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Emile Zola

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Message par Nadine Ven 2 Déc - 22:31

Emile Zola 
1840-1902

Emile Zola 41857210

Le Petit Robert des Noms propres :
Ecrivain français. Orphelin de bonne heure et élevé par une mère qui vivait dans la gêne, il abandonna tôt ses études, pratiqua différents métiers et devint journaliste.

Fervent romantique (Contes à Ninon, 1864)
et critique d'art moderniste (Edouard Manet, (1867)
il évolua vers le naturalisme avec Thérèse raquin (1867),
et, s'enthousiasmant pour les théories de Claude Bernard, ambitionna d'écrire le "roman expérimental".

Dés 1868, il dressa la généalogie des Rougon-macquart : de 1871 à 1893 il fit paraître les 20 volumes de cette Histoire naturelle et sociale dune famille sous le Second Empire.

C'est L'assommoir(1877) qui assura à Zola le véritable succès. 

Désormais chef de file des romanciers naturalistes, comme Maupassant et Huysmans (cf les soirées de Médan), il définit son esthétique dans Le roman expérimental (1880) et poursuit son oeuvre cyclique : Nana (1880) qui dénonce âprement les faiblesses des milieux bien pensants, et Germinal (1885), puissante évocation d'une grêve de mineurs, connurent un grand succès, succitant aussi des controverses.

Déjà les préoccupations sociales de Zola, lecteur de Fourier, de Proudhon et de Marx, apparaissaient dans Au bonheur des dames (1883).
Converti, à la suite de ses enquêtes sur le monde ouvrier, aux doctrines socialistes, Zola se consacra dés lors à des oeuvres de caractère humanitaire 
(Les quatre évangiles, 1899-1903, sont des hymnes au progrès humain; seuls trois furent achevés : Fécondité 1899, Travail 1901, Vérité (posthume 1903)) 
ou politique, prenant notamment parti pour la révision durant l'affaire Dreyfus par un retentissant pamphlet, J'accuse, publié dans l'Aurore (1898).

Sa mort fut peut-être dûe à une tentative criminelle. Une foule considérable assista à ses obsèques.

Naturaliste dans la mesure où il se réclame des méthodes scientifiques et veut faire du roman un compte-rendu expérimental où la psychologie est subordonnée à la physiologie (influence du positivisme Comtien) , Zola se soumet à une double démarche : à l'observation sur "les faits de nature" succède l'expérimentation du "mécanisme des faits".

Pourtant, en proclamant que l'art est "un coin de la création vu à travers un tempérament", Zola transcende sa doctrine simplificatrice par une imagination puissante et un souffle épique servis par ue prose lyrique et un vocabulaire foisonnant.
" le symbolisme et le penchant au mythe hausse son univers jusqu'au surnaturel" Thomas Mann

Bibliographie

Pour accéder à la bibliographie de cet écrivain prolifique, cliquer ici :

màj le 12/01/2021
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Message par topocl Sam 17 Déc - 11:12

La Curée.

Emile Zola Image152

Incisive description du milieu des nouveaux (très) riches sous le second empire,   La curée ne nous épargne aucune vilenie, aucune mesquinerie, aucune déroutante insouciance… Les personnages sont tous d'égoïstes matérialistes menés par le pouvoir, l'argent et la débauche, happés par les outrances d'une spéculation immobilière débridée. Rien ne les arrête pourvu que ces succédanés de puissance leur donnent une illusion de vie bien remplie. Dans la réussite comme dans l'échec, dans la splendeur comme dans la décrépitude, ils se remettent  en permanence enquête de cet épanouissement consumériste.

Zola s'en donne à cœur joie en descriptions de toilettes, de logements fastueux, de sociétés futiles, et l'on vogue, incertain, entre la fascination et le dégoût pour ses splendeurs absurdes.




mots-clés : #xixesiecle

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Message par Invité Mar 26 Sep - 14:56

La curée est celui qui m'a fait la plus forte impression jusqu'à présent, mais je n'en suis parvenu qu'au quart de ma lecture des Rougon-Macquart.
Pour l'instant je le trouve un peu inégal sur les volumes. Parfois inspiré, souvent lénifiant. Peut-être aussi son rythme d'écriture était-il trop soutenu.
Mais c'est une plume magnifique.
Et je prends beaucoup de plaisir à lire en ce moment La faute de l'Abbé Mouret.

La lecture des 20 tomes dans l'ordre chronologique fait office de défi. Surtout que j'ai terriblement envie de lire L'oeuvre, mais ce n'est pas pour de suite ... Emile Zola 3305084518

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Message par Invité Mar 26 Sep - 17:09

Et on se croirait presque parfois dans le cycle Durtal de Huysmans ! Twisted Evil

un extrait un peu long, d'une belle envolée :

Spoiler:

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Message par Nadine Sam 21 Oct - 9:56

Emile Zola 205-me10

La terre

Nana, La faute de l'Abbé Mouret, La curée m'avaient laissé une forte impression à l'adolescence, parce qu'aux images fortes ils associaient tout un tableau d'époque, j'ai ainsi avec Nana mieux compris la reconstruction du Paris d'Haussman etc

Aujourd'hui ouvrière agricole il me semblait parfait de renouer plus de 20 ans après avec ce volume.

En plus , j'avais eue l'occasion l'année dernière de lire La table aux crevés d'Aymé, rural à souhait, et La séparation des races de Ramuz, au point de me voir télescoper tout un réseau de lexiques communs dans mes rêves éveillés, sur mon tracteur.

Dire aussi qu'en plus, j'aime -aimer-Zola. J'aime l'aimer alors qu'on laisse entendre qu'il est daté, j'aime aimer alors qu'en son temps il avait ses détracteurs.
Mais je n'ai pas aimé La terre. Voilà. ça me fais mal Very Happy

Il ya bien la moitié du livre qui est bien tenue, mais j'ai trouvé avec amertume que sous sa volnté d'exhaustivité Zola malmenait la cohérence du récit, qu'il avait des complaisances et un pathos critiquables. Le summum du mauvais goût a été pour moi atteint par une scène d'accouchement couplée à une scène de vêlage, l'occasion pour l'auteur d'y aller à fond sur le vulgaire et la réification, non, vraiment, manque d'élégance, où sa fascination envers le sordide se fait jour d'une des manières les moins souhaitable en écriture : par la surenchère et une construction narrative appuyéé.
Too much (trop).
Bon, c'est pas grâve.

Le temps passe, le souvenir reste.
J'en lirai d'autres quand-même.
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Message par Bédoulène Sam 21 Oct - 11:20

lu il y a si longtemps, une relecture s' imposerait (mais où trouver le temps ?) celui dont le titre me revient souvent c'est La faute de l'Abbé Mouret, Nana aussi.

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
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[/i]
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Message par ArenSor Sam 10 Mar - 18:57

Quasimodo a écrit:

Rien à voir, mais il me semble que tu avais lu "La Curée" de Zola, Quasimodo, et que tu n'avais pas trop apprécié. C'est pourtant un bon cru et j'en garde un excellent souvenir. Peut-être la meilleure description de la société de nouveaux riches, bling-bling, du second Empire, qui fondent leur fortune sur les spéculations immobilières. Après, on ne regarde plus les architectures haussmanniennes de Paris de la même façon Very Happy
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Message par Invité Sam 10 Mar - 21:48

ArenSor a écrit:
Quasimodo a écrit:

Rien à voir, mais il me semble que tu avais lu "La Curée" de Zola, Quasimodo, et que tu n'avais pas trop apprécié. C'est pourtant un bon cru et j'en garde un excellent souvenir. Peut-être la meilleure description de la société de nouveaux riches, bling-bling, du second Empire, qui fondent leur fortune sur les spéculations immobilières. Après, on ne regarde plus les architectures haussmanniennes de Paris de la même façon Very Happy

La Curée, c'est mon Zola préféré pour le moment. Je dois en être au tome 7 je crois des Rougon. Bien aimé aussi La faute de l'abbé Mouret.

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Message par Quasimodo Sam 10 Mar - 22:49

ArenSor a écrit:Rien à voir, mais il me semble que tu avais lu "La Curée" de Zola, Quasimodo, et que tu n'avais pas trop apprécié. C'est pourtant un bon cru et j'en garde un excellent souvenir. Peut-être la meilleure description de la société de nouveaux riches, bling-bling, du second Empire, qui fondent leur fortune sur les spéculations immobilières. Après, on ne regarde plus les architectures haussmanniennes de Paris de la même façon Very Happy

Il y a des choses que j'ai aimées ! C'est mitigé. Je trouve que le style manque de relief, tout en gardant une forme d'excès assez déplaisante :
A cette heure de vision nette, toutes ses bonnes résolutions s'évanouissaient à jamais, l'ivresse du dîner remontait à sa tête, impérieuse, victorieuse, doublée par les flammes de la serre.[...] Ses sens de femme ardente, ses caprices de femme blasée s'éveillaient. Et, au-dessus d'elle, le grand Sphinx de marbre noir riait d'un rire mystérieux, comme s'il avait lu le désir enfin formulé qui galvanisait ce cœur mort, le désir longtemps fuyant, "l'autre chose" vainement recherchée par Renée dans le bercement de sa calèche, dans la cendre fine de la nuit tombante[...]

Bruyant donc, mais un peu sourd, et ça ne porte pas si loin. J'ai trouvé les descriptions absolument interminables. D'ordinaire j'aime les longueurs, mais là, pfff... ce sont bien plutôt des langueurs. J'ai mis mes scrupules de côté, et j'ai lu certains passages en diagonale.
(Ah, et l'explication d'un caractère par l'hérédité me fait parfois tiquer...)

MAIS :

j'ai trouvé les personnages très réussis, jusqu'aux plus passagers, avec leur caractère pris sur le vif, d'un vigoureux pinceau. J'aime la brusquerie piquante de Maxime, de Louise; la bêtise repue de MM. de Mareuil et Michelin, la prétention idiote des coquets MM. Hupel de la Noue et de Saffré; la grinçante Sidonie Rougon, et bien sûr, l'inénarrable Aristide Saccard !

Le récit des escroqueries et spéculations diverses, c'est ce qui est vraiment fascinant. C'est là où Zola se sent le mieux non ? Dans l'évocation de cette charge titanesque contre la terre et les murs. Pas besoin de forcer le trait, on y est.

Sinon, ces scènes de représentation - Phèdre, et le truc immonde du préfet avec les femmes costumées et Maxime dans le rôle de Narcisse - ça pourrait sembler un peu lourd de références, mais je les aime en définitive. Tout d'abord, parce qu'elles s'inscrivent dans le subtil jeu de masques et de dévoilement, qui est développé tout au long du roman. Et ensuite, parce qu'on doit tous connaître un moment où nous apparaît, dans une œuvre, une situation qui nous semble exactement correspondre à la nôtre. Pour un peu que cette situation nous rende inquiet, comme elle peut le faire pour Renée, cette représentation peut agir comme un coup de poing, un choc électrique, et nous saisir d'horreur (ce qui explique les comportements de Renée et de Maxime suivant la représentation).
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Message par ArenSor Lun 12 Mar - 18:10

En entrant, les convives, qui souriaient aux dames qu’ils avaient à leur bras, eurent une expression de béatitude discrète. Les fleurs mettaient une fraîcheur dans l’air tiède. Des fumets légers traînaient, mêlés aux parfums des roses. Et c’était la senteur âpre des écrevisses et l’odeur aigrelette des citrons qui dominaient.
Puis, quand tout le monde eut trouvé son nom, écrit sur le revers de la carte du menu, il y eut un bruit de chaises, un grand froissement de jupes de soie. Les épaules nues étoilées de diamants, flanquées d’habits noirs qui en faisaient ressortir le pâleur, ajoutèrent leurs blancheurs laiteuses au rayonnement de la table. …

L’Empire allait faire de Paris le mauvais lieu de l’Europe. Il fallait à cette poignée d’aventuriers qui venaient de voler un trône, un règne d’aventures, d’affaires véreuses, de consciences vendues, de femmes achetées, de soûlerie furieuse et universelle. Et, dans la ville où le sang de décembre était à peine lavé, grandissait, timide encore, cette folie de jouissance qui devait jeter la patrie au cabanon des nations pourries et déshonorées.

Zola : La Curée
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Message par Nadine Dim 25 Mar - 11:38

Maintenant que je vous lis sur la Curée je l'ai lu ce livre me dis-je, et ne m'en souviens pas dutout , mais avais été très frappée ça je m'en souviens. L'orchestration de la dite curée m'avait parue magistrale. Depuis j'aime particulièrement utiliser le mot "Curée" pour exprimer une certaine violence de cabale. Merci Zola.
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Message par Tristram Dim 21 Avr - 0:46

La Débâcle

Emile Zola La_deb10

« Enfin, après une heure encore d'attente, le 106e reçut l'ordre d'avancer. Seulement, le pont était toujours si encombré par la queue de la division, que le plus fâcheux désordre se produisit. Plusieurs régiments se mêlèrent, des compagnies filèrent quand même, emportées ; tandis que d'autres, rejetées au bord de la route, durent marquer le pas. Et, pour mettre le comble à la confusion, un escadron de cavalerie s'entêta à passer, refoulant dans les champs voisins les traînards que l'infanterie semait déjà. Au bout de la première heure de marche, toute une débandade traînait le pied, s'allongeait, attardée comme à plaisir. »

« Maintenant, ils en étaient à l'effroyable déroute qui avait suivi, les régiments débandés, démoralisés, affamés, fuyant à travers champs, les grands chemins roulant une affreuse confusion d'hommes, de chevaux, de voitures, de canons, toute la débâcle d'une armée détruite, fouettée du vent fou de la panique. »

« C'est drôle tout de même, de se replier à six heures du soir, devant la menace d'un danger, et d'aller à minuit tête baissée dans ce danger, lorsque la situation reste identiquement la même ! »

« C'était un piétinement de troupeau pressé, harcelé par les chiens, se bousculant vers cette Meuse tant désirée, après des retards et des flâneries sans fin. »
Déroute, débandade, débâcle (on pense à Le Bouquet, d’Henri Calet), désastre, détresse, désarroi, démoralisants désordre et désorganisation surtout, défaite dans la foulée des victoires napoléoniennes (et le spectre de l’empereur fantoche hante l’armée : c’est sous Napoléon III, la guerre de 1870, la fin du second empire), une « dégénérescence » française (« l’épuisement de la race »), une déchéance, et aussi un retournement de situation dû à quelque loi de l’évolution…
« Mais, repris par sa science, Maurice songeait à la guerre nécessaire, la guerre qui est la vie même, la loi du monde. N'est-ce pas l'homme pitoyable qui a introduit l'idée de justice et de paix, lorsque l'impassible nature n'est qu'un continuel champ de massacre ? »

« L'armée de la désespérance, le troupeau expiatoire, envoyé en holocauste, avait payé les fautes de tous du flot rouge de son sang, à chacune de ses stations. Et, maintenant, égorgée sans gloire, couverte de crachats, elle tombait au martyre, sous ce châtiment qu'elle n'avait pas mérité si rude. C'était trop, il en était soulevé de colère, affamé de justice, dans un besoin brûlant de se venger du destin. »

« Déjà, Otto levait le bras, dans un geste d'apostrophe. Il allait parler, avec la véhémence de ce froid et dur protestantisme militaire qui citait des versets de la bible. Mais un regard sur la jeune femme, dont il venait de rencontrer les beaux yeux de clarté et de raison, l'arrêta. Et, d'ailleurs, son geste avait suffi, il avait dit sa haine de race, sa conviction d'être en France le justicier, envoyé par le Dieu des armées pour châtier un peuple pervers. Paris brûlait en punition de ses siècles de vie mauvaise, du long amas de ses crimes et de ses débauches. De nouveau, les germains sauveraient le monde, balayeraient les dernières poussières de la corruption latine. »
Zola, écrivain naturaliste voire réaliste, même s’il semble coller à l’historique (sans oublier qu’il était journaliste, et accumula une importante documentation en préalable à la rédaction de ce livre), s’emballe aussi dans un lyrisme épique, aux comparaisons convenues, mais adroitement mêlé aux traits des personnages typiques de l’escouade dont il suit les marches et contre-marches.
« Des heures durent se passer, tout le camp noir, immobile, semblait s'anéantir sous l'oppression de la vaste nuit mauvaise, où pesait ce quelque chose d'effroyable, sans nom encore. Des sursauts venaient d'un lac d'ombre, un râle subit sortait d'une tente invisible. »

« Des bandes hurlaient parmi la fumée et les étincelles, dans l'effrayant vacarme fait de tous les bruits, des plaintes d'agonie, des coups de feu, des écroulements. À peine se voyait-on, de grandes poussières livides s'envolaient, cachaient le soleil, d'une insupportable odeur de suie et de sang, comme chargées des abominations du massacre. On tuait encore, on détruisait dans tous les coins : la brute lâchée, l'imbécile colère, la folie furieuse de l'homme en train de manger l'homme. »
Maurice, intellectuel « affamé de justice » qui « était pour la guerre, la vie même des peuples », et Jean (personnage principal de La Terre), paysan et caporal plein de simple bon sens et d’expérience, se lient d’amitié et forment le cœur/ noyau de l’œuvre, avec Henriette, sœur du premier, et Weiss, son mari, bourgeois myope mais plus avisé que l’état-major français… Ce dernier et Delaherche, civils curieux et connaissant la géographie locale, donnent le moyen à Zola d’explorer et d’exposer l’actualité tactique en évitant au mieux un auteur omniscient : ainsi, le spectacle éloigné de la remise de la lettre de reddition de l’empereur au roi de Prusse, observé par Delaherche à la lorgnette de la terrasse de sa maison en Sedan !
Héroïsme, pathos, et le regard sur l’ennemi enfin visible est assez partial (mais il évoluera) :
« C'étaient, en bas, dans la rue, des hommes noirs, petits, l'air sale, avec de grosses têtes vilaines, coiffées de casques, pareils à ceux de nos pompiers. On m'a dit que c'étaient des Bavarois… Puis, comme je levais les yeux, j'en ai vu, oh ! J'en ai vu des milliers et des milliers, qui arrivaient par les routes, par les champs, par les bois, en colonnes serrées, sans fin. Tout de suite, le pays en a été noir. Une invasion noire, des sauterelles noires, encore et encore, si bien qu'en un rien de temps, on n'a plus vu la terre. »

« Et un soldat s'avança, un Bavarois trapu, à l'énorme tête embroussaillée de barbe et de cheveux roux, sous lesquels on ne distinguait qu'un large nez carré et que de gros yeux bleus. Il était souillé de sang, effroyable, tel qu'un de ces ours des cavernes, une de ces bêtes poilues toutes rouges de la proie dont elles viennent de faire craquer les os. »
Psychologie datée ‒ ou hors d’âge ?
« …] lui, d'une nervosité de femme, ébranlé par la maladie de l'époque, subissant la crise historique et sociale de la race, capable d'un instant à l'autre des enthousiasmes les plus nobles et des pires découragements ; elle, si chétive, dans son effacement de cendrillon, avec son air résigné de petite ménagère, le front solide, les yeux braves, du bois sacré dont on fait les martyrs. »
… mais des sens de l’observation et description certains :
« On arrivait dans un vaste carré de choux, lorsque le capitaine cria, de sa voix brève : ‒ Tous les hommes par terre ! Il fallut se coucher. Les choux étaient trempés d'une abondante rosée, leurs épaisses feuilles d'or vert retenaient des gouttes, d'une pureté et d'un éclat de gros brillants. »
Les ambulanciers, les artilleurs, font l’objet de véritables témoignages dans leur précision technique ; les scènes de chirurgie de campagne sont impressionnantes, de même les chevaux égarés après la capitulation et l’un d’eux massacré par les rescapés affamés de l’escouade, ou les bois canonnés :
« À cette heure, c'était un bois effroyable, le bois de la désespérance et de la mort. Comprenant que des troupes se repliaient par là, les Prussiens le criblaient de balles, le couvraient d'obus. Et il était comme flagellé d'une tempête, tout agité et hurlant, dans le fracassement de ses branches. Les obus coupaient les arbres, les balles faisaient pleuvoir les feuilles, des voix de plainte semblaient sortir des troncs fendus, des sanglots tombaient avec les ramures trempées de sève. On aurait dit la détresse d'une cohue enchaînée, la terreur et les cris de milliers d'êtres cloués au sol, qui ne pouvaient fuir, sous cette mitraille. Jamais angoisse n'a soufflé plus grande que dans la forêt bombardée. »
Il y a un vrai souffle épique dans ce roman, un rythme bien maîtrisé ; on se rappelle la démesure hugolienne. Et on comprend aisément qu’après de tels sommets, en quelque sorte définitifs, notre époque ne puisse que se tourner vers des bluettes intimistes, épanchements omphaliques et autres drames micropuciens… des ouvrages plus brefs également que ce morceau de 600 pages…
Voici donc une partie du tableau des brancardiers, une de ces représentations pittoresques qui tendent à rassembler toutes les informations sur le sujet, à le peindre exhaustivement :
« Et c'étaient surtout les brancardiers qui faisaient preuve d'un héroïsme têtu et sans gloire. On les voyait, vêtus de gris, avec la croix rouge de leur casquette et de leur brassard, se risquer lentement, tranquillement, sous les projectiles, jusqu'aux endroits où étaient tombés des hommes. Ils se traînaient sur les genoux, tâchaient de profiter des fossés, des haies, de tous les accidents de terrain, sans mettre de la vantardise à s'exposer inutilement. Puis, dès qu'ils trouvaient des hommes par terre, leur dure besogne commençait, car beaucoup étaient évanouis, et il fallait reconnaître les blessés des morts. Les uns étaient restés sur la face, la bouche dans une mare de sang, en train d’étouffer ; les autres avaient la gorge pleine de boue, comme s'ils venaient de mordre la terre ; d'autres gisaient jetés pêle-mêle, en tas, les bras et les jambes contractés, la poitrine écrasée à demi. Soigneusement, les brancardiers dégageaient, ramassaient ceux qui respiraient encore, allongeant leurs membres, leur soulevant la tête, qu'ils nettoyaient le mieux possible. Chacun d'eux avait un bidon d'eau fraîche, dont il était très avare. Et souvent on pouvait ainsi les voir à genoux, pendant de longues minutes, s'efforçant de ranimer un blessé, attendant qu'il eût rouvert les yeux. […]
À une cinquantaine de mètres, sur la gauche, Maurice en regarda un qui tâchait de reconnaître la blessure d'un petit soldat, dont une manche laissait couler un filet de sang, goutte à goutte. Il y avait là une hémorragie, que l'homme à la croix rouge finit par trouver et par arrêter, en comprimant l'artère. Dans les cas pressants, ils donnaient de la sorte les premiers soins, évitaient les faux mouvements pour les fractures, bandaient et immobilisaient les membres, de façon à rendre sans danger le transport. Et ce transport enfin devenait la grande affaire : ils soutenaient ceux qui pouvaient marcher, portaient les autres, dans leurs bras, ainsi que des petits enfants, ou bien à califourchon sur leur dos, les mains ramenées autour de leur cou ; ou bien encore, ils se mettaient à deux, à trois, à quatre, selon la difficulté, leur faisaient un siège de leurs poings unis, les emportaient couchés, par les jambes et par les épaules. En dehors des brancards réglementaires, c'étaient aussi toutes sortes d'inventions ingénieuses, de brancards improvisés avec des fusils, liés à l'aide de bretelles de sac. Et, de partout, dans la plaine rase que labouraient les obus, on les voyait, isolés ou en groupe, qui filaient avec leurs fardeaux, baissant la tête, tâtant la terre du pied, d'un héroïsme prudent et admirable. Comme Maurice en regardait un, sur la droite, un garçon maigre et chétif, qui emportait un lourd sergent pendu à son cou, les jambes brisées, de l'air d'une fourmi laborieuse qui transporte un grain de blé trop gros, il les vit culbuter et disparaître tous les deux dans l'explosion d'un obus. Quand la fumée se fut dissipée, le sergent reparut sur le dos, sans blessure nouvelle, tandis que le brancardier gisait, le flanc ouvert. Et une autre arriva, une autre fourmi active, qui, après avoir retourné et flairé le camarade mort, reprit le blessé à son cou et l'emporta. »
Zola frappe à l’estomac…
« Puis, comme on servait encore une terrine de foies gras, achetée en Belgique, la conversation tourna, s'arrêta un instant au poisson de la Meuse qui mourait empoisonné, finit par tomber sur le danger de peste qui menaçait Sedan, au prochain dégel. En novembre, des cas d'épidémie s'étaient déjà déclarés. On avait eu beau, après la bataille, dépenser six mille francs pour balayer la ville, brûler en tas les sacs, les gibernes, tous les débris louches : les campagnes environnantes n'en soufflaient pas moins des odeurs nauséabondes, à la moindre humidité, tellement elles étaient gorgées de cadavres, à peine enfouis, mal recouverts de quelques centimètres de terre. Partout, des tombes bossuaient les champs, le sol se fendait sous la poussée intérieure, la putréfaction suintait et s'exhalait. Et l'on venait, les jours précédents, de découvrir un autre foyer d'infection, la Meuse, d'où l'on avait pourtant retiré déjà plus de douze cents corps de chevaux. L'opinion générale était qu'il n'y restait plus un cadavre humain, lorsqu'un garde champêtre, en regardant avec attention, à plus de deux mètres de profondeur, avait aperçu sous l'eau des blancheurs, qu'on aurait pris pour des pierres : c'étaient des lits de cadavres, des corps éventrés que le ballonnement, rendu impossible, n'avait pu ramener à la surface. Depuis près de quatre mois, ils séjournaient là, dans cette eau, parmi les herbes. Les coups de croc ramenaient des bras, des jambes, des têtes. Rien que la force du courant détachait et emportait parfois une main. L'eau se troublait, de grosses bulles de gaz montaient, crevaient à la surface, empestant l'air d'une odeur infecte.
‒ Cela va bien qu'il gèle, fit remarquer Delaherche. Mais, dès que la neige disparaîtra,
Et, sa femme l'ayant supplié en riant de passer à des sujets plus propres, pendant qu'on mangeait, il conclut simplement :
‒ Dame ! Voilà le poisson de la Meuse compromis pour longtemps. »
Pour ce qui est du moral des troupes, c’est propagande contre complotisme (on a été vendus) :
« D'autres, aussi, se fâchaient, car l'effet de ces continuels mensonges des journaux avait fini par être désastreux. Toute confiance était morte, on ne croyait plus à rien. »

« ‒ C'est bien simple, mon Dieu ! On sait les chiffres… Mac-Mahon a reçu trois millions, et les autres généraux chacun un million, pour nous amener ici… Ça s'est fait à Paris, le printemps dernier ; et, cette nuit, ils ont tiré une fusée, histoire de dire que c'était prêt, et qu'on pouvait venir nous prendre. »
On retrouve aussi l’origine, ou du moins une trace du cheminement de topos qui nous ont marqué avec leur permanence de clichés, tel le paysan pillé par les troupes, un roué qui leur cache ses provisions, profiteur qui s’enrichit de leur misère, et vend de la viande avariée à l’occupant… ou le vieil antagonisme provinces-capitale…
Puis c’est le siège de Paris, « la bête humaine », la Commune (grand massacre et petit espoir), Paris qui brûle ‒ et l’occasion, pour Maurice et Jean, d’enfin pouvoir tuer d’abondance avec leur chassepot (mais entre Français).

« La guerre, c'est la vie qui ne peut pas être sans la mort. »

Mots-clés : #guerre #historique

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Message par Bédoulène Dim 21 Avr - 8:49

merci Tristram ! ressentis bien argumentés !

et viens l'envie de relire Zola qui m'avait bien impressionnée dans ma jeunesse !

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Message par Invité Mer 16 Sep - 14:44

Je poursuis dans l'ordre chronologique, à un rythme d'escargot, voilà bien des années que j'ai débuté la série des Rougon. Je songe à l'avenir changer mon fusil d'épaule quelque peu et tout d'abord lire les titres qui m'attire (notamment L'Oeuvre) autrement je ne les lirais pas avant 15 ou 20 ans... Laughing
Je dirais que j'apprécie un Zola sur deux pour le moment, ce qui est déjà pas mal comme ratio. Même si je suis loin d'en faire un de mes écrivains préférés. C'est plaisant, intéressant, cette peinture d'une époque, mais le style ne m'emporte pas, ce ronron me lasse. Je lui reconnais de grandes qualités, mais en terme de plaisir du lecteur que je suis je le place loin d'un Proust ou d'un Flaubert.

Je n'ai pas achevé Son Excellence Eugène Rougon, qui m'a très vite ennuyé. J'ai trouvé cette étude de moeurs au sein du milieu des députés, de la quête de pouvoir, particulièrement lénifiante.

En revanche, j'ai davantage accroché à L'assommoir. Véritable plongée dans la misère, la déchéance du petit peuple. Impossible de ne pas songer au film Affreux, sales et méchants... Nous suivons Gervaise, et son mari, son mari qui se barre avec une autre, puis revient, puis elle se met avec un autre type, qui devient un gros alcoolique, et puis, et puis...
Ripailles, bombances, tumultes et tracas, comme le laisse entendre le titre du roman, l'alcool coule à flot dans cette histoire. Une vision peu enchanteresse des prolétaires du XIXème.

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Message par Bédoulène Jeu 17 Sep - 15:42

lu la série il y a ..............................................bien trop longtemps, comme déjà dit, merci à vous de faire ressurgir les souvenirs.

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Message par Cliniou Dim 25 Oct - 15:35

Je viens de terminer La Terre.
Zola n'épargne rien aux paysans et les Buteau sont immondes, sans doute un peu trop?
Ce besoin de "possession" y est dépeint sans concession et l'immoralité attenante en devient écoeurante.
Les descriptions de la nature, des orages, les semailles, fenaisons, le marché,...sont superbement maîtrisées (mais, bon, j'apprécie beaucoup Zola....) mais j'avoue que j'étais contente quand j'eus terminé la dernière page: cette famille Buteau, et le village d'ailleurs, m'ayant épuisée d'inhumanité.
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Message par Tristram Dim 25 Oct - 15:46

Oui Cliniou, La Terre, c'est du dur, la vraie chose, pas du hors sol ; j'ai du mal à me représenter Zola écrivant de nos jours, à l'ère du consensus mou, de l'euphémisme et du politiquement correct !

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Message par Armor Dim 25 Oct - 17:03

Cliniou a écrit: j'apprécie beaucoup Zola.... mais j'avoue que j'étais contente quand j'eus terminé la dernière page: cette famille Buteau, et le village d'ailleurs, m'ayant épuisée d'inhumanité.

J'avais eu la même sensation à la lecture de l'Assommoir.

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Message par Invité Lun 11 Jan - 0:15

Emile Zola 41fm6-10

Nana

Le culot de Zola pour nous sortir un tel roman en 1880. Parce que même pour moi, ça devenait vraiment sale ! On imagine le choc à l’époque.

La « blonde grasse » Nana croque les hommes, les suce jusqu’à la moëlle de leurs économies puis les jette. Mais la plume de Zola nous la rend attendrissante au début. C’est presque une enfant gentille et douce qui n'a pas tellement grandi, dont on ne refuse pas les caprices ; caprices qui deviendront monstruosités sur la fin… J’ai une pensée douce amère pour le pauvre comte Muffat (« mufe » pour les intimes) assez sympathique dans sa servilité affective et sexuelle…


« Hein ? mon petit mufe, encore un rival de moins. Tu jubiles aujourd’hui… Mais c’est qu’il devenait sérieux ! Il voulait m’épouser. » Comme il pâlissait, elle se pendit à son cou, en riant, en lui enfonçant d’une caresse chacune de ses cruautés […] Muffat avait accepté les autres. Maintenant, il mettait sa dernière dignité à rester « Monsieur » pour les domestiques et les familiers de la maison, l’homme qui, donnant le plus, était l’amant officiel. Et sa passion s’acharnait. Il se maintenait en payant, achetant très cher jusqu’aux sourires, volé même et n’en ayant jamais pour son argent ; mais c’était comme une maladie qui le rongeait, il ne pouvait s’empêcher d’en souffrir. Lorsqu’il entrait dans la chambre de Nana, il se contentait d’ouvrir un instant les fenêtres afin de chasser l’odeur des autres, des effluves de blonds et de bruns, des fumées de cigares dont l’âcreté le suffoquait. […] Puis, là, dans cette chambre, un vertige le grisait. Il oubliait tout, la cohue des mâles qui la traversaient, le deuil qui en fermait la porte. Dehors, parfois, au grand air de la rue, il pleurait de honte et de révolte, en jurant de ne jamais y rentrer. Et, dès que la portière retombait, il était repris, il se sentait fondre à la tiédeur de la pièce, la chair pénétrée d’un parfum, envahie d’un désir voluptueux d’anéantissement. »

Je pense aussi au pauvre petit Georges, triste victime collatérale de ses derniers caprices, dindon de toutes les farces, qui la poursuit dans une scène de demandes en mariage alors même que Nana lui dit aller se donner à un autre homme pour se payer sa pommade… L’écriture est assez jouissive (peut-être un peu trop ?). On évoque même l'homosexualité féminine. Le Zola semble avoir vraiment étudié (vécu ?) la situation, les personnages sont plus vrais que nature, jamais vraiment manichéens.

Nana est une « mouche dorée », presque une charogne baudelairienne. Victime et actrice, presque tout le monde se gausse d’elle (je pense à la scène mémorable du banquet improvisé & évidemment de la scène finale). Le dégoût supplante le plaisir, sur la fin...


\Mots-clés : #conditionfeminine #sexualité #social #xixesiecle

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Message par Armor Lun 11 Jan - 1:33

Une lecture faite à 16-17 ans qui me reste encore en mémoire tant elle m'avait marquée par les sentiments mélangés qu'elle provoque.

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