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George Samuel Schuyler

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Message par Exini Dim 11 Déc - 9:20

George S. Schuyler (1895-1977)

George Samuel Schuyler George10

George S. Schuyler (1895-1977) était journaliste et écrivain. Militant actif de la NAACP (Association nationale pour la promotion des gens de couleurs), opposant farouche aux discriminations raciales, il était connu pour ses satires et son esprit mordant.
Wikipedia






George Samuel Schuyler Black_10

"BLACK NO MORE, ou le récit d'étranges et merveilleux travaux scientifiques au pays de la liberté entre 1933 et 1940 après J.-C." fut publié en 1931.

Mon professeur de sociologie avait un jour déclaré que le Noir n'avait que trois manières de traiter son problème en Amérique. (Il se mit à les compter sur ses longs doigts fins.) "Foutre le camp, devenir blanc ou serrer les dents." Vu qu'il ne veut ni ne peut partir, et qu'il ne serre les dents qu'à contrecoeur, à mon avis, il ne lui reste plus qu'à devenir blanc.
Au début des années 30 aux Etats-Unis, la ségrégation raciale fait rage et le racisme est prégnant. Le docteur Crookman, aidés par ses deux "mécènes", un agent immobilier et un ancien bookmaker, compte exploiter son invention, une méthode pour blanchir la peau des clients irrémédiablement, à l'échelle de toute la population noire américaine. Max Disher décide, sur un coup de tête, d'être le premier cobaye.
Certes, il y a des longueurs sur la fin, à partir du début de la course à la Maison Blanche, et le fait que l'argent est le principal moyen et le but de pas mal de tout un chacun dans cette fiction peut agacer certains lecteurs. Mais les 150 premières pages , alternant à chaque chapitre, l'histoire de son héros et les effets du "Black no more" sur la société américaine débordent d'ingéniosité et de clairvoyance pour démonter, en creux, tous les tenants et aboutissants de la ségrégation raciale, ses causes et conséquences économiques, sociales et politiques.

Et les vingt dernières pages relancent l'histoire - notamment deux pages qui rappellent, sans concession ni exagération, les lynchages "selon l'ancienne tradition"(sic).

L'auteur porte un regard certes tranché, mais ironique et acéré sur l'Amérique au temps de la ségrégation raciale. A croire, en refermant le livre, que ces lois infamantes étaient quasiment, à l'époque, un pilier pourri du système américain.

"Comme il n'y avait jamais eu plus de deux millions de Noirs dans le Nord, le processus de blanchiment y avait été perçu avec indifférence par les masses car les faiseurs d'opinion sentaient que le pays réglait un problème très épineux à un coût nul, ce qui n'était pas le cas dans le Sud.
Lorsque les vilains fils d'Ham constituaient un tiers de la population de l'ancienne confédération, ils y avaient une grande valeur économique, sociale et psychologique. Non seulement ils accomplissaient le sale boulot et étaient à la base de la richesse des Etats du Sud, mais ils servaient aussi de chiffon rouge chaque fois que le prolétariat blanc ne supportait plus de se faire exploiter. La présence des Noirs au bas de l'échelle sociale donnait à Dixie un caractère unique aux Etats-Unis. Là-bas, en dépit de l'industrialisation galopante, la vie était un peu différente, un peu plus agréable, un peu plus douce. Il y avait du contraste et de la variété, ce qui était rare dans une nation où la standardisation s'était tant répandue que le voyageur ignorait dans quelle ville il se trouvait aussi longtemps qu'on ne l'avait pas renseigné. Le Sud avait toujours été identifié aux Noirs, et vice-versa, et ses plus beaux souvenirs, préservés dans les histoires et les chansons, s'étaient construits autour de cette caste de parias.
Si les Caucasiens du Sud étaient fascinés par la chevalerie, s'ils étaient obsédés par la protection de la féminité blanche, s'ils exaltaient la fierté raciale, s'ils faisaient tous preuve de la même arrogance étudiée, c'était dû à la présence du Noir. Virées et affamées par leurs seigneurs de l'industrie et de l'agriculture, les masses blanches tiraient leur seule consolation et leur seul bonheur du fait qu'elles était de la même couleur que leurs oppresseurs et, par conséquent, supérieures aux misérables Noirs.
Les pertes économiques occasionnées par l'émigration ethnique dans le Sud étaient considérables. Des centaines de wagons en bois, depuis longtemps interdits pour leur vétusté dans d'autres parties du pays, furent envoyés à la casse par les compagnies de chemin de fer quand il n'y eut plus de Noirs à y entasser."

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mots-clés : #racisme #segregation
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Message par shanidar Lun 12 Déc - 12:50

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Je suis absolument d'accord avec le commentaire d'Exini. Black no more a certes quelques défauts mais ils sont bien légers au regard du texte politiquement engagé qui nous est proposé.

Je vais commencer par un reproche, histoire d'évacuer immédiatement cette question : ce n'est pas exactement ce qui s'appelle de la 'grande littérature' mais au fond ce n'est pas très important. L'important c'est la manière dont Schuyler nous embraque dans sa drôle d'aventure et réussit à nous garder à flots. On a un peu le sentiment d'être dans une pantomime ou d'assister à un spectacle de jazz quand les blancs, pour égaler les noirs, se grimaient le visage et changeaient de nom. On prend les mêmes et on inverse. Cette fois se sont les noirs qui vont se comporter comme des blancs et ce n'est ni joyeux, ni reluisant, ni intellectuellement extravagant. C'est même légèrement nauséeux ce spectacle-là. Et emprunt d'un cynisme ravageur qui touche à une lucidité effrayante. Car si Schuyler ne fait pas de la 'grande littérature' il sait parfaitement bien utiliser son cerveau et nous montrer voire nous démontrer la manière dont les blancs vivent (assoiffé de pognon, de jolies femmes et de pouvoir) et la manière dont les noirs vont se couler dans leurs nouveaux habits tout blanc, déstabilisant l'économie globale d'une Amérique raciste. Ce qui est attaqué par la moelle, c'est bien l'organisation complète d'un pays qu'on noyaute pour ne pas laisser aux pauvres, aux déclassés, à la lie de la terre, qu'elle soit blanche ou noire les moyens de s'exprimer. C'est aussi une société où l'argent domine l'intelligence, où la parole n'a de sens qu'à partir du moment où elle se transforme en billet vert et en puissance.
Cynisme total.
Parfois même dur à encaisser, parce que tout le monde y passe et pas seulement les blancs. Oui, les noirs ne sont pas meilleurs que les autres, en tout cas pas ceux qui veulent devenir des exploiteurs, des hommes riches, des 'décideurs', des blancs. Si la caricature est mordante, si on a parfois (et c'est peut-être mieux) l'impression d'assister à une comédie burlesque, à une pièce de boulevard (celle dans lesquelles on aime tant inverser les rôles, prendre la place du roi comme pour le carnaval), c'est au prix d'une éthique et au mépris de soi.

J'aurais aimé que Schuyler développe encore un peu plus son propos. Par exemple qu'il nous raconte pourquoi les découvreurs du 'blanchiment des noirs' n'utilisent pas sur eux-mêmes cette formidable découverte qui annihile les différences et rend dignité à l'indigne. Qu'il nous dise ce qu'il pense de ceux (à peine un millier) qui ont renoncé au blanchiment ou qu'il soit aussi un peu moins naïf dans le tirage de ficelles narratives. Mais cela compte bien peu au regard de ce que ce texte soulève comme questions et surtout ce qu'il montre d'une Amérique raciste, bête et vile.

Alors que nous sommes à l'heure de lire un premier bilan des années Obama (et que Schuyler n'a pas osé aller jusqu'à l'élection d'un faux blanc à la présidence suprême), on peut s'interroger sur les différences de traitements entre les noirs et les blancs aux Etats-Unis comme ailleurs et ici. Faire le bilan de ce que ces travailleurs de force ont légué à nos économies, de sueurs, de morts et de richesses. Voir ce que le métissage apporte à une culture que l'on dit asphyxiée voire mourante et relire Schuyler avec intérêt, grand intérêt.


Cette dissection quasiment sociologique et économique, éminemment politique, laisse un goût désagréable dans le gosier et les narines, rappel des effluves des corps brûlés et de ces 'strange fruits' dont les arbres se paraient il n'y a pas si longtemps.
shanidar
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