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Message par Pinky Jeu 11 Aoû - 11:16

je ne suis pas certain de bien voir où est le point de désaccord entre toi et moi ?

En fait, nous n'avons pas lu le livre de la même manière. Je cherchais à savoir si les films de Rivette puis de Nicloux avaient ou non trahi, adapté ou suivi Diderot. En particulier, j'avais vu chez Rivette qu'il n'y avait pas d'attaque de la religion mais de ses excès, en particulier l'ascétisme et l'enfermement. Or, comme toi, je savais que Diderot est athée. En lisant le livre, j'ai donc retrouvé cette position très soft de Diderot. Idem pour le personnage de la religieuse, surtout chez Rivette, un personnage quasi christique. Le Vierge, l'Innocente avec un I majuscule, ce que, semble-t-il, a également voulu Diderot. Donc, un Diderot tel qu'il était et non tel qu'on l'imagine parfois. Un Diderot suivi par Rivette qui critiquait les institutions : Eglise, Etat, ce qui a mis le feu aux poudres au XVIIIe et en 1966.
Pour évoquer un éventuel désaccord : disons que je n'ai pas été déçue mais que cela m'a permis de voir un Diderot plus complexe que ce que je pensais. Or, dans ton commentaire, il m'a semblé que tu avais été un peu "déçu" (je ne sais pas si le terme est bon) par le livre.

Evidemment, si tu as l'occasion, essaie de voir les films
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Message par Dreep Jeu 11 Aoû - 12:54

Pinky a écrit:Or, dans ton commentaire, il m'a semblé que tu avais été un peu "déçu" (je ne sais pas si le terme est bon) par le livre.

Oui et non. Puisque tu peux lire dans mon commentaire "mon plaisir à lire ce roman qui est si peu ce que j’attendais de Diderot" (la formulation me paraît bizarre aujourd'hui... scratch ) L'idée même d'un Diderot qui n'est pas conforme à mes attentes me plait, (c'est dans son ADN) maintenant, je ne trouve pas qu'il en ait tiré le meilleur parti possible.
Tu présente ce roman comme une attaque des "excès" de la Religion et plus particulièrement d'une institution.
C'est justement sur ce point Diderot aurait pu aller plus loin, n'était la censure (et je ne dis pas qu'il aurait dû aller plus loin, je te dis juste comment moi j'ai lu ce roman).

Pourquoi ? parce que les "excès" évoqués par Diderot ne sont majoritairement pas propres à cette "Religion en tant qu'institution". Au fond, Diderot parle de l'idée même de la contrainte, peu importe le contexte. Sur ce point toutefois, Diderot n'a pas développé plus que cela, en "Philosophe", ne prêtant pas à son personnage une très grande lucidité (sur son entourage) contrairement à ce qu'il avait fait espérer au début.  

Peu importe le contexte ? Mais Diderot lui accorde en fait une certaine importance, et c'est peut-être pas le contexte auquel on pense. Le couvent est présenté comme une prison, le lieu de terreurs gothiques, mais où les spécificités du couvent sont anecdotiques. On dirait que Diderot a voulu faire du Monk Lewis, en adoptant ses codes.
Dans Jaques le fataliste, Diderot a été influencé par Sterne, mais en le réinventant à sa sauce, si je puis dire.
La Religieuse ressemble plus à une imitation.
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Message par Pinky Jeu 11 Aoû - 17:18

Merci beaucoup Dreep pour ta réponse développée. Je pense qu'on est assez d'accord sur la question de l'enfermement quasi carcéral du couvent et sur le fait que nous apprécions l'un et l'autre de reconnaître la complexité de Diderot. Il reste la question de ce que tu nommes "lucidité" de la Religieuse au début du livre et qui pourrait se poursuivre par une sorte d'aveuglement. Je pense que c'est volontaire chez Diderot, ce que je nomme innocence et que j'ai retrouvé chez Jacques Proust. Pour appuyer cette hypothèse (car je pense que ça ne peut pas être une certitude), le choix de Rivette de faire aussi un film sur Jeanne d'Arc me semble aller dans le même sens (mais on quitte Diderot)
Pour le côté soft de l'attaque religieuse, je ne pense pas que c'est la peur de la censure car Diderot en fait même un peu trop, il semblerait que ce soit une attaque contre son père voire contre les jansénistes et autres "acharnés" de l'ascétisme stérile. Encore une fois, hypothèse.

Tes rapprochements avec Lewis donne envie de le relire. Pour Sterne, j'avoue mon ignorance totale, alors merci de la référence. Je vais aller faire un petit tour du côté de Jacques le Fataliste.
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Message par Pinky Mar 6 Sep - 17:18

Le Neveu de Rameau

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Œuvre posthume de Diderot. Publiée la première fois dans une traduction de Goethe en 1821 puis d’après le manuscrit autographe de l’auteur en 1891. Le Neveu de Rameau est un échange entre Moi (le philosophe) et Lui (Le Neveu).

Le Neveu du Grand Rameau

«
C’est un composé de hauteur et de bassesse, de bon sens et de déraison. Il faut que les notions de l’honnête et du déshonnête soient bien étrangement brouillées dans sa tête, car il montre ce que la nature lui a donné de bonnes qualités sans ostentation, et ce qu’il en a reçu de mauvaises, sans pudeur. Au reste, il est doué d’une organisation forte et d’une chaleur d’imagination singulière, et d’une vigueur de poumons peu commune. Si vous le rencontrez jamais et que son originalité ne vous arrête pas, ou vous mettrez vos doigts dans vos oreilles, ou vous vous enfuirez. Dieux, quels terribles poumons ! Rien ne dissemble plus de lui que lui-même. Quelquefois, il est maigre et hâve comme un malade au dernier degré de la consomption ; on compterait ses dents à travers ses joues ; on dirait qu’il a passé plusieurs jours sans manger, ou qu’il sort de la Trappe . Le mois suivant, il est gras et replet comme s’il n’avait pas quitté la table d’un financier, ou qu’il eût été enfermé dans un couvent de Bernardins. Aujourd’hui, en linge sale, en culotte déchirée, couvert de lambeaux, presque sans souliers, il va la tête basse, il se dérobe, on serait tenté de l’appeler pour lui donner l’aumône. Demain, poudré, chaussé, frisé, bien vêtu, il marche la tête haute, il se montre et vous le prendriez à peu près pour un honnête homme. Il vit au jour la journée, triste ou gai, selon les circonstances. Son premier soin, le matin, quand il est levé est de savoir où il dînera ; après dîner, il pense où il ira souper. La nuit amène aussi son inquiétude. Ou il regagne à pied un petit grenier qu’il habite, à moins que l’hôtesse, ennuyée d’attendre son loyer, ne lui en ait demandé la clef ; ou il se rabat dans une taverne du faubourg où il attend le jour, entre un morceau de pain et un pot de bière. Quand il n’a pas six sols en poche, ce qui lui arrive quelquefois, il a recours soit à un fiacre de ses amis, soit au cocher d’un grand seigneur qui lui donne un lit sur la paille, à côté de ses chevaux. Le matin, il a encore une partie du matelas dans ses cheveux. »

« C’est le neveu de ce musicien célèbre qui nous a délivrés du plain-chant de Lulli que nous psalmodiions depuis plus de cent ans… »

Une discussion commence entre les deux protagonistes à propos des « hommes de génie » : utiles ou nuisibles ?  ou bien encore, faut-il être génial ou rien ?
« Moi : Vous êtes difficile et je vois que vous ne faites grâce qu’aux hommes sublimes.
Lui ; Oui, aux échecs, aux dames, en poésie, en éloquence, en musique et autres fadaises comme cela, A quoi bon la médiocrité dans ces genres ? 428.
Lui : ….Ils [les hommes de génie] ne sont bons qu’à une chose ; passé cela, rien. Ils ne savent ce que c’est d’être citoyens, pères, mères, frères, parents, amis. Entre nous, il faut leur ressembler en tout point, mais pas désirer que la graine en soit commune. Il faut des hommes ; mais pour des hommes de génie, point. […] Si je savais l’histoire, je montrerais que le mal est toujours venu ici-bas par quelque homme de génie.

Moi. Lequel des deux préféreriez-vous ? Ou qu’il eût été un bon homme, identifié avec son comptoir comme Briasson, ou avec son aune, comme Barbier, faisant régulièrement tous les ans, un enfant légitime à sa femme, bon mari, bon père, bon oncle, bon voisin, honnête commerçant, mais rien de plus ; ou qu’il eût été fourbe, traître, ambitieux, envieux, méchant mais auteur d’Andromaque, de Britannicus, d’Iphigénie, de Phèdre, d’Athalie ?
Lui. Pour lui, ma foi, peut-être que de ces deux hommes , il eût mieux valu qu’il eût été le premier.
[…]
Moi. D’accord. Mais, pesez le mal et le bien. Dans mille ans d’ici, il fera verser des larmes ; il sera l’admiration des hommes de toutes les contrées de la terre ; il inspirera l’humanité, la commisération, la tendresse ;


L’éducation de la fille du philosophe
Lui. Huit ans ! il y a quatre ans que cela devrait avoir les doigts sur les touches.
Moi. Mais peut-être ne me soucié-je pas trop de faire entrer dans le plan de son éducation une étude qui occupe si longtemps et qui sert si peu.
Lui. Et que vous lui apprendrez-vous donc, s’il vous plait ?
Moi. A raisonner juste, si je puis ; chose si peu commune chez les hommes, et plus rare encore parmi les femmes.
Lui. Eh ! Laissez-là déraisonner tant qu’elle voudra, pourvu qu’elle soit jolie, amusante et coquette.
[….]
Moi. Je mets de la grammaire, de la fable, de l’histoire, de la géographie, un peu de dessin et beaucoup de morale.
Lui. Combien il me serait facile de vous prouver l’inutilité de toutes ces connaissances-là dans un monde tel que le nôtre ; que dis-je l’inutilité ! peut-être le danger !

Pour l’éducation du fils du Neveu

Lui. …Je veux que mon fils soit heureux, ou, ce qui revient au même, honoré, riche et puissant. Je connais un peu les voies les plus faciles d’arriver à ce but ; et je les lui enseignerai de bonne heure . Si vous me blâmez, vous autres sages, la multitude et le succès m’absoudront. Il aura de l’or ; c’est moi qui vous le dis. S’il en a beaucoup, rien ne lui manquera, pas même votre estime et votre respect.

A propos de la morale et du Neveu

Lui Et puis la misère, La voix de la conscience et de l’honneur est bien faible, lorsque les boyaux crient. Suffit que si je deviens jamais riche, il faudra bien que je restitue, et que je suis bien résolu à restituer de toutes les manières possibles, par la table, par le jeu, par le vin, par les femmes.
Moi. Mais j’ai peur que vous ne deveniez jamais riche.
.....
Lui. ….Voilà où vous en êtes, vous autres, vous croyez que le même bonheur est fait pour tous. Quelle étrange vision ! Le vôtre suppose un certain tour d’esprit romanesque que nous n’avons pas, une âme singulière, un goût particulier. Vous décorez cette bizarrerie du nom de vertu, vous l’appelez philosophie ; mais la vertu, la philosophie sont-elles faites pour tout le monde ?

Lui. Et vous, puisque je puis faire mon bonheur par des vices qui me sont naturels, que j’ai acquis sans travail, que je conserve sans effort, qui cadrent avec les mœurs de ma nation, qui dont du goût de ceux qui me protègent, et plus analogues à leurs petits besoins particuliers, que des vertus qui les gêneraient en les accusant depuis le matin jusqu’au soir, il serait bien singulier que j’allasse me tourmenter comme une âme damnée pour me bistourner et me faire autre que je suis.

Un Neveu musicien et filou


Moi Comment se fait-il qu’avec un tact aussi fin, une si grande sensibilité pour les beautés de l’art musical, vous soyez aussi aveugle sur les belles choses en morale,, aussi insensible aux charmes de la vertu ?
Lui. C’est apparemment qu’il y a pour les unes, un sens que je n’ai pas, une fibre qui ne m’a point été donnée, une fibre lâche qu’on a beau pincer et qui ne vibre pas ; ou peut-être est-ce que j’ai toujours vécu avec de bons musiciens et de méchantes gens.

Moi. Je suis pourtant bien subalterne en musique, et bien supérieur en morale.
Lui Tant pis pour vous. Ah ! Si j’avais vos talents !
Moi. Laissons vos talents et revenons aux vôtres.
Lui. Si je savais m’énoncer comme vous ! Mais j’ai  un diable de ramage saugrenu, moitié des gens du monde et des lettres, moitié des halles.
Moi. Je parle mal : je ne sais que dire la vérité, et cela ne prend pas toujours, comme vous savez.
Lui. Mais, ce n’est pas pour dire la vérité, au contraire, c’est pour dire le mensonge que j’ambitionne votre talent. .Si je savais écrire, fagoter un livre, tourner une épitre dédicatoire, bien enivrer un sot de son mérite, s’insinuer auprès des femmes !

La Nature fait-elle bien les choses ?
Moi. A quoi que ce soit que l’homme s’applique, la Nature, l’y destinait.
Lui. Elle fait d’étranges bévues. […] Des hommes qui regorgent de tout, tandis que d’autres ont un estomac importun comme eux, une faim renaissante comme eux, et pas de quoi se mettre sous la dent. Le pire, c’est la posture contrainte où nous tient le besoin. L’homme nécessiteux ne marche pas comme un autre ; il saute, il rampe, il se tortille, il se traîne ; il passe sa vie à prendre et à exécuter des positions.

Une lecture très plaisante de ce dialogue philosophique dans la belle langue du XVIIIe siècle.
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Message par Tristram Mar 6 Sep - 17:55

Oui, très belle écriture. Excellent souvenir de lecture (scolaire). J'avais noté :
« Rien ne dissemble plus de lui que lui-même. »
A mentionner aussi que le discours du neveu n'est pas creux, loin de là _ et que Diderot avait différé sa publication à bon escient.

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Message par Pinky Mar 13 Sep - 19:29

Jacques le Fataliste et son maitre

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Roman écrit certainement en plusieurs fois, peut-être à Saint-Pétersbourg ou en Hollande. Les dates de 1773, 1774 et 1775 sont sans doute les bonnes. Le livre a été publié en 1796 après la mort de son auteur.
Jacques le Fataliste et son Maître  discutent et se déplacent d’auberge en auberge.  Jacques croit que tout est écrit d’avance et qu’il ne sert à rien de s’y opposer mais tout dans ses actions dément ses propos. Le Maître demande à Jacques de lui raconter ses amours mais dès qu’il en commence le récit d’autres événements ou récits viennent entrecouper ses paroles. A cela, il faut ajouter les propos de l’auteur qui s’immiscent dans les multiples histoires. Histoires emboîtées, discussions philosophiques, disputes entre Jacques et son maître forment le roman. On pense à Don Quichotte et Sancho Panza, à Don Juan et Sganarelle. A la fin du livre, l’auteur évoque Rabelais et Sterne mais Sterne a voulu créer un Don Quichotte anglais. Figaro et le Comte pourraient aussi être rapprochés des deux interlocuteurs.
Le roman commence ainsi :
« Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. »

Contrairement au Neveu de Rameau qui relève du débat philosophique, Jacques le Fataliste n’a pas ce but, même si les débats n’en sont pas absents, en particulier ceux qui concernent les relations entre un maitre et son valet, qui dépend de l’autre ?  C’est avant tout une déambulation dans des histoires qui s’enchaînent, s’entrecoupent, reprennent.
On peut retenir l’histoire de Mme de la Pommeraye dont Emmanuel Mouret s’est très largement inspiré pour son film Mademoiselle de Jonquières (2018). Il en a juste retiré les discussions que cette histoire a suscitées entre les deux protagonistes.
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Message par Tristram Mar 13 Sep - 20:34

"le Comte" : quel comte ?
Le thème, c'est quand même le fatalisme, ou plutôt le déterminisme athée (rien n'est écrit d'avance dans ce monde sans Dieu) !
Et il me semble qu'avec la digression et sa liberté de ton ce texte doit beaucoup à Sterne !

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Message par Dreep Mar 13 Sep - 20:49

"mais Sterne a voulu créer un Don Quichotte anglais"... tu verras sans doute autant de rapports (sinon plus...!) entre Diderot et Sterne qu'entre celui-ci et Cervantès, une fois que tu auras lu Vie et opinions de Tristram Shandy Wink
J'appuie Tristram (qui décidément a le bon pseudo) en parlant des interruptions, riches dans Jacques le fataliste comme dans Tristram.
Certes, il y en a aussi beaucoup (d'un autre genre) chez Don Quichotte, cela a d'ailleurs été l'objet d'un essai de Juan José Saer : Lignes du Quichotte. Il me semble aussi que Marthe Robert en a parlé, mais je n'ai pas lu son livre (L'Ancien et le Nouveau).
Mais dans Don Quichotte, il y a en tout cas moins ce côté "dialogue". Entre Jacques et son maître chez Diderot, entre Tristram et son lecteur chez Sterne.
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Message par Pinky Mer 14 Sep - 12:17

A Tristram
Le comte est le comte Almaviva dans le Mariage de Figaro. Un valet qui raisonne et qui porte ici la parole de l’écrivain.
Peux-tu m’en dire plus sur le déterminisme athée ? J’ai compris que la discussion entre Jacques et le maître tournait, en partie, autour de la capacité à agir qui serait niée par le fatalisme de Jacques. Mais il y a bien sûr l’athéisme de Diderot en filigrane, je ne l’ai pas vu plus explicite que ça dans le texte mais j’ai sans doute raté quelque chose.

A Dreep,
J’ai lu Tristram et don Quichotte mais sans prendre de notes si bien que j’en ai une mémoire sans doute « trouée ». Ce que je retrouve chez Diderot et qui me rappelle Cervantès, ce sont les rebondissements liés à des rencontres dans des auberges, sur la route, le périple à cheval et ses péripéties. Quant à Tristram, j’avais été très touchée par le personnage de l’oncle Toby avec ses reconstitutions de sièges en miniature. Un art dérisoire de la guerre que je retrouve chez Cervantès et aussi dans les récits de la blessure de Jacques. Chez Tristram, il y a aussi l’impuissance de l’oncle qui fait pendant à la conception de Tristram ou aux aventures de Jacques.
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Message par Tristram Mer 14 Sep - 13:50

Merci pour la précision concernant le comte, je ne suis pas familier de Beaumarchais…
Le terme de fatalisme recouvre plusieurs notions apparentées, mais différentes, comme résignation, inéluctabilité, etc., et Diderot en joue : le déterminisme est en quelque sorte "fatal", mais en fait exclut le destin, le pré-écrit (d’origine suprahumaine, divine). J’aime bien cette définition philosophique du déterminisme sur le Wiktionnaire, parce qu’elle reprend le terme :
Système d’après lequel les phénomènes de la nature sont fatalement produits par un enchaînement nécessaire d’antécédents et de conséquents, de causes et d’effets.
Les philosophes du siècle des Lumières sont convaincus de la prééminence de la raison, et y voient un degré de liberté que l’Église ne permettait pas. Ils défendent la causalité matérialiste contre la religion, ce qui sous-tend notamment tout ce texte. J’ajouterais que cet héritage est malmené, sinon oublié, à notre époque où l’on consulte encore des horoscopes, exemple typique de la croyance à une prédestination de nos existences.
Tout cela court dans le texte de Diderot, d’autant moins perceptible que le sens des mots s’est modifié depuis, ou est devenu plus vaste et plus vague, et surtout parce qu’il ironise, et parle au second degré.
L’aspect épique, périple, est commun à Cervantes, Sterne et Diderot dans les livres dont nous parlons. Ils appartiennent effectivement au même genre, mais la divagation méandreuse est autre chose, quoique fortement liée (ça fait un bon moment que j’essaie de saisir les parentés entre digression et cours de pensée qui médite, l’anti-Descartes en quelque sorte).

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Message par Pinky Mer 14 Sep - 14:32

Merci Tristram, je ne suis pas certaine d'avoir tout compris mais ça s'éclaire un peu...Il y a quand même bien la question du libre-arbitre qui anime pas mal de penseurs de l'époque, avec ou sans Eglise...Il va falloir que je fasse quelques révisions d'histoire de la philo...Pour le rationalisme, on sait aujourd'hui qu'il a ses limites. ça ne justifie pas l'horoscope bien sûr...
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Message par Tristram Mer 14 Sep - 15:06

Pinky a écrit:our le rationalisme, on sait aujourd'hui qu'il a ses limites.
Bien sûr cela dépend de ce que l'on entend par "rationalisme", terme éminemment multivoque lui aussi. Parce qu’on ne comprend pas (encore) tout ? Parce qu’on se trompe trop souvent dans les enchaînements causaux (souvent on n’a pas discerné tous les éléments à l’origine d’un phénomène, ou on n’a pas la puissance de calcul suffisante) ? Ce n'est pas parce que l'on ne comprend pas tout, et même que l'on ne saura jamais tout (vraisemblablement) que tout n'a pas sa raison d'être.
Par ailleurs le rationalisme ne doit pas évacuer les composantes affectives, par exemple, biais récurrent. Et ne pas croire que tout est écrit d’avance (le fameux "mektout" ou " in cha’ Allah" du fatalisme moyen-oriental) ne retire pas a priori le sacré (de la liberté, de la vie, cela se discute).

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Message par Pinky Mer 14 Sep - 15:38

oui mais l'affaire est compliquée. En effet, composantes affectives mais pas seulement...Bref, il y a encore du grain à moudre. Tout cela m'incite à relire Tristram...
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Message par Tristram Mer 14 Sep - 15:41

N'hésite pas à me lire, me relire, et même m'apprendre par cœur...

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Message par Pinky Mer 14 Sep - 15:46

Je n'y manquerais pas...j'oubliais ton pseudo "chic"
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Message par Dreep Mer 14 Sep - 16:56

Tristram a écrit:Par ailleurs le rationalisme ne doit pas évacuer les composantes affectives, par exemple, biais récurrent. Et ne pas croire que tout est écrit d’avance (le fameux "mektout" ou " in cha’ Allah" du fatalisme moyen-oriental) ne retire pas a priori le sacré (de la liberté, de la vie, cela se discute).

Je ne suis pas sûr de te comprendre, quel sacré ? Peut-être dirai-je que le rationalisme ne doit pas évacuer les données de l'expérience, plutôt que les "composantes affectives". Je doute que l'on sache aujourd'hui que le rationalisme a ses limites, mais on peut le penser. Ce qui met à mal le rationalisme, ou l'héritage des Lumières, ce n'est pas tellement les lecteurs des horoscopes je crois, c'est plutôt ceux qui prônent un scepticisme plus ou moins radical à l'égard de la raison.
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Message par Tristram Mer 14 Sep - 17:39

Par rapport au déclin des religions, on entend souvent reprocher la "perte du sacré", de valeurs, et/ou du sentiment, de l'humain : c'est ce que je voulais évoquer, de façon confuse certes.
Toujours trop lapidaire, je voulais juste faire remarquer que les composantes affectives ont un effet bien matériel (par exemple, un hôpital conduit par des robots médicalement infaillibles ne serait sans doute pas d'un effet psychologique très performant sur les patients)... Il faut prendre en compte tous les facteurs, c'est-à-dire toutes les données expérimentales, et c'est encore une démarche rationnelle !
La raison, les sciences "positives" (exactes) ne sont pas infaillibles, elles sont limitées, mais dans le principe elles sont justes. C'est un outil irremplaçable, et on ne peut pas reprocher à l'instrument ce que fait la main qui le tient. Ou alors il faut traîner en justice le couteau de cuisine qui a servi à un meurtre, ou celui qui a cassé en blessant celui qui le manipulait. Ou encore bannir les couteaux, comme sur les avions...

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Tristram Jeu 15 Sep - 14:10

De circonstance : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sans-oser-le-demander/diderot-et-madame-de-la-pommeraye-comment-rater-sa-vengeance-5189662
Plutôt que d'écouter cette émission de près d'une heure, je vais relire ce passage de Jacques (et peut-être l'écouterai-je ensuite).

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Message par Pinky Jeu 15 Sep - 18:50


Je reviens dans la discussion. Quand j'ai dit que le rationalisme avait ses limites, ce n'est pas être sceptique à l'égard de la raison mais pour critiquer un certain recours au scientisme dans les sciences humaines (je pense aux sciences de l'éducation, domaine que je connais un peu) voire dans les sciences exactes.

Bonne idée Tristram de relire le passage sur Madame de la Pommeraye et les discussions que cela provoque chez Jacques et son maître. Si tu peux voir le film n'hésite pas.
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Message par Tristram Jeu 22 Sep - 12:45

Histoire de Mme de La Pommeraye, précédé de Sur les femmes

vengeance - Denis Diderot - Page 2 Histoi12

Dans son court essai Sur les femmes, Denis Diderot prône, en dépit de considérations datées sur les genres, l’indépendance de la femme.
L’Histoire est extraite de Jacques le fataliste et son maître.
Le marquis des Arcis quitte sa maîtresse, Mme de La Pommeraye ; il lui propose de transformer leur liaison amoureuse en correspondance amicale, lui conseille de se rapprocher de son ex-rival, et laisse même entendre qu’il pourrait revenir vers elle, plus tard… mais son ex-conquête est vindicative, et s’attache à venger sa déchéance en préparant longuement sa revanche : elle établit comme dévotes une mère et sa fille qui en étaient réduites à tenir tripot et coucher avec le chaland.
Elle fait si bien que le marquis s’amourache de la supposée prude pucelle sans parvenir à ses fins, jusqu’à en être réduit à l’épouser ; elle dira la vérité au marquis dès le lendemain du mariage…
Le débat entre l’hôtesse, narratrice de cette histoire, Jacques et son maître, porte sur la méchanceté de Mme de La Pommeraye, mais Diderot intervient pour faire mesurer au lecteur comme le traitement était aussi cruel pour celle-ci, séduite puis abandonnée, déshonorée par le marquis. Il a également enchâssé une petite fable dans ce conte, elle-même incluse dans les relations par Jacques de ses amours : allégorie transparente, sa morale étant que l’erreur réside dans la promesse de fidélité :
« Un jour la Gaîne et le Coutelet se prirent de querelle ; le Coutelet dit à la Gaîne : "Gaîne, ma mie, vous êtes une friponne, car tous les jours, vous recevez de nouveaux Coutelets… La Gaîne répondit au Coutelet : Mon ami Coutelet, vous êtes un fripon, car tous les jours vous changez de Gaîne… Gaîne, ce n’est pas là ce que vous m’avez promis… Coutelet, vous m’avez trompée le premier…" Ce débat s’était élevé à table ; Cil qui était assis entre la Gaîne et le Coutelet, prit la parole et leur dit : "Vous, Gaîne, et vous, Coutelet, vous fîtes bien de changer, puisque changement vous duisait ; mais vous eûtes tort de vous promettre que vous ne changeriez pas. Coutelet, ne voyais-tu pas que Dieu te fit pour aller à plusieurs Gaînes ; et toi, Gaîne, pour recevoir plus d’un Coutelet ? Vous regardiez comme fous certains Coutelets qui faisaient vœu de se passer à forfait de Gaînes, et comme folles certaines Gaînes qui faisaient vœu de se fermer pour tout Coutelet ; et vous ne pensiez pas que vous étiez presque aussi fous lorsque vous juriez, toi, Gaîne, de t’en tenir à un seul Coutelet ; toi, Coutelet, de t’en tenir à une seule Gaîne." »

\Mots-clés : #conditionfeminine #vengeance

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