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Max Blecher

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Message par bix_229 Lun 26 Déc - 19:03

Max Blecher
(1909-1938)


Max Blecher Bleche11

Max Blecher, issu d'une famille juive, est né le 8 septembre 1909 en Moldavie. Il part à Paris après ses études secondaires pour faire médecine. Mais il est atteint par la maladie de Pott, une forme de tuberculose de la colonne vertébrale, inguérissable à l'époque. «Les deux jambes tordues et paralysées, son corps entier est devenu une mine où s'entrecroisent les galeries creusées par les abcès et les fistules. la majorité de sa vie il va la passer prisonnier d'un bloc de de plâtre.» Et pourtant il trouva la force d'écrire. Ses trois livres : Aventures dans l'irréalité immédiate (1936), Coeurs cicatrisés (1937), La Tanière éclairée (posthume) constituent un témoignage d'une effarante lucidité sur cette existence." Son premier livre eut un succès immédiat et enthousiaste, en Roumanie et en Europe. Il meurt le 31 mai 1938 à l'âge de 28 ans.

«Le monde a pris connaissance de toute une famille secrète d'écrivains par la révélation posthume du génie de Kafka. Grâce à lui, une littérature sans retentissement à l'époque où elle fut élaborée, pénètre de nos jours, chargée de significations troublantes, dans la conscience publique. Le Polonais Bruno Schulz, obscur professeur de dessin, tombé sous les balles des S.S. et le Suisse Robert Walser, totalement oublié après la publication de ses romans, nous semblent aujourd'hui des frères spirituels. Pour eux comme pour Blecher, écrire n'était pas faire de l'art, c'était une expérience existentielle douloureuse. Comme lui, ils se sentaient poussés vers un réalisme fantastique qui consistaient à construire des univers terrifiants à l'aide des succédanés dont la civilisation industrielle moderne inonde l'espace de la vie quotidienne

N.B. Toutes les citations entre guillemets sont de Ovid Crohmalniceano, auteur de la très belle préface des Aventures dans l'irréalité immédiate. - Les Lettres Nouvelles/Denoel


Oeuvres traduites en français :

Aventures dans l’irréalité immédiate 1973
La tanière éclairée 1989
Cœurs cicatrisés 2014
Corps transparent, 2017



Dernière édition par bix_229 le Lun 26 Déc - 19:13, édité 1 fois
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Message par bix_229 Lun 26 Déc - 19:07

Max Blecher 1ereco10

AVENTURES DANS L' IRREALITÉ IMMÉDIATE

J'ai un peu hésité avant d'entreprendre la relecture d'un livre que j'avais trouvé très marquant. Mais dès le début, je n'avais plus aucun doute. J'avais affaire à un livre vraiment exceptionnel. Un livre à placer dans la parenté d'auteurs comme Kafka, Walser et peut-être plus encore au polonais Bruno Schulz, l'auteur des Boutiques de cannelle.

Pour eux, il s'agit de faire part d'une expérience douloureuse, de s'installer dans le malheur, d'accepter que l'univers qui les entoure est agressif. Le livre est autobiographique et le narrateur est également l'auteur. Il est cloué sur un lit de souffrances et sans espoir de guérison. Pourtant, jamais on n'entendra Blecher se plaindre. C'est comme si, pour lui, le malheur était une simple donnée de la vie courante.

De fait, la perception qu'il a de la réalité est la vision exacerbée d'un homme condamné à l'immobilité et à la souffrance. Son hypersensibilité se manifeste à travers des «crises» qu'il qualifie «d'étourdissements suaves et terribles».

Pour Blecher, les choses ne sont pas neutres, elle le fascinent et le terrorisent à la fois. Il semble être plus particulièrement attiré par les objets communs ou abimés, au rebut. Les mannequins de cire (comme Schulz). Par les images du cinéma auquel il s'identifie totalement. Ses impressions sont donc mélangées et contradictoires, alimentées par une imagination où l'imagination où visions et hallucinations sont devenues habituelles.

«Dans les chambres fermées, les crises se produisaient plus facilement et plus souvent. D'habitude, je ne supportais pas de me trouver seul dans une chambre inconnue. Si j'y étais obligé, au bout de quelques instants je sentais approcher l'étourdissement suave et terrible. La chambre elle-même s'y préparait : une intimité chaude et accueillante irradiait des murs, se glissait sur les meubles et les objets. Soudain, la chambre devenait sublime, et je m'y sentais heureux. Mais ce n'était qu'une duperie de la crise, l'une de ses perversités, délicieuse et subtile. Après cet instant de béatitude, tout se renversait et s'embouillait. Je regardais, les yeux écarquillés, ce qui m'entourait, et voyais les choses perdre leur sens habituel, vivre d'une vie neuve.»

Les frontières entre le réel et l'imaginaire sont pour lui fragiles et même entre la vie et le néant. Contrairement à ce qu'il pense, l'extraordinaire précision de qu'il perçoit et qu'il décrit, qu'il répète avec insistance, finit par s'imposer à nous de façon troublante. Comme une sorte de contre monde saisissant qu'il décrit en tant que témoin plus que d'acteur.

«J'arrivais là haut un peu étourdi par la chaleur du jour. L'abandon des chambres désertes achevait de me troubler complètement.. C'était comme si je vivais dans un monde depuis longtemps connu, dont le souvenir se serait effacé. Je sentais mon corps curieusement léger, détaché.

Je me souviens d'avoir eu enfant, au cours d'une grave maladie, des visions saisissantes, la plupart du temps effrayantes... Des personnages nés de la fièvre et qui devenaient sorcières, femmes courbées sous le poids de fagots, monstres cauchemardesques...

Les êtres malades ont une appréhension particulière des choses. Non pas plus vraie, mais autre. Plus aigüe, exacerbée par la fièvre et la souffrance. Je me souviens avoir lu que Proust -en pensant à lui-même- écrivait que ces écrivains malades possédaient intrinsèquement quelque chose en plus par rapport aux écrivains en bonne santé. Et il citait Baudelaire en l'opposant à Hugo.

Dans certaines profondeurs de l'âme, les mots n'ont plus cours. J'essaie de décrire mes crises avec exactitude et je ne trouve que des images. La parole magique qui pourrait les exprimer devrait tirer sa vertu de sentiments vécus, surgir tel le produit de leur distillation : un parfum nouveau aux extraits savamment dosés.»


Ce livre, il faudrait le citer en entier, tellement il est unique, bouleversant et d'une nouveauté éternelle.
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Message par Hanta Dim 16 Déc - 10:50

Corps transparent

Max Blecher Cvt_co10

Très court ouvrage poétique et surréaliste décrivant avec amour et fort érotisme de la relation à l'aimée.
C'est assez poignant et terriblement bien écrit. L'auteur ne fait pas preuve de sentimentalisme mais on sent une passion assez forte et une certaine fièvre dans l'écrit.
C'est finalement un poème assez français et j'ai ressenti l'inspiration d'un Breton par exemple dans le récit. Ce fut en tout cas très plaisant et je lirais volontiers d'autres oeuvres de cet auteur.

mots-clés : #poésie
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Message par Tristram Dim 16 Déc - 13:19

Cet auteur me tente, avec sa vision maladive du monde, et aussi les références à Baudelaire, Proust, Kafka, Walser et Schulz...

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par bix_229 Dim 16 Déc - 15:22

Il faut céder à la tentation avant qu'elle s'éloigne !
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Message par Tristram Dim 16 Déc - 15:42

Et donc je viens d'acheter Corps transparent pour liseuse...

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Message par Tristram Mar 31 Mar - 21:58

...Et je l'ai lu ; malheureusement, une lecture peu marquante.

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Message par Tristram Jeu 24 Fév - 12:03

Aventures dans l'irréalité immédiate suivi de Cœurs cicatrisés

Max Blecher 1ereco10

Enfant puis adolescent, lors de ses « crises » le narrateur est imbibé par le monde, ses multiples tentacules, et s’y projette. Ses « aventures », de la boutique de machines à coudre d’Eugène le violoniste et sa sœur Clara qui l’affole de désir, du « souricesque » docteur et de Walter, camarade de rencontre, les Weber, son grand-père, son père, Edda… révèlent un goût sensuel et morbide, baudelairien, rimbaldien aussi, pour le cinématographe et la théâtralité, les musées de cire et cabinets de curiosités, les vieilleries et les clinquant et kitsch hétéroclites et artificiels, les spectacles forains et les monstres, les signes et l’absurde, la boue… Prégnance de la culture littéraire française, atmosphère "décadente". Sensations, rêveries, fantasmes d’une grande sensibilité, perceptions et souvenirs rendus avec finesse, servis par un style mélancolique et imagé (cf. la superbe scène de boucherie après la noce et l’enterrement chez les Weber), c’est aussi un questionnement métaphysique et un doute existentiel qui restent sans réponse.
« Je ressentais vaguement que rien en ce monde ne pouvait aller jusqu’au bout, rien ne pouvait être achevé. La férocité des objets s’épuisait elle aussi. C’est ainsi que naquit en moi l’idée de l’imperfection de tout phénomène, même surnaturel. »

« Il y avait dans tout cela une certaine mélancolie d’exister, une sorte de supplice naturel, dans les limites de ma vie d’enfant. »

« L’inutilité a empli les creux du monde comme un liquide qui se serait répandu de tous côtés, et le ciel au-dessus de ma tête, ce ciel toujours impeccable, absurde et indéfini, a acquis la couleur du désespoir. »

« Si jamais naissait en moi le sentiment d’un but existentiel et si cette ébauche était véritablement liée à quelque chose de profond, d’essentiel et d’irrémédiable, alors mon corps devrait se transformer en une statue de cire dans un musée et ma vie en une contemplation sans fin de ses vitrines. »

« Les personnages de cire étaient l’unique chose authentique, eux seuls faussaient la vie de manière ostentatoire et appartenaient, par leur étrange et artificielle immobilité, au monde réel. »

« C’est dans de petits objets sans importance : une plume d’oiseau noire, un petit livre banal, une vielle photo aux personnages fragiles et inactuels, qui semblent souffrir de quelque grave maladie intérieure, un délicat cendrier en faïence verte, en forme de feuille de chêne, sentant toujours le tabac froid, dans le simple souvenir des lunettes aux verres épais du vieux Samuel Weber, dans ces menus ornements et objets domestiques, que je retrouve toute la mélancolie de mon enfance et cette nostalgie essentielle de l’inutilité du monde qui m’enveloppait de toute part, comme une eau aux vagues pétrifiées. »

« L’extraordinaire parure de parade des oiseaux, des animaux et des fleurs, destinée à rehausser l’attrait sexuel, la queue stylisée et ultramoderne de l’oiseau de paradis, le plumage embrasé du paon, la dentelle hystérique des pétales de pétunias, le bleu invraisemblable des bourses du singe, ne sont que de pâles tentatives d’ornementation érotique à côté de l’éblouissante bague tzigane. C’était un superbe objet en fer-blanc, délicat, grotesque et hideux. Surtout hideux : il touchait l’amour dans ses régions les plus sombres, les plus fondamentales. Un véritable cri sexuel. »
Cœurs cicatrisés :
Une radiographie révèle qu’une des vertèbres d’Emanuel est rongée par « le Mal de Pott… Tuberculose osseuse des vertèbres. » Le jeune étudiant roumain en France est emmené par son père au sanatorium de Berck. Blecher donne une description réaliste, mais aussi légèrement irréelle de cette société de malades vivant pour la plupart allongés, immobilisés tels des mannequins dans de lourds corsets de plâtre, leur humeur accordée à la pluie.
« Berck n’est pas seulement une ville de malades. C’est un subtil poison. On finit par l’avoir dans le sang. Quiconque a vécu ici ne trouve plus sa place ailleurs. Un jour, tu le ressentiras, toi aussi. Tous les commerçants, les pharmaciens, et même les brancardiers, sont d’anciens malades qui n’ont pas réussi à vivre ailleurs. »

« C’était l’une des sensations étranges liées à la maladie, celle d’être un malade poussé sur un chariot, suivi par des personnes valides. Quelque chose qui ressemblait au cortège d’une famille en deuil marchant à l’arrière d’un corbillard ou à une procession de voyageurs pressés suivant la voiture de leurs bagages. »
Des intrigues se trament entre les patients aux personnalités rendues avec netteté ; les drames sont fréquents. Emanuel et Solange tombent amoureux l’un de l’autre, et c’est le summum d’amertume du désir entravé.
Ce récit est indéniablement plus factuel, et d’inspiration fortement autobiographique (au moins au début), son style plus classique et retenu s’accorde absolument au propos ; son contraste avec l’imagination hallucinée du précédent n’empêche pas qu’il soit complémentaire, que leur juxtaposition soit signifiante (cf. la découverte de Lautréamont par Emanuel). Aussi différents soient-ils, ils présentent tous deux une grande intensité d’évocation.
« − Quand quelqu’un a déjà été en retrait de la vie et a eu le temps et le calme nécessaire pour se poser une question essentielle à son égard – une seule – il reste empoisonné pour toujours… Bien sûr, le monde continue d’exister, seulement quelqu’un a passé une éponge au-dessus des choses et en a effacé l’importance… »

« − Ah, je n’aime pas les livres… ! Un livre n’est rien, ce n’est qu’un objet… Quelque chose de mort qui recèle des choses vivantes… Comme un cadavre en décomposition dans lequel grouillent des milliers et des milliers d’asticots. »

« − Tu vois, les cœurs des malades ont reçu tant de coups de couteau qu’ils se sont transformés en tissus cicatrisés. »

\Mots-clés : #identite #jeunesse #pathologie

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Message par Bédoulène Jeu 24 Fév - 12:52

quelle description du "livre" !

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― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
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Message par Tristram Jeu 24 Fév - 13:18

Oui, frappante... et originale !

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