Jacques Chardonne
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Jacques Chardonne
Jacques Chardonne, nom de plume de Jacques Boutelleau, né à Barbezieux le 2 janvier 1884 et mort à La Frette-sur-Seine le 29 mai 1968, est un écrivain et éditeur français.
Aîné charentais de l'écrivain Pierre-Henri Simon, il fait partie du Groupe de Barbezieux avec Geneviève Fauconnier, Henri Fauconnier, Maurice Delamain, Jacques Delamain, Germaine Boutelleau, sans que ce groupe « géographique » partage les mêmes vues.
Considéré comme un auteur d'extrême droite, il est avec Paul Morand un des pères spirituels de ceux qu'on a appelés « Les Hussards », les écrivains Roger Nimier, Jacques Laurent, Antoine Blondin et Michel Déon.
Famille :
- Spoiler:
- Jacques Boutelleau est né en 1884 du mariage de Georges Boutelleau et Mary Ann Haviland, fille de David Haviland, porcelainier américain installé à Limoges (Haviland). Il a une sœur aînée, Germaine Boutelleau, née en 1876.
Son père, Georges Boutelleau, issu d'une famille de négociants de cognac, était lui-même écrivain. Poète amateur, il fut encouragé par François Coppée et par le célèbre écrivain rochefortais Julien Viaud, dit Pierre Loti, qu'il reçut dans sa grande maison patricienne de Barbezieux. Georges dira un jour à son fils : « La littérature, ce n'est pas un métier, c'est un secret »1 .
Sa mère, quaker d'ascendance américaine, appartenait à la célèbre « tribu porcelainière » des Haviland de Limoges.
Il passe son enfance à Barbezieux2 où il est éduqué selon la religion protestante jusqu'en 1898 où il est envoyé en Allemagne puis en 1899 en Angleterre afin de diversifier ses connaissances et d'apprendre le commerce. À la fin de cette même année, il retourne à Barbezieux pour reprendre l'école et il obtiendra son baccalauréat en 1902. Il commence alors des études de droit à l’École libre des sciences politiques de Paris pour avoir sa licence en 19063.
« Enfant j'aimais Jaurès, et je lisais ce qu'il écrivait. Vers 1910, je l'ai connu et l'ai vu souvent jusqu'à sa mort [...] il a prophétisé des sombres choses qui n'ont pas manqué d'arriver. Ces idées m'ont marqué à jamais. »
Travaul Edition :
- Spoiler:
- À la suite de cela, il retourne à Paris en 1909 pour devenir secrétaire chez l'éditeur Pierre-Victor Stock5, après avoir épousé Marthe Schyler-Schröder (1886-1967, d'une famille protestante de grands négociants en vin bordelais). De cette union naîtra un fils, Gérard, en 1911. De 1912 à 1913, il renflouera successivement la maison d'édition puis intentera un procès6 contre P.V Stock après avoir découvert ses dettes de jeu et leurs conséquences sur la stabilité financière de l'entreprise.
En 1914, avec le début de la Guerre de 1914-1918, il est mobilisé puis réformé et quitte alors le pays pour retourner à Chardonne où sa femme le rejoint. Son second enfant voit le jour en 1917, une fille nommée France. Il rentre en France en 1919 pour s'associer avec Maurice Delamain en 1921 et prendre la codirection de la « Librairie Stock, Delamain et Boutelleau », librairie devenue plus tard propriété du groupe Hachette.
En 1929, sa réussite le conduit à être nommé chevalier de la Légion d'honneur. À partir de l'année suivante, de nombreux événements atteignent la famille de Boutelleau car sa mère, Mary Ann Haviland, meurt en 1930.
En apparence, il se tient à l'écart de la politique. En privé, il cultive un certain conservatisme et se montre même ouvert aux idées monarchistes : « ll faut dire au comte de Paris qu'un éloge royal est, entre tous, délicieux. Viendrait-il du diable, l'éloge serait encore bon. S'il veut me séduire tout à fait, il doit exterminer son aile gauche, cette bande de jeunes chenapans bolcheviks-royalistes : Brasillach, Thierry Maulnier, Claude Roy ; et même les vieux : Gaxotte, Varillon, etc. »
Seconde guerre mondiale et ses positions :
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- En 1939, alors que la Seconde Guerre mondiale débute, Boutelleau continue de diriger la maison d'édition mais il commence très vite à faire publier des écrits collaborationnistes.
Il écrit aux premiers jours de l'Occupation : « Ici occupation correcte, douce, très douce. Mais j'espère que nous souffrirons. J'accepte tout du fond du cœur. Je sens le bienfait de l'“épreuve”, la toute-puissance de l'événement. Une immense folie est dissipée [...] j'ai l'horreur de ce que nous étions. Je ne déteste pas l'Allemand mais le Français d'hier, moi, l'Anglais (l'Anglais surtout qui me devient odieux, avec son Churchill dément), frivole et vantard. La censure elle-même me sera bonne. Nous ne voulons pas être nazis, et personne, je crois, n'attend cela de nous. Mais je peux comprendre leur leçon. Derrière cette force matérielle, il y a des forces morales très grandes. La débâcle anglo-française est une débâcle morale. »
Culturellement germanophile, il répond à l'invitation de Joseph Goebbels, ministre de la Propagande du Reich, en octobre 1941, avec sept autres écrivains français, tels Pierre Drieu la Rochelle, Marcel Jouhandeau et Robert Brasillach, et séjourne en Allemagne pour le Congrès des écrivains européens de Weimar, dont il revient enthousiasmé, voire favorable à Hitler.
On le voit également ardent pétainiste : « Il n'y a pas de “pauvre” gouvernement de Vichy. Il n'y a que des pauvres Français. Pétain est le seul grand. Je le trouve sublime. Il est toute la France. Je vomis les juifs, Benda, et les Anglais — et la Révolution française. C'est une grande date que 1940. Et qui doit beaucoup à 1918. Je suis sûr que vous verrez un jour dans quelle erreur nous étions14. »
En 1942, alors que d'autres déclinent prudemment une nouvelle invitation, il accepte de présider un second voyage outre-Rhin, toujours avec Pierre Drieu la Rochelle. Il écrit alors Chronique privée de l'an 40 (1940) — dont il regrettera la parution — et dans diverses revues qui soutiennent la collaboration, comme Deutschland Frankreich.
En juin 1943, il fait imprimer Le Ciel de Nieflheim, ouvrage centré sur son admiration pour l'Allemagne et le nazisme : « Le national-socialisme a créé un monde neuf autour de la personne humaine ». Ses amis le découragent de le mettre en vente. Les exemplaires survivants sont aujourd'hui des curiosités recherchées par les bibliophiles.
En 1944 Gérard Boutelleau deviendra rédacteur en chef de l'hebdomadaire Carrefour, créé par une équipe proche des démocrates-chrétiens, puis vers 1950 orienté plus à droite, pour cesser de paraître en 1957 ; à ce titre, il sera en relation avec l'écrivain Jean Paulhan, qui correspondit avec son père de 1928 à 1962.
À propos de la Collaboration, il dira plus tard : « Vous avez lu La Paix de Jünger, j'espère. C'est là ce que j'ai toujours cru, ma “politique” et mes “alliés”. Seulement j'ai mal choisi mon moment pour le dire. »
Le sculpteur allemand Arno Breker, venu exposer ses œuvres à Paris en 1942, dit de lui qu'il « fut toujours ouvert à l'esprit allemand » et qu'il eut le courage « de voir, derrière le soldat qui entrait à Paris, le partenaire de demain »
Jacques Boutelleau doit alors assumer sa collaboration car il est signalé comme étant un des douze auteurs de la première liste noire formulée par le Comité national des écrivains18. Ces auteurs ne peuvent alors plus être publiés sans que tous les autres auteurs refusent d'apporter des manuscrits aux maisons d'édition qui les ont acceptés.
Arrestation et suites :
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- Arrêté à Jarnac, comme son éditeur Bernard Grasset, qui est jugé par le Conseil national des écrivains (CNE), commission d'épuration de l'édition, il est suspendu en 1946 de sa profession pour entente avec l'occupant, puis est conduit le 12 septembre 1944 à la prison de Cognac, où il reste pendant quelques semaines et côtoie quelques notables compromis dans la Collaboration, avant d'être placé en résidence surveillée. En effet, il est libéré en novembre de la même année grâce à ses proches qui lui construisent une lourde défense et aux activités de résistance de son fils. Cependant, il est obligé de démissionner de la maison Stock et ne participera à ses activités à venir qu'en tant que conseiller technique.
Ses livres sont interdits de vente et de fabrication, mais il bénéficie en mai 1946 d'un non-lieu à la suite des déclarations de son fils et de Paulhan. Il écrira à ce sujet : « Le tribunal de Versailles, pendant deux ans, a examiné mon cas. Il était présidé par un communiste et le juge d'instruction était un juif. Ils ont jugé qu'il n'y avait rien à retenir contre moi ; et je crois bien avoir été le seul (dans ces circonstances) qui a été proclamé sans reproche. »
Il prend ses distances vis-à-vis de la politique : « Les « gens de gauche » reprennent pour leur compte le jeu des gens de droite. La patrie n'a jamais servi qu'aux passions et aux intérêts privés. Elle est toujours trahie. » Il exprime aussi quelques regrets au sujet de la Collaboration : « Je me suis rapproché du Rhin, que je ne traverserai plus jamais. Au-delà se passent des choses qui me soulèvent le cœur. »
Très proche de Paul Morand, avec qui il entretient une longue correspondance qui mènera à une publication en 2013 d'un premier volume de ces échanges épistolaires par la maison Gallimard. Ils parrainent ensemble une nouvelle génération d'écrivains, composée d'Antoine Blondin, Michel Déon, Félicien Marceau, Jacques Laurent, Kléber Haedens et François Nourissier, qu'on appellera les Hussards, un groupe littéraire reconnu comme étant de droite, et opposé au général de Gaulle. Chardonne correspond énormément avec Roger Nimier, rencontré en 1950, qui fait figure de chef de file du mouvement, et collabore à la revue de La Table ronde, où se retrouvent des écrivains de droite appartenant à l'ancienne comme à la nouvelle génération.
De 1951 à 1959, il entreprend de nombreux voyages principalement en Italie et au Portugal. Toutefois, sa santé décline entre-temps et il subit une importante opération en 1952.
Bien que vivant retiré, il accepte de prononcer, le 30 juin 1956, un discours pour la distribution des Prix du collège de Barbezieux.
Il poursuit son activité d'écrivain tout en affectant de mépriser les honneurs : « Je continue d'écrire. Je refuse l'Académie. Et on me couvre de fleurs, comme une tombe. »
En 1961, la maison d'édition Stock est rachetée pour devenir membre du groupe Hachette.
L'année suivante, Jacques Boutelleau est endeuillé par deux pertes, celle de Roger Nimier puis de son fils.
En 1966, après l'envoi d'un livre au Président de la République, Charles de Gaulle, celui-ci, « remettant la politique à sa juste place » selon Ginette Guitard-Auviste, le remercie ainsi dans une lettre du 9 avril : « Cher maître, vos Propos comme ça m'enchantent. J'admire l'ampleur et la désinvolture de votre pensée. Je goûte votre style pur et sans accessoire », dont Chardonne est ému et assez fier pour la montrer à son entourage.
Cependant, le chef de l'État reste pour lui une « cible » de choix dans la longue correspondance qu'il entretient avec Paul Morand de 1952 à 1968 (publiée fin 2013 et consultable depuis 2000 à la bibliothèque de Lausanne), « tout en se montrant (plus) vulnérable aux côtés monarchistes et droitiers du grand homme31 », et où, face à l'antisémitisme de Morand, « il joue, selon François Dufay, les philosémites avec des arguments sentant leur antisémitisme, vantant Léon Blum, Raymond Aron, tout en pestant contre les métèques qui envahissent sa banlieue. » Ce qui n'empêche pas sa biographe, Ginette Guitard-Auviste, d'affirmer que Chardonne n'a jamais manifesté « de racisme d'aucune sorte, ni racial ni social ».
Refusant les honneurs post mortem, il fait part à ses proches de ses dispositions testamentaires : « pas de rue, pas de plaque »
Il meurt à La Frette-sur-Seine, où il vivait depuis 1926, dans la Villa Jacques-Chardonne, construite sur ordonnance par Henri Pacon.
Bibliographie :
1921 : L'Épithalame (Paris, librairie Stock et Vienne, Larousse, 1921 ; Grasset, 1929 ; Ferenczi, 1933 ; Albin-Michel, 1951 ; S. C. Edit. Rencontre, Lausanne, 1961 ; L.G.F., 1972 ; Albin-Michel, 1987) ;
1927 : Le Chant du Bienheureux (Librairie Stock, 1927 ; Albin-Michel, 1951) ;
1929 : Les Varais, dédié à Maurice Delamain (Grasset, 1929 ; Ferenczi et fils, 1932 ; Albin-Michel, 1951 ; Grasset, 1989) ;
1930 : Eva ou le journal interrompu, dédié à Camille Belguise, sa seconde épouse (Grasset, 1930 ; Ferenczi et fils, 1935 ; Albin-Michel, 1951 ; Gallimard, 1983) ;
1931 : Claire, dédié à Henri Fauconnier (Grasset, 1931 ; Ferenczi et fils, 1936 ; Piazza, 1938 ; Albin-Michel, 1952 ; club du Livre du Mois, 1957 ; Rombaldi, 1975 ; Grasset, 1983) ;
1932 : L'Amour du Prochain, dédié « à mon fils Gérard » (Grasset, 1932 ; La Jeune Parque, 1947 ; Albin-Michel, 1955) ;
1934 : Les Destinées sentimentales (Grasset, 1934-1936), trilogie : La Femme de Jean Barnery, dédié à Jacques Delamain (id., 1934) ; Pauline (id., 1934) ; Porcelaine de Limoges (id., 1936 ; Grasset, 1947 ; Albin-Michel, 1951 ; L.G.F., 1984) — En 1999, ce roman a été adapté par le cinéaste Olivier Assayas, avec Charles Berling, Isabelle Huppert et Emmanuelle Béart.
1937 : Romanesques, dédié à Paul Géraldy (Stock, 1937 ; édit. Colbert et Stock, 1943 ; Albin-Michel, 1954 ; La Table Ronde, 1996) ;
1937 : L'Amour, c'est beaucoup plus que l'amour, dédié « à Jean Rostand son ami » (Stock, 1937, 1941 ; Albin-Michel, 1957, puis 1992) ;
1938 : Le Bonheur de Barbezieux, dédié à Marcel Arland (Stock, 1938, 1943 ; Monaco, édit. du Rocher, 1947 ; Albin-Michel, 1955, Stock, 1980) ;
1940 : Chronique privée, dédié « à ma fille France » (Stock, 1940) ;
Chronique privée de l'an 40, dédié à Maurice Delamain (id.) ;
1941 : Voir la Figure - Réflexions sur ce temps, dédié « à mon ami André Thérive (...) souvenirs de l'année 1941 à Paris » (Grasset, 1941) ;
1941 : Attachements - Chronique privée (Stock, 1941 ; Albin-Michel, 1955) ;
1943 : Le Ciel de Nieflheim, 1943. « qu'il détruit sur le point d'être publié. Il en interdit à jamais toute publication » (Caroline Hoctan — présentation de la correspondance Chardonne/Paulhan, op. cit., p. 22). Extraits publiés dans les Cahiers Jacques-Chardonne no 2 et 3 ;
1948 : Chimériques (Monaco, édit. du Rocher, 1948 et 1992 ; Albin-Michel, 1954) ;
1953 : Vivre à Madère (Grasset, 1953 ; Albin-Michel, 1954) ;
1954 : Lettres à Roger Nimier et quelques réponses de Roger Nimier (Grasset, 1954 ; Albin Michel, 1955, rééd. Albin Michel, 1986)
1956 : Matinales, dédié à André Sabatier (Albin-Michel) ;
1959 : Le Ciel dans la fenêtre, dédié à Roger Nimier (Albin-Michel, 1959 ; La Table Ronde, 1998) ;
1961 : Femmes - contes choisis et quelques images, dédié à Camille Belguise (Albin-Michel) ;
1962 : Détachements, Paris, édit. td - Jean-Paul Caracalla (1962 ; Albin-Michel, 1969) ;
1964 : Demi-jour - suite et fin du Ciel dans la fenêtre (Albin-Michel) ;
1964 : Catherine (Albin-Michel) ;
1966 : Propos comme ça (Grasset).
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 31
Re: Jacques Chardonne
Claire
Plume élégante, suave, parfois subtile ; Jacques Chardonne entre dans les replis incertains de la psychologie amoureuse, dans un couple où l’on préfère rester dans la retenu, un silence respectueux et étouffant. Seulement, cette plume n’a vraiment pas ce goût de reviens-y que m’offre en ce moment celle de Claude Simon, plus exigeante, certes, moins classique de toute évidence. Ici, on est peut-être assez proche de Benjamin Constant pour l’analyse des sentiments, quoique que l’amant de Claire (le narrateur) soit nettement moins de mauvaise foi que ce cher Adolphe. Mais encore on peut saluer l’effort de Chardonne pour faire exister ce personnage féminin. Chardonne pouvait profiter d’une omniscience narrative pour rentrer dans le cerveau de Claire, il pouvait à l’inverse la traiter en personnage fantomatique ; il a tenté l’entre-deux, prêtant la jeune femme plus qu’un passé trouble et perturbant ― des idées. Je dis cela tout en concédant ma déception sur cette dernière toutefois, elle est trop passive, trop victime, trop taiseuse. Son amant tente de combler le vide de son silence, il analyse leur amour comme les nervures d’une feuille morte, ou aussi fragile que la vie. Les visages changent, la vieillesse s’insinue dans signes les plus infimes, un air, juste un air. Le narrateur aiguise son intelligence sur une morceau du problème, tandis que le reste s’obscurcit ; il s’aveugle mais se remet en question de façon constante et dans une pensée globalement pessimiste, mélancolique ; mais tout ceci s’accompagne en même temps d’un tel étalage de platitudes et de paresse du cœur (de l’une et de l’autre) que j’ai décroché assez rapidement, me réveillant de temps à autres grâce à telle remarque ou tel développement plus fin que l’ensemble ― très inégal.
Plume élégante, suave, parfois subtile ; Jacques Chardonne entre dans les replis incertains de la psychologie amoureuse, dans un couple où l’on préfère rester dans la retenu, un silence respectueux et étouffant. Seulement, cette plume n’a vraiment pas ce goût de reviens-y que m’offre en ce moment celle de Claude Simon, plus exigeante, certes, moins classique de toute évidence. Ici, on est peut-être assez proche de Benjamin Constant pour l’analyse des sentiments, quoique que l’amant de Claire (le narrateur) soit nettement moins de mauvaise foi que ce cher Adolphe. Mais encore on peut saluer l’effort de Chardonne pour faire exister ce personnage féminin. Chardonne pouvait profiter d’une omniscience narrative pour rentrer dans le cerveau de Claire, il pouvait à l’inverse la traiter en personnage fantomatique ; il a tenté l’entre-deux, prêtant la jeune femme plus qu’un passé trouble et perturbant ― des idées. Je dis cela tout en concédant ma déception sur cette dernière toutefois, elle est trop passive, trop victime, trop taiseuse. Son amant tente de combler le vide de son silence, il analyse leur amour comme les nervures d’une feuille morte, ou aussi fragile que la vie. Les visages changent, la vieillesse s’insinue dans signes les plus infimes, un air, juste un air. Le narrateur aiguise son intelligence sur une morceau du problème, tandis que le reste s’obscurcit ; il s’aveugle mais se remet en question de façon constante et dans une pensée globalement pessimiste, mélancolique ; mais tout ceci s’accompagne en même temps d’un tel étalage de platitudes et de paresse du cœur (de l’une et de l’autre) que j’ai décroché assez rapidement, me réveillant de temps à autres grâce à telle remarque ou tel développement plus fin que l’ensemble ― très inégal.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 31
Re: Jacques Chardonne
C'est l'impression que m'avait laissé la lecture des "Destinées sentimentales".Dreep a écrit: Plume élégante, suave, parfois subtile
ArenSor- Messages : 3372
Date d'inscription : 02/12/2016
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