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Richard Millet

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Message par Quasimodo Mar 6 Avr - 17:56

Richard Millet
Né en 1953

Richard Millet Richar10

Originaire de Corrèze — il y retourne régulièrement —, né d'un père protestant et d'une mère catholique, Richard Millet passe une partie de son enfance au Liban (de six à quatorze ans). Il participe à la guerre du Liban en 1975-1976 en tant que volontaire auprès de la communauté chrétienne, plus particulièrement au sein des Phalanges libanaises. Il enseigne les lettres pendant vingt ans avant d'y renoncer pour se consacrer entièrement à l'écriture. Romancier et essayiste, il peint sa Corrèze natale dans de nombreux romans ou récits et s'attache, dans ses essais, à défendre une certaine idée de la littérature.

Millet fonde avec le poète Jean-Michel Maulpoix la revue Recueil en 1984, dans laquelle il signe de nombreux textes, ainsi que quelques chroniques sous le pseudonyme de Marc Fournier. Il est rédacteur en chef de La Revue littéraire de 2015 à février 2019.

En 2005, il est avec Frédéric Beigbeder, Alain Decaux, Mohamed Kacimi, Daniel Rondeau et Jean-Pierre Thiollet, l'un des participants du Salon du livre de Beyrouth et contribue au renouveau de cette manifestation.

Il est directeur littéraire des éditions Balland jusqu'en 2001, date de leur rachat par Denis Bourgeois. Il a été membre du comité de lecture des Éditions Gallimard jusqu'en 2012. À ce titre, il a joué un rôle décisif dans la publication du prix Goncourt 2006, Les Bienveillantes de Jonathan Littell ; en 2011, le prix sera de nouveau attribué à l'un de « ses » auteurs (Alexis Jenni pour L'Art français de la guerre).

En mars 2016, Le Point révèle que Gallimard aurait l'intention de le licencier après la publication d'un article critique dans lequel il vilipende notamment le style de Maylis de Kerangal.

Bibliographie :
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Message par Quasimodo Mar 6 Avr - 21:02

Richard Millet 97823610

Journal, tome 3

@majeanne, j'espère que ça ne t'ennuie pas que je récupère une partie de notre échange du fil des lectures du mois ?

Quasimodo a écrit:
majeanne a écrit:J'ai lu deux fois "Ma vie parmi les ombres" de Millet et "La gloire des Pythre" aussi.
En revanche, l'homme ne m'étant pas vraiment sympathique je n'ai pas essayé son Journal. Tu en as pensé quoi ?
J'en ai pensé que cet écrivain qu'obsède la supposée décadence de la littérature occidentale n'est pas à la hauteur de ses prestigieux aînés (ce qui tend à valider sa théorie).
Le journal est intéressant : il s'y montre le jouet de pulsions destructrices, de haines incompressibles, de désirs qui sont une torture ; il décrit le champ littéraire et éditorial avec un dégoût communicatif (il y a dans ce versant du journal un côté Paris-Match, sauf le style) et se complaît dans une posture de victime poussée à la marginalité par le "Grand Consensus". C'est un paria volontaire dominant la mesquinerie de l'époque (dans la fiction qu'il se joue), violent dénonciateur du cosmopolitisme et misanthrope incurable. Son style de polémiste du début du siècle dernier est séduisant, mais guère plus : c'est un peu juste pour la postérité.

Il dénonce l'étroitesse morale de l'époque et la dictature du politiquement correct mais ne semble pas remarquer que la plupart de ses récriminations possèdent elle-même une assise morale. En réalité, il fait exactement ce qu'il reproche aux "tenants de l'ordre moral" : il ne tolère pas d'autre éthique que la sienne, qu'il érige en orthodoxie. Il est intransigeant pour les autres et n'est "que" sévère pour lui-même, ce qui est une drôle de manière de se ménager. Il est puéril dans ses paroxysmes, et franchement vulgaire (ce qui est à l'origine de déplaisantes dissonances dans son écriture habituellement élégante). Dans de rares passages, il déplore être sujet à de pareils emportements : il se révèle ainsi être la victime de pulsions tyranniques, ce qui certes n'excuse pas tout. En sus, il est d'une extrême fatuité touchant son office : il consigne soigneusement les flatteries qu'on lui prodigue et rapporte avec complaisance les vacheries tenues par d'autres sur les rares écrivains auquel il reconnaît du talent. Il faudrait enfin mentionner sa passion pour la musique, qui occupe une part importante de sa vie et de son journal, et qui exerce sur son écriture une influence telle qu'elle devient un obstacle à sa pensée : écrivant à l'oreille, ne se préoccupant pas d'autre chose que de faire fonctionner le langage, le monde sensible lui échappe et il n'en retient que de mesquines apparences ; sa vérité propre se dérobe et il n'exprime de lui-même que le déchet de ses amertumes.


#contemporain #creationartistique #journal #viequotidienne
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Message par bix_229 Mar 6 Avr - 21:33

Gone with tne wind ! Richard Millet 3761541388
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Message par Tristram Mar 6 Avr - 21:35

Merci Quasimodo pour cette ouverture de fil !
Comme déjà dit, j'ai notamment apprécié Ma vie parmi les ombres et Le Sentiment de la langue, même si La confession négative m'a laissé dubitatif.
Voici quelques extraits où on retrouvera quelques-unes des idées-forces de Millet, comprenant la langue (française) et l'écriture, le temps et la mort, les femmes et la musique, le passé et la tradition, la Corrèze et le Liban...
« Ai-je d’autre histoire que celle de la langue et de la littérature françaises ? Je n’habite pas un pays réel mais ses espaces textuels, rêvés, subjectifs. Seules la vie et la langue nous sont données ; le monde respire ou s’enténèbre dans la langue ; et je ne suis pas vraiment au monde comme je le suis à la langue. »
Richard Millet, « Une langue où mourir » in « Le Sentiment de la langue » I

« Je me plonge sans cesse dans les œuvres du passé, guettant des tournures à réactiver, des sens reculés, des filiations inattendues, des viviers considérables, des puits perdus. »
Richard Millet, « Le Sentiment de la langue » III

« …] ce que tout roman devrait être : un lieu où surgit l’inattendu, un perpétuel défi à la forme par le fond, et inversement, un mémorial de langue et de noms propres autant qu’une descente aux souterrains de l’esprit ou une consolation aux hommes privés de Dieu. Un roman donc, c'est-à-dire une manière de gloire [… »
Richard Millet, « Ma vie parmi les ombres »

« …] ce qu’il appelait une de ses vies antérieures. "Oui, ce que l’on peut appeler un autre temps, une autre vie, chaque époque dévorant la précédente, si bien que ce n’est pas le temps qui nous tue mais nous qui, incarnant le temps, ne cessons de nous dévorer nous-mêmes, à chaque instant" [… »
Richard Millet, « Dévorations »

« …] la seule narrativité, laquelle semble devenue l’apanage du roman anglo-saxon (et par roman anglo-saxon entendons tout ce qui fait allégeance, en toutes langues, à l’esthétique du prêt-à-porter romanesque, immédiatement scénarisable en anglais et, bien entendu, aussi illisible, à force de fadeur et de démagogie, que les romans de journalistes ou d’universitaires) . Quant au reste, les grandes narrations de Rabelais, Diderot, Sade, Saint-Simon, Casanova, Chateaubriand, Balzac, Proust, les essais dans le goût de Montaigne, de De Quincy, Borges, Bataille, Magris, rien de tout ça n’aura bientôt plus cours, éradiqué par les progrès de l’ignorance, le naufrage de l’enseignement public, les redéfinitions minoritaires (sexuelles, ethniques, raciales, religieuses, linguistiques, mémorielles) de l’humanité. »
Richard Millet, « Le désenchantement de la littérature »
Comme promis, je vais lire (et commenter) La Gloire des Pythre.

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Invité Mer 7 Avr - 0:34

J'ai vaguement parcouru sa bibliographie ce soir et je suis tombée sur le titre De l'antiracisme comme terreur littéraire et je n'ai pas pu me retenir de le lire pour voir... C'était (un bonbon) acide !

Ce qu'on appelle littérature, aujourd'hui, et, plus largement, la culture, n'est que la face hédoniste d'un nihilisme dont l'antiracisme est la branche terroriste.
[...] les antiracistes se livrant, au nom du Droit, à ce dans quoi se sont illustrés les plus violents racistes : lynchage médiatique, condamnation judiciaire, destruction de l'homme livre, ce qui me conduit à soutenir que l'antiracisme contemporain n'est qu'une manifestation tout à la fois hystérique et froide de la haine d'autrui.
Est-il criminel de prétendre nommer les choses, et dire non seulement la couleur des gens, leur ethnie, leur race, leur comportement [...] mais aussi la douleur qui est mienne à constater que ce dans quoi on m'a élevé est décrété obsolète, voire nocif, et que je ne saurais considérer que ceux qui m'entourent ne sont pas des "comme moi", alors qu'ils sont pris dans l'altération mimétique de l'Autre, et qu'ils ne veulent pas devenir "comme moi", ni moi ce qu'ils sont, ayant, eux, non pas émigré pour devenir français mais pour, dans certains cas, triompher de la spécificité française au nom de l'islamocentrisme ?
Réputation mortifère, surtout quand on procède à l'intimidation majeure qui consiste à prétendre que remarquer qu'on est le seul Blanc, dans une station de R.E.R., implique que l'on eût envoyé, en d'autres temps, des Juifs à Auschwitz.
L'homme, cet animal qu'il faut dresser sans fin, le seul de la nature, me semble avoir surtout des devoirs, qu'il ne cesse de trahir pour retourner à son animalité, ce qui suffit à lui ôter toute dignité.
L'imposture majeure de l'antiracisme réside dans le fait qu'il est un athéisme qui se donne pour une religion vidée d'elle-même : en cela, il est bien un fascisme.

J'ai l'impression que son "intransigeance" et son "amertume" relèvent d'une posture choisie, tout à fait consciente, comme la construction d'un personnage littéraire.

Sinon, il écrit bien.  cat

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Message par animal Mer 7 Avr - 6:30

un modèle d'ouverture et de tolérance ? Richard Millet 1384701150

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Message par Invité Mer 7 Avr - 7:58

De toute évidence...
Un de mes profs, spécialiste de littérature contemporaine, faisait remarquer qu'il prétend avoir participé à la guerre du Liban du côté des phalangistes chrétiens... Je ne sais pas ce que ça vaut mais mon prof qui a quelques contacts là-bas disait que personne ne l'a vu à la période où il dit qu'il y était. Richard Millet 3933839410

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Message par Invité Mer 7 Avr - 9:22

Moi je suis bin d'accord avec Millet, la décadence nous accable !

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Message par Tristram Mer 7 Avr - 12:14

Secrètement a écrit:Un de mes profs, spécialiste de littérature contemporaine, faisait remarquer qu'il prétend avoir participé à la guerre du Liban du côté des phalangistes chrétiens... Je ne sais pas ce que ça vaut mais mon prof qui a quelques contacts là-bas disait que personne ne l'a vu à la période où il dit qu'il y était.
C'est le fond de La confession négative, écrit à la première personne ; je ne sais pas si ce sont des faits avérés qui sont rapportés, autobiographie ou autofiction, mais le texte est convaincant, et parfaitement glaçant.

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Message par Tristram Mar 13 Avr - 21:34

La Gloire des Pythre

Richard Millet La_glo10

« En mars, ils se mettaient à puer considérablement. »
Première phrase, qui se rapporte aux morts de l’hiver, attendant le printemps pour être enterrés en terre consacrée.
Ces cadavres entreposés « dans les pilotis » empestent tout le début du roman, et l’odeur revient souvent par la suite.
Celui qui parle, c’est « nous », les « pauvres bougres », les petites gens (en l’occurrence des paysans) qui constituent le fond de tout un pan de littérature contemporaine, des Vies minuscules de Michon à Les derniers Indiens de Marie-Hélène Lafon en passant par Bergounioux, également originaires du Massif central. Sous le plateau (de Millevaches) que les vents rabotent, ce sont ici les gourles (galoches, et par extension personnes gourdes en patois auvergnat, voir https://escoutoux.net/Mots-usites-a-Thiers, https://www.regardsetviedauvergne.fr/2012/09/petit-abecedaire-du-langage-auvergnat.html), dont la vie est « promise à la puanteur des humbles ».
Et Chat Blanc, c’est André, le jeune Pythre, devenu orphelin dans la combe de Prunde, qui doit recueillir la grande Aimée Grandchamp, l’innocente, pour profiter d’une donation, des terres à Veix.
C’est toute une rustre, brute ruralité à la limite de l’humanité (de la chrétienté) et de l’animalité (les bêtes, leur bétail).
« …] la fille de Vedrenne, laquelle n’avait d’ailleurs pas fait de vieux os, plus innocente qu’Aimée, et avait passé plus de dix années près de l’étable à cochons parce qu’on ne parvenait pas à la faire taire dans la maison, devenue à peu près comme eux, en tout cas par sa façon de réclamer pitance, ou d’avoir peur, et devenue, quand on la délivra, aussi fine et méfiante qu’eux, avec, disait-on, le même petit œil rond, fixe et malin – affinée plus que rabaissée, disait-on encore, par cette proximité, et néanmoins perdue pour les humains, et mourant à dix-sept ans de ne savoir vivre avec eux ni sans eux. »
Devenu maître, de terres et de femmes, Pythre ne sera jamais accepté par la méchante petite communauté de son nouveau pays, aura des enfants de plusieurs lits − puis il se voit dépossédé, et s’installe à Siom. Jean, un de ses fils, prend la première place dans l’histoire ; illégitime, malaimé, lui aussi benêt, ses puantes « fientaisons » sont d’importance, et avec lui s'éteindront les Pythre.
C’est je pense Millet qui parle quand est évoquée la (gloire de la) langue :
« …] la façon qu’avait le maître de plier les mots de l’autre langue [le français vis-à-vis du patois] (comme le curé les linges de l’autel ou les femmes les habits des morts) et d’en faire des constructions aussi solides qu’une barge ou un fournil, quoiqu’ils n’imaginassent pas qu’une œuvre de langage pût durer plus qu’une meule de foin ou un nuage […]
Ils seraient quelques-uns à comprendre que c’était aussi beau, justement, qu’une meule de foin qui entre dans la nuit d’été entourée d’or et d’insectes bourdonnants ; à comprendre aussi que les mots sont la seule gloire des disparus – et le français la belle langue des morts, comme le latin celle de Dieu et le patois celle des bêtes et des gourles. »

« …] en patois ou en français, le plus souvent dans les deux en même temps et surtout dans ce bruit qui rôde au fond des langues et qui est, au-delà des mots et de ce qu’ils disent, le vrai bruit de gloire [… »

« …] ce que disait l’aumônier de la Légion, que les mots sont comme Dieu ou comme les femmes : ils se dérobent dès lors qu’on les cherche et surgissent dans toute leur gloire après qu’on a renoncé. »
Pauvres destinées paysannes, à la piètre « gloire » :
« …] pris dans la torpeur d’être au monde sans bien savoir pourquoi, dans l’imbécillité forcenée de vivre qui serait leur lot à presque tous, sinon leur vraie joie, malgré la rudesse des tâches, les chagrins, la terre ingrate [… »

« Pauvre gloire que celle qui les rassemblait à jamais par ordre alphabétique [sur le monument aux morts], non pas comme ils étaient tombés, là-bas, dans les jours de colère et les nuits d’acier, mais de la façon qu’on les appelait, chaque matin, à l’école et, comme on les avait hélés, sur le quai de la gare, pour les embarquer dans les wagons ! »

« Or nous n’avions pour tout rêve, nous autres, que des liqueurs brutales, l’entrecuisse de nos femmes, nos pauvres souvenirs, ou encore la grande lande du plateau où l’on s’était mis à planter de ces sapins de Douglas qui appelaient la nuit, non seulement celle des sous-bois mais la fin de ce que nous avions été pendant tant de siècles ; et nous nous disions que ce n’était pas plus mal, que nous n’y pouvions plus tenir, qu’il fallait en finir – ce qui ne nous empêchait pas de nous répéter que notre plus grande gloire était encore de tenir bon, ici, tapis contre cette table de pierre froide où l’hiver régnait plus longtemps que partout ailleurs, oubliés de Dieu, quoi qu’en dît l’abbé Trouche, en sursis dans les combes, les vallées, sur la lande, oui, dans la seule gloire de nos noms, que ceux qui nous avaient précédés avaient mués en terre, en arbres, en rocs, en métiers, en villages même [… »
Ils ont conscience d’appartenir à un monde de déréliction, et en voie de disparition :
« Nous comprenions que la terre même ne valait rien, que la propriété n’est pas plus éternelle que celle d’un corps ou d’un nom, et que nous étions vraiment les derniers. »
Avec ce puissant roman, la langue trouve une vraie grandeur dans le sordide.

\Mots-clés : #famille #ruralité #xxesiecle

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Message par Schlem Mar 13 Avr - 22:50

Avant que Richard Millet ne passe du "côté obscur", il a écrit des livres d'une grande force et finesse à la fois. Je pense par exemple à "Le renard dans le nom".
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Message par Tristram Mer 14 Avr - 0:05

J'ai dû lire ce dernier, mais il ne m'en reste rien...

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Message par Tristram Mer 24 Mai - 13:11

Sept passions singulières

Richard Millet Sept_p10

Leçons pour le Mercredy Sainct
Le claveciniste d’une petite formation de musique sacrée ancienne raconte comment la mezzo exécute un exigeant contrat de chant signé avec un « intermédiaire ».

Feierlich, misterioso
Dans une très obscure ville du Centre qui possède de nombreuses églises, Cécile est une ancienne servante qui allume les cierges avant de se coucher pour mourir.
« Ces êtres errants, je le répète, nous ne les chassons pas ; nos coutumes et nos Lois sont sévères pour tous, mais nous ne sommes point aveugles à la misère d’autrui : nous acceptons qu’on vienne mourir dans nos rues, sous les porches de nos églises, au pied des vieux tilleuls de nos petites places ; d’ailleurs ces pauvres hères sont pour la plupart d’anciens membres de notre communauté bannis autrefois de la cité ; nous aimons le repentir et l’expiation. »
Dans la ville de L.
Une narratrice parle de celui qui l’aborde dans ses promenades pour lui faire une confidence.

Le jeune mort
Un jeune garçon par ennui se comporte abjectement, provoque son entourage qu’il fait souffrir – jusqu’au suicide.
« …] parler (c’est-à-dire ne plus pouvoir faire la part de la vérité et du mensonge) [… »
Le soldat Rebeyrolles
Ce soldat occidental garde la demeure du Propriétaire (au Liban ?) avec une jeune villageoise qui lui est destinée, et dont il ne jouit pas.

Aux confins de l’Empire
Histoire de l’enfance à la disparition d’un provincial enthousiasmé par l’Empire colonial et militaire, qu’il prônera même après sa chute.

Petite suite de chambres
Dix-huit brefs textes sur le retour en Corrèze du narrateur, un écrivain qui loge dans les chambres désertées de l’Hôtel du Lac tenu par sa tante, et qui, devenu mécréant, se sent moribond, jusqu’à ce qu’il atteigne la chambre où sa mère est morte dans son enfance.
« Ces revenants, on les traite de mauvais coucheurs : on trouve qu’il ne devrait pas être permis de vivre si longtemps, et que si l’on est mort, ce n’est pour se mettre à errer de la sorte. On vit même, un soir d’hiver, un vieil homme qui venait de temps à autre tirer la langue à l’entrée du village, pourchassé par ses propres enfants qui le battirent quand ils l’eurent rattrapé. Nul, ici, ne fit le moindre geste ; les collines retentissaient de cris féroces ; et un esprit sagace de conclure : "Ce vieux Léon, faire ça à ses enfants ! Il a donc une pierre à la place du cœur…" »
Ces sombres « passions » (au sens d’action de souffrir), souvent sinistres, sont marquées d’austère rigueur, de morbidité même, et me semble-t-il d’un certain protestantisme, voire de jansénisme.

\Mots-clés : #nouvelle

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Message par Bédoulène Jeu 25 Mai - 16:29

merci Tristram

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
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Message par Tristram Mer 6 Sep - 21:36

Le Cavalier siomois

Richard Millet Le_cav10

Une femme se ramentoit l'enfant qu'elle fut à Djibouti, puis dans à Siom (Millet évoque les Pythre), marquée par la séparation de ses parents (lui, capitaine dans l’armée en guerre, est demeuré dans le Territoire français des Afars et des Issas).
« J’aimais mon père comme on n’aimera plus, adulte : dans la grande patience de la divination. »
L’enfant rousse joue à faire le cheval, à être le cavalier siomois.

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Message par Bédoulène Jeu 7 Sep - 15:51

Siom ?

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Message par Tristram Jeu 7 Sep - 16:50

Tout à fait !

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