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Jean-Paul Kauffmann

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Message par topocl Dim 18 Déc - 15:26

Jean-Paul Kauffmann
Né en 1944


Jean-Paul Kauffmann Jean-p10

Jean-Paul Kauffmann est un journaliste et écrivain français, ancien élève de l'École supérieure de journalisme de Lille (40e promotion). Il est né le 8 août 1944 à Saint-Pierre-la-Cour, en Mayenne.

Son arrière grand-père Michel Kauffmann quitte l'Alsace en 1871 après le traité de Francfort et s'installe dans la région de Vitré. Jean-Paul Kauffmann naît à Saint-Pierre-la-Cour mais, alors qu'il a neuf mois, ses parents rejoignent Corps-Nuds, en Ille-et-Vilaine, afin de reprendre une boulangerie-pâtisserie. Il entre comme pensionnaire dans un collège religieux à l’âge de 11 ans. Malheureux pendant ces « années accablantes », il se réfugie dans la lecture des œuvres de Balzac, Stendhal et surtout Jean de La Fontaine. Par amour pour la littérature, il croit avoir la vocation de journaliste et fait l’École supérieure de journalisme de Lille entre 1962 et 1966. Il effectue son service militaire comme coopérant dans un service d'éducation au Québec. Il y prolonge son séjour en travaillant dans un supplément hebdomadaire dans la presse de Montréal. Assistant à la Révolution tranquille, il songe à rester définitivement dans ce pays après être tombé amoureux de Mara, libraire originaire de Lettonie, comme il le raconte dans son récit Courlande.

Revenu en France en 1970, il est engagé comme journaliste à Radio France internationale pendant sept ans, puis à l’AFP. En 1977, il intègre la rédaction du quotidien Matin de Paris et devient en 1984 grand reporter à L'Événement du jeudi. Alors que son magazine l'a envoyé en reportage au Liban, il est enlevé à Beyrouth avec Michel Seurat le 22 mai 1985. Son épouse Joëlle Brunerie-Kauffmann s'engage activement pour sa libération. Il est libéré le 4 mai 1988

En 1994, Jean-Paul Kauffmann crée la revue L'Amateur de cigare.

En 2002, Jean-Paul Kauffmann reçoit le Grand prix de littérature Paul-Morand remis par l'Académie française.

Il reçoit le Prix de la langue française 2009 pour l'ensemble de son œuvre

wikipedia.

Publications

   Voyage à Bordeaux, photographies de Michel Guillard, 1989.
   Le Bordeaux retrouvé (hors commerce), 1989.
   L'Arche des Kerguelen : voyages aux îles de la désolation, 1992
   La Chambre noire de Longwood : le voyage à Sainte-Hélène
   L'Œil originel, photographies de Frédéric Desmesure, 1997.
   La Morale d'Yquem : entretiens avec Alexandre de Lur Saluces, 1999.
   La Lutte avec l'Ange, 2001
   31, allées Damour : Raymond Guérin, 1905-1955, 2004.
   La Maison du retour, 2007.
   Courlande, 2009
   Voyage à Bordeaux 1989, édition revue et corrigée par l'auteur, 2011.
   Voyage en Champagne 1990, édition revue et corrigée par l'auteur, 2011.
   Remonter la Marne, 2013.
   Outre-Terre, 2016.

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Message par topocl Dim 18 Déc - 15:30

L'arche des Kerguelen – Voyage aux îles de la Désolation

Jean-Paul Kauffmann K121010

   Pour le survivant, tout livre a un sens. Peu importe son contenu. La moindre histoire est stimulante parce qu'elle donne l'illusion d'être libre. Nous ne sommes plus seuls. Ce qui dans des circonstances ordinaires paraissaient obscur ou insignifiant  ne l'est plus. Contraint à l'élémentaire, l'esprit extrait d'emblée l'essence des choses, élucide ce qui est hermétique, pourvoit à ce qui est indigent. Avec le presque rien, on invente presque tout.


Jean-Paul Kauffmann a toujours rêvé des îles Kerguelen, cet archipel de l'Océan Indien à la limite du continent antarctique, possession française depuis sa découverte par Kerguelen en 1772, peuplé de quelques militaires et scientifiques et de milliers de lapins, éléphants de mer et manchots. Les paysages sont fabuleux, chaos premiers aux évocations bibliques.


  Entre la  page blanche et l'achevé d'imprimer, les Kerguelen donnent l'illusion d'approcher des origines ou des fins dernières.

Quatre ans après sa libération de captivité, c'est chose faite, il s'embarque sur le Marion-Dufresne  se confronter à cet archipel désertique, battu par la pluie et les vents, mi- mystère, mi-vérité. À côté des découvertes naturelles, géologiques, botaniques, zoologiques, à côté des paysages fantastiques, il teste cette nouvelle forme de solitude, où, cette fois encore, le temps ne se compte pas, mais à laquelle l'espace donne une ouverture pour lui salutaire.

   Je suis heureux d'affronter de mon plein gré l'extrême solitude et l'élémentaire clarté d'une nature hostile.


Pas un mot de sa captivité, mais au travers des phrases, au-delà du récit de voyage, du rapport des nombreuses connaissances historiques ou géographiques accumulées , du recensement scrupuleux des noms de lieux et des morts, célèbres ou obscurs, Kauffmann poursuit une réflexion qu'il a intégrée à tout son être, qui s'est construite dans le cachot, et l'a sans doute sauvé, sur le temps, le silence, l'attente, la solitude.

   Existence cloîtrée, sans véritable but : pour moi la vérité à l'état pur.Désolation, terre de l'attente. Attente du chaland, attente d'une meilleure météo, attente du Marion, attente de l'arche que je n'ai pu rallier par Val Travers. C'est l'espoir sans l'impatience.
   Le temps est un espace que le ciel et le vent laissent ouvert. Nul besoin de combler ce vide. L'attente ne s'épuise pas en efforts inutiles, en signes dérisoires que d'ordinaire l'on s'impatiente à interpréter. Dans le désœuvrement kerguélénien, il entre une indolence qui est le contraire de l'apathie, une sorte d'insouciance ardente, tendue vers rien. L'esprit ne dépend ni des faits ni des instants, il n'est captif  ni du passé ni de l'avenir. L'ordre des jours est aboli.


Dans cette expédition, Kaufmann court après des chimères, peut-être. Il s'imprègne du vent (« la singulière complicité entre le silence et le vent »), de la lumière, des odeurs qu'il partage avec ces explorateurs et aventuriers dont les pas l'ont précédé sur l'île.


   Les tombes sont l'une des rares traces d'humanité de la désolation, pays sans arbres que la mort à reboisé de ces stèles plantées en plein vent.

 
 Je déteste la marche. Mes amis pensent que j'aime la nature parce que je possède une maison dans la forêt landaise. Je passe à leurs yeux pour une sorte de  François d'Assise interpellant les fleurs et les oiseaux. Je me garde bien de les contredire. Ils m'imaginent en promeneur solitaire errant sur les chemins forestiers alors que je ne bouge jamais de chez moi. Une vie d'homme ne saurait suffire à explorer l'arpent que je possède.


   Plus que la souffrance le désœuvrement n'est-il pas l'épreuve suprême ? Qui sait combler le vide de l'âme quand plus rien ne l'absorbe est tiré d'affaire. Il triomphe du supplice le plus cruel : le temps sans mesure ni terme. La douleur occupe ; l'être souffrant se contemple dans son tourment. L'ennui ne connaît ni la nuance ni la satiété.


(commentaire récupéré)


mots-clés : #autobiographie #insularite #voyage

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Message par bix_229 Mar 9 Juil - 19:56

Jean-Paul Kauffmann Kauffm11

Détenu au Liban pendant trois ans, le narrateur choisit après sa libération de s'installer au cœur de la forêt landaise. Deux maçons taciturnes restaurent la maison. Il campe au milieu du chantier, rééduquant ses cinq sens au contact de la nature. Il va devenir prisonnier de la demeure dans la clairière et prendre de plus en plus de goût à cette dépendance. Dans cette parenthèse qui sépare la fin de l'épreuve du retour au monde des vivants, il écrit ce livre de la délectation où les odeurs, les visions et les rumeurs du monde sont nommées comme au premier jour.
Babelio


Comment revivre quand on a été otage au Liban pendant trois ans ?  Et qu' on est désormais  blessé, nu et vulnérable comme un Bernard-l'ermite en quête d'un coquillage protecteur ?
Jean-Paul Kauffmann trouvera dans les Landes  une grande bâtisse abandonnée, mais harmonieuse.

"Après trois ans d' enfermement, j' ai besoin de la démesure de ce paysage, ponctué par des vides au milieu des pinèdes mais jamais borné...
Mon choix relève d' une forme d' ingénuité. C' est vrai : je me suis conformé à la surface des choses, à leur apparence...


La vie reprend ses droits et s' affirme au fil des jours, comme les deux palmiers que l'auteur  a planté. Encagnardé, en hibernation, il vit  seul dans la grande maison en plein chantier. Un chantier sous la haute main de deux ouvriers portugais, mutiques mais efficaces. Des quasi jumeaux que Kauffmann a surnommés Castor et Pollux.
Kauffmann aime cet état transitoire au point de souhaiter que le chantier ne s'achève jamais.

"L' ambiance du chantier me convient bien. Il flotte dans cette maison un climat d'attente, une sorte de suspense qui répugne à l'épilogue.
J' aimerais que cette situation se prolonge indéfiniment."

Kauffmann se souvient de sa détention et des rares livres à sa disposition, livres futiles, mais qui lui "sauveront la vie".

"Donner une signification à ce que je lisais était accessoire. C' est l'infusion du texte que je recherchais, non son interprétation.
Jamais je n'ai dévoré avec une telle intensité. J'oubliais la cellule. Enfoui au fond de ma lecture, produisant en moi-même un autre texte."

Et aussi se remémorer les lectures passées, poèmes et romans.
Mais, la liberté retrouvée, le rapport aux livres change radicalement. La lecture devient machinale, il le constate avec tristesse et frustration. Ce sont les arbres désormais qui occuperont désormais toute la place. Ceux qui existaient déjà et ceux qu'il va planter partout avec frénésie.

"Je suis assis face aux deux platanes monumentaux... Dépouillés de leurs feuilles, ils n' en dégagent pas moins une puissance prodigieuse.
Ils se tiennent en sentinelles devant la  maison. Mes deux compagnons devient la période de convalescence que je vis.
Avec bienveillance, ils me regardent reprendre des forces."

Des gens, Kauffmann en verra peu. Sa femme, ses enfants et quelques amis de rencontre.  Mais il est conscient désormais qu'il ne pourra jamais plus renouer le fil avec sa vie passée. A vrai dire, il ne le souhaite même pas. Il n'est plus dans les normes, mais il a retrouvé le pur bonheur d'être encore vivant et d'opposer aussi à la fatalité une résistance qu'il souhaite à toute épreuve.

J' ai été sensible à cette leçon de vie , à cette régénération. A cette maison perçue comme un abri mais plus encore, comme un être vivant. Aux perceptions de la nature et surtout des arbres qu' éprouve Kauffmann dans sa solitude habitée.
Moins les réflexions sur le vin. Tous ces goûteurs snobs et chichiteux me hérissent le poil.
Heureusement Kauffmann ajoute qu' il y a une grande part d'imagination dans sa relation aux vins.

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Message par bix_229 Mer 24 Juil - 17:54

Jean-Paul Kauffmann Kauffm12


Remonter la Marne, ce n’est pas revenir en arrière et pleurer le passé, mais au contraire se perdre, chuter pour mieux renaître.
Aller dans le sens inverse du courant est un choix qui d’emblée s’est imposé à moi; je n’ai pas songé un seul instant à partir de la source. Le fleuve qui s’écoule est tellement associé à la direction du temps- à l’instar de la flèche qui indique un sens irréversible-que je me demande si cette idée d’aller à contre-courant ne traduit pas un désir inconscient de revenir en arrière, au début. Une anabase, un retour, une expédition vers l’intérieur, remontée aventureuse vers la patrie perdue que vécurent les Dix Mille au temps de Xénophon.Tout, dans ce voyage, invite à la réversibilité.La rivière descend inexorablement vers sa disparition, j’avance vers son commencement. Hölderlin note que "la rivière n’oublie jamais sa source car, en s’écoulant, elle est la source d’elle-même."


Si l'idée d'une balade pédestre en bord de Marne vous séduit, vous pouvez lire Remonter la
Marne : Jean Paul Kauffmann.
Pourquoi "remonter", parce que l'auteur a choisi de la suivre de l'embouchure à la source.
L'idée est de découvrir une France oubliée et d'en raconter l'histoire.
Au fil de l'eau et des rencontres.

Les rencontres seront rares et ratifieront les observations antérieures d'un Jacques Lacarrière, aux prises avec la question : comment etre piéton dans un pays où
l'on ne marche quasiment plus ?
Où l'on n'ose plus prendre son temps de crainte de le perdre.
Le fleuve est pour lui un personnage réel et qu'il décrit en tant que tel tout en prenant son temps, s'arretant quand il le faut, ou quand il le décide.
Il y a aussi les rencontres avec d'autres passionnés ou une halte chez les riverains
et des arrets champagne.
Forcément, c'est le pays.
L'auteur y fait preuve d'érudition mais sans lourdeur. Le style est précis et alerte.
A vous de juger.
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Message par animal Mer 24 Juil - 20:46

tu crois que ça marche pour un panda ?

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Message par bix_229 Mer 24 Juil - 20:53

animal a écrit:tu crois que ça marche pour un panda ?
Pourquoi pas si tu aimes marcher. Il n'y a pas que la Loire. On apprend plein de trucs en plus.
Il conte bien Kauffmann.
Mon préféré pour l'instant c'est La Maison du retour, là c'est du coté des Landes et on y boit mal
de crus bordelais.
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Message par Invité Mer 21 Aoû - 21:48

La maison du retour :

Jean-Paul Kauffmann Kauffm11

Voilà un auteur que j'ai lu à cause de ce fil découvert au mois de Juillet. Je connaissais l'homme me rappelant le compte des jours de détention, quotidiennement, quand j'étais plus jeune mais l'écrivain, j'étais passée sans le voir.
J'ai emprunté le titre disponible à la bibliothèque et c'était celui-ci.


Après son retour du Liban, plus rien des sa vie ne peut ou ne doit reprendre le cours à l'identique de "l'avant". Il décide d'acheter une maison, dans une "nouvelle" région et c'est, en fait , une rencontre qu'il va faire. Lui, l'homme au passé détruit va tomber sous le charme d'une maison au passé trouble, que personne ne voulait habiter et qui l'attendait, on pourrait presque le penser.

Et c'est le partage d'un retour à la vie, celui d'une maison maudite et celui d'un être qui décide de camper au milieu des travaux et qui restaure son âme au rythme de l'embellissement de la bâtisse. Les murs et le jardins lui permettent de se réadapter au quotidien, tout comme le livre, trouvé, abandonné là, qui le fait s'interroger sur la force de la lecture dans une vie.

Les pages sur la nature sont très belles, très "observatrices", il parle très bien des arbres et des animaux, et eux, à leur façon, vont lui faire reprendre la cadence des saisons.



J'ai vraiment beaucoup aimé, c'est plein d'érudition qu'il partage simplement, et on ne peut être qu'admiratif devant la force de caractère qui l'habite.

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Message par Tristram Ven 28 Avr - 12:55

Remonter la Marne

Jean-Paul Kauffmann Remont10

Voyage pédestre solitaire, d’abord dans la région parisienne au départ de Charenton, puis en suivant le chemin de halage.
Outre celles à l’Histoire (et tout particulièrement les guerres), les évocations littéraires sont fréquentes, notamment de Francis Ponge, et Bachelard.
« Bossuet fait preuve d’une efficacité sans égale, mais il aimait aussi bousculer les mots. Le bousculé, c’est peut-être cela, l’idéal. Une certaine imperfection, en tout cas de négligé – pas de négligence – que Jacques Rivière a parfaitement défini : « Je ne sais quoi de dédaigneux de ses aises, d’à moitié campé, de précaire et de profond, l’incommodité des situations extrêmes. Un esprit toujours en avant et au danger. » Un modèle comme Saint-Simon commet lui aussi nombre d’incorrections et n’hésite pas à malmener la langue. Ce côté risqué, inconfortable, est ce qui convient le mieux au français. Quelque chose d’expéditif, de dégagé dans la tenue. Une forme de desserrement, venu sans peine. Pour moi, le comble de l’élégance. La grâce. Cependant, il ne faut pas que cela se voie. »
« Dans cette progression, l’imprévu se voit de loin. Une barque, un promeneur, une chapelle, on a le temps de s’y habituer. La marche annonce longtemps à l’avance le moindre changement. La vie du promeneur fluvial ne connaît pas de hauts ni de bas, elle suit la platitude moelleuse et l’uniformité du cours d’eau, sa pondération un peu ennuyeuse. Ce dispositif assure le pilotage automatique du marcheur. Le long de la berge, pas besoin de réfléchir, il suffit d’accompagner le flux. Pas de carte à consulter, pas d’inscriptions à déchiffrer, casse-tête de la randonnée. Cette déambulation quasi somnambulique est reposante, elle permet de s’absorber spacieusement dans ses pensées sans perdre de vue la rivière.
L’eau exhale un parfum de feuilles mortes, d’infusion à froid, cette empreinte entêtante d’eau verte et terreuse, bouffées mouillées que ramène inlassablement le vent dans mes narines. Cette haleine de liquide bourbeux rappelle la canalisation d’eau suintante, une sensation de rouillé, de renfermé, paradoxalement rafraîchissante. Si c’était un son, ce serait une basse continue. Sentiment de bien-être légèrement litanique, perception de déjà-senti. Dans ce déroulé monotone, l’olfaction est le sens le plus sollicité. »
Les impressions olfactives sont effectivement prépondérantes dans tout le récit.
Un temps, Kauffmann chemine avec son ami Milan (en qui il faut vraisemblablement reconnaître le photographe Gérard Rondeau, auteur de La Grande Rivière Marne), en Champagne (champagne et jansénisme).
« La voiture, qui permet d’accéder promptement au cœur d’un village, ne met en mouvement que le cerveau ; manqueront toujours le toucher, le contact physique, cette friction de la plante des pieds et du talon avec le sol, sans lesquels l’expérience de la vie immédiate est incomplète. Les orteils palpant la surface de la croûte terrestre nous renseignent mieux que la tête sur la consistance des choses.
Le sac à dos modifie le regard d’autrui. Autrefois, le chemineau était perçu comme un vagabond. Aujourd’hui, le randonneur est considéré comme appartenant à une espèce à part, impossible à classer. Il cache une autre vie. Que fait-il quand il ne marche pas ? Il n’est pas socialement identifiable. L’anorak, le bâton, l’équipement, qui tiennent lieu d’uniforme, font l’effet d’un camouflage. »
Kauffmann tourne autour de la notion de décadence, qu’il réfute ; il préfère celle de changement d’époque dans « l’angoisse générale » de la mondialisation et de déclin rural, tout en étant accablé de cette désolation, à laquelle résistent quelques « conjurateurs ».
« Chaque époque a la vanité de croire que ses interrogations sont absolument inédites et capitales. Ainsi, nous pensons actuellement que nous avons atteint un point de non-retour. Rien ne sera plus comme avant, nous assistons à des bouleversements comparables, paraît-il, à l’imprimerie, à la révolution copernicienne, alors que tout est conforme, rétréci, joué. Cette fin est consommée depuis longtemps. Il n’y a pas de quoi en faire un drame. Ce n’est ni un dépérissement ni une décadence, encore moins une agonie ou un épuisement. Simplement un accomplissement. Une saison se termine, une autre commence. »

« Plus que les signes de déliquescence dont on nous rebat les oreilles – Braudel, en 1981, s’élevait déjà contre le concept de décadence –, c’est l’état de vacance, un abandon mal camouflé, un renoncement qui se manifestent ce soir dans ce restaurant. »
Kauffmann s’intéresse d’ailleurs beaucoup au vocabulaire, usant de « patapharesque » et s’attardant sur un terme comme « rambleur » (lueur nocturne reflétant dans le ciel un incendie ou l'éclairage d'une ville ; Kauffmann semble en avoir une définition légèrement différente)…
Et bien sûr la rivière, ses méandres, ses noues, surtout observée lors d’une descente, embarqué avec le Maître des Eaux, de la Compagnie des rivières et des surfaces fluviatiles.
« Avant Cloyes, arrêt près de l’entrée d’une noue, monde mystérieux aux eaux calmes contrastant avec le bras vif sur lequel nous descendons à toute allure. Fraîcheur, troncs tordus, végétation luxuriante, vol d’insectes. Royaume du silence, mais cette intimité grouille d’une vie qui rumine, nichée dans les souches et les arbres morts, enfouie dans la vase et l’eau dormante. Des plantes rares comme l’utriculaire, fleur carnivore, se sont acclimatées à ce milieu.
Percées du soleil dans la caverne végétale, jeux de lumière sur l’eau immobile et épaisse, projection crue, acérée comme une perforation. Les taches étincelantes au contour net deviennent blanches par opposition au noir de la galerie et de l’eau. Odeur intense de champignonnière, règne du spongieux et du croupi. La décomposition embaume violemment. Un parfum sombre de souterrain, d’humus trempé. »

\Mots-clés : #historique #merlacriviere #mondialisation #nature #ruralité #voyage

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Message par Bédoulène Ven 28 Avr - 14:50

j'irai un jour marcher dans ce livre, merci Tristram

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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