Colette Beaune
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Colette Beaune
Colette Beaune
Née en 1943
Née en 1943
Colette Beaune est une historienne française, professeur émérite à l'Université Paris X - Nanterre.
Colette Beaune se passionne pour le procès de Jeanne d'Arc (dont elle est devenue depuis l'une des meilleures spécialistes) en lisant l'intégralité de son procès, alors qu'elle est élève en khâgne au lycée Molière.
Devenue agrégée d'histoire en 1966, elle se spécialise dans l'histoire de la fin du Moyen Âge. Sa thèse d'Etat, soutenue en 1984 et publiée en 1985 sous le titre « Naissance de la nation France », analyse l'imaginaire national ainsi que les différentes représentations symboliques du territoire et de la monarchie dans les derniers siècles du Moyen Âge.
D'abord maître de conférences à la Sorbonne (Paris I) de 1985 à 1992, Colette Beaune a délivré l'essentiel de ses enseignements à l'université de Paris X-Nanterre en tant que professeur (1992-2005).
En 2004, elle reçoit le prix du Sénat du Livre d'Histoire pour son ouvrage Jeanne d'Arc, qui éclaire ce personnage central de l'histoire de France d'un jour nouveau permettant de mieux appréhender cette période cruciale.
Ouvrages
• « Naissance de la nation France », 1985
• « Le Miroir du Pouvoir », 1989.
• (édition du texte) « Le Journal d'un bourgeois de Paris : de 1405 à 1449 », 1989.
• « Éducation et cultures du début du XIIe siècle au milieu du XVe siècle », 1999.
• « Les manuscrits des rois de France au Moyen Âge », 1997.
• « Jeanne d'Arc », 2004
• « Jeanne d'Arc. Vérités et légendes », Paris, 2008
• « Le Grand Ferré : premier héros paysan », 2013
• Colette Beaune et Nicolas Perruchot, « L'assassinat politique en France, 2021,
ArenSor- Messages : 3428
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Colette Beaune
Le Grand Ferré : premier héros paysan
Les personnes âgées comme moi se souviennent certainement de cette image dans le livre d’Histoire de primaire représentant un homme muni d’une hache gigantesque, massacrant des soldats anglais pendant la guerre de Cent ans.
Ce personnage que la médiéviste Colette Beaune sort de l’ombre est le Grand Ferré.
Son histoire est principalement connue par la chronique dite de Jean de Venette (dont je parlerai un jour), mais elle est également mentionnée dans d’autres sources.
Résumé : à l’automne 1359, la date exacte est inconnue, des paysans réfugiés dans le bourg de Longueil-Sainte-Marie, près de Compiègne, ont obtenu le droit de s’armer pour se défendre contre les incursions anglaises. Lors de l’une d’entre elles, le capitaine des défenseurs de Longueil est tué, mais son valet, le Grand Ferré, sorte de géant armé d’une hache, ranime l’ardeur des troupes, met en déroute les anglais qui perdent un de leurs étendards. Ce derniers reviennent mais connaissent un nouvel échec. Après ces exploits, le Grand Ferré rentre chez lui dans le village de Rivecourt, il est gagné par la fièvre après avoir bu de l’eau glacée et doit s’aliter. Toutefois il trouve la force de se relever pour faire face à un groupe d’anglais venu le capturer. Après les avoir mis en fuite, la fièvre revient, alors le Grand Ferré rend l’âme, couché dans son lit.
Pour mieux interpréter cet évènement, Colette Beaune le replace dans son contexte politique, social et économique. La période est troublée, la Grande peste de 1348 est encore dans les mémoires, le roi Jean II est prisonnier à Londres après sa défaite à Poitiers, des troupes armées, plus ou moins autonomes, vivent sur les pays qu’ils ravagent. Enfin, l’année précédente a eu lieu, dans la même région, le soulèvement de paysans, la Jacquerie, durement réprimée par les nobles. J’ai trouvé très passionnant le détail du parcours des deux capitaines de compagnies anglaises qui sont venues attaquer Longueil. Le premier, Sanche Lopez – c’est lui qui perd son étendard - fait partie de la bonne noblesse de Navarre. D’ailleurs, il retournera rapidement guerroyer dans son pays, il terminera diplomate et espion. Le second, Jean de Fotheringhay, appartient à une famille pauvre d’Angleterre. Il gravira les échelons, accédera à la noblesse et finira sa vie riche et respecté.
La seconde partie de l’ouvrage, la plus intéressante à mon avis, est consacrée à la fortune de l’image du Grand Ferré, des origines à nos jours. Le personnage n’est guère connu qu’au plan local et par quelques érudits jusqu’à la fin du 18e siècle. Tout change avec la Révolution, le héros devient alors le symbole d’une paysannerie opprimée par la noblesse et qui cependant sauve l’honneur du pays par son courage face à l’ennemi anglais. Jules Michelet en fait un alter ego de Jeanne d’Arc. En somme, le Grand Ferré, c’est la France. La troisième République à ses débuts insiste sur le côté patriotique du personnage, image des francs-tireurs qui se sont vaillamment battus contre les Prussiens après la défaite de Sedan. Surtout, il s’agit de rallier la France rurale aux valeurs républicaines ; justifier par exemple, la prolongation du service militaire. Encore, pendant la seconde guerre mondiale, plusieurs maquis de l’Oise adopteront ce nom de Grand Ferré.
A partir des années 60, on entendra de moins en moins parler du Grand Ferré et ce déclin est en relation avec la disparition de la population rurale. Cependant, Colette Beaune se demande malicieusement si le dernier avatar du Grand Ferré ne se trouve pas dans le personnage d’Obélix ! Des analogies sont troublantes : un géant, utilisant une arme inusitée, lutte courageusement contre des armées étrangères, organisées et puissantes, potion magique d’un côté et eau glacée mortelle de l’autre. Le rapprochement est d’autant moins incongru que René Goscinny a mis en scène une histoire du Grand Ferré dans les années 50.
Les personnes âgées comme moi se souviennent certainement de cette image dans le livre d’Histoire de primaire représentant un homme muni d’une hache gigantesque, massacrant des soldats anglais pendant la guerre de Cent ans.
Ce personnage que la médiéviste Colette Beaune sort de l’ombre est le Grand Ferré.
Son histoire est principalement connue par la chronique dite de Jean de Venette (dont je parlerai un jour), mais elle est également mentionnée dans d’autres sources.
Résumé : à l’automne 1359, la date exacte est inconnue, des paysans réfugiés dans le bourg de Longueil-Sainte-Marie, près de Compiègne, ont obtenu le droit de s’armer pour se défendre contre les incursions anglaises. Lors de l’une d’entre elles, le capitaine des défenseurs de Longueil est tué, mais son valet, le Grand Ferré, sorte de géant armé d’une hache, ranime l’ardeur des troupes, met en déroute les anglais qui perdent un de leurs étendards. Ce derniers reviennent mais connaissent un nouvel échec. Après ces exploits, le Grand Ferré rentre chez lui dans le village de Rivecourt, il est gagné par la fièvre après avoir bu de l’eau glacée et doit s’aliter. Toutefois il trouve la force de se relever pour faire face à un groupe d’anglais venu le capturer. Après les avoir mis en fuite, la fièvre revient, alors le Grand Ferré rend l’âme, couché dans son lit.
Pour mieux interpréter cet évènement, Colette Beaune le replace dans son contexte politique, social et économique. La période est troublée, la Grande peste de 1348 est encore dans les mémoires, le roi Jean II est prisonnier à Londres après sa défaite à Poitiers, des troupes armées, plus ou moins autonomes, vivent sur les pays qu’ils ravagent. Enfin, l’année précédente a eu lieu, dans la même région, le soulèvement de paysans, la Jacquerie, durement réprimée par les nobles. J’ai trouvé très passionnant le détail du parcours des deux capitaines de compagnies anglaises qui sont venues attaquer Longueil. Le premier, Sanche Lopez – c’est lui qui perd son étendard - fait partie de la bonne noblesse de Navarre. D’ailleurs, il retournera rapidement guerroyer dans son pays, il terminera diplomate et espion. Le second, Jean de Fotheringhay, appartient à une famille pauvre d’Angleterre. Il gravira les échelons, accédera à la noblesse et finira sa vie riche et respecté.
La seconde partie de l’ouvrage, la plus intéressante à mon avis, est consacrée à la fortune de l’image du Grand Ferré, des origines à nos jours. Le personnage n’est guère connu qu’au plan local et par quelques érudits jusqu’à la fin du 18e siècle. Tout change avec la Révolution, le héros devient alors le symbole d’une paysannerie opprimée par la noblesse et qui cependant sauve l’honneur du pays par son courage face à l’ennemi anglais. Jules Michelet en fait un alter ego de Jeanne d’Arc. En somme, le Grand Ferré, c’est la France. La troisième République à ses débuts insiste sur le côté patriotique du personnage, image des francs-tireurs qui se sont vaillamment battus contre les Prussiens après la défaite de Sedan. Surtout, il s’agit de rallier la France rurale aux valeurs républicaines ; justifier par exemple, la prolongation du service militaire. Encore, pendant la seconde guerre mondiale, plusieurs maquis de l’Oise adopteront ce nom de Grand Ferré.
A partir des années 60, on entendra de moins en moins parler du Grand Ferré et ce déclin est en relation avec la disparition de la population rurale. Cependant, Colette Beaune se demande malicieusement si le dernier avatar du Grand Ferré ne se trouve pas dans le personnage d’Obélix ! Des analogies sont troublantes : un géant, utilisant une arme inusitée, lutte courageusement contre des armées étrangères, organisées et puissantes, potion magique d’un côté et eau glacée mortelle de l’autre. Le rapprochement est d’autant moins incongru que René Goscinny a mis en scène une histoire du Grand Ferré dans les années 50.
ArenSor- Messages : 3428
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Re: Colette Beaune
Je me souviens ! C'est le Grand Léo !
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15927
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Re: Colette Beaune
merci Arensor, de belles couvertures les livres d'Histoire !
me souviens pas du Grand Ferré (à revoir mon histoire donc) mais de Jacqou le croquant
me souviens pas du Grand Ferré (à revoir mon histoire donc) mais de Jacqou le croquant
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
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Bédoulène- Messages : 21642
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