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Olivier Rolin

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Message par topocl Sam 14 Jan - 9:52

En Russie


captivite - Olivier Rolin - Page 2 Image172

En 1987, la Russie était encore soviétique, et je ne savais pas encore où était Sotchi. Olivier Rolin, lui, y était,  à une époque où le tourisme en solitaire était une gageur.

   J'aimerais pouvoir penser qu'il s'agit d'une promenade poétique. Des esquisses de choses vues, une série d'instantanés - ce qui ne veut pas dire, je l'espère, des clichés.

Voilà, tout est dit, Olivier Rolin se balade, regarde, rencontre des gens, discute, se retrouve dans des chambres d'hôtel déprimantes, « mélange de faste et de médiocrité », mange des borschs innommables, raconte, se remémore ses lectures russes, décrit, rêvasse, s'ennuie d'un ennui délicieux. Malgré les splendeurs touristiques, qui ne sont finalement pas son intérêt premier, le manque de liberté et d’horizon, la grisaille générale, l'effroyable frugalité des biens et des services, les tentatives de propagande sont, parfois, compensées par un sourire, un dialogue, un échange.

   Nous échangeons nos adresses, je me demande bien à quoi cela pourra lui servir, une adresse à Paris, mais c'est plutôt touchant, et après tout c'est peut-être justement d'être rare et inutile qui fait le prix d'une adresse occidentale : comme un poème sur un agenda.

Pour survivre dans ce marasme plombant, Olivier Rolin garde un ton d'une distance amusée et amusante, s'attache aux détails, un homme qui passe, une goutte qui tombe, la neige qui ressemble à de la crème fouettée…C'est vraiment plaisant de le suivre.

   L'Abondance à moins bien réussi en Russie que la Puissance, voilà tout.

(commentaire récupéré)

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Message par topocl Sam 14 Jan - 9:52

Sibérie


captivite - Olivier Rolin - Page 2 Talach14


Publié aux éditions inculte, ce livre est un hommage à la Sibérie, un lieu intime pour Olivier Rolin, puisqu'il s’ « étonne de penser que j'ai passé plus de temps dans la capitale de la Sibérie orientale qu’à Lyon, mettons, ou Toulouse. ».

C'est un ouvrage plutôt journalistique puisqu'il  regroupe
- trois textes qu'Olivier Rolin a lus sur France Culture suite à sa participation au voyage transsibérien organisé pour une quinzaine d'écrivains français en 2010
- trois articles écrits pour Le Monde en 2001 décrivant son séjour à Khatanga, et son expedition au  pôle Nord en compagnie de touristes de l'extrême
- un article de 2004, racontant sa visite sur les lieux de le Kolyma.

Il ne faut donc pas en attendre la belle prose et l'émotion intrinsèque qu'on peut trouver dans d'autres écrits. On n'y trouve cependant bien le recul,et l’humour discret et  le regard personnel à la fois empathique et distant d'Olivier Rolin.
J'en retiendrai notamment une scène hilarante où, parti de Moscou par 20°, arrivant à Khatanga par moins 35, il enfile des collants dans les toilettes de l'avion, et sa visite à un mammouth congelé extrait de la calotte glaciaire. Mais surtout, surtout, Magadan, le dernier article, sur la Kolyma et l’oubli.


 C'est faute de mieux que j'emploie le mot de « curiosité », mais il est bien impropre pour désigner ce sentiment complexe, mélange d’effroi, de respect, d'incrédulité, qui nous saisit sur les lieux où sont arrivées de choses terribles, Verdun, ou Auschwitz, ou la Kolyma. Cela a donc été, c'était là. Le cauchemar de l'Histoire s'inscrit dans une géographie. Et puisque cela n'est plus, puisque je me trouve, moi, là où c'était, c'est aussi une des plus fortes, des plus concrètes expériences du Temps qu'il nous soit donné de faire.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #voyage

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Message par topocl Jeu 26 Jan - 11:24

Le météorologue

captivite - Olivier Rolin - Page 2 Index116

Cela commence par une quarantaine de pages d'une délicieuse rolinerie, avec tout ce qu'il faut de grands espaces et de nuages, d'âme russe, d'élégant humour mélancolique, de références littéraires ou  picturales, de se-mettre-à-la-place-de-l'autre-alors-qu' on-sait-bien-que-c'est-mission-impossible. Rolin, parti à la découverte des îles Solovki, y découvre l'histoire d'Alexeï Feodossievitch Vangengheim, météorologiste, qui, tout au long de ses presque quatre ans de captivité a écrit et dessiné pour sa fille Eleonora, « sa petite étoile », des dessins d'une fraîcheur naïve qu'on découvre à la fin du volume, et qui, évidemment donnent tout de suite à ce personnage une présence bien particulière.

captivite - Olivier Rolin - Page 2 Indexi10   captivite - Olivier Rolin - Page 2 Indexi11

  On note au passage que :

   Peu importe, les écrivains ne sont pas seulement ce qu'ils ont écrit, mais ce que nous croyons qu'ils ont écrit.

Pour les hommes et leurs vies, c'est sans doute la même chose. Pourtant, pour décrire la belel trajectoire du météorologue, ce noble conquis à la cause soviétique, exécutant inventif et consciencieux à la tête du Service Hydro-météorologique de l'URSS, Olivier Rolin se retire derrière les faits qu'ils nous livre avec une objectivité et une méticulosité qui surprennent  (ou déçoivent?)  

Après son arrestation, le 8 janvier 1934,  pour sabotage contre-révolutionnaire, Olvier Rolin reprend sa voix et son regard, sa distance  mi-ironique mi-ravagée, pour raconter, à travers ses lettres, la captivité de Vangengheim, expérience humaine  impressionnante par son caractère à la fois unique et  partagé. Le choix des répétitions donne un caractère inéluctable à ce destin incroyablement cruel, porté au jour le jour par un homme qui s'est raccroché à sa foi dans le Parti et sa confiance en la recherche de la vérité.

Plus tard, bravant les silences des archives soviétiques, les membres de l'association Memorial  découvrent, par des recherches opiniâtres, les circonstances de son exécution. L'essentiel est su, en tout cas pour lui, alors que le mystère scrupuleusement organisé résiste pour des milliers de ses compagnons d'infortune.

La conclusion expose toute l'amertume que peut ressentir à ce récit un ex-révolutionnaire.

   ce qui est massacré avec eux c'est une espérance que nous (nos parents, ceux qui nous ont précédés) avons partagée,, une utopie dont nous avons cru, un moment au moins, qu'elle était « en passe de devenir réalité ».


Raconter l'histoire du météorologue, citer uns à uns quelques-uns des millions d'hommes qui ont eu à subir à ses côtés la terreur stalinienne, citer leurs bourreaux, faire connaître cette histoire du XXe siècle, c'est peut-être une façon, pour Rolin, de croire pouvoir encore ne pas renoncer à la révolution, qui « dans les rêves de millions d'hommes, fut « la plus grande espérance profane »

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Message par topocl Dim 5 Fév - 10:28

Bakou, derniers jours

captivite - Olivier Rolin - Page 2 Index412

   D''ailleurs ce récit que j'écris, que vous lisez, à quoi ça rime ? Et d'abord, qu'est-ce que c'est ? Un journal de voyage, des lambeaux de souvenirs mal cousus entre eux, un testament ? « Un livre sur rien » presque sans sujet, ou dont le sujet reste presque invisible, comme le rêvait Flaubert (mais alors, il faudrait qu'il tienne  « par la force interne de son style », et ce serait évidemment présumer de mes forces) ? C'est une promenade sur un fil. Un monologue à basse voix, pour des oreilles patientes, attentives. Une lettre à des amis, connus et inconnus.

Dans son précédent livre, Suite à l'hôtel Crystal, paru en 2004, Olivier Rolin décrivait minutieusement des chambres d'hôtel qui l'avaient hébergé, et, dans celle de Bakou, mourrait suicidé en 2009 (je n'étais pas arrivée jusque là  jypeurien  ).
2009 arrivant, Olivier  Rolin retourne à Bakou, histoire de tenter le diable, ou la mort… on ne sait pas trop.
Cela donne un récit de voyage avec ce que cela implique d'observations et descriptions d'un pays mal connu, entre pétrole et dictatures, de réflexions, de réminiscences, de rappel de livres qu'il a lus ou écrits. Cela a un petit charme morbide, il y a des pages touchantes ou amusantes, on croise des personnages pittoresques ou saumâtres. C'est par moments assez égocentré, mais quand on aime Olivier Rolin, on s'en accommode fort bien (le voyageur n'est il pas aussi important que le voyage?.

   Ce sont des réflexions qu'on se fait quand on marche - comme sans y penser, ou plutôt au gré de ce colloque intérieur que se tiennent les marcheurs, et qui est à la pensée  ce que le grommellement est à la parole éloquente.


Ah! j'allais oublier de dire qu'il y a des photos, ce qui ne nuit pas à l'ensemble, au contraire!

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Message par topocl Dim 5 Fév - 10:28

Veracruz

captivite - Olivier Rolin - Page 2 Index124

   Ce n'était d'ailleurs pas seulement l'orgueil qui m'incitait à refuser l'idée qu'elle m'avait purement et simplement plaqué, mais aussi le désir de conserver, alors que toute beauté, toute joie, m'avait déserté, un souvenir parfaitement pur, resplendissant, inaltéré par le soupçon que déjà la ruine était à l’œuvre, de la période de ma vie où j'avais été le plus heureux.

Olivier Rolin - ou en tout cas le narrateur - est une fois de plus prisonnier plus ou moins volontaire de terres hostiles -ici Veracruz-, une fois de plus amoureux éperdu d'une jeune femme éblouissante et insaisissable, entre niaiserie et perfection. Sur cette trame  obsessionnellement ressassée chez lui, Olivier Rolin construit un court récit, noir et ironique, absurde et désabusé, pétillant d'humour .

La nonchalance désabusée s'associe à une noirceur et une violence transfixiantes. Le narrateur,  depuis, a vécu, erré ,  ravagé par les tourments de l'amour perdu, voyageant entre souvenirs lumineux et regrets amers des jours heureux. Il a traîné comme une croix un questionnement indicible, et, vieillissant, il comprend qu'il faut renoncer au sens, à l'ordre et aux buts,  que les questions sont sans réponse. Bonheur, douleur, pourquoi chercher ? Pantin absurde et rompu,  dernière audace, il congédie son lecteur.

   Chacun des moments beaux qui nous est donné  est une fin en soi, une perfection dont il faut se laisser envahir comme de celle d'un tableau bouleversant découvert soudain, parmi d'autres, ternes, dans la salle d'un musée. Il est vain de le relier à d'autres, encore plus vain ensuite de chercher à en faire l'histoire.


Il y a l'élégance presque vieillotte du style: longues phrases (parfois mêmes alambiquées, je dois l'avouer : il m'a fallu parfois les relire du début), subjonctifs, appositions et coordonnées entre virgules, tournures inusitées pour l'élégance; et en face, l'humour du désespoir :parenthèses et apartés en forme de clin d’œil.

   Nous voulons toujours que tout ait un sens. Nous voulons que le temps aille sans jamais se retourner, que les événements s'enchaînent, que les livres  aient un plan, une signification cachée, l'histoire une fin. Nous sommes assoiffés d'ordre, fanatiques de logique. Mais pourquoi les choses devraient-elles être ordonnées, emboîtées, pourquoi le temps ne pourrait-il pas repousser son cours comme le fleuve Alphée des Anciens, ou divaguer, pourquoi ce qui vient après ne serait-il pas la cause de ce qui précède? D'où tient-on qu'il y a toujours des causes ?


Beau texte, touchant, et plein de sens, n'en déplaise à l'auteur!


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Message par Tristram Jeu 6 Juil - 13:00

Port-Soudan

captivite - Olivier Rolin - Page 2 516ji410

J'aurai peu à ajouter aux commentaires de topocl suite cette lecture (en Poche...) : j'y trouve en maints endroits ce que j'aurais pu en dire. Ce bref roman n'a évidemment pas l'envergure du L'invention du monde, par exemple, mais son français châtié fait du bien (à petites doses ?)
C'est donc un assez douloureux chant lyrique des amours (mal) passées, et de l'amer constat de la perte des valeurs idéologiques depuis un quart de siècle (thème récurrent chez l'auteur). Il prend une connotation particulière pour moi, qui été bercé par les remous post-soixante-huitards, et ai un peu erré au Soudan (moi aussi, "Cela faisait bien des années que j'avais désappris l'hiver.") A noter aussi de belles descriptions métaphoriques, sur les feuilles d'arbres par exemple.
Je ne peux que reprendre topocl pour citer "Sans doute étais-je devenu, à mon issu, Africain : les cruautés patentes de Port-Soudan me semblaient avoir quelque chose de loyal comparées aux trafics de cette énorme machine molle affairée à l'extinction de la pensée" [qu'est devenue notre société]...
Peut-être ajouter : "Je ne reconnaissais plus, dans ce pays où l'on prétendait désormais trancher des causes humaines par le moyen de statistiques s'engendrant l'une l'autre, où la vie et la mort, le bien et le mal, l'honneur et l'infamie se calculaient en parts de marché, la nation qu'on avait pu dire, en d'autres temps, grande, et où en tout cas l'esprit n'avait pas remis tous ses pouvoirs aux caisses enregistreuses des commerçants."
A bon entendeur ?

Un petit extrait encore :
« …] s’arrêtant parfois pour noter sur un petit carnet quelles choses s’agissant des écorces ou de la putréfaction des feuilles mortes ou du vol des nuages et des oiseaux [… »
Tou-te-s les Chosien-ne-s noteront l'emploi élégant par notre avisé styliste de "quelles choses" pour "quelque chose"...

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Message par topocl Jeu 6 Juil - 13:35

Ca fait plaisir d'avoir des nouvelles de Rolin!

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Message par Tristram Jeu 6 Juil - 13:38

C'est grâce à toi, topocl !

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Message par topocl Jeu 6 Juil - 13:54

On sème, on récolte Very Happy !

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Message par Tristram Jeu 27 Juil - 13:11

captivite - Olivier Rolin - Page 2 4143vb10

Méroé

(encore et toujours grâce à topocl)
Lecture de circonstance, après celle de Port-Soudan (livre que suit chronologiquement ce roman ‒ d’ailleurs le tout début de la deuxième partie de celui-ci le relie directement, par une sorte de clin d’œil, à son prédécesseur), et que j’ai préférée à la première.
Où l’on apprend que la civilisation flue et reflue comme une marée sur le cours du Nil, que le temps y déposa des poches d’oubli, que d’ailleurs rien ne commence ni ne finit, et peut se dire de différentes façons.
Pessimisme mélancolique et assez réactionnaire d’un expatrié qui perd un peu les pédales (qui "tape dans les gamelles", en français d’Afrique), obsédé par la perte et la défaite. Élégante macération ruminée avec délectation.
Narration en boucles baroques, composition où tout est noué de telle façon que tout se touche, tels les viscères du temps.
Réflexions montées en conversations idéales (cf. Michel Rio), coïncidences historiques et littéraires (Gordon ‒ « le christique amateur de brandy » ‒, Mohammed Ahmed El-Mahdi, Kitchener ; Rimbaud, Conrad, Borges, etc.), et un personnage absent, Alfa, ex en filigrane conducteur ou leitmotiv (cf. Quignard) : ce qui suinte dans le meilleur des cas de ce type d’exil volontaire, voire masochiste.
Et c’est bien sûr nombriliste, mais comme dans une sorte d’apothéose littéraire.

« Ce que je sais, c’est que le Nil n’a pas de source, ni nos histoires : et que, de nos histoires, nous ne sommes pas le centre, sauf si nous écrivons : parce que l’écriture est le moyeu d’un monde insaisissable. »

« Cette éternelle mélancolie du "trop tard", vous comprenez ? L’humanité, il m’a toujours semblé que c’était ça, cet écart : ça pourrait presque marcher, et puis non, ça foire. Cette magnifique, cette énigmatique puissance de l’échec, voilà ce qui différencie les hommes, l’esprit, de tout le reste ‒ les grands mouvements des roches, des bêtes, des masses d’eau ou d’air. C’est cette puissance négative, ce malheur si vous voulez, qui fait qu’il y a de l’art, et qui fait aussi, d’ailleurs, qu’il n’y a pas de "sciences humaines" : cette pitoyable concession au monde mort de la réussite. Comment voulez-vous qu’il y ait une science de la chute, des occasions perdues ? Un savoir de ce qui constamment menace et moque le savoir ? »

« La littérature, il me semble, est tournée vers ce qui a disparu, ou bien ce qui aurait pu advenir et n’est pas advenu, voilà pourquoi les temps modernes, si épris d’un avenir sans mémoire, lui sont si hostiles. Voilà aussi pourquoi on dit désormais qu’elle ne sert à rien. Et en effet : pas plus qu’une défaire, une ruine, un cimetière, un souvenir d’enfance. »

Peut-être significatif : à peine ma lecture achevée, j’ai l’envie de la reprendre.

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Message par Tristram Ven 25 Aoû - 1:18

Masterclass Olivier Rolin sur FranceCulture : intéressant, notamment si on apprécie son oeuvre. Intelligent tout en restant simple. La longueur d'onde (d'écriture) de chaque livre selon son sujet/ thème (déterminant le style). Sollicitation mystérieuse et impérieuse, questionnement personnel qui déclenche l'initiation d'un roman.

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Message par topocl Ven 25 Aoû - 8:57

Ah, merci Tristram. Je vais vite me programmer une heure de marche!

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Message par topocl Dim 3 Sep - 10:00

Tristram a écrit:Masterclass Olivier Rolin sur FranceCulture
Je l'ai écouté, Tristram, merci!
Plein de charme, d'interrogations et de modestie, comme toujours. Un régal!

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Message par bix_229 Dim 1 Oct - 18:50

captivite - Olivier Rolin - Page 2 Port2010

Port-Soudan


Au départ je voulais lire Méroé.
Mais au mileu du gué, j'ai changé mon fusil d'épaule, je n'avançais plus.
Fatigue ou pire. Bref.

J'ajoute que, avec les Rolin Brothers, lire est parfois un sport de combat.
Et qu'il ne sufit pas d'âtre aguerri.
Il faut encore être patient, subtil, disponible, bref en parfait état de fonctionner.
Leur pensée étant encombrée par des souvenirs prégnants, les épreuves de la vie,les amours et désamours, les désillusions.

Le narrateur de Port Soudan a décidé de les fuir et de vivre à Port Soudan,un enfer africain tout à fait adéquat.
Qu'il fait semblant d'accepter.
Il a oublié ou il fait semblant, qu'on emmène son bagage partout où l'on va.
C'est là le piège des voyageurs en fuite.

Il revient à Paris à la recherche d'un ami disparu, suicidé, il essaie de reconstituersa trajectoire, qui est aussi celle d'une génération.
En tout cas d'une partie d'entre eux.
Comme Pavese, l'ami est mort à cause d'une femme. Une femme très jeune.
Le narrateur considère qu'il s'agit d'une trahison.
Une trahison, vraiment ?

Et si la jeune femme n'avait été que le déclencheur, la fameuse goutte d' eau...

Et la cause réelle, la confrontation impossible de deux générations.
A travers cet amour, le narrateur règle ses comptes.
Et celui d' une époque, liée à l' éphémère, à la vacuité, à la consommation, au néant.
Parlant de sa génération, il écrit :

"Nous ne devons pas dire, que nous fumes des héros. Ce n' est pas vrai parce que notre passion fut dévoyée, que la volonté noble que nous avions de nous jeter dans
le flot de l' histoire fut corrompue de bétise, et il n' y a pas en vérité de héros imbécile....
L'austérité partagée, la gravité naive n'absolvent pas tout. Les libertés de parler, de lire, d'écrire, de juger, d'imaginer, de se déplacer, de choisir, rien de ce qu'un usage un peu plus long et réfléchi du monde nous a appris à estimer n'était épargné par nos étranges fureurs...

Le paradoxe inaugural de nos vies, celui qui les aura marquées d'un sceau indélébile, et peut-être d'une malédiction dont nous ne nous déferons plus, c'est d'avoir mis
tant de vertus au service d' idées si férocement vétustes...
Mais ce que nous pouvons affirmer en revanche, parce que les meilleurs d'entre nous le ressentent encore, c'est que que nous sommes en ces années entrés là dans le
royaume d'une incurable inquiétude. Que nous avons pour toujours renoncé à la paix et spécialement à la paix qui, en cette fin de siècle, s'achète au supermarché."


Que dire de plus, sinon que je me suis retrouvé dans ces "souvenirs" et ces "trahisons".
Et que ce n'est pas forcément agréable.
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Message par églantine Dim 1 Oct - 19:56

Je n'ai jamais eu envie de lire les frères Rolin mais je passe peut-être à côté de quelques plaisirs ou intérêts scratch  : un jour quand même je testerai .
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Message par topocl Dim 1 Oct - 19:59

Tu as lu Tigre en papiers, bix? consacré à ces remords, ces désillusions de jeunes gens qui croyaient que la lutte nous sauveraient, et qui se retrouvent à 60 (voire 70 maintenant) ans passés, toujours aussi déchirés, aussi dévastés, aussi révoltés, mais ont du renoncer à tant de choses...

(Je me dis qu'il faudrait que j'arrête de lire et que relire suffirait  occuper mes heures, mais je suis faible et me laisse distraire.)

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Message par bix_229 Dim 1 Oct - 21:19

églantine a écrit:Je n'ai jamais eu envie de lire les frères Rolin mais je passe peut-être à côté de quelques plaisirs ou intérêts scratch  : un jour quand même je testerai .
Qu'on apprécie ou non les frères Rolin importe peu finalement.
Mais ils sont aussi les témoins et acteurs d'une époque où tout semblait possible.
Qu'ils aient été naïfs, dogmatiques -parfois-, emportés, manipulés, c'est certain.
Mais ils étaient aussi jeunes, joyeux, enthousiastes.
Ils étouffaient sous le poids d' une morale asphyxiante, d'une hiérarchie féroce, d'un conformisme ahurissants.
Ils se laissèrent porter par le vent de l'histoire et des lettres.
Et de la poésie.

C'est à cette époque aussi qu'il y a eu des mouvements radicalement féministes, anti racistes, pacifistes, écolos, pour les homos, pour une politique psychiatrique différente.
Les slogans et les discours ont noyé ce qui était radical, mais porteur de valeurs toujours valables, toujours remis en question.
Ils n'étaient pas qu'intellos ou étudiants, mais ouvriers et paysans.
Ils étaient jeunes et novateurs.
Comme on devrait toujours l'être quand on est jeune.
Depuis plus de trente ans, on est en pleine régression sur tous les plans.
Et c'est pour cela que je suis d'accord avec les Rolin.
Et finalement avec leur manière et leur style particulier.
Car ils sont diférents -malgré leurs ressemblances- Jean et Olivier.
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Message par Bédoulène Sam 2 Déc - 16:39

voilà j'ai fini Port-Soudan !

Tout d'abord je dois préciser que c'est mon premier livre d'Olivier Rolin.

Puisque vous connaissez l' histoire je ne vais pas la raconter. Seulement mon ressenti.

J' ai suivi le narrateur dans ses recherches sur les raisons du suicide de son ami A, (bien qu’à mon avis seul le sache vraiment le suicidé)  dans un Paris qui lui est devenu étranger, et auquel il est étranger.

L'amour disparu de son ami fait ressurgir celui qu' il a perdu aussi. L'imagination qu'il se fait du drame qui s'est joué apporte justesse aux sentiments décrits - leur amitié et leur jeunesse commune le lui permettent - De son côté, il n’attend plus rien, ni personne, l’histoire et le monde  d’avant ont disparu.

D' ailleurs laisse-t-il planer une idée de suicide  "Un de ces jours, j’irai peut-être nager par là, danser au bal des mâchoires. » Il ne semble en effet pas heureux dans ce lieu où il s’est exilé mais en comprend mieux la cruauté parce qu’elle n’est pas déguisée comme dans le monde qu’il a retrouvé en France ; un monde vaniteux, superficiel , intéressé…..

Quand il imagine une lettre à la jeune femme inconnue  c'est aussi à celle qui l'a trahi qu'il s'adresse comme si les deux femmes ne faisait qu'une, comme si lui et A était le même homme, le "je" et "nous" !

Les descriptions qu’il fait de son environnement et de la faune (animale ou humaine d’ ailleurs) ne cachent rien des crimes, des tortures, des trafics……………..

Le passage sur l’ homme aux oiseaux, dans le parc m’ a particulièrement plu, pour la sensibilité et la poésie des descriptions. Les mots du vieil homme  évoque bien  le bonheur  et la détresse de A. par la présence et l’absence de la jeune femme mésange.
 

Ce fut donc une première rencontre prometteuse, l’écriture de l’auteur m’ a surprise par sa politesse, (je ne sais comment le dire). Mais l'ai-je compris ?

vous me conseillez quoi pour une deuxième rencontre dans quelques temps ?


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Message par topocl Sam 2 Déc - 16:44

Bédoulène a écrit:, l’écriture de l’auteur m’ a surprise par sa politesse, (je ne sais comment le dire)
.

Est-ce que j'appelle son élégance?

Bédoulène a écrit:Mais l'ai-je compris ?

Le mystère fait partie du charme d'Olivier Rolin, je trouve. Il a une pensée complexe, un affectif torturé, qui ne se livrent pas dans un premier degré direct.

Bédoulène a écrit:vous me conseillez quoi pour une deuxième rencontre dans quelques temps ?  
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Message par Tristram Sam 2 Déc - 16:51

Je plussoie, élégance (plus une certaine retenue et pudicité), Méroé ! Bédoulène, bienvenue au club !

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