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Jérémie Foa

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Message par ArenSor Mar 21 Mar - 15:14

Jérémie Foa
Né en 1977

Jérémie Foa Foa_po10

Jérémie Foa est un historien moderniste, spécialiste de la période des guerres de Religion et essayiste français. Il est maître de conférences HDR en histoire moderne à Aix-Marseille Université.
Publications :
« Catherine de Médicis : Un destin plus grand que la prudence », 2012
« Le tombeau de la paix : une histoire des édits de pacification (1560-1572) » 2015  
« Tous ceux qui tombent. Visages du massacre de la Saint-Barthélemy", 2021  
« Épreuves de la guerre civile », 2022  
Bande dessinée : « Histoire dessinée de la France : Sacrées Guerres, de Catherine de Médicis à Henri IV », 2020
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Message par ArenSor Mar 21 Mar - 15:22

Tous ceux qui tombent,
visages du massacre de la Saint-Barthélemy
, 2021

Jérémie Foa Tous-c10

« Ecoutons le massacre. Tout commence au son du tocsin, vers deux ou trois heures du matin, la nuit du 23 au 24 août 1572. La rue s’arrache au sommeil, sort chuchotant du silence, les hommes s’habillent en vitesse. Puis ce sont des voix, des cris, des chocs, des femmes qui courent et d’autres qui pleurent ; des slogans sont lancés et repris ; les portes claquent, les chiens aboient ; on discerne des coups de feu, des corps qui flanchent. »
Ceux qui tombent sont les huguenots, sous les coups de catholiques, estourbis à coups de masses, percés de dagues et d’épées, troués de balles, souvent mutilés par souci de deshumanisation : têtes et mains coupées, yeux crevés, visages écrasés, les corps dénudés sont traînés à la Seine, précipités des ponts dans le fleuve, ils disparaissent ainsi, la plupart d’entre eux, dans l’anonymat le plus total.
Le massacre va durer plusieurs jours. Avec un décalage dans le temps dû à la lenteur de circulation des nouvelles, il se propage dans d’autres villes du royaume : Bordeaux, Rouen, Lyon…
« Ceux de Dauphiné, de Languedoc et de Provence, ès ville et villages par lesquelles le Rosne passe, estoyent esperdus de voir tant de corps flottans sur l’eau, si inhumainement mutilez, plusieurs attachez ensemble à des longues perches, et d’autres qui venans à bord, avoyent les yeux crevez, le nez, les oreilles, les mains coupées, daguez et percez en infinis endroits, tellement que plusieurs n’avoyent plus aucune forme humaine. »
Signification symbolique dans ce traitement des morts :
« Le fracas des corps qui tombent à l’eau mime la chute des âmes en enfer »
Le royaume se purifie ainsi de ses péchés !
Jérémie Foa cherche à sortir quelques uns de ces morts de leur anonymat.
Le grand intérêt de son livre est de nous introduire directement dans le travail de l’historien : en l’occurrence, l’exploration des inventaires après décès de la ville de Paris ainsi que les registres d’écrou de la Conciergerie.
C’est une tache longue, complexe, souvent infructueuse ou menant à des impasses. Il faut déjouer de multiples pièges dont ceux de l’onomastique.
« Parmi tous les éclopés du texte, il faut faire une place de choix au massacreur, déjà croisé, Claude Chenet, insaisissable grâce aux méandreuses graphies de son nom. On l’écrit tantôt Claude Chave, tantôt Chanet. Sur son contrat de mariage, il est Chasney, comme il l’est dans la plainte d’une certaine Marie Boquet à son encontre. On l’épelle ici Chasnet, là Chasne, ailleurs Chesnet, Chanet, Chane…Cette hyperlaxie patronymique lui a permis de n’être jamais identifié comme l’un des tueurs en chef de la Saint-Barthélemy. Autant de graphies, autant d’acteurs, autant de coupables. A croire qu’il a lui-même brouillé les pistes. »
Parfois, un heureux hasard fait qu’un nom déjà rencontré se retrouve dans un autre document et permet d’en savoir un peu plus.
« Cet inventaire, sans doute douloureux pour la veuve, est pour moi une heureuse trouvaille. Il me permet de ménager à l’horloger une petite place dans l’histoire, faute de pouvoir lui donner un visage. Déposer un peu de chair, aussi textuelle soit-elle, autour d’un nom, autour des signes qui, perdus dans l’archive perdue d’un rayonnage perdu, se réfèrent à des êtres. En savoir un peu plus, juste un peu plus. »
Que ressort-il de ce travail de fourmi ? En fin de compte beaucoup d’informations qui éclairent d’un jour nouveau le déroulement du massacre.
Si celui-ci n’a pas été prémédité, il a néanmoins été préparé de longue date. Tout d’abord par le climat de haine entre catholiques et protestants qui s’est développé dans la décennie 1560. Contrairement à une opinion répandue, le massacre n’a pas été perpétré par une « foule » anonyme mais orchestré par quelques meneurs. Ceux-ci sont de bons bourgeois qui se connaissent, beaucoup appartiennent à la paroisse Saint-Jacques, ils sont porteurs de la châsse de sainte Geneviève lors des processions, sont unis par d’étroits liens de parenté et des relations d’affaires ; enfin, ils occupent des postes importants au sein de la milice parisienne. Ils connaissent parfaitement leurs victimes pour les avoir conduites les années précédentes à la prison de la Conciergerie sous différents prétextes touchant à la Foi : manger de la viande lors du carême par exemple. A la Conciergerie, les détenus ont été enregistrés : noms, adresses ; surtout leurs visages se sont gravés dans la mémoire de leurs futurs tortionnaires, élément important à une époque où n’existent pas les pièces d’identité ! (Sans vouloir faire d’histoire rétrospective, on ne peut s’empêcher de penser au fichage des Juifs qui a grandement facilité leur arrestation lors des rafles). Bref, les massacreurs ne sont pas intervenus au hasard dans la folie d’une nuit d’été, ils savaient parfaitement qui ils cherchaient et où le trouver.
Au hasard de ses enquêtes, Jérémie Foa montre aussi des exemples de meurtres sous couvert de religion qui cachent en fait des inimitiés, des rivalités professionnelles ; ou comment se débarrasser à bon compte d’un concurrent. Déjà, un contemporain indiquait :
« Et à noter que, soubs le pretexte de ce massacre commandé, plusieurs marys firent mettre à mort leurs femmes et les femmes leur mary. »
Autre exemple : ces témoins que l’auteur dénonce comme faisant de faux témoignages : par hasard, ils appartenaient tous à la maison d’Anjou : par hasard ils se trouvaient tous au même endroit à la même heure sur les lieux du massacre ; trop beau pour être vrai !
Et qu’adviendra-t-il dans les années suivantes ? Comme nous savons que l’Histoire est tout sauf morale :
« Une chose est de savoir si quelqu’un a ordonné, au sommet, les massacres – je ne prétends pas ici trancher la question. Une autre est de constater que les massacreurs ont bénéficié leur vie entière du soutien de la Couronne, de Catherine de Médicis, d’Henri III, qu’ils ont profité des ressources symboliques, politiques, militaires et économiques de la monarchie. Qu’on entende bien, je ne parle pas de négligence, de petits arrangements ou de coupable indulgence mais de gratifications. Tous les assassins ou presque sont morts dans leur lit, de belle mort, gâtés d’honneurs et d’argent. »
En conclusion, je reprendrai une phrase de la 4e de couverture :
Au fil de vingt-cinq enquêtes haletantes, l’historien retrouve les victimes et les tueurs, simples passants ou ardents massacreurs, dans leur humaine trivialité : épingliers, menuisiers, rôtisseurs de la Vallée de Misère, tanneurs d’Aubusson et taverniers de Maubert, « vies minuscules » emportées par l’événement. »
Un livre passionnant qui se lit presque comme un thriller, révélateur d’une tendance de l’historiographie contemporaine soucieuse de réintroduire un facteur « humain » dans la recherche.
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Message par Tristram Mar 21 Mar - 16:24

"Episode" peut publicisé de l'Histoire de France (me semble-t-il, à part à l'école peut-être), qui augure d'autres effectivement rapprochables, et dont les conséquences vis-à-vis d'autres sensibilités religieuses me paraît également peu éclairées (en Allemagne, Royaume-Uni, etc.). En plus, ça à l'air bien écrit !

_________________
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Message par horizonrouge Mar 21 Mar - 19:09

en attendant de le lire, j'ai révisé mon histoire de France sur le site du Grand Palais qui commente le fameux tableau de Dubois

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Message par Bédoulène Mar 21 Mar - 20:05

merci Arensor, souvenir de l'école, je note (encore)

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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Message par ArenSor Mer 22 Mar - 16:09

@ Tristram
Oui, très bien écrit, avec des clins d'oeil dans les titres du genre "Les Grands cimetières sous la tour Eiffel", "Sans chagrin ni pitié" etc. Seul petit reproche : quelques références à des sociologues ou philosophes à l'aide de phrases sorties de leur contexte et qui peuvent paraître absconses au lecteur qui n'est pas familier à la pensée de ces derniers. Sinon, c'est très agréable à lire et captivant
@ horizonrouge
Excellente introduction ! Merci.
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