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Wallace Stegner

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Message par Marie Dim 17 Déc - 21:30

Oups, j'arrive trop tard pour topocl et son train..

autobiographie - Wallace Stegner - Page 2 97828510

The Big Rock Candy Mountain ( La bonne grosse montage en sucre)
traduit de l'anglais ( Etats- Unis ) par Eric Chédaille
Editions Phébus

Ce roman, traduit en 2002, a été écrit trente ans avant Angle d'équilibre. Mais il traite en fait du même thème, analysé avec peut-être moins de recul, et ça se comprend, trente ans de vie aident, quelquefois, à prendre du recul !
C'est une histoire très autobiographique, celle de la famille de cet écrivain américain mort en 1993.
Cette fameuse "candy mountain" représente ce qu'on appelle couramment le "rêve américain", partir de rien et arriver... à quoi, c'est autre chose !
La grande majorité des habitants de ce pays y aspiraient, en tout cas, en ce début de siècle dernier. De là à tous y aboutir....
C'est le récit d'une quête effrénée pour "réussir", en allant toujours plus loin et de manière toujours plus aventurière, du père, donc, de Wallace Stegner, un homme de l'étoffe des premiers pionniers, mais né un peu tard, peut être, alors que la fortune des pionniers est déjà faite, et qu'il ne reste que des miettes à grappiller dans des conditions toujours plus difficiles.

Cet homme traîne derrière lui sa famille, bien obligée de suivre et de s'adapter, sa femme (merveilleux hommage rendu à la femme dans son personnage de mère, le reste est beaucoup plus ambigu) et ses fils, de plus en plus révoltés par les sautes d'humeur d'un père éternellement sujet à des revers de fortune. Un des fils en mourra, et l'autre deviendra universitaire puis écrivain, et son histoire familiale lui servira de trame pour ce premier roman.
A la mort du père, ce fils va lui rendre une sorte d'hommage en écrivant :

"Harry Mason était et un enfant et un homme. Quoiqu'il fît jamais, à n'importe quel moment de sa vie, il fut, jusqu'en ses colères, un être mâle de bout en bout, et il fut presque toujours un enfant.
A une époque plus ancienne, en d'autres circonstances, il aurait pu être un individu montré en exemple par la nation toute entière, mais il n'eût été en rien différent. Il n'en fût pas moins resté un être humain au développement imparfait, un animal social immature ; or, plus la nation va de l'avant, moins il y a de place pour ce genre de personnage. Harry Mason vécut avec celle qui fut ma mère et que je révère pour sa bonté, sa douceur, son courage et sa sagesse. Mais j'affirme, en ce jour où sont célébrées les obsèques de cet homme, et en dépit de la haine que j'ai eue pour lui pendant de nombreuses années, qu'il possédait plus de talents, plus de ressources et d'énergie qu'elle. En affinant les qualités de ma mère, on arriverait à la sainteté, jamais à la grandeur. Ses qualités à lui étaient la matière brute à partir de laquelle se construisent les hommes remarquables. Quoique je l'aie toujours détesté, et bien qu'aujourd'hui je ne l'honore ni ne le respecte, je ne peux lui retirer cela..."

Dans des extraits d'entretiens publiés par le journal Libération en juin 2002, Stegner, parlant de la littérature, écrit :
"Penser qu'il y ait quelque chose de nouveau à dire, à mon sens, ne mène à rien. Ce qui importe, c'est la compréhension toujours plus approfondie de ce qui de tout temps a existé."


C'est ce que, je pense, il a essayé de faire au long de son oeuvre (du même auteur, toujours chez Phebus, deux très beaux romans d'un écrivain plus assagi sinon plus serein, "Vue cavalière" et "La vie obstinée").


mots-clés : #autobiographie #famille #initiatique
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Message par Bédoulène Lun 18 Déc - 14:55

Marie merci ! c'est noté cette montagne de sucre me tente bien (j'ai 3 ou 4 livres de l'auteur dans ma pal mais pas celui-ci)

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Message par Bédoulène Jeu 21 Déc - 18:23

la bonne grosse montagne en sucre, je suppose que c'est le même livre sous un autre nom "la montagne de sucre" ?

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Message par topocl Jeu 21 Déc - 18:29

Oui, deux traductions différentes.

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Message par topocl Ven 22 Déc - 14:38

J'ai relu En lieu sûr. Mon commentaire ci-dessus reste valable, si ce n'est qu je suis moins enthousiaste.
D'où une discussion: vaut-il mieux relire les livres qu'on a aimés, au risque d'être déçu, ou ceux qu'on n'a pas aimés, au risque d'être heureusement surpris?

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Message par Tristram Ven 22 Déc - 14:53

Pour moi pas photo : ceux qu'on a aimés ! Tant pis s'ils ont vieilli, ou nous... Pour ceux qu'on n'a pas aimé, il me paraît bien de réessayer dans le cas où on n'est pas parvenu à entrer à la première tentative, tout en sachant que cela tient à nous-même.

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Message par Quasimodo Ven 22 Déc - 15:18

Pour ceux qu'on a aimés, est-ce qu'il n'y a pas le risque de remettre en jeu le merveilleux souvenir qu'on en avait ? Justement, comme ta deuxième lecture, topocl.
Ce n'est sûrement pas vrai pour tous, bien sûr. Il y a des livres que je n'attends que de relire (comme Héros et tombes, ceux de Dostoïevski...)
Mais je tiens plutôt pour une relecture des auteurs qui nous ont déplu. Je suis sûr qu'une deuxième lecture, forcément un peu plus "attendue" ou "préparée", comporte beaucoup moins de réactions affectives, de rejet. Et aller un peu contre son goût, est-ce que ça ne peut pas être plus enrichissant ?
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Message par bix_229 Ven 22 Déc - 15:39

Un livre qu' on relit -surtout après un long intervalle- est un autre livre.
Parce qu' on l' a oublié.
Parce qu' on a changé.
Parce que lire est transformer, filtrer, adapter, omettre.
Peu ou prou.

Ceux qui risquent de décevoir sont ceux qu'on a aimé très jeune le plus souvent.


Dernière édition par bix_229 le Ven 22 Déc - 15:43, édité 1 fois
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Message par Tristram Ven 22 Déc - 15:40

Il y a effectivement le risque de la déception à la relecture de ce qu'on avait aimé ; mais celle-ci permet de revisiter ce qui nous avait enthousiasmé, et de s'interroger sur le pourquoi quand ce n'est plus le cas. C'est une forme de voyage dans son propre passé, qui permet d'apprécier sa propre évolution, comme de confirmer la valeur de ces œuvres redécouvertes avec un œil différent.
En ce qui concerne la relecture des auteurs qui ont déplu, cela dépend essentiellement de leur valeur intrinsèque (mais aussi de notre éventuelle évolution).
Personnellement, j'ai peu évolué : ce qui m'a particulièrement plu me plait généralement encore...

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Message par Bédoulène Ven 22 Déc - 16:00

je relis rarement ou bien quand la lecture est trèèèèèèèèès lointaine, simplement parce que j'en ai tellement d'autres à découvrir ! Smile

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Message par Tristram Ven 22 Déc - 17:21

Tu as raison Bédoulène, il y a ça aussi !

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Message par topocl Ven 22 Déc - 17:46

Du coup, je ne sais pas si je vais tenter de relire un autre Stegner scratch ? (Mais il y a une scène que je voudrais retrouver et je ne sais pas dans lequel elle est : Angle d'équilibre ou Vue cavalière?)

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Message par bix_229 Ven 22 Déc - 18:01

topocl a écrit:Du coup, je ne sais pas si je vais tenter de relire  un autre Stegner scratch ? (Mais il y a une scène que je voudrais retrouver et je ne sais pas dans lequel elle est : Angle d'équilibre ou Vue cavalière?)
C' est magnifique Vue cavalière !
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Message par topocl Ven 22 Déc - 18:02

C'est ce que je disais, et puis mon semi(ou quart)-échec avec En lieu sûr me fait hésiter.

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Message par Tristram Ven 22 Déc - 18:04

Puisque c'est ça, je vais lire La Vie obstinée.

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Message par topocl Ven 22 Déc - 18:07

Tadam!!!
Pleurnichez sur un livre, vous serez sûre de faire des adeptes!

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Message par Tristram Ven 22 Déc - 18:10

Même pas heu : je l'ai trouvé à la bib, et le nom de l'auteur, bizarrement, m'a interpellé...

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Message par topocl Ven 22 Déc - 18:12

Vive la bib, alors!

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Message par Tristram Ven 22 Déc - 18:13

Sais pas, pas encore lu...

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Message par Tristram Mar 26 Déc - 1:17

La Vie obstinée

autobiographie - Wallace Stegner - Page 2 Images10

Humour parfois grinçant, souvent ravageur, cruelle satire sociale (l’art moderne selon la voisine, par exemple, lors d’une mémorable party), caricature de la confrontation parents-enfants, de la nouvelle génération et de l’amer sexagénaire (je n’ai pas eu trop de peine à m’identifier ou me reconnaître dans ce bougon narrateur...)

« J’ai l’esprit occupé de considérations bien plus sombres : notre condition d’êtres de chair, sensibles à la douleur, doués de conscience et taraudés par la conscience de cette conscience, condamnés à mourir et ne le sachant que trop. Ma vie trouble l’espace qui m’entoure. Je suis un sachet de thé oublié au fond de la tasse : le produit de ma macération ne cesse de devenir plus opaque et plus amer. »

« Tout ceci vous a une formidable allure de cliché. Mais sans doute l'amour et la peine sont-ils toujours des clichés, l'ambition, l'égoïsme et le remords des clichés, la mort un cliché. Il n'y a que les gendelettres, toujours avides de nouveauté, pour redouter le cliché, et je ne fais plus partie de la tribu. »

Regard particulièrement critique sur la génération beatnik, et tout spécialement le piètre Jim Peck (« Caliban », « satyre », « Désordre ») _ livre paru en 1967.

« Les parents accablés acceptent communément la responsabilité que nos psychologues ont vite fait de rejeter sur eux [… »

« Nous nous agitons parce que nous nous agitons, nous bâtissons parce que nous bâtissons, nous nous reproduisons parce que nos reins nous l’intiment, et ensuite nous reportons sur nos enfants, qui ont les leurs et ne veulent pas des nôtres, les espérances que nous ne pouvons plus évoquer à notre sujet sans faire la grimace. »

Observations et descriptions très fines de l’environnement californien (pourtant pas édénique : il court dans tout le roman l’image du jardin et du serpent, dans l’obsession chrétienne/ états-unienne du mal).
Toujours dans le thème évoqué par le titre, le questionnement sur l’évolution des espèces (notamment la nôtre) est discuté, comme dans cette confrontation des concepts de l’éternel retour et du principe anthropique (mais il faudrait citer tout le passage) :

« Je ne vois pas en quoi les modernes différeraient des anciens, sinon par leur technologie. […]
Je pense que l’espèce [humaine] va croître et multiplier car elle est malheureusement très prolifique. Attendu que le mariage fait partie des conventions que les Peck s’emploient à détruire, il y aura de plus en plus d’enfants illégitimes ou privés des douteux avantages de ce que l’on appelle un foyer. Ce fait, ajouté à d’autres inhérences, fera que de plus en plus d’adultes deviendront des voyous, des criminels, et iront grossir les rangs de ceux qui n’ont rien. C’est chez eux que nos démagogues et nos romanciers tendront à aller puiser leurs valeurs, leur vision du monde et leur jargon. Dans un premier temps, on contribue à faire naître ces sous-cultures et ensuite, par un phénomène de culpabilité et de compassion, on les épouse. […] Donc, c’est par pitié qu’on s’y conforme, et c’est du fait de cette pitié que le processus fait boule de neige. Toute civilisation florissante comporte des perdants ‒ une des raisons de son succès est qu’elle sait distinguer ses perdants de ses héros. Nous avons renoncé aux héros ‒ ils en tiennent pour la réussite. Nous nous retrouvons donc avec de plus en plus de perdants, que nous imitons parce que nous n’avons pas le cœur de les débarquer tout à fait. […] La loi, y compris la loi morale, n’est ni juste ni miséricordieuse. Elle n’est que nécessaire. C’est pourquoi les tenants résiduels de l’ordre, de la stabilité, de la loi et de la réussite persisteront à rigidifier la discipline imparfaite de leur société contre la subversion des artistes criminels et des saints séditieux. […] Quelqu’un appuiera sur le bouton ou bien un de nos bricolages technologiques nous pétera à la figure et, au bout du compte, détruira toute vie et nous avec. […] Dame Nature va tout reprendre à zéro, à supposer que nous ayons laissé de l’hydrogène et quelques autres éléments, et commencer de faire rouler son rocher de Sisyphe en direction du sommet, partant de l’atome pour composer la molécule, puis le polymère, puis la cellule. Partant de la simple cellule, elle passera aux colonies de cellules, puis à des formes comportant des organes spécialisés, et elle en expérimentera des millions jusqu’à ce qu’elle tombe sur quelque chose qui convienne pour le bricolage de haut vol ‒ dans notre cas, ce fut un cerveau et un pouce opposable, mais ce pourra être autre chose. Ensuite, la conscience fait son apparition et avec elle les outils, les inventions, les langues, les arts, les différentes symboliques. Et l’histoire commence, des nations se constituent, la science entre en jeu, enfile ses lois les unes aux autres. La créature consciente manie de plus en plus brutalement son environnement, bientôt y pullule. La compétition intervient, l’hostilité prévaut. Quelqu’un appuie sur le bouton et boum, fait le rocher en redescendant au bas de la colline. Voilà ma vision de la race humaine. »
« ‒ Et si la conscience connaît un perfectionnement progressif, alors, n’est-ce-pas, le champ des choix s’en trouve peu à peu agrandi. C’est pourquoi, si je crois en l’ordre il me faut également avoir foi en la recherche, même si cela peut sembler un peu niais, comme dans le cas de Peck. L’alternative est une pétrification, vous ne pensez pas ? Tout s’arrêterait. C’est pourquoi nous devons risquer le désordre pour que l’ordre universel continue de s’affermir et la conscience de croître. Est-ce que cela ne vous fait pas quelque chose de penser que, par toutes petites touches, nous sommes peut-être en train de progresser vers une conscience de plus en plus élargie, jusqu’au jour où l’homme finira par sortir du tunnel et déboucher à l’air libre ? »

Langage soutenu, déroulé globalement en ligne chronologique, mais non linéaire, car habilement rehaussé de boucles rétroactives, jusqu’à l’apothéose macabre (on sent peut-être trop le bon faiseur ? Mais j'ai tort de bouder mon plaisir à la lecture de cette brillante réussite.)
Ce roman est très riche, dense, alliant métaphysique aux sciences de la nature, à la fois complexe et d’une lecture aisée ‒ et gratifiante : grand merci à Topocl de m’avoir signalé cet auteur ! Grâce à toi, j’ai passé un excellent week-end chez ces dingues d’Américains, si humains ! Un peu plombé quand même par le drame, particulièrement poignant, de la fin de Marian…

« Elle voyait des étoiles en plein jour parce qu'elle vivait au fond d'un puits, et elle les contemplait avec passion parce que le couvercle pouvait s'abattre d'un jour à l'autre, l'enfermant à jamais dans les ténèbres. »

« Il est juste que la mort existe, c’est tout aussi naturel que le fait de venir au monde. Nous faisons tous partie d’un grand fonds commun de la vie, nous sommes débiteurs de l’espace que nous occupons et des substances chimiques qui nous constituent. Dès lors que l’on admet qu’il ne s’agit pas d’une abstraction, mais bien de quelque chose dont on est redevable à titre personnel, cela ne devrait plus être un drame. »
« Je crois que la conscience fait de nous des individus, et que, parce que nous sommes des individus, nous avons perdu cette faculté d’accepter notre sort. »

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