème est assez éculé on le voit, la chute même de la nouvelle est prévisible depuis la moitié de l'ouvrage, l'intérêt est ailleurs; outre que, sans cette lecture préalable, il serait ardu sinon presque impossible d'appréhender ce qui suit (Matière céleste et Proses), elle permet de se familiariser avec une plume exigeante, qui se laisse déguster même avec un appétit modéré.

Dans les années profondes, chapitre I a écrit:J'avais le cœur fin au point d'éprouver les souffrances des fleurs. L'été était dans son plein, aucun vent, et le torrent lointain à la partie inférieure du val avait le luisant d'un vieux sabre: je sentais la vaste terre que j'avais sous les yeux comme une splendide terre des morts. Je vis alors que mon dos était appuyé au mur d'une maisonnette en crépi avec une fenêtre étroite à barreaux, enfoncée dans la prairie; l'herbe, pressée comme une toison, comme une chevelure, se tordait avec douceur contre la pierre, et il y avait entre le mur brûlé par le soleil, l'herbe en désordre et la fenêtre abandonnée, un tel secret, que je me sentais m'émouvoir aux larmes. La nature entière, me semblait-il son passé et son avenir, se résumaient sur la muraille claire de la maisonnette, de même qu'il suffisait d'agrandir ou de réduire la maisonnette dans le temps pour obtenir la nature entière, avec son bonheur et sa mort: et c'est seulement que j'aperçus que la maisonnette encastrée dans une muraille était une partie du cimetière.

Matière céleste a écrit:
Hélène

Que tu es belle maintenant que tu n'es plus
La poussière de la mort t'a déshabillée même de l'âme
Que tu es convoitée depuis que nous avons disparu
Les ondes les ondes remplissent le  cœur du désert
La plus pale des femmes
Il fait beau sur les crêtes d'eau de cette terre
Du paysage mort de faim
Qui borde la ville d'hier des malentendus
Il fait beau sur les cirques verts inattendus
Transformés en églises
Il fait beau sur le plateau désastreux nu et retourné
Parce que tu es si morte
Répandant des soleils par les traces de tes yeux
Et les ombres des grands arbres enracinés
Dans la terrible Chevelure celle qui me faisait délirer


Matière céleste a écrit:

Une seule femme endormie

Par un temps humide et profond tu étais plus belle
Par une pluie désespérée tu étais plus chaude
Par un jour de désert tu me semblais plus humide
Quand les arbres sont dans l’aquarium du temps
Quand la mauvaise colère du monde est dans les cœurs
Quand le malheur est las de tonner sur les feuilles
Tu étais douce
Douce comme les dents de l’ivoire des morts
Et pure comme le caillot de sang
Qui sortait en riant des lèvres de ton âme.

Par un temps humide et profond le monde est plus noir
Par un jour de désert le cœur est plus humide.


PS: En complément de la présentation de Cliniou, un petit lien vers ce site., pas inintéressant mais souffrant de piètre présentation, à mon humble avis.
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Message par Bédoulène Dim 9 Déc - 10:42

Aventin merci de toujours argumenter tes commentaires.

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Message par Tristram Dim 9 Déc - 13:34

J'ai lu Paulina 1880, et je ne sais plus quels poèmes, il y a trop longtemps : merci du rappel, il fau(drai)t y revenir...

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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 11 Jan - 11:13

Je voulais citer - et recopier - un extrait de poème qui m'a marqué. Je suis tombé sur cet extrait d'«Orphée» ici : lire le poème

En lisant mon livre, je me suis rendu qu'il manquait la strophe qui m'avait marqué :

TON REGARD À LA MER caresse les idées
Tes mains sont éloignées de mes tristes montagnes
Ta pensée la plus haute est au ciel pommelé
Dont mon oeil est empli ce soir et d'une étoile
Mais rien ne nous unit dans deux éternités
Qu'un bloc étrange et la matière de l'oeil triste
Ô double hanche de la glaise non séparée.

Il y a un poème, «Juin ou Lisbé» qui est de quoi à lire, réaliser et méditer. On peut comprendre qu'il y ait comment dire, un reflet d'époque dans la mesure où le rapport à la femme est teint de morbidité, mais il y a quelque chose de sublime dans l'acte poétique. Il y a des aspects ambigus quand les amants de circonstance se rencontrent, mais qu'on parle de mort pour réaliser la violence de cette rencontre... Ce poème fait partie de l'ensemble des poèmes qui évoquent Hélène. Je dirais qu'il y a là l'une des lignes de force de l'oeuvre de Pierre Jean Jouve.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Sam 29 Juin - 11:16

Je viens de lire un autre poème de Pierre Jean Jouve. Ça poursuit un peu le questionnement que j'avais entrepris dans le commentaire précédent.

«En finir avec le monde»

Privée et langoureuse
L'âme est au centre d'un tapis de pierre
Sans rayon et sans fin d'une crypte sans nombre
D'un voyage sans paysage
D'un coeur battant sans aucun sang

Et dans l'ombre et dans le plan sans ombre
Son immense émanation se fait entendre
Son ineffable perdition
Son baiser à l'humiliée
Fait entendre qu'Il un jour
Fera entendre...

Tout l'homme enseveli dans les mines du sang
Et tout son coeur bâti par horreur contre lui
Tout l'homme enseveli, t'es-tu déterrée?
Tout son coeur bâti, t'es-tu détruite?
Son moi tout arraché, t'es-tu réunie?

Ô bouche! ô cri de ma fente appliquée
Pour que Tu la dilates et l'emplisses
De ton diamant de ta mort et de ta pensée.





CE SONT DES LIVRES NUS que je rêve accomplir
À présent sans odeur et sans voix. De funèbres
Amas de grande ville ont épuisé mes nerfs
Mes lunes amoureuses m'ont scandalisé
Des tentations d'ordure font rougir mes chairs
Des plantations de drame et massifs de figures
Des choeurs avec accompagnement de misère
M'ont partagé mille fois et mis à l'ombre,
Ils ont découpé mes forces de péché,
Ma narine a tremblé sur les sexes de soeur
Mais j'ai tué en me sauvant pour trouver l'air
Dans les forêts de gorge mystérieusement,
Et j'aimais le plaisir mais j'ai sacrifié
Le séjour au néant le soleil à l'humide
Par amour d'un baiser désert et plus profond
Dont ma lèvre était folle intérieurement.

Pierre Jean Jouve semble être mu par une quête qui le secoue et la question religieuse ne semble pas loin...
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Message par Aventin Mar 5 Nov - 17:36

Jack-Hubert Bukowski a écrit:
Pierre Jean Jouve semble être mu par une quête qui le secoue et la question religieuse ne semble pas loin...

Oui, tout à fait d'accord - je suis en train d'achever la lecture du recueil Kyrie (chiné en édition originale numérotée !), et c'est noir, et c'est tourmenté, et cette drôle de quête qu'on peine à nommer, entre une existence à mener, des obsessions de mort et de ravage et d'érotisme...
Sa foi est étrange, teintée de dolorisme et de morbidité, les deux autres vertus théologales sont...disons, tellement en retrait, ou enfouies...qu'on se pose la question de leur présence.

Mais de très beaux poèmes, de haute tenue, tout de même.

Recueil divisé en trois parties:
Sa série Les quatre cavaliers (qui sont les cavaliers de l'Apocalypse) qui suit les poèmes de Kyrie proprement dits et précèdent ceux de Nul n'en était témoin est époustouflante, fait passer un réel souffle.  

Le poème Psyché abandonnée devant le château d'Éros (sur le tableau de Claude Lorrain) est un bon exemple de la combinaison morbidité/sensualité (je vais faire mon copiste, ne l'ayant pas trouvé sur la Toile).
Peu ponctué, Jouve nous laisse le soin de définir nos respirations, à l'aide aussi des endroits où il arrête ses vers, mais dans tous les cas on s'étonne, si vous le tentez à voix haute, d'avoir été chercher là de tels accents avec sa propre voix.
La toile de Le Lorrain n'est pas seulement visitée, elle est revisitée.

Pierre Jean Jouve The_en10
Le tableau de Le Lorrain, à la National Gallery (Londres).


Psyché abandonnée devant le château d'Éros


Verte beauté ! serais-tu morte ? La lumière
De tristesse funèbre incendie sur la mer
Rôde avec les prairies vertes
Des géants méditent dans leur feuillage inoubliable
El les montagnes de rochers s'évanouissent
Il règne la saveur exquise de la mort.


Bête mystérieuse de la mer
La marée nue remue, un immortel relent
Du cœur, la bête verte intérieure
Que des voiles des signes blancs sillonnent à l'étendue.


Et Psyché flanc sombre empli de vœux
Aux mains écarquillées aux pieds glacés dans l'herbe
Est assise avec ses instables moutons
Qui mangent sans répit désespoir des contrées
Et regarde: un monstre cruauté bâtie
Château de la chaleur de l'odeur et de l'ombre
Amoncellement de l'amour et puni
Par la foudre
Aisselle noire où Il demeure
Lui qu'elle aima le traître à l'œil de perle fine
Aux membres toujours fumants et au dragon
Couvert de sang de larme et de benjoin
Qu'elle aima ! et qui creusa le flanc superbe.



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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 28 Mai - 9:49

Je vais citer l'une de ses proses :

PRISONS

Toute vie est prison, pour peu que l'on y regarde. Moi
qui ai tant vécu pour la liberté, je ne sais plus bien ce que
parler veut dire. La première des prisons est l'Angoisse, qui
se transporte et s'accumule. L'angoisse descend d'une
autre prison qui est péché. Et le péché sort des prisons de
l'expérience. Dans la prison on ne se reconnaît plus, on n'a
plus écrit ses propres ouvrages, on a perdu la créature, on
ne voit plus l'image même d'un Dieu, pour qui vivre. Car
toute prison se forme souterraine à nous.

En ce grand lieu où j'ajoute aux montagnes les plaines de
l'ennui profondes et désertes, je conserve le regard, le seul
regard - qui brisera le temps, tombera les murs, étendra
sur toute chose vive la nappe de lumière. Il n'est rien de
plus merveilleux, me disait le sculpteur, que deux acacias
dans la rue d'Alésia, vus de ma porte.

dans «Proses» tiré de l'ouvrage poétique Dans les années profondes. Matière céleste. Proses, p. 238.
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Message par Bédoulène Ven 28 Mai - 10:19

la dernière phrase réconcilie !

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