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Message par Armor Lun 19 Déc 2016 - 21:51

Joydeep Roy-Bhattacharya

Joydeep ROY-BHATTACHARYA Timthu10

Joydeep Roy-Bhattacharya est né à Jamshedpur, en Inde. Il entreprend des études de politique et de philosophie à l'université de Calcutta, puis en Pennsylvanie.
Il a effectué plusieurs voyages en Asie, en Afrique et en Europe. Son premier roman, The Gabriel Club, a pour cadre Vienne et Budapest.

Joydeep Roy-Bhattacharya vit actuellement à New-York en compagnie de ses sept chats. Il se consacre entièrement à l'écriture.
source : http://joydeeproybhattacharya.com

Ouvrages traduits en français :

Le club gabriel
Une Antigone à Kandahar


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Message par Armor Lun 19 Déc 2016 - 22:02

Joydeep ROY-BHATTACHARYA Produc11

Une Antigone à Kandahar

Un avant-poste, quelque part en Afghanistan. Et des soldats américains sur le qui-vive, après des affrontements qui ont vu tomber plusieurs des leurs. La chaleur étouffante, la crasse, le manque de sommeil, la douleur de la perte, et les nerfs à fleur de peau… Les réminiscences d'une vie de famille qui soutient, ou qui détruit quand soudain elle s'effondre sans qu'on puisse retenir la femme aimée qui s'éloigne à jamais…  
Ce quotidien âpre, l'auteur nous le fait toucher du doigt à travers le vécu de quelques uns de ces hommes. Un fragile équilibre soudain mis à mal quand apparaît une silhouette, toute branlante sur une petite charrette. Une femme, seule, qui réclame le corps d'un frère mort pour l'enterrer dignement. Corps qu'on lui refuse car le haut commandement a décidé de l'exhiber comme "preuve" à la télévision.
Mais la femme s'obstine, refuse de partir, et reste là, sous le soleil implacable, à la porte du fort militaire. Une Antigone face à Créon.

Au début, au tout début, je me suis dit que l'auteur en faisait trop, avec son Antigone aux moignons ensanglantés. Cela ne suffisait-il pas qu'elle ait vu sa famille décimée lors de l'attaque aveugle d'un drone, fallait-il aussi l'handicaper à jamais et oser certaines références appuyées à Sophocle ? Oui, j'ai un temps pensé que Joydeep Roy-Bhattacharya allait jouer sur la corde sensible et me perdre. Sauf que ce livre n'est que pudeur, intelligence et sensibilité.

Face à la cruelle réalité du terrain, les soldats tiennent par la certitude qu'ils ont de mener une guerre "juste", d'être le symbole d'une société progressiste et le dernier rempart contre la barbarie. Pour ne pas flancher, ils ont déshumanisé chaque jour un peu plus l'adversaire.
L'attitude d'Antigone, si digne, ne peut que fissurer la barrière mentale soigneusement érigée. Comment, alors, ignorer encore la légitimité de ses sentiments ?  Est-il juste de lui refuser une réclamation qui serait aussi la nôtre ? Est-il décent de la laisser cuire en plein soleil sous prétexte que de l'avis du chef, elle pourrait n'être qu'un leurre, un appât à la solde des Talibans ?

Les doutes, qui étaient sous-jacents, s'expriment désormais au grand jour. Et si les soldats étaient tentés de les faire taire, la petite silhouette sur sa charrette, à elle seule, se chargerait de les leur rappeler ; elle est le symbole des mensonges et des faux-semblants d'un gouvernement américain qui prétend protéger les civils, mais dont les bombes tuent et mutilent chaque jour des innocents… Un gouvernement qui prétend apporter la justice, et qui pactise avec son homologue corrompu.

Nous n'avons pas fini de nous interroger sur la guerre, et tout ne sera jamais dit sur le sujet. Au fond, tous ces hommes, qu'il s'agisse des américains, de leur interprète ou de leurs adversaires pachtouns _ je ne parle pas ici des talibans_, sont là pour une même motivation : venger la mort de leurs proches innocents. C'est en cela que leur humanité les rapproche, et pourtant les sépare à jamais dans deux camps irréconciliables.
Nous aurons toujours besoin de livres pour nous rappeler combien certaines sociétés asservissent les femmes et prônent l'obscurantisme. Mais nous aurons aussi besoin de livres pour interroger l'arrogance d'une culture qui arrive en conquérante imposer sa loi, avec une ignorance crasse et un mépris des coutumes du pays conquis qui entraînent les pires erreurs d'interprétation. Et perpétuent par là-même, encore et toujours, le cycle infernal de la violence…
Une lecture qui interroge, et qui marque pour longtemps...

« C'est la spirale ancestrale de l'attaque et de la riposte.
La seule différence entre eux et nous – et elle est d'importance – c'est que nous sommes des visiteurs. Notre place n'est pas ici ; nous ne sommes pas enfermés dans l'histoire locale, cette piteuse chronique d'échecs, cet avenir incertain. Cela rend d'autant plus essentiel que nous fassions ce que nous sommes venus faire, que nous le fassions vite et que nous partions. Que nous partions avant d'être aspiré dans ce cycle d'échecs et de violence. Que nous partions avant de n'être qu'une tribu vaincue de plus. »


(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #terrorisme #guerre


Dernière édition par Armor le Mar 8 Aoû 2017 - 21:56, édité 2 fois
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Message par shanidar Mar 20 Déc 2016 - 11:44

Merci pour l'ouverture de ce fil, Armor et pour ces mots :

Armor a écrit:Nous aurons toujours besoin de livres pour nous rappeler combien certaines sociétés asservissent les femmes et prônent l'obscurantisme. Mais nous aurons aussi besoin de livres pour interroger l'arrogance d'une culture qui arrive en conquérante imposer sa loi, avec une ignorance crasse et un mépris des coutumes du pays conquis qui entraînent les pires erreurs d'interprétation. Et perpétuent par là-même, encore et toujours, le cycle infernal de la violence…
Une lecture qui interroge, et qui marque pour longtemps...

Ce livre est sans doute mon grand coup de cœur de l'année. Une épreuve et un don. Une musique aussi, celle que joue dans la nuit cette femme esseulée et qui séduit (telle la lyre d'Orphée inversée) les soldats américains. Je me souviens de ce livre avec infiniment d'émotion et les détails qui resurgissent et qui font mal sont emprunts d'une réflexion nécessaire, humaine, fiévreuse et intense.
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Message par topocl Mar 20 Déc 2016 - 12:58

Pour moi aussi , ça a été un livre très fort. J'ai eu la chance de le voir à l'étalage de ma librairie récemment et je vais donc l'offrir à ma nièce pour Noël (elle a bien de la chance, cette petite!)


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Une Antigone à Kandahar


C'est un camp américain en Afghanistan, pas loin de la frontière avec le Pakistan. Perdu das une  zone désertique encadrée de montagnes abruptes, paysage fascinant par sa beauté et sa sauvagerie. La Compagnie A y a subi, lors d'une tempête de sable, un assaut foudroyant des rebelles. Les hommes sont à cran , pleurent leurs morts, pansent leurs plaies. C'est là qu’apparaît, petit point à l'horizon, une femme en burqa,propulsant son fauteuil roulant, qui leur intime de lui rendre le corps de son frère, qu’elle se doit d' enterrer selon le rite.

Cette manifestation de l'humain au sein d'une guerre implacable va tous les déstabiliser, du simple soldat au capitaine, en passant par le Doc et l'interprète afghan. Les consciences se mettent à l'œuvre, les langues se délient :les rêves , les souvenirs, ceux qui les attendent au pays - ou ne les attendent plus- , les motifs de leur engagement, leurs espoirs et désespoirs. Tous ces jeunes gens,  va t'en guerre ou plein de  doutes, rustres ou intellectuels, durs ou incertains, regroupent leurs voix pour un récit  qui nous fait partager 48 heures de la vie du camp,  48 heures de remise en question , de rébellion grondante pour ces jeunes gens dont les repères faciles volent en éclat.

Très beau texte plein d'intelligence , Une Antigone à Kandahar nous parle dans une subtilité parfois déroutante de ces jeunes « héros » saisis par le doute..  Aucun  n'a la vérité – vérité qui n'existe pas quand on parle de mort et de devoir. La chronologie fait de curieux allers-retours. Chaque chapitre donne la parole à l'un des protagonistes, qui fait avancer le récit et révèle des facettes nouvelles de l'histoire déroulée. On passe insensiblement, surpris à chaque fois,  de la réalité aux rêves ou aspirations des soldats. Malgré cette sophistication, le récit  ne paraît jamais artificiel, c'est l'émotion qui domine, puissante, terrible. Le cœur se serre pour la petite Antigone voilée aux membres amputés, mais aussi  pour ces enfants , les brutes comme les doux, qui, partis à l'aventure, se confrontent à eux-mêmes et à l'absurdité d'une guerre qu'ils ont crue juste.

(commentaire récupéré)

Ca vous fait pas envie, tout ça?

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Message par shanidar Jeu 29 Déc 2016 - 15:59

J'ajoute ma petite pierre parce qu'il faut vraiment lire ce livre.

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Une Antigone à Kandahar

Je rejoins complètement  Armor et topocl : le livre de Roy-Bhattacharya est un livre qui marque, qui accompagne, qui reste en tête longtemps, qui s'inscrit dans une durée, qui n'est pas seulement un énième livre sur la guerre mais une invitation intelligente à réfléchir sur l'engagement.

En passant par le prisme de la tragédie, en réactualisant le mythe, en réinjectant du sens à la guerre moderne, Roy-Bhattacharya prouve au lecteur que l'on peut encore écrire de grands livres sur la guerre, que le sujet ne s'épuise pas, qu'il peut encore être à la fois révélateur et questionnement.

C'est avec une infinie subtilité que Roy-Bhattacharya s'empare à la fois de la figure archi-connue d'Antigone et celle, forcément problématique, de la guerre en Afghanistan. Sans jamais se perdre dans la facilité d'un jugement à l'emporte-pièces, l'auteur parvient, avec justesse, avec nuance, avec même une sorte de tendresse pour tous, à dépasser la problématique de la Vérité pour ouvrir son récit à bien d'autres fantômes. Car il n'est pas question ici de dénoncer un coupable, de désigner une victime, de dire qui a raison et qui a tort, la vérité n'appartient à aucun des camps en présence puisque toutes les justifications pour faire la guerre (sauver la planète, combattre le terrorisme, protéger des populations, se venger, échapper à sa banlieue pourrie, à la drogue, à la misère, pour être un héros, pour devenir un homme…) ; toutes ces raisons s'épuisent face à cette réalité : aucune mort ne peut être comprise (ni celle de Youssouf, le frère de notre Antigone ; ni celles des soldats, des compagnons de route, des frères d'armes…). Aucune.

Alors ?

Alors, que reste-t-il à raconter une fois que l'on a affirmé l'insanité de la mort (civile ou militaire peu importe) ? Si aucune justification n'est assez bonne pour accepter la mort de l'autre, de quoi parle-t-on encore ?

Du pouvoir. Car si la Vérité n'existe pas, si la raison a fui, si la justice n'a plus cours, il reste la question du pouvoir : le pouvoir des armes, des soldats, du capitaine, le pouvoir des femmes lointaines qui veulent rompre et rendent tellement triste qu'on devient fou ou suicidaire, et le pouvoir de cette femme seule, toute proche, habillée d'une burqa qui cache peut-être des explosifs, le pouvoir de la voix des morts qui reviennent parler aux vivants, le pouvoir du sommeil qui ne vient pas, des nuits froides et ensablées, du soleil irradiant dès son lever, du désert, le pouvoir de la peur, le pouvoir des livres (et si le capitaine avait lu Sophocle il aurait su qu'on n'envoie pas une Antigone en Allemagne pour lui mettre des prothèses et en faire une image de propagande, on la tue), le pouvoir du rabab dans la nuit qui est capable de rassembler les hommes, de faire flancher les cœurs et d'effrayer ce capitaine parce que la musique amollit l'âme...  

Ce n'est pas un livre sur la guerre que nous lisons, c'est bien plus que cela , une aimantation vers le vivant, un chant de mort et d'hommages, un livre qui dénude toutes les formes de résistance et qui sue nos peurs, exsude nos différences, affiche nos incompatibilités, défriche les terres désertiques de pays pour lesquels on se bat, sans savoir, sans connaître, sans aimer. Un livre qui tout en retraçant les vécus de chacun dessine aussi le visage changeant d'un pays intouchable, d'un terre pleine de mirages, d'une tragédie d'aujourd'hui.

Puissant.
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Message par topocl Jeu 29 Déc 2016 - 16:36

shanidar a écrit:J'ajoute ma petite pierre parce qu'il faut vraiment lire ce livre.


Oui!!! A qui le tour?

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Message par animal Jeu 29 Déc 2016 - 22:56

(je vais essayer de penser à garder un œil ouvert si je passe à côté).

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