Alexandre Vialatte
Page 2 sur 2 • Partagez
Page 2 sur 2 • 1, 2
Re: Alexandre Vialatte
Et c’est ainsi qu’Allah est grandHomard
Le homard est un animal paisible qui devient d’un beau rouge à la cuisson. Il demande à être plongé vivant dans l’eau bouillante. Il l’exige même, d’après les livres de cuisine. La vérité est plus nuancée. Elle ressort parfaitement du charmant épisode qu’avait rimé l’un de nos confrères et qui montrait les démêlés d’un homard au soir de sa vie avec une Américaine hésitante :
Une Américaine
Était incertaine
Quant à la façon de cuire un homard.
- Si nous remettions la chose à plus tard ?…
Disait le homard
A l’Américaine.
On voit par là que le homard n’aspire à la cuisson que comme le chrétien au Ciel. Le chrétien désire le Ciel, mais le plus tard possible. Ce récit fait ressortir aussi la présence d’esprit du homard. Elle s’y montre à son avantage. Précisons de plus que le homard n’aboie pas et qu’il a l’expérience des abîmes de la mer, ce qui le rend très supérieur au chien, et décidait Nerval à le promener en laisse, plutôt qu’un caniche ou un bouledogue, dans les jardins du Palais-Royal. Enfin, le homard est gaucher. Sa pince gauche est bien plus développée que sa pince droite. A moins, toutefois, qu’il n’ait l’esprit de contradiction, et, dans ce cas, sa pince droite est de beaucoup la plus forte. De toute façon, il n’est pas ambidextre. Ou plutôt il l’est en naissant. Mais il passe sa vie misérable à se coincer les pinces dans toutes sortes de pièges. Si bien qu’il les perd constamment. Tantôt c’est l’une, tantôt c’est l’autre. Comme elles repoussent, au contraire des bras de l’homme (le bras de l’homme ne repousse jamais), la dernière en date est plus petite, si bien que le homard ressemble au célèbre empereur Guillaume II, qui avait un bras bien plus petit que l’autre. Il ne put jamais se servir également des deux mains.
Un Vialatte primesautier, bondissant, à l'image d'un Faune
- Spoiler:
- je venais juste de lire l'article d'@Aventin sur Mallarmé avant ...
Re: Alexandre Vialatte
Merci GGG !
On preche quand meme un peu dans le désert, non ?
On devrait former une amicale des amis de Vialatte, Blondin and co.
Réunions avec fanfares, flonflons, vin blanc, confitures du haut du placard.
Et un zeste de mélancolie volatile...
On preche quand meme un peu dans le désert, non ?
On devrait former une amicale des amis de Vialatte, Blondin and co.
Réunions avec fanfares, flonflons, vin blanc, confitures du haut du placard.
Et un zeste de mélancolie volatile...
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Alexandre Vialatte
et moi je devrais le lire !
_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21018
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Alexandre Vialatte
bix_229 a écrit:Merci GGG !
On preche quand meme un peu dans le désert, non ?
On devrait former une amicale des amis de Vialatte, Blondin and co.
Réunions avec fanfares, flonflons, vin blanc, confitures du haut du placard.
Et un zeste de mélancolie volatile...
Allez on y va
Mais oui ... Et je lirai avec plaisir ton commentaire ...Bédoulène a écrit:et moi je devrais le lire !
Re: Alexandre Vialatte
CHRONIQUE DE LA CICOGNE NOIRE. Chronique du 16 décembre 1958
Qu' est-ce, demandent les Chinois, qu' un poème sans oiseaux ? Qu' est-ce qu' une chronique sans hirondelles ? Et c' est pourquoi, dans ma faible mesure, je m' efforce , ne fut-ce que sous la forme atténuée du canard, de la langouste ou du vesperugo.
Je les parsème d' aphaniptères, de décapodes et de tigres royaux. Je cherche à faire droit à toutes les espèces; je leur ouvre, s' il le faut des portes dérobées, j' ai fait passer la baleine par le toit, l' hippopotame par la chatiière, la puce par l' escaleir de service, le puceron par le monte-charge, le paon par l' escalier d' honneur. Quand il n' y a pas d' autre moyen, je lance le pou par la cheminée. J' ai mis le lapin dans le chapeau, j' ai déposé le crocodile dans l' évier, le coffre cornu dans la baignoire ; le serpent à sonnettes par la porte.
J' ai dit le marage du pou de thorax. J' ai chanté les noces du pou de tete. J' ai commenté le callorynque, le plus extravagant des chondroptérygiens. J' ai fait entrer dans les soucis du journalisme quotidien le myopotame, le fer-à-cheval, la pipistrelle et la chimère. Qui se soucierait sans mes pressantes exhortations, de se souvenir que le tupinambis est un animal fissilingue. J' ai préoccupé le coeur de l' homme du harfang, du roi des harengs et de la grande chouette blanche. En un mot, j' ai fait droit au gypaète barbu.
Mais le vrai souci de l' époque, c' est la cigogne noire. Paris Match l' a lancée le 6 septembre. Elle lui revient de partout, comme le boomerang.
Alexandre Vialatte : Chroniques des immenses possibilités. - Julliard
Vialatte s' amusait à jongler avec les mots savants, truffait ses chroniques de références historiques, littéraires, zoologiques...On croyait qu' il les inventait, mais la plupart du temps ses référenxes étaient exactes et Vialatte aimait bien mystifier ses lecteurs qui n' y voyaient pas malice.
Qu' est-ce, demandent les Chinois, qu' un poème sans oiseaux ? Qu' est-ce qu' une chronique sans hirondelles ? Et c' est pourquoi, dans ma faible mesure, je m' efforce , ne fut-ce que sous la forme atténuée du canard, de la langouste ou du vesperugo.
Je les parsème d' aphaniptères, de décapodes et de tigres royaux. Je cherche à faire droit à toutes les espèces; je leur ouvre, s' il le faut des portes dérobées, j' ai fait passer la baleine par le toit, l' hippopotame par la chatiière, la puce par l' escaleir de service, le puceron par le monte-charge, le paon par l' escalier d' honneur. Quand il n' y a pas d' autre moyen, je lance le pou par la cheminée. J' ai mis le lapin dans le chapeau, j' ai déposé le crocodile dans l' évier, le coffre cornu dans la baignoire ; le serpent à sonnettes par la porte.
J' ai dit le marage du pou de thorax. J' ai chanté les noces du pou de tete. J' ai commenté le callorynque, le plus extravagant des chondroptérygiens. J' ai fait entrer dans les soucis du journalisme quotidien le myopotame, le fer-à-cheval, la pipistrelle et la chimère. Qui se soucierait sans mes pressantes exhortations, de se souvenir que le tupinambis est un animal fissilingue. J' ai préoccupé le coeur de l' homme du harfang, du roi des harengs et de la grande chouette blanche. En un mot, j' ai fait droit au gypaète barbu.
Mais le vrai souci de l' époque, c' est la cigogne noire. Paris Match l' a lancée le 6 septembre. Elle lui revient de partout, comme le boomerang.
Alexandre Vialatte : Chroniques des immenses possibilités. - Julliard
Vialatte s' amusait à jongler avec les mots savants, truffait ses chroniques de références historiques, littéraires, zoologiques...On croyait qu' il les inventait, mais la plupart du temps ses référenxes étaient exactes et Vialatte aimait bien mystifier ses lecteurs qui n' y voyaient pas malice.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Alexandre Vialatte
Un vrai déluge lautréamontique !
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15559
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Alexandre Vialatte
Un dossier sur Vialatte dans "Le Matricule des Anges", N° 185, juillet-aout 2017
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Alexandre Vialatte
"L'agenda nous conseille aujourd' hui de manger des cervelles au beurre et de soigner l'éternuement des chiens en leur offrant du café fort additionné du marc de prune ; que le Guide de l'Eleveur nous exhorte à tout faire pour empêcber le rhumatisme d'attaquer les pattes du canard ; que l'Annuaire du Jardin nous pousse à cueillir en serre chaude le narcisse de Constantinople, le sophora soyeux et l'euphorbe ponceau, la clutelle alaternoide, la budlèje très glabre et le trinome moyen ; que le Trésor de l'Agriculteur nous regarderait du plus mauvais oeil si nous ne "façonnions nos jougs" et n' allions "réparer nos digues".
Après le bureau, bien sûr. Ce n' est pas un prétexte. En fin de journée.
Comme pour l'alligator, (les New Yorkais ont la consigne de chasser les alligators, qui se sont mis à boucher les égouts).
L'homme sérieux, au retour du travail, chasse donc l'alligator et frictionne son canard, offre du café à son chien, taille ses jougs et répare ses digues.
Il y prend un plaisir extrême.
Et c'est ainsi qu' Allah est grand."
Chroniques des immenses possibilités, Chronique des jeux et des ris, 21 janvier 1958.
Après le bureau, bien sûr. Ce n' est pas un prétexte. En fin de journée.
Comme pour l'alligator, (les New Yorkais ont la consigne de chasser les alligators, qui se sont mis à boucher les égouts).
L'homme sérieux, au retour du travail, chasse donc l'alligator et frictionne son canard, offre du café à son chien, taille ses jougs et répare ses digues.
Il y prend un plaisir extrême.
Et c'est ainsi qu' Allah est grand."
Chroniques des immenses possibilités, Chronique des jeux et des ris, 21 janvier 1958.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Alexandre Vialatte
Où va l' homme. Chronique bien utile de la nécéssité des bancs.
Où va l' homme ? De plus en plus loin.
Mais il n' y va pas d' un seul coup. Il y va parfois meme à regret. Disons qu' il y va par paliers, et de temps à autre par saccades. Avec des pauses, des reculs, des regrets et des temps morts. Il prend le loisir d' examiner ; surtout dans le Sud, où la température s' y prete.
C' est là qu' est née la civilisations. Et on se demande d' ailleurs ce que peut bien faire l' homme loin de ces mers tièdes où le marbre chaud permet de s' asseoir et de réfléchir...
Un jour je leur ai demandé mon chemin. Ils m' ont rappelé, à quinze mètres de distance, pour me crier "Moi je suis de Nimes", puis, dix mètres plus loin : "Mon frère est de Montauban".
On voit par là combien ils vont au fond des choses, et combien ils aiment que ça dure, combien il leur faut s' occuper.
Ils ne peuvent pas rester sans rien faire. Sans cette activité constante, ils ne pourraient pas se supporter.
L' homme ici, va lentement. Où va-t-il. On ne sait pas. De toute façon, il y va lentement, comme les gens qui veulent aller loin ou ceux qui ont beaucoup de choses à faire... Il y va si lentement qu' il n' a pas l' air de bouger, ni d' aller ici plutot que là, car ses pas ne le rapprochent de rien.
Il faut de longues observations, ou un heureux hasard, pour découvrir son but. Une fois pourtant je l' ai vu arriver à fin de course. J' ai compris ce que fait l' homme qui marche : il va s' asseoir, il a trouvé un banc.
Alexandre Vialatte : Des immenses possibilités humaines. Dans : L' Eléphant est irréfutable.
Une chronique de Vialatte ça ne se refuse pas....
Où va l' homme ? De plus en plus loin.
Mais il n' y va pas d' un seul coup. Il y va parfois meme à regret. Disons qu' il y va par paliers, et de temps à autre par saccades. Avec des pauses, des reculs, des regrets et des temps morts. Il prend le loisir d' examiner ; surtout dans le Sud, où la température s' y prete.
C' est là qu' est née la civilisations. Et on se demande d' ailleurs ce que peut bien faire l' homme loin de ces mers tièdes où le marbre chaud permet de s' asseoir et de réfléchir...
Un jour je leur ai demandé mon chemin. Ils m' ont rappelé, à quinze mètres de distance, pour me crier "Moi je suis de Nimes", puis, dix mètres plus loin : "Mon frère est de Montauban".
On voit par là combien ils vont au fond des choses, et combien ils aiment que ça dure, combien il leur faut s' occuper.
Ils ne peuvent pas rester sans rien faire. Sans cette activité constante, ils ne pourraient pas se supporter.
L' homme ici, va lentement. Où va-t-il. On ne sait pas. De toute façon, il y va lentement, comme les gens qui veulent aller loin ou ceux qui ont beaucoup de choses à faire... Il y va si lentement qu' il n' a pas l' air de bouger, ni d' aller ici plutot que là, car ses pas ne le rapprochent de rien.
Il faut de longues observations, ou un heureux hasard, pour découvrir son but. Une fois pourtant je l' ai vu arriver à fin de course. J' ai compris ce que fait l' homme qui marche : il va s' asseoir, il a trouvé un banc.
Alexandre Vialatte : Des immenses possibilités humaines. Dans : L' Eléphant est irréfutable.
Une chronique de Vialatte ça ne se refuse pas....
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Alexandre Vialatte
Mon Kafka
Et si l’œuvre de Kafka était d’un anonyme ? ― La question me parle, je me pose la même pour Proust ― « J’ai toujours cherché à ne pas le connaître, à me le rendre moi-même mystérieux, affirme Vialatte à propos de l’écrivain de Prague. « Pourquoi parler de lui ? » Car s’il n’est pas anonyme, Kafka est considéré comme un « professeur de désespoir » et c’est afin de « débunker » cette réputation contrefaite que Vialatte revient finalement sur la vie de l’auteur et sur son œuvre. Comme si les données biographiques étaient devenues indispensable pour ne pas tomber dans le piège de ce dont le nom même de Kafka est devenu synonyme. Avec un enthousiasme communicatif ou non, Vialatte se transporte dans l’univers de Kafka ou dans les circonstances de sa découverte (c’est drôle la première fois, mais arrivé à la troisième ou à la quatrième, on s’en fout).
Il se répète, raconte toujours la même histoire certes (Mon Kafka est une collection d’articles), mais aussi pour mettre en avant une personnalité, une pensée ; éclairer le lecteur sur toutes ses articulations. Si pour analyser sa propre existence (comme dans ses journaux ou ses lettres) ou pour concevoir des fictions et des images à portée universelle, Kafka a procédé avec cohérence, celle-ci ne saurait se confondre au prisme du pessimisme ou être réduite au goût de l’absurde. Plus qu’une vision politique et dénonciatrice, Vialatte insiste sur la leçon morale que Kafka prodiguerait, à l’aune de ce qu’il advient de ses personnages et en quoi consiste la culpabilité philosophique d’un Joseph K., par exemple. Par-là, il nous montre une dimension négligée de fait par ceux qui invoquent le nom de Kafka (peut-être même sans l’avoir lu), précisément le contraire du désespoir dans cette cohabitation d’une rêverie enfantine avec la platitude d’un monde de gratte-papier, cette façon de se moquer de la mauvaise foi et de la paresse de l’égo avec les ressorts d’une fantaisie comique qu’une fois n’est pas coutume, Vialatte compare aux films de Charlie Chaplin.
Et si l’œuvre de Kafka était d’un anonyme ? ― La question me parle, je me pose la même pour Proust ― « J’ai toujours cherché à ne pas le connaître, à me le rendre moi-même mystérieux, affirme Vialatte à propos de l’écrivain de Prague. « Pourquoi parler de lui ? » Car s’il n’est pas anonyme, Kafka est considéré comme un « professeur de désespoir » et c’est afin de « débunker » cette réputation contrefaite que Vialatte revient finalement sur la vie de l’auteur et sur son œuvre. Comme si les données biographiques étaient devenues indispensable pour ne pas tomber dans le piège de ce dont le nom même de Kafka est devenu synonyme. Avec un enthousiasme communicatif ou non, Vialatte se transporte dans l’univers de Kafka ou dans les circonstances de sa découverte (c’est drôle la première fois, mais arrivé à la troisième ou à la quatrième, on s’en fout).
Il se répète, raconte toujours la même histoire certes (Mon Kafka est une collection d’articles), mais aussi pour mettre en avant une personnalité, une pensée ; éclairer le lecteur sur toutes ses articulations. Si pour analyser sa propre existence (comme dans ses journaux ou ses lettres) ou pour concevoir des fictions et des images à portée universelle, Kafka a procédé avec cohérence, celle-ci ne saurait se confondre au prisme du pessimisme ou être réduite au goût de l’absurde. Plus qu’une vision politique et dénonciatrice, Vialatte insiste sur la leçon morale que Kafka prodiguerait, à l’aune de ce qu’il advient de ses personnages et en quoi consiste la culpabilité philosophique d’un Joseph K., par exemple. Par-là, il nous montre une dimension négligée de fait par ceux qui invoquent le nom de Kafka (peut-être même sans l’avoir lu), précisément le contraire du désespoir dans cette cohabitation d’une rêverie enfantine avec la platitude d’un monde de gratte-papier, cette façon de se moquer de la mauvaise foi et de la paresse de l’égo avec les ressorts d’une fantaisie comique qu’une fois n’est pas coutume, Vialatte compare aux films de Charlie Chaplin.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 31
Page 2 sur 2 • 1, 2
Des Choses à lire :: Lectures par auteurs :: Écrivains européens francophones
Page 2 sur 2
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|