Les mauvaises lectures

Cette expression vient de me passer par la tête _ mais "les mauvaises lectures", qu'est-ce que c'est ? Une explication a posteriori, ou alors une défiance des livres ? Ça existe, d'abord ? Vous en connaissez ? Est-ce un mauvais chemin, une mauvaise mine ? Il y a bien les mauvais lits, les mauvais garçons, la mauvaise graine, le mauvais cheval, le mauvais coton et autres mauvais morceaux, les mauvais augures et le mauvais œil, les mauvaises récoltes et la mauvaise saison, il y a les mauvais films, les bons livres aussi. Ça a rapport avec une mauvaise expérience ou parti, ou au mauvais français, voire au mauvais goût ? Il y aussi la mauvaise graisse, les mauvais élèves ; c'est une mauvaise habitude peut-être, ou un mauvais coup ? ou alors une mauvaise rencontre, une mauvaise compagnie ? une mauvaise impression ou une mauvaise réputation ? un mauvais rêve ? un mauvais moment ? La mauvaise humeur, la mauvaise tête, le mauvais poil... la dent mauvaise et la mauvaise langue... le mauvais esprit, le mauvais joueur...

"Un bon mot vaut mieux qu'un mauvais livre."
Jules Renard, Journal, 18 janvier 1895

Qu'en pensez-vous ?
Si vous en connaissez, donnez des exemples !

Les mauvaises fréquentations

Spoiler:

La mauvaise vie...La mauvaise carte...Le mauvais temps...

Tout de suite, là, maintenant, je pense aux Chants de maldoror. En le lisant, j'ai eue un tel sentiment de malaise que j'ai décidé d'abandonner l'exemplaire dans ma rue. Je me suis retenue de le détruire (j'avais une cheminée). Pourquoi ? C'était trop sombre, cela m'atteignais dans toutes mes cellules. j'ai eue raison de ne pas le brûler. malgré l'angoisse qu'il soulevait à cette époque pour moi j'ai su faire la part des choses. je voulais que l'art soit là pour aider à vivre. Et comme ma psychologie n'était pas fondue au vice et au cynisme, cet ouvrage me désespérait totalement. Il me donnait à voir que d'autres esprits magnifiaient l'obscur.
Pas de quoi faire un autodafé, certes.

Ensuite, je pense aux lectures qu'un parent strict dirait mauvaises : celles qui nous font dévier du droit chemin ? Mes parents ne se mêlaient guère de mes lectures. Je ne pense pourtant pas me tromper en avançant que j'ai été influencée dans mon rapport au monde par mes lectures, et qu'il est certain que quelques postures de pétroleuse  peuvent m'avoir nui , en ce sens qu'elles ont développé sans le discernement voulu un certain romantisme à m'envisager comme individu avant que de m'inscrire au coeur des chemins qu'un adulte a à traverser initiatiquement : par le couple, par l'enfantement, par exemple.

Mauvaises lectures ? mauvaise propension à rêver, plutôt ?
Un écrivain a dû le dire mieux que moi : le mauvais ne se connait comme tel qu'après coup. Non?
Lautréamont, cependant, est définitivement mauvais pour moi. il me minerais trop.

Ah et un autre exemple : le SCUM manifesto : lorsque je l'ai lu je l'ai trouvé génial . C'était tellement décomplexé ! Il fallait bien une fois lire un texte aussi misandre que ces textes misogyne tombés sous ma vue lors de ma formation intellectuelle. Puisqu'il m'était partisan, comment ne pas rigoler plaisamment et suivre avec intérêt cette folle jusqu'auboutiste ? En théorie ?
J'aime pourtant drôlement mes frères et mes amants.

Mauvaise lecture ?
Il y a bien des traits que j'ai soigneusement traité en plaisanterie, ça ferait trop de vagues que d'y croire.
Et oui. Si.

Tristam, que dirais-tu, toi, qui nous lance sur le sujet ?

Pas lu le SCUM Manifesto ! Quant aux Chants de Maldoror, je les ai appréciés dans l'optique de l'imaginaire surréaliste et baudelairien, aussi leur puissance nue, l’humour, la révolte.
Sinon, je ne sais pas trop ce que serait une "mauvaise lecture", d’où le fil !
Peut-être une lecture faite sans avoir les référents critiques ?

On dit "les mauvaises fréquentations". Pour dire "les mauvaises influences". ça réfère forcément à l'idée que des repères installent une ligne entre ce qui est souhaitable et ce qui serait dangereux, et aussi qu'il y aurait des pièges ou des impasses que des esprits trop jeunes ou trop fragiles ne seraient pas à même d'analyser. Tout ça est totalement subjectif, ou réfère à des normes variables.
Ce que je te demandais Tristam c'était plutôt de nous raconter le contexte qui t'amène à lancer ce fil.
Tu as lu quelque chose sur cette question? On t'a jugé lire un mauvais livre ?

Pour Maldoror, je l'ai lu sans aucune idée de son contenu ou de son ton, juste sur la base de la célébrité de l'ouvrage. J'aurais eue moins peur si j'avais découvert son corpus en cours de littérature , certainement. J'aurais été "prévenue". (Il y a de l'humour dedans ? j'ai vraiment vite lâché l'ouvrage, ou j'étais vraiment effrayée. Remarque bien, je n'ai pas beaucoup de capacité à goûter l'humour, je le regrette d'ailleurs. Je dis cela sincèrement, on ne m'a jamais appris à comprendre le second degré, je ne le rencontrais jamais , enfant.

Plutôt que d'inventer, mentir et me perdre dans les degrés, voici la triste vérité : c'est l'expression qui traversa mon esprit alors que je relevais de sieste (un rêve peut-être ?) Pour moi ça fait directement référence à ma mère qui regardait les livres avec suspicion (j'en lisais déjà beaucoup étant gamin), prétendant qu'ils pouvaient amener des maladies ; elle pensait aux microbes physiques, mais très vite j'ai suspecté, à mon tour, un sens idéologique, psychique voire psychanalytique (alors que Freud n'était même pas encore né). Très vite j'ai lu en cachette, notamment des livres "pour adultes" ; pour vous donner une idée de ma dépravation, je me souviens d'un titre parmi ces derniers : Journal à quatre mains, de Flora et Benoîte Groult. Je ne me souviens pas du contenu, mais ça devait être particulièrement dissolu, et m'a certainement très mal influencé (les influences néfastes vont très bien avec les mauvaises lectures).

Il y a surtout des mauvais lecteurs...
Mais les mauvais livres sont innombrables. Et ils cachent souvent les meilleurs.
Que nous ne connnaitrons peut etre jamais.
Sinon, des lectures qu'on appécie pas tout de suite mais qui laissent apparaitre nos propres
insuffisances. Et des richesses cachées.
On y revient.
Par exemple Au dessous du volcan.
Ma chambre était tapissée de livres et de citations vengeresses.
Et pour que les choses soient claires, j'avais affiché sur la porte la citation de Dante :
"Vous qui entrez ici, laissez toute éspérance" !

Il y a quand même des livres (quasiment) sans intérêt, les livres de propagande _ mais où s'arrêter dans les restrictions ? Alors on signale ceux qui émergent, sont "à retenir", et c'est à peine moins arbitraire...

bix_229 a écrit:Il y a surtout des mauvais lecteurs...

Pour moi tout le problème est là, et on n'arrange rien en infantilisant ce lecteur fragile et influençable. Arrêtons de lui tenir trop la main, s'il est encore enfant, responsabilisons-le sans le guider à l'excès. On peut toujours lui apprendre à discerner le mensonge ou la bêtise, avec ses propres moyens, à l'appui des connaissances futurs qu'il pourra acquérir avec de plus en plus d'indépendance.

Restreindre l'accès à la culture est pour moi impropre à un état d'esprit démocratique.

Oui. Et garder à l'esprit qu'il y a quand même la moitié de la population sujette aux superstitions et désinformations diverses (plus exactement les choses mal comprises, notamment par absence de sens critique et de bases "scolaires") : la moitié de com(plotiste)s, cette nouvelle appellation pour cervelles en yaourt.
Un mauvais livre, en l'occurrence, c'est peut-être un livre qui dit des mensonges de façon à ce qu'on les croie "vraiment".