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[Anonyme] Huon de Bordeaux

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Message par Tristram Ven 24 Jan - 17:13

N'hésites pas, Aventin ! Ta démarche est très intéressante (il faut juste que tu dispenses de ta lecture ceux que cela rebuterait...)

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Message par Bédoulène Ven 24 Jan - 18:59

oui Aventin, continue à quitter la piste balisée !

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Message par Aventin Ven 24 Jan - 23:05

Huon de Bordeaux, vers 3887 à 4590


[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Croisa10
Abbaye Saint Pierre de Moissac, fresque dite de la première croisade, première moitié du XIIème siècle.
L'abbaye "de mille moines", fondée par Clovis en 506, appartenait alors à l'Ordre de Cluny, depuis le milieu du XIème.



Aubéron, magnanime, ne tranche pas la tête d'Huon, et l'engage à poursuivre sa quête-périple. Il le met en garde contre la cité de Tormons, où réside Dudon, frère de son père le Duc Seguin, en France on l'appelait Guillaume: mais, par félonie envers le roi contre lequel il complotait et voulut sa mort, il fut banni. Parvenu en Terre Sainte, il abjura sa foi, Or croit Mahon, Tergavant le dervès (et aujourd'hui il croit en Mahomet et en l'insensé Tervagant).

[Toujours l'histoire parentale-filiale sur le chemin d'Huon. Dudon-Guillaume est une sorte de négatif, en félonie mais aussi en pouvoir, de Gériaume.]

Huon prend alors congé d'Aubéron, qui verse des larmes. Pressé de dire pourquoi, Aubéron confie, laconique, qu'il sait les grandes souffrances, les grandes peines que va endurer Huon.

Nos quatorze chevauchent au plus court, ce qui les amène un soir devant la cité de Tormons. Gériaume met en garde Huon, qui passe outre et choisit d'entrer vers la cité. Devant la cité, ils croisent un homme muni d'un arc, Huon le salue en chrétien:
"Amin, dit il, se Dieu te puist Sauver
Que de la mort nous volt tous racheter."
Stupeur de l'interlocuteur, qui rend le salut au nom De cel Signour qui en croix fuit penés (du Seigneur qui fut tourmenté en croix), et ajoute qu'il doit parler avec prudence, car si cela parvient aux oreilles du Duc qui gouverne la cité, il les fera tous massacrer.
En outre, rejoignant l'injonction de Gériaume, il leur déconseille vivement le séjour en cette cité.
Huon ne veut rien savoir.

[Toujours le côté folleteit d'Huon, comme on va voir à nouveau, qui non seulement n'esquive pas les dangers, mais même se jette en conscience en plein dedans.
Sa droiture ne supporte même pas l'esquive ou le contournement, non, il fonce droit sur le péril.
Se couplant à une certaine naïveté, pour moi Huon rappelle incroyablement un autre chevalier de légende et de chanson de geste, c'en est copie-conforme par instants en matière de décisions comme de tempérament: Perceval le Gallois.
Franchissant allègrement un grand pas, j'en déduis que cette manière de faire, que nous dirions aujourd'hui peu fine, dénuée du moindre calcul, était alors rien moins que l'héroïsme le plus pur, le plus noble. ]

L'archer, dès lors, lui conseille de se rendre à la maison du prévôt Hondré, Cil croit en Dieu moult ait loingtant passez (Qui croit en Dieu depuis qu'un long temps a passé).

Hondré est stupéfait lorsque Huon le salue en chrétien, lui recommande la plus vive prudence, et met à disposition toute sa riche maison, y compris table, couverts et tonneaux, peaux de martres et manteaux d'hermine.
Repus, les quatorze se délassent, quand Huon charge Gériaume d'aller chercher par la ville tous les fous, les ménestrels, les liche-trognes, les affamés, les miséreux afin qu'il les rassasie.
Hondré est, une fois de plus, stupéfait, mais se tient coi.
Huon lui tend son cor magique reçu d'Aubéron, et lui demande de le garder en lieu sûr.
Effectivement, Gériaume a tôt fait d'ameuter quatre cents miséreux, bons à riens, fous etc...
Gériaume achète tout le contenu des étals des bouchers et des poissonniers.
Huon sert le banquet aux pauvres.

[Attitude évangélique par excellence !
Huon avait déjà régalé les pauvres à Paris, mettant sa bourse à plat pour ce faire à la veille de son duel avec Amaury.
Bien entendu, l'auteur ne s'est pas fait faute de mentionner les ménestrels dans les premiers rangs des pauvres conviés par Huon...Rutebeuf a dû envoyer des like au message, et le re-tweeter...! ]
   
Son hanap magique ne désemplit pas de vin - ce qui est remarquablement probant, en ce sens, de la vertu de la pauvreté, fût-elle fille de la folie, pour le cas de certains convives.

Mais voilà qu'un homme de Dudon se rend au marché, et trouve les étals vides. Il se renseigne sur qui a pu acheter tout cela, et file chez son maître.
Il y est rejoint par un espion qui s'était glissé dans la foule des nécessiteux et fut témoin du prodige du hanap qui ne désemplit pas.
Furieux et en même temps fasciné et rendu envieux par les possibilités du hanap, Dudon ordonne à ses chevaliers de s'armer, et une expédition se met en route pour la demeure d'Hondré.

Huon en personne reçoit la troupe, et salue, en chrétien et d'une voix forte, Dudon, ce qui courrouce ce dernier, qui promet d'occire Huon et ses compagnons.
Huon propose à Dudon et à ses hommes d'aller plutôt se laver les mains et de se joindre au banquet.

Fureur de Dudon, qui se laisse pourtant gagner au ton convaincant d'Huon.
Il lui montre le prodige du hanap, mais, quand Dudon s'y essaie, celui-ci reste vide, preuve de la félonie et de la mauvaiseté de celui qui le tient.

Sur le point de massacrer Huon, Dudon s'enquiert de qui il est, et découvre donc qu'il est son neveu. Dudon entreprend de pleurer, des larmes factices bien sûr, et propose adroitement à Huon son hospitalité en son château ducal.
Gériaume s'en émeut et met Huon discrètement en garde, ce dernier n'en a cure.

Dudon demande à l'un de ses premiers chevaliers, un certain Joffroy amené avec lui de France, d'armer cinq cents chevaliers afin de massacrer Huon et ses compagnons dans une pièce sans issue du château.

Mais Joffroy avait bénéficié d'un très grand service de la part du duc Seguin à l'occasion d'un tournoi et, par conscience et droiture, ne peut se prêter à un tel traquenard.
Réunissant les hauberts et investissant la salle d'armes, il délivre sept cents chrétiens, chevaliers français qui croupissaient dans les geôles de Dudon, les arme et n'a pas besoin de les haranguer beaucoup pour qu'ils combattent contre Dudon.  

Alors que Dudon donne aux gardes l'ordre de massacrer Huon et les siens..
[Quelques vers vifs, joliment découpés rendent à merveille l'action, dans sa rapidité, son intensité et la simultanéité des situations:]
A voix escrie: "Mi chevalier, ferés !
S'i vous escheppe, a mort serez livrez !"
Hue l'antant, moult en fuit abosmez;
Isellement est sor cez piez levés,
L'espee saiche qu'il avoit as costeit.
Es vous Joffroy, avec lui son barnez;
"Montjoie ! escrie sa voix qu'il ot cler;
Ferés, baron, que Dieu vous puist sauver !
Sor celle gens c'onques ne pros amer".
Et si se fisent, qui n'ont soing d'arester;
Il crie à voix haute: "Mes chevaliers, ferrez [=frappez] !
S'il vous échappe, vous serez mis à mort !
Huon l'entend, et en est fort outré;
Instantanément il est sur pied,
L'épée dégainée, qu'il portait au côté.
Et voici Joffroy, avec lui sa troupe;
"Montjoie ! s'écrie-t-il d'une voix haute;
Ferrez, barons, sur ces gens que je n'ai jamais pu aimer."
Et ainsi font-ils, sans marquer de répit;




Tandis que Joffroy et ses combattants se rendent maîtres du palais, Dudon s'enfuit, poursuivi par Huon, et le sème en sautant dans un fossé.

Les vainqueurs n'ont qu'à peine le temps d'exulter, car Dudon a pu communiquer ses ordres et, aussitôt, c'est une armée de quatre mille qui s'assemble, plus des machines de guerre, dont les projectiles ont tôt fait d'abattre une tour du château ducal où sont retranchés Huon, Joffroy et les leurs.

Le prévôt Hondré, courageusement, tente de raisonner Dudon, disant que c'est son propre palais qu'il détruit, et le propre fils de son frère qu'il veut tuer.

Dudon choisit d'envoyer Hondré en émissaire, parlementer, afin de gagner un peu de temps et fourbir une traîtrise.
Hondré va voir Huon, lequel se lamente de lui avoir laissé si imprudemment son cor en garde; mais voici que l'habile Hondré sort derechef le cor magique de son aumônière...

Huon s'empresse de le porter à sa bouche, mais Gériaume s'interpose, disant qu'il n'y a pas péril au sens où Aubéron l'entend, d'ailleurs il n'y a même pas blessure.

Huon ne veut rien savoir et souffle dans le cor.

Par magie, Aubéron et une armée innombrable déferlent sur Tormons. Stupéfait, les hommes de Dudon se rendent sans combattre.
Il est proclamé qu'il ne sera rien fait à ceux qui acceptent de croire en Dieu. Quant à Dudon, il est décapité par l'épée d'Huon: c'est la seule victime de cette splendide victoire.
 

Aubéron salue tristement Huon, explique qu'ils va au-devant d'épreuves et de grandes souffrances à cause de sa folleteit insouciante, ce qui effraie Huon, qui promet de s'en tenir aux bons avis d'Aubéron, auquel il ne désobéira plus.

Aubéron peut alors exposer à Huon ses nouveaux conseils...



[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Duel_v10
Modillon, basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay, première moitié du XIIème siècle.


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Message par Bédoulène Sam 25 Jan - 8:57

en ce lieu aussi Huon trouve soutien ; celui de Hondré et de Joffroy (encore une fois grâce au père d'Huon, le Duc Seguin qui a été très estimé)

Huon sort donc sauf de cette "mini croisade" en Terre Sainte d'avec Dudon couverti à Mahomet

Oui, en plus d'agir "légèrement" en ne tenant pas compte des bons conseils d'Aubéron, Huon est naÏf comme tu le mentionnes Aventin ; mais l'héroïsme ne s'accompagne-t-il pas souvent de naïveté ?

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Message par Aventin Sam 25 Jan - 17:19

Tristram a écrit:il faut juste que tu dispenses de ta lecture ceux que cela rebuterait...
Oui mais ça comment faire ?
Ce type de commentaires au fil de la lecture, c'est trop déflorer pour d'éventuels candidats à ladite lecture.....

____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

Huon de Bordeaux, vers 4591 à 5001


[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Clef10
Illustration, manuscrit du Secret des Secrets.




Aubéron interdit cette fois-ci à Huon d'aller dans une cité nommée Dunostre. Elle fut bâtie, en vingt ans, par Jules César son père.
La demeure est somptueuse, trois cents fenêtres, vingt-cinq chambres, cinq grandes salles ornées de frises.
Deux "hommes de cuivre" (?) gardent l'entrée, chacun doté d'un fléau de courroie métallique, moult font a redoubter (à craindre terriblement) car ils abattent leurs fléaux hiver comme été, sans cesse; qu'on soit certain qu'une alouette, dont le vol est si vif et léger, ne pourrait y passer.
Là réside un géant nommé Orguillous (l'Orgueilleux), qui a ravi à Aubéron la forteresse et le palais, ainsi qu'un haubert robuste, plus blanc que la Reine-des-Prés, et qui pèse moins qu'un pain fait de fine farine. Celui qui l'endosse ne peut être blessé,  s'il tombe à l'eau, il ne coule pas, et nul feu ne peut le brûler.

Aubéron réitère à Huon son interdiction absolue de s'y rendre, Huon, qui vient de dire qu'il ne lui désobéirait plus quelques vers plus tôt, répond:
Sire, dit Hue, pour nïant en parlez,
Car ne lairoie pour homme qui soit nez
Que je ne voisse le joiant visiter,
Car pour ceu vin ge de France le rengné,
Pour aventure et enquere et trouver,
Une m'an dite que je voil esprouver,
Et, per Celui qui on doit ahorer,
Je vous dit bien, ja ne lou quier celler:
G'irait conquere le blanc haubert saiffrez.
C'il est sifait com vous me le lowez,
Mesteir m'avrait, le lou sai de verteit.
Et se je sus dout joiant agrevezn
Se j'ai besoing, je savrait bien corner,
Et je sai bien que vous me secourrez."
Dit Auberon: ""Non ferait, en nom Dei !
Hue, biaulz frere, ja ne vous y fieis,
Car, per Celui qui en croix fus penés,
Tu pués assez et tanir et sonner,
Maix per moy n'iers secorus ne tancér.
- Sire, dit Hue, vous ferés tout vous grez,
Et je ferait ceu que j'ai enpancez."  
- Sire, dit Huon, vous parlez en vain,
Car je ne laisserai homme qui soit né
Empêcher ma volonté du géant visiter,
Car c'est pour ceci que je vins du royaume de France,
Pour aventure m'enquérir et trouver.
Vous m'en dites une que je dois éprouver,
Et, par Celui que l'on doit adorer,
Je vous le dit bien, je ne passerai pas à côté:
J'irai conquérir le blanc haubert haussé d'orfroi.
S'il est ainsi fait que vous me l'avez décrit,
Il me sera utile, je le sais en vérité.
Et si je suis en difficulté avec le géant,
Si j'ai besoin, je saurais bien corner [du cor),
Et je sais bien que vous me secourrez."
Aubéron dit: Au nom de Dieu, je ne le ferai pas!
Huon, excellent frère, , ne comptez pas dessus,
Car, par Celui qui fut tourmenté sur la croix,
Tu peux assez retentir et sonner,
Mais pour ma part je ne viendrai pas à ton secours.
- Sire, dit Huon, vous ferez à vore gré,
Et je ferai ce que j'ai décidé.


Aubéron s'en va sur ces paroles, Huon remet à Joffroy et Hondré toute la terre que possédait Dudon.
Tous les Sarrasins se sont convertis.
En récompense de ce fief, Joffroy et Hondré remettent dix chevaux de bât chargé d'or et d'argent à Huon.
[Techniquement, cela ressemble assez à la commandatio de la haute époque médiévale, non ?]

Puis ils chevauchent, et, après un bivouac en forêt, parviennent en vue de la cité d'Orgueilleux le géant. Gériaume, qui la reconnaît, se lamente et se met à pleurer, avant de tenter de convaincre Huon de ne pas s'y rendre.

Bien entendu Huon brûle d'y aller, mais fait la proposition-concession suivante: ses hommes n'ont qu'à rester là à l'attendre, il ira seul avec son haubert, le heaume lacé, son épée côté senestre, le cor en bandoulière.

Gardant l'entrée, il trouve les deux espèces d'automates de cuivre et leurs fléaux balayant sans cesse le passage: Huon s'inquiète, tente de les apostropher, en vain. Il réfléchit et voit, sur sa droite, un bassin d'or attaché à un pilier. Il frappe, de son épée, trois coups dessus.
Aussitôt une jeune fille très belle, nommé Sebille, se penche à la fenêtre et se retire, en pleurs, déclarant que si le géant l'apprend, il voudra le mettre à mort.

Elle ne peut se retenir de le regarder à nouveau, voit ses armes et son vêtement à la croix d'or brodée Trois an y ot co'nn i avoit ovrez (Il a fallu trois ans de travaux pour le réaliser).
Elle s'écrie combien elle est malheureuse, voici un chevalier de France, le pays si cher à son cœur !
Elle se précipite à la chambre de l'Orgueilleux, constate qu'il dort, ouvre un guichet qui commande à un vant (vent) qui stoppe le mécanisme, et fait entrer Huon dans le palais, et s'enfuit dans une pièce sans lui adresser un mot.

Huon est fort désappointé de ne pouvoir lui parler[c'est un peu le pendant de la rencontre avec Aubéron, auquel, par précaution venant de Gériaume, il refusait d'adresser la parole], et, triste et désemparé, ne sait de quel côté se diriger.  

Il erre sans but dans le palais et tombe sur quatorze corps [le nombre de sa troupe] décapités, gisant auprès d'un pilier.
Trouvant le séjour périlleux, il pense s'en retourner, arrive au guichet, mais ne sait pas actionner le mécanisme. Dépité, il retourne à son errance palatiale, et entend des sanglots féminins.

Il se dirige vers ceux-ci et pénètre dans la chambre de Sebille, qu'il salue chrétiennement. Elle lui rend son salut, disant combien elle a pitié de lui, car dès que celui qui sommeille ici sera éveillé, sa mort viendra.
Huon est tout étonné que la dame sache le français, elle lui explique qu'elle vient de France, et qu'elle a tout de suite vu la croix brodée d'or qu'il arbore.

Huon la questionne, elle a grandi à Saint-Omer et est la fille du comte Guinemer, et la nièce du duc Seguin de Bordeaux !
Huon tombe dans ses bras, l'embrasse affectueusement par trois fois sur la joue, et lui explique qu'elle est sa cousine.

Son père et elle partirent en pèlerinage en Terre Sainte, une tempête jeta le navire juste sous la tour gardée par le géant, qui fit périr marins et gentilshommes et la garde prisonnière ici depuis sept ans.

Huon raconte son histoire, Sebille lui décrit les quatre pièces en enfilade qui suivent celle où ils se trouvent [NB: la desserte de pièces au moyen de couloirs était inconnue en architecture médiévale].

Dans la première l'on trouve du vin cleir, dans la seconde du vair et du petit-gris en grande quantité [signe de richesse], dans la troisième quatre idoles au culte desquelles l'Orgueilleux se consacre, et dans la quatrième, le géant lui-même, en train de dormir sur son lit.

Elle implore Huon de ne pas s'y rendre, et, comme c'est bien sûr en vain, du moins de le tuer tant qu'il dort, ce que refuse absolument Huon, ce serait déloyal. Et,l'écu au cou et l'épée brandie, il s'élance dans les pièces, arrive à celle des idoles qu'il observe longuement avant d'asséner à chacune un grand coup d'épée.

Dans la quatrième, le lit dans lequel dort l'Orgueilleux est somptueux, toutes les étoffes sont de très grand prix, les chandeliers sont aussi remarquables, les pieds sont d'or fin et les bords d'ivoire ciselée. Aux quatre coins du lit sont des oiseaux sculptés, [mais] qui chantent été comme hiver. Ils annoncent la venue du jour et le son de la harpe et de la vièle ne sont rien comparé à l'harmonie des sons qu'ils émettent.

Le géant lui-même mesure dix-huit pieds (cinq mètres cinquante environ !), a les yeux rouges et séparés du nez d'un demi-pied.  
Il est non seulement grand, mais vigoureux et charpenté.

Huon devise à voix haute en le contemplant, souhaite que Charlemagne eût été ici, afin qu'il voie à qui Huon a affaire.
Il trouve, décidément, qu'il trop déloyal de tuer le géant endormi, ce serait former projet honteux.

Alors il l'éveille en criant ainsi:

"Filz a putain ! Veilliez vous, ou dormiez !"
Quant cil l'oiit sifaitement parler,
Si roidement s'estandit li malfés
Que le challit fist trestous jus verser;
Il saillit sus, durement effraiez.
"Fils de p... ! Êtes-vous éveillé, ou dormez-vous !"
Quand il l'entend s'exprimer ainsi,
Le malfaisant s'étend avec tant de brusquerie
Que le châlit s'en renverse au sol;
Il se lève dans l'instant, durement estomaqué.




[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Croix10

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Message par Bédoulène Sam 25 Jan - 20:30

bien aventureux Huon ! est-ce bien ceux de sa troupe ainsi occis ? je croyais qu'ils attendaient dehors ?

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Message par Aventin Dim 26 Jan - 13:21

Bédoulène a écrit:bien aventureux Huon ! est-ce bien ceux de sa troupe ainsi occis ? je croyais qu'ils attendaient dehors ?

Non ce ne sont pas eux en effet: mais la coïncidence du nombre interpelle !


__________________________________________________________________________________________________________________________________________________________


Huon de Bordeaux, vers 5002 à 5489

[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Autun_10
Faucheur aiguisant sa faux, cathédrale Saint-Lazare d'Autun, XIIème siècle.

Alors l'Orgueilleux s'adresse à Huon en ces termes:


Vaissas, dit il, qui t'ait si amenés ?
Petit t'amait que t'i laissait entrer.
- Per foid, dit Hue, pues que fransoy savez,
Je vous dirait qui m'i ait amenés:
Mez grant oultraige et mez grant folleteit !"
Dit li joiant: "tu ais dit veriteit,
Vassal, dit-il, qu'est-ce qui t'amène ici ?
Il t'aimait bien peu celui qui t'a laissé entrer.
Par la foi, dit Huon, puisque tu connais le français,
Je dirais ce qui m'a amené:
Ma grande manière d'outrepasser les bornes et mon grand panache transgressif !
Le géant lui dit: "tu as dit la vérité,

[L'avant-dernier vers se comprend très bien tel quel en langue originale, mais s'avère si ardu et si décevant à rendre en langage actuel !]


L'Orgueilleux fait remarquer à Huon qu'il est nu, sans armes; Huon lui dit d'aller s'apprêter pour le combat.
Il enfile un gambison multi-couches, à trente épaisseurs de drap ou de soie, par dessus un clavain, et un haubert long de quatorze pieds.
Puis il endosse dessus une tunique de cuir de Cappadoce si résistante que peu d'épées pourraient l'entamer.
Ensuite il s'arme d'une grande faux [arme de la Camarde], se dit prêt pour le combat, mais demande d'abord à Huon qui il est et d'où il vient.
Huon raconte une fois de plus, et demande au géant qui il est.

Il se présente comme l'Orgueilleux, aîné d'une fratrie de quinze.
Tous les païens, Sarrasins et Escler lui acquittent un tribut de quatre deniers d'or pour rachat de leur servage, depuis la mer jusqu'à l'Arbre Sec [le désert ?] ou aussi loin qu'on puisse aller.

Il a chassé l'émir Gaudisse et lui a pris quatorze cités, la plus modeste comptait dix mille guerriers. C'est, depuis, son vassal par rachat de son servage, en atteste un précieux anneau d'or qui lui a remis.

Il a aussi chassé Aubéron, dont les enchantements ne parvinrent pas à être efficace contre lui.
Il lui a ravi ce château ainsi qu'un haubert magique, quiconque l'enfile ne peut redouter les blessures; mais l'inscription au col précise que le haubert est inopérant sauf à être exempt de tout péché mortel, de surcroît il faut être pur et loyal.
De plus, sa mère doit n'avoir de sa vie jamais songé à un autre homme qu'à son époux; aussi le géant affirme qu'il n'est pas né, celui qui pourra endosser ce haubert en remplissant toutes les conditions.
Dernières propriétés, celui qui le porte ne peut couler dans l'eau ou être brûlé par le feu.

Le géant apporte le haubert à Huon pour lui montrer, lui disant que, puisqu'il l'a laissé s'équiper, en échange il peut bien passer ce haubert.
Lequel se trouve être parfaitement à sa taille.
L'Orgueilleux lui demande de le lui rendre maintenant qu'il l'a essayé, Huon rétorque que oui, mais contre quatorze cités, et le provoque en lui affirmant combien il est laid, si laid que son père ne doit pas être un humain.
Le géant réplique qu'en effet, Belzébuth est son père, et sa mère est Murgale, une géante qui vit dans la mer. Et l'Orgueilleux tente un compromis: si Huon lui donne le haubert, en échange il lui remet l'anneau d'or de Gaudisse, assez petit pour son auriculaire, mais que Huon pourrait passer à son bras.

Ce serait un sauf-conduit pour Huon, qui, lui explique l'Orgueilleux, s'il parvient à franchir la mer Rouge et aller jusqu'au palais de Gaudisse, trouvera à l'entrée quatre portiers gardant quatre portes et ponts levés successifs. S'il est français, à la première on lui tranchera un poing, le second à la deuxième, un pied à la troisième et l'autre à la dernière. Dans cet état il sera présenté à l'émir, qui lui coupera la tête.

Tandis que, muni de l'anneau, quand bien même il en venait à occire cinq cents hommes de Gaudisse et frapperait ce dernier au nez jusqu'à ce que le sang coule au sol, nul ne s'avisera de porter la main sur lui.
Trêve de bavardage, répond Huon, je te défie...
Le géant lève sa faux, Huon esquive, la lame s'enfonce de quatre pieds dans le marbre (?!!).

Le géant ne cesse ses injures et imprécations qui galvanisent la fureur de son adversaire. Huon lui assène un coup qui tranche le haut du heaume, ainsi que le bassinet et la coiffe.
Recul du géant, qui esquive ensuite, mais est atteint au-dessus de la hanche, laissant un morceau de chair de la taille d'une paume pendant.

Furieux, le géant abat sa faux, de toute sa puissance, sur Huon qui évite et la lame ne rencontre qu'un banc. Mais le banc, projeté, percute Huon qui tombe au sol, ressentant une violente douleur. Puis il s'évanouit. Le géant cesse le combat, ne voulant frapper un homme évanoui au sol. Huon émerge peu à peu, constate que l'Orgueilleux ne fait plus cas de lui. Il se met à prier, très ardemment. Puis il se relève, marche vers le géant, celui-ci tente de le faucher mais, plus prompt, Huon réplique en lui tranchant les deux poings au niveau du coude. Ainsi désarmé, il s'enfuit, poursuivi par Huon.
Sebille, qui a tout entendu, prend une longue perche et se poste, la glissant dans les jambes au passage de l'Orgueilleux, qui s'entrave.
Huon fond sur lui et l'achève.  

Puis il appelle ses compagnons depuis une fenêtre, Sebille va leur ouvrir, et ils n'en croient pas leurs yeux en voyant la taille du géant mort. Puis ils s'enquièrent de la dame aperçue, et Huon raconte l'histoire de Sebille, après quoi ils vont tous, spontanément, embrasser la dame. Puis vient le temps de manger et boire en quantité.

Mais, au petit jour, Huon déclare à ses hommes qu'à présent il continue seul, leur demande de l'attendre quinze jours ici en veillant sur Sebille, après quoi ils devront s'en retourner auprès de Charlemagne, en France, rendre compte.
Ce à quoi ils rétorquent qu'ils attendront une année.

Huon les recommande à Dieu, et, très émus, ils se postent aux fenêtres jusqu'à ce que la silhouette d'Huon disparaisse.

Huon arrive au rivage, ne trouve ni barque ni navire. Il commence à se lamenter, regrettant Aubéron et ses pouvoirs. Il est dubitatif quant à tester les propriétés du haubert, puisqu'il ne sait pas au juste vers où se diriger sur la mer.
Justement, Aubéron aussi se lamente, il est au courant de tout grâce à ses pouvoirs magiques, et ses proches s'inquiètent de le voir ainsi, sans pouvoir lui venir en aide.
Un certain Malabron, de son entourage, lui dit qu'il a tort, qu'il est facile de l'aider. Aubéron donne son accord, à condition qu'en manière de pénitence Malabron devienne, vingt-huit ans durant, génie marin.

Malabron marque son accord, par loyauté.  
Il enfile sa "peau".
[?? peut-être une lointaine projection de ce que seront les combinaisons sous-marines ?? ]
Puis il se rend à la mer et se met à l'eau. Quelques vers prestes nous le décrivent nageant plus vite que ne galope un cerf dans les prés, et bientôt Huon aperçoit une forme nageant à sa droite. Malabron sort de l'eau, jette sa "peau", et apparaît sous les traits du plus bel homme qui se puisse concevoir.
S'ensuit une laisse rimant en -on, la première depuis le début du poème, je vous avoue l'avoir clamée ce matin sous la douche:

Li anffe Hue regardait le luton
Moult le vit bel et de jante faissons;
Il l'an appelle bellement, san tanson:
"Amis, dit il, pour Dieu et pour son nom,
De queil terre es ne de quelz region ?
Appartient tu Pillaitre ne Noiron ?
Je te vis or venir de tel randon  
Permy la mer noiant come luton,
Et or te voy de si belle faisson !
Je cud tu soie dez gens roy Auberon.
Ne moy fait mal, pour Dieu et pour son nom."
Le jeune Huon regardait le lutin (=Génie)
Le vit très beau et manières distinguées;
Il l'appelle avec courtoisie, sur-le-champ:
"Ami, dit-il, par Dieu et par son nom
De quelle terre es-tu, et de quelle région ?
Appartiens-tu à Pilate ou Néron ? (=es-tu un Ancien Romain ?)
Je t'ai vu arriver avec une telle célérité
Dans la mer nageant comme un lutin,
Et à présent je te vois si magnifiquement tourné !
Je me doute que tu es des gens du roi Aubéron.
Ne me fais pas de mal, par Dieu et par son nom". 


Malabron le rassure, sait qu'il s'appelle Huon, lui lui qu'il est envoyé par Aubéron. Il lui explique qu'il en était l'homme-lige, mais, qu'ayant mal préparé un breuvage, il a été condamné à être génie marin pendant trente ans.

[donc cinquante-huit, en comptant les vingt-huit ajoutées par Aubéron, ou bien a-t-il déjà purgé une très grande partie de sa peine ? Le texte ne précise pas.]

Huon lui demande s'il peut se fier à lui, Malabron lui dit qu'il le portera outre la mer Rouge Ne moillerait ne plante ne sollez (sans qu'il ne mouille plante de pied ni chausse).

Malabron entre à nouveau dans sa "peau", Huon monte sur son dos, et l'équipage s'engage sur la mer....
 
[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Zopzoe10
Réplique d'épée du XIIème siècle - la lame proprement dite mesure 88 centimètres environ, le poids total se situe aux alentours de 1,630 kilos, permettant la taille et l'estoc, à la différence des épées plus longues et lourdes qui vont venir ensuite, se maniant à deux mains, et utilisées pour la taille à peu près exclusivement, adaptées pour une utilisation par la "piétaille" face à une cavalerie de plus en plus lourde et vêtue de plus en plus de métal, en couches superposées, montures comprises.

[Donc, pour l'auditoire averti du ménestrel, dans le combat fictif entre l'Orgueilleux et Huon, ce dernier, compte tenu de l'amplitude de bras d'un géant de 5,50 m., devait s'approcher presque en corps-à-corps s'il voulait asséner un coup, sous la menace des membres redoutables et bien sûr de la faux de l'Orgueilleux ! D'où, sans doute, le traitement un peu farfelu de ce combat-là dans le poème. Autant le combat face à Amaury était très réaliste, excepté les deux protagonistes fichés au sol par le haut de leur heaume peut-être, autant celui-ci est loufoque - ou merveilleux, c'est selon.]

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Message par Bédoulène Dim 26 Jan - 14:58

trouvé sur wiki : "L'arbre sec, l'arbre Sol ou l'arbre du soleil et de la lune est un arbre légendaire. Décrit dans les légendes comme un arbre oraculaire."

"Le géant lève sa faux, Huon esquive, la lame s'enfonce de quatre pieds dans le marbre (?!!)." la faux doit avoir des pouvoirs ? n'oublions pas que Belzébuth est le père du géant

la strophe en "on" est belle à l'oreille et à l'écrit.

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Message par Aventin Jeu 30 Jan - 20:17

Huon de Bordeaux, vers 5490 à 6020

[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Map-al10
Carte dite d'Al-Idrisi, XIIème siècle, avec le nord représenté au sud (dans notre représentation d'aujourd'hui).

Malabron dépose Huon, un peu triste, pour deux raisons qu'il lui expose: d'abord parce qu'Huon va au devant de grands périls, ensuite, lui dit-il, parce que lui-même va souffrir: en proposant cette solution de transporter Huon, il a ajouté vingt-huit ans aux trente pour lesquels il était déjà condamné par Aubéron à être génie marin (il se mouille pour Huon, donc Laughing ): nous avons le fin mot, ce n'était pas très clair dans les vers précédents. Il lui redit qu'il ne devra jamais mentir, à peine de perdre l'amitié et le soutien d'Aubéron.

Huon se rend à la cité de l'émir Gaudisse, qui grouille de monde, puisque c'est la foire de Saint-Jean l'été, et qu'en sus Gaudisse tient sa cour. Complètement oublieux de l'anneau d'or de l'Orgueilleux qu'il porte au bras, lorsqu'un soudard l'interpelle à la première porte pour savoir s'il est chrétien, slavon ou païen, Huon répond: païen, ce qui est mentir.

Réalisant sa dommageable bévue, pensant devenir fou de chagrin à l'idée d'avoir commis une telle stupidité, il se reprend au suivant, se jure de ne plus mentir quelques soient les souffrances à endurer.
Il injurie le garde, montre l'anneau, et passe. Il passe en silence, rien qu'en montrant l'anneau, la troisième porte.  
Il apostrophe en chrétien le garde de la quatrième porte, celui-ci étant ébahi qu'il ait pu franchir les précédentes: à la vue de l'anneau, il se tient coi et le laisse pénétrer.

Huon, bien que franchissant les obstacles avec succès, se lamente, ne s'accorde aucune chance.
Il entre dans le jardin de l'émir, planté de vergers.
[L'une des sept merveilles du monde, les fameux jardins suspendus de Babylone ?]

Une source y jaillit, qui semble provenir du Paradis.
Une fontainne y sort per son channielz,
De parradis vint li ruix, san doubter.
Sa vertu est miraculeuse, quiconque y boit en ressort rajeuni.
[La fameuse et biblique fontaine de jouvence, remise en lumière aux XIème et XIIème par les narrations alors contemporaines autour de royaume du Prêtre Jean, là je prends le risque de ne pas mettre de point d'interrogation]   

Après boire à cette fontaine, Huon oublie ce qu'il doit faire.
[une vertu, ou un effet indésirable, de cette eau ?] 

Il se lamente à nouveau et sonne du cor à qui mieux mieux, si fort que du sang lui jaillit de la bouche et du nez, implorant Dieu et la vierge, puisqu'il sait Aubéron dorénavant sourd à ses appels.

Gaudisse l'entend, et demande à ses hommes de s'armer pour fondre sur celui qui sonne du cor et le tailler en pièces, dès que celui-ci aura arrêté. Huon stoppe en effet, pose son cor, se lamente. Puis, dans un accès de courage et bien qu'abandonné seul, il pénètre dans la grande salle (la mosquée ?) dans laquelle fuy Mahon apportez (dans laquelle Mahomet a été placé).

Comme il tourne le dos à l'idole au lieu de la saluer, instantanément l'assistance se méfie, toutefois certains le prennent pour un messager qu'il convient de laisser en paix.

Un émir est en train de servir Gaudisse, aux fins d'épouser Esclarmonde sa fille. Comme Charlemagne l'avait ordonné, il dégaine son épée et tranche d'un seul coup la tête du prétendant, dont le sang éclabousse Gaudisse. Celui-ci crie ses ordres à ses hommes, Huon est cerné mais ferraille à l'épée. Il tue quatre hommes et jette l'anneau de L'Orgueilleux sur la table. Aussitôt Gaudisse enjoint ses soldats de s'écarter et de laisser Huon en paix.
Alors Huon embrasse par trois fois la fille de Gaudisse, selon les desiderata de Charlemagne.
Celle-ci s'évanouit. Quant elle revient à elle, son père lui demande s'il lui a fait mal.
Esclarmonde a cette réponse truculente:
- Sire, dit elle, bien porait repaisser
-Sire, dit-elle, il pourrait bien recommencer

Et elle ajoute:
"Sceit tu, dit elle, pour quoy m'estuet pasmer ?
Sa doulce allaine m'ait si mon corpz navrez,
Se je ne l'ai enneut a mon costeit,
G'istrait du sanc ains qu'il soit ajornez."
Sais-tu, dit-elle, pourquoi je me suis pâmée ?
Sa douce haleine m'a tellement atteinte en mon corps [en mes entrailles],
Que si je ne l'ai à mes côtés cette nuit,
Je deviendrais folle avant qu'il ne fasse jour.


Huon se présente à Gaudisse en émissaire de Charlemagne, en une belle laisse de rupture rimant en -ant, disant celui-ci très courroucé car il ne connaît personne
De ci à Aicre ne jusques Boicidant  
D'ici à Acre et en Boicidant
qui ne se place sous sa domination, sauf Gaudisse, qu'il rassemble une armée plus nombreuse encore que celle de la campagne lors de laquelle il perdit Olivier et Roland à Roncevaux, et qu'il passera la mer à la Saint-Jean:
Une solution pour éviter cette guerre annoncée étant de se faire baptiser et de se reconnaître comme son vassal.  

Gaudisse refuse.
Huon lui dit encore qu'il réclame mille éperviers mués, mille autours, mille ours, mille chiens de chasse enchaînés, mille jeunes gens à la fleur de l'âge, mille pucelles de grande beauté, mille destriers, ses blanches moustaches et quatre molaires arrachées
De t'orde goule
à ta vilaine gueule.

Gaudisse refuse toujours, demande comment Huon a eu l'anneau, celui-ci ne ment pas et dit qu'il a tué L'Orgueilleux.
Libéré, par conséquent, de sa vassalité, Gaudisse ordonne à ses hommes de s'emparer d'Huon.

On ferraille valeureusement, quatorze soudards de Gaudisse périssent, un quinzième, armé d'un faussart, fond sur Huon mais ce dernier le coupe en deux, d'un coup sur le heaume, jusqu'à la ceinture.

Gaudisse exhorte encore ses hommes, leur promet la pendaison à tous s'ils ne capturent pas Huon. Par malchance, l'épée de celui-ci lui échappe, et tous se précipitent sur lui et le dépouillent de son si précieux haubert, du non moins précieux hanap, du cor magique, de son heaume et de toute sa tenue.

Ils décident de sa mise à mort par pendaison, mais un vieil émir avisé, âgé de plus de cent quarante ans, rappelle qu'il ne sied pas de tuer de prisonnier pendant la Saint-Jean d'été, qu'il faut le nourrir et le garder jusqu'à la Saint-Jean de l'an prochain, où il devra combattre en champ clos un champion désigné par Gaudisse.

Gaudisse approuve, ainsi est-il fait...






[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Cheval11
Chapiteau, basilique Saint Julien de Brioude (premier quart du XIIème environ).




[En vertu de l'adage Cairus, quae olim Babylon; Aegypti Maxima urbs et du fait que c'est la seule grande ville de l'époque qui puisse correspondre, même de loin, la Babylone de l'émir Gaudisse, immense cité, est bien à situer au Caire ce me semble.
Souci, Huon peut passer par voie terrestre pour s'y rendre.
Si l'on s'en tient aux vers, la forteresse de l'Orgueilleux est située sur le bord de la mer, c'est dit à deux reprises, et il est ajouté que Sebille et son père ont fait naufrage au pied de celle-ci en venant droit d'Europe, elle ne peut donc pas être localisée au bord de la mer Rouge.
De surcroît, Huon vient de Jérusalem et des contrées adjacentes: tout me porte à croire que la mer Rouge du poème qu'Huon a traversée sur le dos de Malabron est en fait...l'angle sud-oriental de la mer méditerranée.
Mais il fallait, par rappel biblique à mon humble avis, qu'il traversât la mer Rouge à pied sec.]

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Message par Bédoulène Ven 31 Jan - 8:20

merci Aventin pour les précisions géographiques.

Huon dépouillé donc de ses vêtements et objets protecteurs et en sursis jusqu' à la Saint-Jean de l'an prochain !

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Message par Tristram Ven 31 Jan - 11:16

Juste une petite précision : t'orde goule se traduirait peut-être plus exactement par "sale gueule" (idée présente dans "ordure").

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Message par Aventin Sam 1 Fév - 8:54

Bédoulène a écrit: Huon dépouillé donc de ses vêtements et objets protecteurs et en sursis jusqu' à la Saint-Jean de l'an  prochain !
Hum, vraiment mal barré le héros !

Tristram a écrit:Juste une petite précision : t'orde goule se traduirait peut-être plus exactement par "sale gueule" (idée présente dans "ordure").
Oui, tout à fait, merci beaucoup pour la référence ordurière que je n'avais point aperçue - c'est cru, méprisant, injurieux et aussi implacable, définitif: si tu profères une telle ignominie, sors vainqueur, sinon...  


_____________________________________________________________________________________________________________________________________________________

Huon de Bordeaux, vers 6021 à 6480


[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Navas10
Navas, navire de cargaison, XIIème-XIVème siècle

Huon implore Dieu dans la nuit de sa geôle. Esclarmonde, la fille de Gaudisse, ne peut quant à elle trouver le sommeil, habitée par le souvenir des baisers de Huon. N'y tenant plus, elle se rend à la prison, chaparde les clefs au gardien endormi, et pénètre là où est incarcéré le beau chevalier.

Sans tarder, elle lui déclare son amour mais Huon la repousse.
Mortifiée, elle appelle le gardien et le somme de faire jeûner son prisonnier trois jours et trois nuits.
Huon sombre peu à peu dans le désespoir, en vient à maudire Aubéron de l'avoir laissé tomber pour une vétille, implore à nouveau Dieu d'agir et la Vierge d'intercéder.

Mais il ne sait pas qu'Esclarmonde l'épie et entend ses paroles.
Elle revient lui demander s'il a réfléchi maintenant qu'il a jeûné.
Elle lui propose qu'elle se convertisse à la religion chrétienne et qu'Huon l'emmène dans son pays, rien de plus, si ce n'est toutefois de se montrer toujours loyal envers elle.
Elle lui fait porter à déjeuner, et somme le geôlier d'annoncer à Gaudisse que le prisonnier est décédé.
Gaudisse se montre fort dépité de ce trépas en catimini.

Là, le ménestrel abandonne Huon et la Babylone de Gaudisse et revient à la forteresse de L'Orgueilleux où sont cantonnés les treize compagnons d'Huon et Damoiselle Sebille. Ils commencent à trouver le temps long, déjà quatre mois qu'Huon les a quittés, et craignent le pire.
Gériaume aperçoit du rempart une nef de très grande taille voguant vers eux, et dénombre trente païens à son bord.

Il appelle ses compagnons et ils sortent à sa rencontre, le navire faisant voile vers eux, afin d'avoir peut-être des nouvelles.
Gériaume, qui parle bien sûr la langue, se fait expliquer qu'ils n'en ont pas, qu'ils viennent de La Mecque acquitter leur tribut à L'Orgueilleux. Gériaume leur dit qu'il est mort, et décide ses compagnons à passer à l'attaque et se saisir du navire. L'effet de surprise joue à plein, la victoire est totale,
Quant tous les orent detranchiér et tüér,
Que ung tout seul n'en est vif demorez.
Quand ils les eurent tous mis hors de combat et tués,
Qu'il n'en est pas demeuré un seul vivant.


Pillage de la cargaison, de l'or et de l'argent ainsi pris en grande quantité, et festin post-victoire effectués, ils décident de se servir de ce bateau pour aller quêter des nouvelles d'Huon de l'autre côté de la mer Rouge. En fait ils se sentent un peu coincés: ils ne peuvent rentrer dans le royaume de France et se présenter devant Charlemagne sans avoir de nouvelles précises à lui donner, concernant la réussite ou l'échec d'Huon.

Sebille se joint bien sûr à eux, et les voilà tous voguant en direction de Babylone, sous le capitanat de Garin le marin-armateur.
Le voyage effectué et le navire accosté, ils chargent deux bêtes de somme de grosses quantités d'or et d'argent, montent leurs chevaux et se dirigent vers le palais de Gaudisse.  

Gériaume, qui connaît les lieux, les us et la langue, demande à chacun de régler sa conduite sur la sienne, et de le laisser parler.
Pour ce qui est du délicat franchissement des quatre portes-ponts, il y a un vers bien curieux:
Les IV pont s'ont tous oultre paisser
Per la raison que cis Gériaume sceit.  
Les quatre ponts sont tous franchis
En raison de la connaissance de Gériaume.


[ Per la raison ne fait pas trop difficulté, en l'entendant dans un sens actuel: "au motif de", ou encore "grâce à".
Par sceit en revanche le ménestrel ne signifie-t-il pas quelque chose comme une combinaison expérience/connaissance + ruse ? - en tous cas, si Huon a une obligation du type de ce que la chevalerie a à offrir de meilleur, c'est-à-dire une droiture absolue, une loyauté extrême, aucun mensonge même peu ou pas dommageable, ses compagnons et en premier lieu Gériaume ne sont point tenus à pareille exigence -est-ce là toute la différence héros/comparse, valable même pour celui qui prend le commandement en l'absence d'Huon ?- je laisse cet aspect moral à votre jugement, en tous cas ceci a l'avantage de donner à ces passages un petit air de comédie ! ]

Ils trouvent Gaudisse entouré de sa cour, Gériaume orend la parole, se répand en formules rituelles de circonstance, se prétend le fils de l'émir Yvorin - Gaudisse en est fort réjoui, car du coup Gériaume est...son neveu.
Gériaume, se faisant appeler Tiacre, enchaîne en déclarant que les douze français sont un présent de son frère à Gaudisse, quant à la Dame, il n'y a qu'à la confier à Esclarmonde, elle lui apprendra à parler français et les manières de son pays.

Gaudisse lui propose les clefs de sa grande geôle, vu qu'il semble bien parler le français aussi, et recommande qu'ils soient bien traités et bien nourris, pas comme ce jeune chevalier que Charlemagne lui avait envoyé et qui a trépassé là.

À ces paroles, Gériaume croit devenir enragé, se saisit d'un bâton, se retient de frapper Gaudisse et détourne ses coups sur les chevaliers ses pseudo-prisonniers, lesquels sont évidemment scandalisés, et les cogne jusqu'au sang.
Gaudisse lui demande de tempérer ses ardeurs, tenant à les garder vivants et bien portants.

Il les conduit à la prison en les battant, Esclarmonde s'interpose en lui demandant, en tant que son cher cousin, si elle peut lui confier un secret: elle lui explique qu'il y a là un prisonnier français que son père croit mort et il faut se garder de l'en prévenir.
Gériaume flaire quelque piège et se tient coi.

Huon, dans le noir, tonne pour savoir qui est là.
Les autres, tout à leur affliction, finissent par lui dire qu'ils viennent de Bordeaux à la suite d'Huon...et ce sont les retrouvailles.
À la question de savoir où est Gériaume, ils répondent qu'il a trahi, et qu'en sus il les a roué de coups avant de les jeter lui-même ici.

Huon éclate de rire, reconnaissant là quelque ruse de Gériaume, explique le lien qui l'attache en toute loyauté à Esclarmonde, et leur demande de ne pas trop s'inquiéter.
 
Esclarmonde, pendant ce temps-là, va trouver le pseudo-Tiacre, Gériaume, afin de lui adresser cette proposition en vers joliment cadencés et mélodieux:
-Sire, dit elle, eparmain le sairez:
Si ve volliez Mahommet adosser,
Qui est d'or fin et fait et conpaissez,
Et Dammedieu servir et aorer,
Et vous volliez a mon consoil torner,
Nous en yriemme en France le rengnez,
Car li Fransoy que la jus trouverez
Le m'ait ainsi plevi et creantér.
- Sire, dit-elle, par moi le saurez:
Si vous vouliez de Mahommet vous détourner,
Qui est [idole] d'or fin et fabriquée,
Et le Seigneur Dieu servir et adorer,
Et que vous vouliez vous associer à mon dessein,
Nous irions au royaume de France,
Car le Français qu'ici vous trouverez,
me l'a promis et assermenté.


En son for intérieur, Gériaume jubile mais, sous le masque de Tiacre, n'en laisse rien paraître. Il entre en fureur, paraît fort courroucé, et répond qu'il va tout raconter à son cousin Gaudisse, nul doute que celui-ci fera pendre le chevalier français et brûler sa propre fille !

Esclarmonde, à ces propos, devient folle de chagrin, et demande en dernière faveur d'accompagner Gériaume-Tiacre afin de lui faire ses adieux.

Coup de théâtre, de joie Huon saute au cou de Gériaume dès qu'il pénètre dans la geôle, à la grande stupeur d'Esclarmonde, qui commence à comprendre et demande à Huon si, à la vérité, ces gens-là ne seraient pas ses compagnons.
Huon le confirme, et demande aux treize de la bénir et de lui rendre hommage, car il lui doit la vie et un traitement de faveur extrême.

Esclarmonde prend ensuite la parole, dit qu'elle va aider à leur libération, précise que si Gaudisse avait accepté de se convertir à Dieu [à l'injonction musclée d'Huon] elle n'eût jamais trahi son propre père.

[Référence, à mon humble avis, à l’Évangile selon St Luc - 12, 49-53]  

Voici le plan d'Esclarmonde: il convient d'attendre le soir, que Gaudisse soit profondément assoupi.
Puis elle donnera à chacun un haubert et des armes. Elle-même tient à porter le premier coup.
Une fois Gaudisse occis, ils quitteront tous ensemble le pays.

Mais Huon ne l'entend pas de cette oreille, dévie des injonctions de Charlemagne concernant Gaudisse, rejette en partie ce dessein en déclarant qu'il n'est pas question de faire le moindre mal à Gaudisse, et qu'il n'est pas loin le jour de leur délivrance...

[ Toujours en matière de références bibliques censées parler vivement au public du ménestrel, le fait d'être emprisonné à Babylone et de tendre ses efforts vers la libération est bien sûr à rapprocher de l'Exil à Babylone.]


[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Zoglis10
Église Saint Pardoux de Barret (Charente), XIIème siècle.




Dernière édition par Aventin le Sam 1 Fév - 14:05, édité 1 fois
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Message par Bédoulène Sam 1 Fév - 11:41

que de rebondissements ! Huon s'en tire une fois de plus !

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Message par Aventin Sam 1 Fév - 21:48

Bédoulène a écrit:que de rebondissements !  Huon s'en tire une fois de plus !

En effet, toutefois on dirait qu'il n'est pas au bout des périls !

____________________________________________________________________________________________________________________________________________________

Huon de Bordeaux, vers 6481 à 6966

[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Tourno10
Chapiteau, Palais des Rois de Navarre à Estella (Espagne), représentant la lutte de Roland contre le géant Ferragut, seconde moitié du XIIème.




Le ménestrel introduit ici un nouveau protagoniste, Agrapart, le frère de L'Orgueilleux, rendu extrêmement furieux par l'annonce du décès de son frère. Il fonce donc sur Babylone escorté d'une troupe, se rend droit à la table de Gaudisse (à laquelle Gériaume a l'honneur de servir) et se lance dans une tirade si énervée qu'il en renverse le vin sur la table.

Obtenant ainsi un silence total, il hurle que Mahomet confonde Gaudisse comme vil esclave et fieffé traître. Gaudisse lui demande ce qu'il a bien pu faire pour se voir ainsi insulter dans son propre palais, Agrapart lui rétorque qu'il ne fallait pas jeter en prison le meurtrier de L'Orgueilleux son frère, mais le pendre au gibet.

Agrapart se dirige vers Gaudisse afin de l'extraire de son trône et lui asséner un coup de poing.  
Il le fait vaciller et manque de le jeter à terre, tout en proclamant que, dorénavant, les possessions de Gaudisse sont siennes et qu'il est son vassal.

Ceci demande un arbitrage en règle: il convient que Gaudisse désigne un champion afin d'affronter le géant frère de L'Orgueilleux. Agrapart, sûr de lui, dit que Gaudisse peut même en envoyer deux,
Leans volrait combaitre en champz mellez.
Il voudra les combattre en champ clos.

Souci, l'appel de Gaudisse au volontariat pour affronter Agrapart est un retentissant échec, malgré sa promesse de donner sa fille Esclarmonde en épouse au champion s'il survit, nul ne se propose, et Gaudisse se lamente, il n'y a plus qu'à capituler.

Esclarmonde soumettrai volontiers à son père une idée, si elle ne craignait sa colère. Le monarque promet que rien de tel n'arrivera. Elle révèle qu'Huon
Encor estoit en vie et en santeit
Gaudisse demande qu'il lui soit amené, et,
Se il volloit pour moy en champz entrer,
Je li feroie et amour et bonteit."
S'il veut pour moi entrer au champ [du combat singulier],
Je lui ferai amitié et honneur.


Huon se présente, accompagné de ses chevaliers.
Groz fuit et gras et membrus et quarez
Maix c'un petit estoit descollorez
De la grant chartre ou il avoit estez.
Il était bien portant, gras, vigoureux et carré
Mais un petit peu pâle
Du fait du long emprisonnement qu'il a vécu.


Gaudisse lui explique la situation, et jure de lui donner un sauf-conduit jusqu'à Acre afin qu'il retourne dans son pays.
De surcroît tous les français emprisonnés dans les territoires situés sous sa juridiction seront libérés.
Huon sera enfin missionné pour apporter à Charlemagne un cheval de bât chargé du meilleur or, et Gaudisse s'engage à renouveler cet envoi de cheval chargé d'or chaque année en signe de vassalité, le tout confirmé par lettre certifiée.
En cas de guerre et sur demande de Charlemagne, il accourra par terre et par mer, à la tête de cent mille hommes pour le servir.

Enfin, si Huon demeure auprès de lui,
Ma fille arais a moiller et a per,
Et la moitié avec de mon rengnez.
Tu auras ma fille comme épouse et compagne,
Et la moitié de mon royaume.


Huon accepte, à condition qu'on lui rende son haubert, son hanap et son cor. Aussitôt dit, aussitôt fait. Agrapart suit ça de loin, et constate que Gaudisse a trouvé un chevalier pour relever le gant.

Huon va à l'écart, confesse ses fautes, bat sa coulpe et implore Jésus. Il a une appréhension au moment d'enfiler le haubert magique d'Aubéron, mais il constate qu'il lui va toujours à merveille, ce qu'il interprète comme un signe de réconciliation.

Le Sarrasin qui avait récupéré l'épée d'Huon accourt la lui rapporter. Quant à Gaudisse,
Et l'amiralz ait Bassant ensellez,
C'iert ung chevalz ferrant et pumellez,
N'ot si corrant en la Crestïenteit.
Li amiralz l'ait Huelin livrez,
L'anffë y monte quas estrier n'en sot grey.
Li chevalz fuit richement ensellez:
La selle fuit d'oz de poisson de mer,
Li frain dou chief vault mil mars d'or pesér.
Et l'émir fait seller Bassant,
C'est un cheval gris-métal et pommelé,
Il n'y en a pas d'aussi rapide dans [toute la] Chrétienté.
L'émir le remet à Huon,
Le jeune homme y monte sans avoir besoin [pour cela] des étriers.
Le cheval était richement harnaché:
La selle était d'os de poisson de mer,
La têtière vaut mille marcs d'or [bien] pesés.


Le champ est gardé par mille Sarrasins, afin que nulle traîtrise ou tricherie ne soit possible.

Huon, fin prêt, s'avance sur Bassant. Agrapart l'apostrophe pour savoir qui il est, d'où il vient, s'il est parent avec Gaudisse. Huon répond que non, qu'il vient de France et qu'il a tué son frère, ce qui accroît la colère du géant.  
Agrapart lui fait toutefois l'offre de faire partie de sa suite, qu'il lui donnera une Marche jusqu'en Bocidant, et en plus sa "sœur germaine", laquelle est noire comme l'encre et possède des dents de la longueur d'un pied (un bon trente centimètres, quoi), et est plus grande que lui, qui mesure, comme son frère L'Orgueilleux, la bagatelle de dix-huit pieds.

Puis ils se défient mutuellement, mettent entre eux la distance réglementaire d'un arpent.
[Ayant pas mal détaillé les combats entre Huon et Charlot, puis Amaury, enfin L'Orgueilleux, passons un peu sur celui-ci, pourtant de très bonne facture tant dans le jeu narratif que dans le dynamisme des vers].

Le combat tournant à l'avantage d'Huon, Agapart lui propose le royaume de Gaudisse s'il se rend. Refus d'Huon, pour qui ce serait félonie. Puis il réitère son offre lorsqu'il semble reprendre l'avantage. De mémoire, jamais on ne vit combat plus âpre, bataille plus terrible. Mais à la fin, Huon prend définitivement l'ascendant. Agapart se rend, et Huon l'épargne, le relevant.

Voyant Huon vainqueur, Gériaume dévoile alors sa vraie identité à Gaudisse, stupéfait. Huon arrive et Agapart se jette aux pieds de Gaudisse. Gaudisse lui restitue intégralement tous ses fiefs et avoirs, mais à présent il est son vassal (en chevalerie féodale bien ordonnée, en somme).

S'ensuit un grand repas de fête, et Huon est placé à la place d'honneur, à côté de Gaudisse, qui tente de sonder ses intentions, savoir s'il compte rester. Huon répond catégoriquement que non, et demande à Gériaume son hanap. Il soumet, en quelque sorte, Gaudisse au test du hanap, lequel reste désespérément vide dans les mains de Gaudisse tandis qu'il s'emplissait auparavant dans celles d'Huon, qui avait de surcroît effectué au préalable un signe de croix au-dessus du hanap.

Tâchant de convaincre Gaudisse de se convertir au moyen de cette petite démonstration, il échoue. Il lui lance, en manière d'ultimatum, que s'il refuse la conversion Babylone s'emplira en quelques instants d'une nuée de chevaliers, Gaudisse n'en croit mot.

Alors Huon souffle dans son cor à s'en faire jaillir le sang de la bouche, et tout le monde se met à chanter et à danser. Aubéron entend l'appel et se projette à Babylone, accompagné de cent mille hommes,
Ce mestier est, plux en vuelz demander
et s'il en est besoin, j'en veux demander davantage [encore].

Huon se jette au cou d'Aubéron dont les hommes fourmillent dans les rues rencontrant quelques courageuses mais vaines résistances, puis Aubéron remet Gaudisse à Huon, qui proclame solennellement qu'il ne sera rien fait à quiconque se convertit:
Le peuple babylonien, les Sarrasins se rendent en masse à la fontaine baptismale (avec une jolie allitération et un équilibre musical dans ce vers 6966: s'an font à fons lever).
 


[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Corme_10
Église Notre-Dame de Corme-Écluse (Charente-Maritime) XIIème siècle, modillon extérieur.

Encore une église romane très singulière, atypique -comme il y en a beaucoup si l'on se donne la peine de scruter un peu- elle montre des facettes d'art roman qui nous plongent dans des abîmes de conjectures, bref, si vous passez dans le coin...


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Message par Bédoulène Dim 2 Fév - 10:25

Huon va donc pouvoir rentrer en France, mais je crains que le trajet de retour ne soit pas si facile ? je crains aussi la réaction de Charlemagne ?

merci pour les explications à propos des sculptures Aventin !

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Message par Aventin Lun 3 Fév - 15:59

Bédoulène a écrit:Huon va donc pouvoir rentrer en France, mais je crains que le trajet de retour ne soit pas si facile ? je crains aussi la réaction de Charlemagne ?

En effet, ça ne va pas aller de soi, jugez plutôt:

__________________________________________________________________________________________________________________________________________________________


Huon de Bordeaux, vers 6967 à 7221
[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Nef_cr10
Nef de transport de troupes, époque de la première croisade (fin XIème).

Huon se tourne alors vers Gaudisse, lui demandant s'il a réfléchi. Devant son refus d'épouser la foi chrétienne, Aubéron demande à Huon de lui trancher la tête, et, ainsi, de récupérer la moustache et les quatre molaires, ce qui lui permettra de s'acquitter d'une obligation envers Charlemagne. Huon, pour une fois, obtempère à cet impératif d'Aubéron, mais exige que le corps de Gaudisse soit inhumé, par respect envers Esclarmonde.  
Reste à trouver un endroit sûr pour faire voyager ces molaires et cette moustache. Aubéron les enchâsse sans douleur au-dessus de la hanche de Gériaume !

Puis, devant s'en retourner, il donne un dernier conseil à Huon: ne s'unir charnellement avec Esclarmonde que lorsqu'il l'aura épousée, à Rome, sinon un sort terrible s'abattra sur lui.

Huon acquiesce , et Aubéron fait apprêter un navire, [aimable et gentiment sonore laisse en -on, n'ayant pas le cœur à la tronçonner pour un échantillon, je la transcris in extenso]
La neif fuit belle et de jante fesson,
Tant y ait euvre, conter nel poroit on.
La meir y fuit portraite et li poison
Et tout li oir de France le roion,
De Cloevis, qui tant fut proudom.
Dedans int mis lez afferant gascon,
Et pain et chair, vin, clairet et poixon,
Et dez biscut tant que il lour fuit bon,
Et vair et gris y mettent li baron.
Congier ait prins li petit Auberon,
Au despartir allait biaisier Huon.
 La nef est belle et de noble facture,
Elle est si ornée qu'on ne peut le décrire.
La mer est représentée ainsi que les poissons
Et tous ceux qui furent à la tête du royaume de France,
Depuis Clovis, qui fut tellement preux.
Il y a de très nombreux espaces;
Dans lesquels on mit les coursiers gascons,
Ainsi du pain, de la viande, du vin, du clairet et du poisson,
Et du biscuit tant que l'on en souhaite,
Et les barons y mettent du vair et du petit-gris.
Le nain Aubéron prend alors congé,
Et embrasse Huon à son départ.


Aubéron toutefois verse des larmes, ce qui questionne Huon, à cela Aubéron répond qu'il éprouve une grande pitié envers Huon, car, avant qu'ils ne se revoient, il aura connu tant de misères et de vicissitudes que nul ne saurait les imaginer.

Huon préside aux épousailles de Sebille avec un puissant émir converti, et, royal cadeau de noces, il donne à sa cousine et son mari toutes les terres de Gaudisse, qui reviennent de droit à Huon [par conquête].

Afin de faciliter d'éventuels débarquements Huon fait apprêter une chaloupe cerclée de fer.
Puis ils appareillent sans tarder.
Après avoir bien vogué, vers midi, ils déjeunent et le hanap magique, qui ne désemplit pas entre leurs mains, trouve là un usage détourné, il semble que les effets de la libation ad libitum chahutent davantage Huon que le roulis de la navigation, pour le dire ainsi, et, une fois de plus voici ce qu'il advient des injonctions d'Aubéron, auxquelles une fois de plus Huon avait promis de se conforter:
Il constate qu'il détient les molaires et la moustache de Gaudisse, et qu'à ses côtés trône
Dame Esclarmonde, qui tant ait de biaultiet.
Cis nain boussus me cude vergonder
Que moy deffant a la damme a jueir,
Maix ja pour lui nel larait, en nom Dei,
Que je ne faisse de lié mez vollanteit !
Dame Esclarmonde, de si grande beauté.
À ce nain bossu je n'ai souci de me conforter
Lorsqu'il me défend de jouir de la dame,
Car ce ne n'est pas pour lui que je vais renoncer, au nom de Dieu,
À faire selon ma volonté !


Comme d'habitude Gériaume s'interpose et tente de raisonner Huon, lui disant qu'il est complètement fou. Huon n'en tient pas compte, fait apprêter un lit dans la chaloupe cerclée de fer, Esclarmonde essaie à son tour de lui faire raison garder, il n'en a cure, même devant ses pleurs et ses cris.

Alors ils se couchent, mais, sitôt le brûlant désir d'Huon consommé, une tempête formidable s'abat sur le navire, le brisant en cinq cents morceaux, éparpillés sur cent lieues.

Huon agrippe une planche et tient Esclarmonde entre ses bras.
Seuls, aussi nus qu'à leur naissance, ils accostent une île. Esclarmonde est désespérée, Huon tente en vain des arguments de fataliste.

Alors, aussi seuls au monde qu'Adam et Ève,
Adont se sont ambdui entrescollèr.
Se sont longtemps étreints.

[Oui, euphémisme ridicule et sécheresse affligeante dans le rendu, mea culpa !
Il y a mieux, beaucoup mieux à proposer avec un tel vers, acceptez mes excuses !]

Mais voilà qu'accoste un navire. Et débarquent (mais Huon et Esclarmonde ne le savent pas encore) des pirates mahométans. Huon s'avance, nu comme un ver, faire connaissance et demander un peu de nourriture. Deux pains remis, avec l'impression qu'il n'est pas seul, ils vont voir. Esclarmonde est reconnue. Les pirates l'emmènent afin de la livrer, avec pour objectif le bûcher, à Yvorin, frère de Gaudisse, pour avoir fait tuer son père. Ils bandent les yeux et lient les poignets d'Huon lui promettant de ne pas mourir tout de suite, mais lui annonçant qu'il souffrira beaucoup. Finalement ils l'abandonnent tout nu sur l'île et appareillent, embarquant Esclarmonde.

Cap sur Aulaferne, où ils mouillent devant la tour de l'émir Galafre, qui les devance afin de s'enquérir de leur chargement; Ils répondent concernant la cargaison, mais Galafre a aperçu une jeune dame à bord, et veut savoir qui elle est. Ils promettent qu'il s'agit d'une esclave, et, ne se contenant plus, Esclarmonde hurle qu'elle est la fille de l'émir Gaudisse. Galafre, soupçonneux, ordonne aux pirates de rester auprès de lui, et demande à Esclarmonde de le rejoindre.

Refus des pirates, Galafre appelle ses hommes, il y a combat, bientôt les pirates sont tous tués sauf un, qui parvient à s'enfuir.
Et Galafre, faisant peu de cas de l'échappé, demande illico à Esclarmonde de l'épouser...

   


[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Modill10

Notre-Dame de Corme-Écluse (toujours !), un autre modillon extérieur, couple tendrement enlacé, assez possiblement émanant du même sculpteur que l'image du message précédent.
Encore beaucoup de mouvement suggéré, ce qui est d'autant plus remarquable que cet exercice de sculpture-là tend à privilégier des attitudes figées; comme pour la précédente, la partie basse est abîmée, voire, ici, très abîmée, et la partie haute est aussi très dégradée, rendant les visages simiesques, cet aspect n'étant pas, je pense, dû au coup de ciseau à pierre de l'auteur !
On note que la figuration tend vers le haut, suggérant que ces corps s'emmêlant plaisent à Dieu.

En matière d'art roman, des représentations érotiques ou suggestives, placées dans les églises, y compris parfois ayant trait à l'homosexualité et même à la zoophilie, sont parvenues jusqu'à nous, et ceci pas de façons si rare que ça, et nous paraissent de facture très libre.
Bien sûr, compte tenu des reconstructions, des déprédations à mettre au passif de l'usure du temps et plus sûrement à celui des actes humains volontaires, ces représentations-ci ont eu plus de difficultés à franchir les siècles jusqu'à nous, ce type de motif tendant à disparaître par la suite, au fil des années devenant, c'est bien connu, peu à peu siècles.

Un tout petit échantillon très modéré de ce que l'on peut trouver, souvent mieux conservé en Espagne, spoiler de rigueur (?).
Spoiler:


Dernière édition par Aventin le Lun 3 Fév - 21:25, édité 1 fois
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Message par Tristram Lun 3 Fév - 16:22

En spoiler, bel exhibition qui me ramentoit (de loin cependant) Khajurâho et ses temples chandela (~XIe).
Le premier extrait donnerait, à cinq vers d’intervalle, deux orthographes pour "poisson" : "moison" et "poixon". C'était courant, en tant que langue qui se cherchait avant de se figer dans l'écrit.

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Message par Bédoulène Lun 3 Fév - 18:31

je n'ai jamais vu de genre de sculpture, vraiment bien exécutées !

finalement c'est bien de poisson qu'il s'agit, non ?

Bon sinon Huon me contrarie sérieusement ! tant pis pour lui

j'espère que le génie de la mer conserve la moustache et les dents !

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Message par Aventin Lun 3 Fév - 21:43

Tristram a écrit:En spoiler, bel exhibition qui me ramentoit (de loin cependant) Khajurâho et ses temples chandela (~XIe).
Le premier extrait donnerait, à cinq vers d’intervalle, deux orthographes pour "poisson" : "moison" et "poixon". C'était courant, en tant que langue qui se cherchait avant de se figer dans l'écrit.
[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 1038959943 J'ai signé là une faute de frappe (édité) mais sinon on trouve bien poison puis poixon pour poisson.

Il y en a pas mal des petites variations comme ça au cours des vers, et sans besoin pour la rime, même si je pense que les responsables de l'édition ont sérieusement toiletté le texte et que ça a dû être un énorme boulot.

Pour ce qui est spécifique à l'art roman et à l'étonnante expression de la sexualité, ce qu'on trouve de moins abîmé (pour causes naturelles ou pas) se trouve, pour la France et à ma connaissance, en Charente et Charente-Maritime, un peu dans le Poitou, un peu en Auvergne et aussi en Corse.


[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 La-roc10
Kamasutra ? Non, église de La Rochette (Charente), fin XIIème.

Bédoulène a écrit:je n'ai jamais vu de genre de sculpture, vraiment bien exécutées !

finalement c'est bien de poisson qu'il s'agit, non ?

Bon sinon Huon me contrarie sérieusement ! tant pis pour lui

j'espère que le génie de la mer conserve la moustache et les dents !
Huon, sa folleteit le perd sans qu'il n'ait besoin de s'adonner à la boisson, alors, quand en plus il a bu....
et sa désobéissance aux injonctions d'Aubéron est..récurrente.
Le texte est, sinon, toujours aussi dynamique et vivant, on sent la patte du ménestrel habitué à embarquer un auditoire sur une longue distance.
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Message par Aventin Mer 5 Fév - 19:29

Huon de Bordeaux, vers 7221 à 7765

[Anonyme] Huon de Bordeaux - Page 2 Musiqu10
Église Saint-Nicolas, Civray (Vienne) XIIème siècle.
Sur ce chapiteau est figuré le roi David jouant de la harpe-psaltérion face à un acrobate.


Esclarmonde lui rétorque qu'elle a fait un vœu à Mahomet à la suite d'une maladie, et qu'elle ne peut entrer dans le lit d'aucun homme. Gêné, Galafre répond qu'il respecte ce vœu mais ne renonce pas, quand bien même il faudrait la garder à ses côtés vingt ans.

Pendant ce temps-là, le pirate rescapé s'enfuit jusqu'au palais d'Yvorin, à Monbrant, et lui raconte la mort de son frère Gaudisse, tué par un jeune homme de France, qui a ensuite emmené Esclarmonde.
Il ajoute qu'une tempête les ayant jetés à la côte devant Aulaferne, Galafre fit périr ses compagnons, et a épousé Esclarmonde.

Yvorin déclare que Galafre est son vassal, et, de ce fait, envoie derechef un messager chez Galafre pour que la dame soit récupérée. Galafre ne l'entend pas de cette oreille, et affirme que c'est là son dernier mot. L'apprenant, Yvorin, furieux, monte une expédition pour destituer Galafre et récupérer son émirat.

Pendant ce temps-là, Huon, ligoté, les yeux bandés et nu, est allongé sur le sable de l'île. Et Aubéron éprouve quelque tristesse. Ses hommes s'en inquiètent, il semble qu'Aubéron soit plus préoccupé par la perte du hanap, du cor et du haubert que par le sort -bien mérité, selon lui- d'Huon.

Un de ses chevaliers-fées que nous avons déjà rencontré dans ce poème, Gloriant, dit ouvertement à Aubéron qu'il a tort, et prend l'exemple d'Adam et Ève au jardin d'Eden, auxquels Dieu pardonna quand bien même ils avaient outrepassé le seul interdit qu'il leur avait posé.

Malabron, le condamné à être génie marin (déjà croisé aussi) surenchérit et se jette au genoux d'Aubéron, l'implorant à aider à la délivrance d'Huon.

Aubéron cède partiellement, inflige à Malabron vingt-huit ans supplémentaires aux trente années de peine dans la peau d'un génie marin [le ménestrel doit s'embrouiller un peu, vu qu'il a déjà auparavant reçu cette peine pour avoir aidé Huon à franchir la mer Rouge].
Mais à condition toutefois que Malabron ramène le cor, le hanap et le haubert, sans s'en servir du tout. Il devra, en outre, ne rien enlever ni ne rien donner à Huon.
Malabron marque son accord et Aubéron consent à dire en quel endroit Huon se trouve:
Ou trouverait je Huelin li vaillant ?
Dist Auberon: en l'ille Moÿsan,
A III luettes pres d'anfer le puant.
Où trouverai-je Huon le vaillant ?
Aubéron dit: à l'île Moÿsan,
À trois petites lieues de l'enfer puant.


Malabron part aussitôt. Il parvient à l'île, se présente à Huon qui gît toujours, les yeux bandés.
Il lui raconte sa peine doublée [?] et les conditions terribles qu'il a dû accepter pour venir à son aide (le cor, le hanap, le haubert à rapporter).
Ce à quoi Huon s'exclame:

- En foy, dit Hue, Dieu le puist crevanter !
- Par ma foi, dit Huon, que Dieu puisse le crever !

Là, le ménestrel encastre dans la laisse en -er un curieux couplet en -on, qui s'achève sur un vers hyper-métrique un peu cheveu sur la soupe: Il doit y avoir une modification musicale, et/ou de diction à mon avis quand il en arrive à:
 
"Tu dit trop mal, se li dit Mallabron.
Quant que tu dis sceit bien li petit hon.
- Certe, dit Hue, n'an donroie ung bouton,
Car trop m'ai fait poinne et tribulacion.
Tu parles très mal, lui dit Malabron.
Car le petit homme sait bien ce que tu dis.
Certes, dit Huon, ça ne m'en donnera pas un bouton [= ça m'est complètement indifférent]
Car il m'a trop causé peine et tourment.


Malabron entre dans sa "peau", fait monter Huon sur son dos, sans pouvoir lui donner quoi que ce soit, et c'est dans d'atroces souffrances qu'il parvient à la côte.
Huon est tellement désespéré qu'il court nu dans les prés et finit par rencontrer, sous un arbre, un ménestrel avec une harpe et une vielle. Il a deux pains blancs posés devant lui sur une nappe, deux pâtés, un tonnelet de vin et de clairet.
Il est âgé de plus de cent ans, se sert du vin mais ne peut y goûter, tout en versant des larmes.

Terrifié à la vue d'Huon, qu'il prend pour un homme sauvage [=une créature monstrueuse qui sévit dans les bois et les endroits déserts ou à l'écart], il crie, Huon le rassure tout en se reconnaissant une certaine sauvagerie, lui demande du pain et s'il peut le vêtir, le ménestrel-vieillard est d'accord, à condition toutefois de lui dire quelle est sa religion.

Huon répond un vague:
- Per foid, dit Hue, ou queil que vous volrez.
Par ma foi, dit Huon, celle que vous voudrez.

[Oxymoron, puisque "ma" foi ce ne peut être celle qu'autrui -"vous"- souhaite ou désire !
Mais Huon n'en a plus cure, du plus éminent d'entre les chevaliers, qui vainquait Amaury, affrontait des géants et partait seul à l'assaut de la Babylone de Gaudisse il ne reste rien.
Huon a touché le fond, sa nudité pieds et poings liés, yeux bandés sur une île à "trois lieues de l'enfer", l'espèce de reniement envers Aubéron, les pertes conjuguées d'Esclarmonde, des molaires et de la moustache, du hanap, du cor et du haubert, de ses compagnons, de son épée, de l'or, du navire, des chevaux lui ôte, en quelque sorte, la condition de chevalier tout court.
Ainsi il n'est plus question de loyauté, d'être preux, droit, mais de survivre au plus bas de l'échelle sociale, fragile comme un nourrisson qui a besoin de qu'on le vête et le fasse manger.]

Le vieillard lui répond d'aller à son coffre, il y trouvera un manteau d'hermine et de quoi se vêtir, ajoutant qu'il a pité de lui. Puis il l'enjoint de se restaurer à sa guise, en le prévenant qu'il est mal tombé, lui-même est l'homme le plus malheureux qui soit.

Puis le ménestrel lui demande quelle est sa patrie. Huon a un soubresaut dans sa conscience, pense à Aubéron -faut-il encore s'enfoncer un peu plus dans le mensonge ?-, et puis conclut qu'il doit être l'instigateur de la tempête, et se promet de s'abaisser sans vergogne dans le mensonge, puisqu'il n'a plus rien, par conséquent même plus d'honneur, en somme, et, puérilement, il pense que cela fera enrager Aubéron.

Huon se présente comme un commerçant africain ayant fait naufrage.
À son tour, le ménestrel se présente, il se nomme Estrument [= instrument (de musique ?)], et affirme qu'il est le ménestrel le plus réputé en terres païennes, mais que la perte de son maître, l'émir Gaudisse, l'a jeté sur les chemins dans le plus complet dénuement. S'ensuit un couplet contre le jeune gredin français qui a occis Gaudisse, que Mahomet le maudisse, et Huon baisse la tête.

À la question de dire comment il se nomme, Huon répond Garinet. Estrument explique qu'il se rend à Monbrant, la cité de l'émir Yvorin, frère de Gaudisse, espérant trouver situation et protection. Il lui propose de rester avec lui et de porter son bagage, en échange il lui reversera la moitié de ses gains. Huon accepte.

Mais il se met à pleurer et se lamente en lui-même à l'évocation de tout ce qu'il a perdu. Estrument s'en étonne, lui affirme que, de pauvre aujourd'hui, riche il sera demain, si le sort ne leur est pas trop contraire. Puis ils aperçoivent -Huon en premier- une troupe de cinq cents hommes en armes chevauchant. Ils hèlent les premiers, qui leur disent venir d'Aulaferne, où Galafre détient la belle Esclarmonde fille de Gaudisse, ce qui déplaît fort à son oncle Yvorin. Il viennent de piller devant Aulaferne, et ramènent du butin.

Le sang d'Huon ne fait qu'un tour, il propose à Estrument d'aller à Aulaferne plutôt qu'à Yvorin, mais Estrument s'y refuse, rétif à l'idée de se trouver au milieu de combats.

Arrivés à Monbrant, ils se dirigent au palais d'Yvorin, Estrument annonce que son frère Gaudisse est mort, ce à quoi Yvorin répond -sans surprise- qu'il le savait. Il explique aussi qu'il entend écarteler entre des chevaux Galafre, et brûler Esclarmonde, qu'il tient pour responsable de la mort de Gaudisse. Puis il enjoint le ménestrel à jouer de la musique.

Instant d'émerveillement, lorsque Estrument joue de sa vielle, lorsqu'il pince les trente cordes de sa harpe, tout le palais en résonne, Huon lui-même en est tout rasséréné !

L'auditoire en arrive à jeter ses manteaux, au comble du ravissement, prestement ramassés par Huon.

[Il ne serait guère étonnant - mais nous n'en aurons jamais le fin mot probant - que le ménestrel-jongleur-auteur, pendant tous les vers concernant Estrument, en profitait pour faire appel aux dons en récompense de ses talents, le poème en est à peu près aux trois-quarts, le public doit être à la fois repu et encore en haleine, l'instant paraît bien choisi. Peut-être s'était-il d'ailleurs musicalement surpassé à cet instant-là, une sorte d'acmé, pour évoquer les prouesses de musicien d'Estrument de façon crédible ? ]    

Le public remarque ce beau jeune homme qui sert d'aide au musicien, trouvant dommage qu'avec une pareille prestance il en soit réduit à une fonction aussi subalterne.

L'émir Yvorin en vient à questionner Estrument à son propos, lequel ne tarit pas d'éloges sur son assistant. Yvorin y met un bémol, disant qu'il saura bien l'égorger dans un coin à l'écart, lorsqu'il jugera qu'ils sont suffisamment riches. Et il prie le ménestrel de faire venir son aide devant lui, ce qu'Estrument n'ose refuser.

Yvorin presse Huon de questions, sur sa patrie, son nom, ce qu'il sait faire, s'il n'a pas d'autres talents que de servir...un serviteur, qui gagne sa vie en quémandant ?
Huon livre la liste de compétences suivante:
Il sait parfaitement faire muer un épervier, et chasser cerfs et sangliers. Et, lorsqu'ils sont capturés, corner la prise et donner la curée aux chiens. Il sait remarquablement servir le repas, et est imbattable au jeu d'échecs.

Yvorin l'arrête, désireux de l'éprouver aux échecs, mais Huon demande à poursuivre:
Il sait endosser un haubert, porter l'écu au cou [en chevauchant], tenir et se servir d'une lance, lancer à courre un cheval et le mettre à volonté au galop. Il sait tenir sa place au milieu des plus furieuses mêlées au combat, et connaît l'art d'échanger des coups. Il se dit également bienvenu dans les chambres des damoiselles.

Yvorin remarque que cela fait beaucoup de compétences [en fait la parfaite éducation du chevalier], et lui propose alors de jouer aux échecs contre sa fille, très belle, et que nul ne surpasse au jeu d'échecs. S'il est vaincu, on lui coupera la tête. S'il gagne, il aura un lit dans la chambre de la demoiselle et y couchera à son bon plaisir toute la nuit, et aura cent livres sur le trésor de l'émir à son réveil.

Huon tente de décliner l'offre, guère tenté. Mais Yvorin tranche en disant qu'il en sera ainsi, et pas autrement.
Il se lève et un messager va en informer sa fille...


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