Mihàlis Ganas
Page 1 sur 1 • Partagez
Mihàlis Ganas
Au début je rencontrais Mihàlis Ganas à la librairie Dodòni où il travaillait. Puis au café. Un jour il m'a invité au restaurant. Puis il m'a présenté sa femme. En 1990, il m'introduit chez lui, après minuit, quelques minutes, le temps d'un verre. Pour être admis il faut des années, une longue patience, comme pour écrire un recueil de poèmes, comme pour faire un arbre.
Lui-même, c'est à un arbre qu'il me fait penser. Et pas seulement parce que la nature et la tradition populaire jouent un si grand rôle dans sa poésie — au point que certains collègues ricanent en le traitant de poète agricole. Il est dense, franc et droit. Rien que de le voir, je me sens calme, je respire un air plus pur.
La vie ne l'a pas gâté. L'enfance a été rude : il a connu l'exil en Hongrie avec ses parents de gauche. Il traîne un poids, une amertume cachée. Aujourd'hui tout s'arrange, il gagne mieux sa vie, dans la pub, qui l'eût cru ; il a un grand appartement, en pleine ville mais près du ciel ; il est reconnu comme l'un des deux ou trois poètes majeurs de sa génération. Pourtant il n'a pas changé. Dans ses poèmes qui creusent le passé lentement, toujours plus profond, il parle avec les morts ; lui-même, comme eux, semble encore plonger des racines dans la terre et la nuit ; ils sont le passage, peut-être, par où atteindre un autre monde enfoui ; et je ne peux les lire, ou ne serait-ce que parler avec lui, sans attendre au détour d'une phrase les mots apparemment tout simples qui m'emmèneront plus près du secret. (Elle, ma Grèce)
Mihàlis Ganas est né en Épire en 1943. Après l'exil, installé à Athènes, il a fait des études de droit. Il a publié Cène d'angoisse (1978), Pierres noires (1980), Marâtre patrie (récit en prose, 1981), Yànnena la neige (1989), Ballade (1993), Les petits poèmes (2000), Vers (chansons, 2002), Le sommeil du fumeur (2003).
Sa poésie est hantée par l'enfance et la nature perdues. Son terroir, près de la frontière albanaise, est une région montagneuse, pluvieuse, neigeuse, pauvre et mal connue. Ses poèmes ne cessent d'évoquer la mort — celle des êtres chers, celle de tout un monde ancien. Mais les morts qui hantent ces pages sont aussi vivants que les vivants. Et ce passé bien-aimé, loin d'être idéalisé naïvement, apparaît souvent dans toute sa rudesse.
Ganas est l'un des héritiers directs des merveilleux chants populaires, de Solomos (père fondateur de la poésie grecque au XIXe siècle), de Sefèris dont il retrouve l'amertume. Mais je ne voudrais pas le cantonner dans le passé : chez lui, dans les recueils récents surtout, et en particulier dans les merveilleuses chansons qu'il s'est mis à écrire, le monde actuel est très présent lui aussi.
Texte de Michel Volkovitch, passionné de littérature grecque.
Traductions françaises
- Maratre patrie. - Publienet, 2017
- Yanema la neige. - Publienet, 2008
- Quelques femmes. - Quidam éditeur, 2010
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Mihàlis Ganas
Au point du jour, le pays levait
ses montagnes, ses êtres vivants,
hommes bons et méchants, belettes,
renards, un lac pareil à la prunelle
de l’œil et des remparts vaincus.
C’est Yànnena sans doute, ai-je murmuré,
qui dans la neige et le froid dur
paraît de verre et d’or.
Et tandis que le jour avançait
tel un vapeur en eau tranquille,
j’ai vu des minarets, j’ai entendu
les cuivres et leurs bêlements.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Mihàlis Ganas
Le dimanche, un poème et une image.
Un poème de Mihàlis Ganas
La Grèce, tu vois...
La Grèce, tu vois, ce n'est pas seulement une plaie.
À l'heure creuse le café écumeux,
les radios les télés aux balcons,
couleur de bronze, corps de bronze,
bouchon de bronze la Grèce à mes lèvres.
Sur les murets la glu du soleil
attrape les yeux comme des insectes.
Derrière les murets les maisons éventrées,
terrains de foot, hôpitaux, prisons
créatures du bon Dieu et instruments du diable
et conducteurs de tram buvant seuls
un petit vin râpeux d'Aràhova.
Là des braves ont dormi
le fusil au côté, le sommeil peuplé d'enfants pieds nus.
Des foulards de femmes, fières voilures, passaient,
tapis et couvertures dans l'eau du moulin.
À présent caillasse et godillots
dans ce broyeur de pierres
et conducteurs de tram buvant seuls
un petit vin râpeux d'Aràhova.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Mihàlis Ganas
Mihalis Ganas : Quelques femmes. - Quidam
Je ne peux imaginer sa vie sans moi. Même si alors elle n'aura plus besoin de moi. Soit.
Mais s'il existe une vie après la mort, je prie Dieu de réparer une injustice. La princesse, qui n'a jamais commis de péché- ni même l'originel-, étant destinée au Paradis, qu'il ne l'envoie pas dans un paradis en noir et blanc. Et si cela n'est pas possible (pour préserver l'harmonie de l'univers), qu'il m'envoie avec elle (quand mon heure sera venue) au Paradis des chiens : plantes noires, chiens noirs, fleurs noires. On dirait l'enfer. Mais il n'y a pas d'enfer là où se trouve l'amour. Il n'y a pas de paradis, par moments, hors l'amour. Mais il suffit qu'il y ait de l'amour : ce perpétuel purgatoire. (p.24-25)
J'ai commencé la lecture de Ganas en parcourant le net à la recherche de poètes, comme souvent.
Puis, je suis tombé sur recueil en proses, seize petits textes à la gloire des femmes.
J'ai aimé ces textes très brefs mais incisifs. Surprenants, avec des éclairs d'humour et de tendresse.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Des Choses à lire :: Lectures par auteurs :: Écrivains Italiens et Grecs
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum