Sergio Alvarez
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Sergio Alvarez
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21018
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Re: Sergio Alvarez
35 morts
Le héros de 35 morts ne demande pas grand-chose d'autre à la vie que de se partager entre l'amour et le sexe - dont il n'arrive pas à savoir lequel il aime le plus - , d'être d'autant plus sympa avec ses potes que ceux-ci se soucient de lui, et d'adoucir les difficultés avec les bières et la drogue.
Un gars plutôt sympa, seulement voilà, il est né en Colombie, un pays où l'on peut dire :
La Colombie, où on n'a guère le choix que de flirter avec la révolution, les militaires, les narcotrafiquants, de pratiquer la violence, les arnaques et la corruption. Un pays où les poings et les armes sont les vrais outils de communication.
Et où il ne reste donc pas beaucoup d'autres solutions que de jouir à fond de l'instant, pour mieux pleurer quand le bonheur vous est ravi – on pleure beaucoup dans ce livre, les filles, les copains, les puissants, les méchants, tous sont de gros sentimentaux fleur-bleus.
À côté, il y a plein d'autres petites histoires, d'autres trajectoires de vie, d'autres destins ballottés par la violence, qui alternent avec le principal, tous à la première personne du singulier, des personnes qu'on identifie ou qu'on n'identifie pas, qui interfèrent avec l’histoire principale ou pas, comme autant de nouvelles coup-de-poing enchâssées dans le récit.
Au sein de ces petites séquences à l'alternance rapide, toutes annoncées par une phrase d'une chanson populaire, le style trouve une singularité qui captive, en ne s'autorisant aucun paragraphe, aucun alinéa, aucun retour à la ligne, y compris dans les dialogues, tout s'enchaîne sans pause pour une impression de rapidité, de dévastation, de naturel haletant : le lecteur est emporté et submergé : la violence, le monde et la vie qui grouillent, l'impasse existentielle...
35 morts est le roman brillant et palpitant d'un personnage attachant, de son destin déterminé par un lieu de naissance aimé et honni tout à la fois, pris en otage par on ne sait qui, des politiques, des décideurs, des bandits, des riches, des filous qui ont réussi à annihiler les espoirs d'un peuple tout entier, à le faire renoncer au bonheur et à la sérénité, à le faire toujours courir, toujours cacher sa peur, toujours grappiller son plaisir au plus vite. Un peuple romantique et désespéré qui ne renonce pas à vivre mais n'en finit pas de pleurer.
(commentaire rapatrié)
mots-clés : #guerre #mort
Le héros de 35 morts ne demande pas grand-chose d'autre à la vie que de se partager entre l'amour et le sexe - dont il n'arrive pas à savoir lequel il aime le plus - , d'être d'autant plus sympa avec ses potes que ceux-ci se soucient de lui, et d'adoucir les difficultés avec les bières et la drogue.
Je ne te crois pas, dis-je quand elle me raconta combien de gens elle avait tués. Moi, je te crois, dit-elle quand je lui racontai combien de femmes m'avaient plaqué. On rit beaucoup.
Un gars plutôt sympa, seulement voilà, il est né en Colombie, un pays où l'on peut dire :
Tu es devenu vieux sans avoir compris comment fonctionne ce pays. Et comment il fonctionne, pour voir ? Grâce aux morts, vieux, dans ce pays, celui qui n'a pas tué ou fait tuer quelqu'un n'avance pas. Je le regardais, impressionné. Crois-moi, vieux, c'est la mort qui commande, et celui qui ne tue pas ou qui ne fait pas tuer, il n'est personne, il ne vaut rien.
La Colombie, où on n'a guère le choix que de flirter avec la révolution, les militaires, les narcotrafiquants, de pratiquer la violence, les arnaques et la corruption. Un pays où les poings et les armes sont les vrais outils de communication.
Et où il ne reste donc pas beaucoup d'autres solutions que de jouir à fond de l'instant, pour mieux pleurer quand le bonheur vous est ravi – on pleure beaucoup dans ce livre, les filles, les copains, les puissants, les méchants, tous sont de gros sentimentaux fleur-bleus.
À côté, il y a plein d'autres petites histoires, d'autres trajectoires de vie, d'autres destins ballottés par la violence, qui alternent avec le principal, tous à la première personne du singulier, des personnes qu'on identifie ou qu'on n'identifie pas, qui interfèrent avec l’histoire principale ou pas, comme autant de nouvelles coup-de-poing enchâssées dans le récit.
Au sein de ces petites séquences à l'alternance rapide, toutes annoncées par une phrase d'une chanson populaire, le style trouve une singularité qui captive, en ne s'autorisant aucun paragraphe, aucun alinéa, aucun retour à la ligne, y compris dans les dialogues, tout s'enchaîne sans pause pour une impression de rapidité, de dévastation, de naturel haletant : le lecteur est emporté et submergé : la violence, le monde et la vie qui grouillent, l'impasse existentielle...
35 morts est le roman brillant et palpitant d'un personnage attachant, de son destin déterminé par un lieu de naissance aimé et honni tout à la fois, pris en otage par on ne sait qui, des politiques, des décideurs, des bandits, des riches, des filous qui ont réussi à annihiler les espoirs d'un peuple tout entier, à le faire renoncer au bonheur et à la sérénité, à le faire toujours courir, toujours cacher sa peur, toujours grappiller son plaisir au plus vite. Un peuple romantique et désespéré qui ne renonce pas à vivre mais n'en finit pas de pleurer.
J'étais un vrai fumier,
j'ai cogné, violé, tué.
J'ai mis le feu aux fermes,
me suis cru invincible
en regardant les flammes
éclairer les cadavres.
J'ai dégommé comme on tire à la cible
le corps de tous mes ennemis,
j'ai bu leur sang, jonglé avec leur tête,
et débité à la machette
ou à la tronçonneuse.
J'ai encaissé du fric,
on m'a donné campo,
et j'ai filé à la fête,
j'ai dansé,
salué les potes.
Pris une bonne cuite.
Je suis tombé amoureux.
Elle m'ont donné plein de baisers
leur chaleur et leurs corps.
Cet amour m'a donné la force
de continuer,
de ne jamais faiblir,
de bien faire le boulot.
(commentaire rapatrié)
mots-clés : #guerre #mort
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Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8395
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Localisation : Roanne
Re: Sergio Alvarez
35 morts
La vie du protagoniste que suis le lecteur reflète l'histoire de la Colombie entre bas et hauts, entre la vie et la mort, la joie et les pleurs, l'amour et la haine sur fond de guerre et de musique. On danse et on chante souvent, autant qu'on pleure.
Le Gamin, comme l'appelle les amis, n' est pas de taille à affronter cette dure vie lui qui est l'objet d'abandons, celui de sa mère morte en couches, de son père qui se suicide et des nombreuses femmes aimées ; parce qu'on "baise" beaucoup en Colombie ; on boit et on se drogue pour supporter la vie, les trahisons, les tueries.
"Ne t'inquiète pas, il n'y aura pas de problème, j'ai déjà liquidé beaucoup de syndicalistes, ils sont faciles, les gardes du corps que leur attribue le gouvernement les trahissent, dit-elle en se déshabillant."
Le Gamin garde une trace de son adolescence avec des amis et protecteurs communistes, il espère et il attend le bonheur mais chaque fois qu'il le croit à sa portée il le perd.
Après donc une ligne de vie plus que chaotique, parce qu' encore une fois on peut, on doit le tuer, le Gamin suit le conseil d' un vieil ami et quitte la Colombie pour l'Espagne.
"Tes clients ne t'ont jamais demandé s'ils devaient tuer quelqu'un ? Si, répondu Marcos. Et tu leur as dit quoi ? Parfois, tuer quelqu'un c'est préférable. Je ne te crois pas. Comme te l'ad dit Quique, tu ne comprendras jamais rien à la vie en Colombie, voilà pourquoi tu t'en vas. Mais cette tuerie n'aura jamais de fin ? Je te l'ai dit, tuer est parfois nécessaire ; certains tuent et ça ne leur réussit pas, mais crois moi, ça réussit à la plupart des gens et ils s'en sortent."
Malheureusement dans l'exil aussi le bonheur lui sera refusé.
Et parce que la Colombie a aussi ses miracles, l'un des personnages est "immortel"
"Comme je te le dis, on a discuté et personne ici ne veut être ton associé, donc on va te verser ce que tu voudras pour que tu te barres. Mais pourquoi ? Parce que tu est immortel. Ce n'est pas un avantage ? Pour gagner la guerre, si mais pour les affaires, non. Pourquoi ? Les immortels ne sont pas faits pour le marché de la coke, pour que ce négoce fonctionne, on doit tuer et pourvoir être assassiné, un immortel romprait cet équilibre."
Les Colombiens semblent tous marcher, plus ou moins sur un fil.
Une très bonne lecture, édifiante (bien qu'un peu trop longue), toutes les facettes de la Colombie : la corruption, les trafics de drogue, les présidents (voleurs, tricheurs, ivrognes) l'armée, les guérilleros, les assassins, les victimes, les communistes, syndicalistes etc........ exposées dans des situations ou évènements suffisent amplement à sentir, à saisir la Colombie et le quotidien des Colombiens. Certaines confessions ou monologues croisent ceux du protagoniste et ajoutent à notre appréhension.
Le protagoniste n'est pas prénommé comme si l'auteur nous présentait à travers lui n'importe quel Colombien.
autres extraits
"J'écrivais en me disant que les noms que j' effaçais étaient ceux de gens qui avaient été déplacés ou assassinés et j'étais démoralisé, mais j'avais décidé de rester, j'étouffai donc le peu de conscience qui me restait et je poursuivis ma tâche."
"Les gardes du corps ont dégainé et on a dû se laisser emmener. Tu peux rester ou te barrer m'a dit Rocky sur le parking. J'ai regardé ma fiancée, j'ai vu la ville illuminée derrière elle et j'ai compris que le mieux était de m'en aller ; mais qu'elle ne me le pardonnerait jamais."
"Suivi par le regard furieux de la foule, seul et une fois de plus écoeuré, j'ai mis mon sac sur sur l'épaule et, planté devant l'église, voyant réapparaître la statue innocente du Divin Enfant, je lui ai lancé : tu verras, salopard, je ne serai pas ton prophète, et on ne va pas en rester là..."
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