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Andrzej Stasiuk

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Message par bix_229 Dim 1 Jan 2017 - 14:49

Andrzej Stasiuk
Né en 1960


lieu - Andrzej Stasiuk Stasiu10

Andrzej Stasiuk est né en 1960 à Varsovie, Militant pacifiste, il travaille par la suite pour des journaux clandestins au temps de Solidarité, et quitte Varsovie en 1987 pour s’établir dans un petit village à l’extrême sud de la Pologne. Romancier, essayiste, poète et auteur dramatique, il s’est fait le chantre des confins européens les plus reculés qu’il oppose à la civilisation occidentale. En français ont paru chez Christian Bourgois : Dukla (2003), Contes de Galicie (2004) et Sur la route de Babadag (2007), et aux Éditions Noir sur Blanc : l’essai « journal de bord » (dans Mon Europe, 2004) et le recueil de nouvelles L’Hiver (2006).
source : éditions Noir sur Blanc

Ouvrages traduits en français :

Par le fleuve
Dukla : Page 1, 2
Contes de Galicie : Page 1, 2
Mon Europe (avec Iouri Androukhovitch)
Sur la route de Babadag
L’Hiver : Page 1, 3
Le Corbeau blanc
Les barbares sont arrivés
Fado
Neuf : Page 2
Mon Allemagne : Page 1
Taksim : Page 1
Pourquoi je suis devenu écrivain - roman picaresque
Un vague sentiment de perte : Page 1
Les murs d'Hébron (Mury Hebronu) : Page 1
Mon bourricot : Page 2, 3

màj le 03/11/2021


Dernière édition par bix_229 le Dim 1 Jan 2017 - 14:56, édité 1 fois
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Message par bix_229 Dim 1 Jan 2017 - 14:51

lieu - Andrzej Stasiuk Allema10

MON ALLEMAGNE


Il y a des écrivains voyageurs et Stasiuk est du nombre. Et en plus -il ne le cache pas- il est pochtron. L'un des meilleurs écrivains pochtrons d' Europe.
Boit-il pour écrire ? Ecrit-il pour boire ? Les deux, sans doute.
Ce livre est une sorte de florilège stasiukien. Et pour ceux qui ne le connaissent pas encore, une bonne introduction à son oeuvre. Le style de Stasiuk peut paraitre relaché, mais il est tout le contraire. Incisif, vivant, imagé et drôle.
Très drôle!

L'impression qu'on a -que j'ai- quand on lit ce livre, c'est que Stasiuk est un ours mal léché et mal embouché, mais bougrement intéressant !
Ce qu'il pense de l'Allemagne et des allemands, il me semble que lui seul pouvait le penser et l'écrire ainsi…
Parce que l' Allemagne - et les allemands- sont pour lui une sorte de névrose obsessionnelle qu'il ne peut traiter qu'en la visitant souvent. En fréquentant des gares, des cafés, des squares, des hôtels pourris. Avec, toujours à portée, une bouteille de Jim Beam ou à défaut, de Johnnie Walker, étiquette verte.
Ainsi imbibé, il peut voir, écouter, enregistrer, puis écrire en toute lucidité..

J'ai l'impression que Stasiuk a su rapidement que la vie était une maladie mortelle. Et que, tant qu'à faire, mieux valait mourir ivre que périr d'ennui.
Mais que son ivresse est donc plaisante !

Ce qui me le rend sympathique  aussi, c'est qu'il guette en permanence chez chacun l'attitude, le geste humain et désarmé... Qui traduiront manifestement plus qu'autre chose la liberté, l'égalité, la fraternité et l'harmonie universelle.
Et apparemment, rien de ce qui est humain ne lui est étranger !

Message récupéré


mots-clés : #voyage
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Message par Bédoulène Dim 1 Jan 2017 - 15:02

lieu - Andrzej Stasiuk Stasiu10

Taksim

Les deux héros du récit sillonnent les anciens pays du bloc soviétique, avec un camion Italien déglingué, qui leur permet de vendre leur fripes pour vivre, attendant toujours le bon coup qui les sortirait de la pauvreté. Mais si Wladeck est habile à parler, à convaincre, il ne fait pas toujours les bons choix. Lorsqu'il tombe amoureux de la vendeuse de billets d'une foire, même si la démarche est honorable, pour la délivrer de son patron, il met le duo en danger. Pawel et un autre compère font preuve d' une grande amitié envers Wladeck car à son appel ils accourent et traversent plusieurs pays, toujours avec le camion mourant sur une distance de 1500 kms, jusqu'à Taksim en Turquie.

L'atmosphère des villages est sordide, les vestiges douloureux de l'occupation, voire de la guerre hantent les lieux, les habitants se sentent abandonnés, la situation paraît figée, sans espoir, les plus "malins" profitent, se conduisent de façon inhumaine parfois.

Les descriptions sont très réalistes, la société de consommation s'installe dans les villes, mais c'est encore un changement à absorber, et la digestion de l'époque précédente est lente. De plus tous les pays délivrés de l'emprise soviétiques ne se comprennent pas et les rapports sont souvent conflictuels entre eux.

J'envisage une prochaine rencontre pour confirmer mon agréable impression de cet auteur.

(message rapatrié)

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Message par Hanta Dim 1 Jan 2017 - 16:05

Contes de Galicie

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Une plume magnifique ! C'est ce que je retiens en premier de ce livre et de cet auteur. Un vocabulaire riche et une manière de nous décrire les personnages qui nous facilitent grandement l'imagination. On lit sans effort de transposition, sans effort de compréhension, tout est simple et riche. Il semble si facile d'écrire quand on lit Stasiuk. Et pourtant. le sujet n'est pas nécessairement attirant de prime abord, dresser le portrait chapitre après chapitre de paysans polonais. Mais c'est fait avec une telle précision que l'on accroche de suite. Tout s'emballe quand l'histoire prend un virage «fantastique» avec un fantôme errant dans l'histoire de chaque personne qu'il côtoyait et en qui il garde une rancoeur tenace. Une fin surprenante et nous avons un livre très réussi, frustrant par sa concision, marquant par le talent de l'auteur et la précision du récit, la saveur des dialogues rythmés et utilisés à bon escient. À découvrir vivement.


mots-clés : #fantastique
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Message par bix_229 Dim 1 Jan 2017 - 16:37

Actuellement introuvable! Les éditeurs devraient penser à rééditer leurs livres. Surtout quand ils ont du succès.
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Message par ArenSor Dim 1 Jan 2017 - 17:59

Totalement subjugué par les Contes de Galicie. Récits d'êtres improbables dans des lieux qui ne le sont pas moins, au bout du bout du monde. L'écriture est splendide, poétique, avec des images fortes et souvent inattendues. J'ai pensé bien sûr au Vies minuscules de Pierre Michon, chez qui on retrouve ce mélange de traits vifs sans complaisance pour caractériser des existences de peu, souvent pathétiques et néanmoins perçues avec une grande tendresse. Chez Stasiuk, il y a toutefois la présence constante d'un fantastique et d'un au-delà incertain qui rôde aux alentours. Méfions-nous, dans ce milieu dévoré par l'ennui, les passions violentes peuvent se déchaîner. J'ai l'impression d'avoir découvert un grand écrivain et j'ai hâte de lire d'autres ouvrages de lui.

(message récupéré)
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Message par bix_229 Mer 4 Jan 2017 - 14:24

 

lieu - Andrzej Stasiuk L_hive10

L'hiver

Le pauvre village de Pologne orientale que Stasiuk nous décrit semble loin des hommes et du temps. Ou alors figé dans un présent qui s' étire sans fin.
Les hommes y déambulent comme des automates, mus par la fatalité des habitudes plus que par une véritable nécessité. Tel ce marchand de fripes qui va acheter des vêtements vendus au poids et déjà usagés pour les revendre à des improbables acheteurs.
Ces fripes viennent de grandes villes occidentales et c'est leur unique et triste gloire. Vendre ou pas semble au marchand ambulant pareillement égal.

Stasiuk nous montre avec une force et une densité incroyables, un lieu en déshérence où la misère post industrielle fait surgir des objets toujours plus nouveaux, rapidement obsolètes. Sans grande utilité, même provisoire. Et qui deviennent rapidement déchets qui envahissent terres et mers, pour meubler la solitude.
Alors que les objets d'antan étaient rares, nécessaires et duraient toute une vie, ils ont à présent disparu. Ou s'entassent ici et là. Tristes épaves d'une autre vie.

«Alors qu’à notre époque, il ne reste rien, disparu, évanoui et personne ne sait où c’est passé. C’est comme soufflé par le vent. Tout ne sert qu’une fois, comme les robes de mariée ou de baptême, et personne ne s’en inquiète ni ne le pleure, même quand sa famille est nombreuse, et c’est le cas une fois sur deux par chez nous, et que chez lui y a qu’un repas chaud par jour, et que les pantalons sont rapiécés d’une génération sur l’autre. C’est comme si les choses existaient par elles-mêmes et nous faisaient la grâce de se laisser utiliser, tout à leur brève existence sur cette terre. Les hommes ne font que traîner parmi elles et les déranger. Autrefois ça avait de l’allure !»


Telle est la réalité à laquelle s'attache l'auteur. Et il a le don de la dire avec une force poétique d'une grande beauté.


lieu - Andrzej Stasiuk Kamil10




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Message par tom léo Jeu 2 Mar 2017 - 13:23

lieu - Andrzej Stasiuk 51n5jb10

Dukla


Original : Dukla (polonais, 1997)

CONTENU:
Présentation de l'éditeur a écrit:Dukla est une petite ville au sud de la Pologne à la limite des Carpates, proche de la frontière avec la Slovaquie. La place du marché concentre tout le vide du monde et le vent souffle directement de l'Alaska et de la Sibérie. Dukla, avec ses murs croulants, le château du duc von Brühl, ses deux églises baroques et sa synagogue incendiée, exerce un pouvoir magique sur le narrateur, qui y retourne toujours comme s'il y était forcé. Plus le narrateur essaie d'expliquer les raisons de cette fascination et plus il s'approche de "l'autre côté du temps et de la réalité". De manière subtile, Dukla amène le narrateur à s'interroger sur sa vie actuelle. Le monde, tel qu’il est décrit, apparaît comme une succession d’images qui, captées par la rétine, se gravent sur la pellicule sensible de la mémoire. Ces images sont comme des plaques photographiques : on peut les superposer, mais l’image qui en résultera n’aura gagné ni en netteté ni en profondeur de champs. Sa tentative de dépeindre l'esprit du lieu, d'arracher à la matière sa mémoire, fait de cette quête une aventure poétique à haut risque.

QUELQUES REMARQUES :
Stasiuk annonce dès le début qu’ »il n’y aura dans ce roman ni action ni histoire » - et c’est ainsi ! Dans une grande partie de ce livre on trouve des approches de ce village de Dukla, faits en différentes saisons de l’année, en différents moments de la journée par divers angles et sous des lumières toujours changeantes. Et il le dit « la seule chose qui vaut la peine d’être décrite c’est la lumière sous toutes ses formes et son éternité ». Il y entremêle des fragments, des souvenirs d’un amour d’enfance, de ses grands-parents, de promenades, de la religiosité dans le village, d’un pèlerinage. Le tout raconté dans un langage très dense, poétique qui m’a fait peiner d’abord. Puis on y entre un peu, mais beaucoup de passages invite à les relire, à les remâcher intérieurement.
Dans un deuxième recueil de textes très courts on trouve des miniatures d’un ou deux passages sur des animaux et phénomènes de nature. Le tout très marqué par une grande proximité à la nature, mais aussi de la mort apparemment inhérente à tout.

Moi, j’y trouve les pensées et impressions d’un homme qui sent et vit fortement le passage de temps et se demande sur ce qui reste(ra). Peut-être il est l’homme moderne, marqué par la mort et qui a perdu une certaine confiance initiale tout en désirant, avec une certaine nostalgie, l’éternité et en restant très sensible aux impressions du monde? Dans une critique allemande je trouvais une citation de Stasiuk qui parlait d’un approche d’une mystique athée…
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Message par animal Jeu 2 Mar 2017 - 19:14

tom léo a écrit: avec une certaine nostalgie, l’éternité et en restant très sensible aux impressions du monde?
c'est l'image que j'en garde.

j'avais dû me trouver un peu paumé au début dans la structure du texte avant d'en ressortir la forte cohérence.

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Message par tom léo Sam 1 Juil 2017 - 2:48

lieu - Andrzej Stasiuk Allema10

Mon Allemagne

Juste encore quelques ajouts à la présentation de ce récit par Bix:

C'est alors qu'au cours des ans que Stasiuk va traverser l'Allemagne du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, en présentant ses livres, passant une nuit dans un hôtel et en continuant le voyage, presque toujours en train. Ce ne sont pas de récits de rencontres très personnelles et nombreuses avec des individus, mais plutôt une réflexion sur ce qu'il voit de son poste d'observateur. C'est un drôle de façon de raconter: une langue faussement laconique et superficielle, dont il dit - et de son point de vue - qu'elle est pleine de préjugées. Il saute sur une page d'une station à une autre, une apparente manque de cohésion, de linéarité. Comme s'il est attablé avec nous et raconte des choses.

Oui, il "ne comprend pas tel ou tel aspect" du (de mon) pays. Je vois venir la réaction de certains compatriotes qui se sentent une fois de plus mal compris ou mal aimés: cela peut provoquer des protestations, voir qu'on jette le livre dans un coin.

Mais à quel point fait il se méfier ici de ce ressenti? Faut-il prendre Stasiuk là au sérieux, le prendre au preier dégré? Si on y voit la satire pointer, cela changera notre regard. Et derrière cela on pressent le fossé encore existant (tant mieux?!) entre des différentes façons de vivre, de ressentir la réalité. Stasiuk se moque un peu de telle ou telle tendance à la propreté, à l'absence du rugueux, la volonté du lisse, de la forme abouti. Lui, venant de l'Est, âme slave, il est habitué et EST autrement. Donc, s'il y a une certaine forme d'analyse des Allemands, on pourrait dire aussi que ce livre nous dit beaucoup de l'âme slave, du vécu à l'Est de l'Europe.

Dans cette juxtaposition on comprendra mieux les difficultés des uns et des autres de s'accepter tel quels, ou le fait qu'il y a des malentendus etc. Ici c'est alors comme un complément de tant d'autres livres de l'auteur, où il voyage à l'Est: Fado, Les Contes de Galicie... , où on soupçonne, pressent une autre forme d'être présent au monde, une desinvolture, une acceptation du "chaos de la vie".
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Message par tom léo Mar 25 Juil 2017 - 17:43

lieu - Andrzej Stasiuk 51sqmf10

Mury Hebronu

Originale : Polonais, 1992 (pas encore traduit en français)

CONTENU :
Il s'agit bien ici du début littéraire de Stasiuk, de son premier livre en 1992, qui a connu un écho retentissant en Pologne, parlant de la vie en prison sous diverses angles. C'est avant tout la vie quotidienne violente en prison et en dehors qui y a mené, qui est au centre. Un regard sans aucune concession et d'une noirceur incroyable.

COMPOSITION/STRUCTURE :
On peut structurer les 12 chapitres en quatre (ou trois, c'est selon) unités :
Deux textes encadrant le tout, de 6 – 10 pages (je parle de mon édition allemande). Là il s'agit, selon moi, du texte le plus proche de l'expérience de Stasiuk lui-même. Au centre ici : la prison d'isolement. Le texte d'ouverture est écrit dans la première personne, le texte concluant dans la troisième personne, mais cela me semble clair qu'il s'agit de la même personne (Stasiuk) : Qu'est-ce qu'il a, qu'est-ce qu'il est – cette personne dans le dépouillement le plus totale, sans repère ? Qu'est-ce qu'il reste ? Qu'est-ce qui pourrait donner un semblant de structuration du temps, d'ordre et de maîtrise d'esprit – et alors la pratique de la marche à l'infini dans une cellule de quelques mètres. Comment le détenu est entre réalité et phantasie incontrôlable...
Neuf chapitres très courts (à peine deux pages) sur différents sujets de la détention commune en cellule commune:la violence des codétenus, des gardiens, l'abus (sexuel), le laisser-aller généralisé, les combats de boxe, des scènes de revanche marquent ces descriptions
Un récit nocturne très longue (plus que deux tiers du contenu total) d'un compagnon de cellule : un espèce de vita d'un homme sur la mauvaise pente, des expériences comme jeune demi-orphelin, premier séjour dans une institution d'éductaion jusqu'aux détention devenues la règle. Une vie entre liberté et prison qui se confond. Les élements mentionnés dans les petits chapitres trouvent ici une place dans le devenir d'une même personne.

REMARQUES :
Ici et là on trouve des variantes légèrement différents, mais il semble clair que Stasiuk lui-même avait été détenu dans des prisons militaires et civils, après avoir déserté de l'armée lors de son service, vers 1980.

Qui s'attend ici à une description plus ou moins enjolivant, réconciliant voir romantique de la vie en prison se détrompe toute de suite et soit averti dès le début : Il s'agit d'un texte (ou des textes) ultra-durs, violents, voir obscènes qui vont jusqu'à l'extrême du supportable (et au-délà). Donc certainement pas recommandable pour les cœurs sensibles !

La langue est directe et reflète, spécialement dans le récit, le monologue très long, le slang des détenus. Ce qui pourrait apparaître dans des récits objectifs sur des conditions de détention (p.ex. D'Amnesty etc) avec des mots neutres, voir des termini étrangers, trouvent ici une expression souvent obscènes, des descriptions sans concessions à l'étiquette : torture, abus sexuel, violence, sodomie, inceste... et j'en passe. Certes, il faut avouer que Stasiuk se montre maître dans ce registre : cela a un « naturel » d'un autre ordre qui fait frémir. Les deux chapitres du début et de la fin pourraient apparaître comme étant encore plus reflexifs, maîtrisés, voir poètiques à leur façons.

Même pour le lecteur très attentifs il y a à peine des lumières à l'horizon. Il y avaient deux descriptions de personnages qui étaient jugés dans le récit du compagnon de cellule comme des figures de lumière. Là, et aussi dans une certaine entente entre détenus d'un certain calibre, on trouve une solidarité sur un niveau assez violents, mais qui compte.

Mais comment – comme une personne comme Stasiuk – pas se casser dans la détention d'isolement ? Stasiuk ne se met pas au dessus des autres, se décrit dans certains passages comme étant aussi atteint de la crasse, le laisser-aller... Néanmoins cela lutte en lui : la conviction qu'il ne faut pas avouer qu'on lui a volé le tout, car ne devrait pas rester quelque chose d'essentiel ? Qu'est-ce qu'il emporte dans sa cellule ? Et puis quand même, une pauvreté, le glissement vers l'irréalité, les phantasies. Au bout du chemin – des phantasmes ? Des illusions ? - va-t-on voir de loin ou de plus proche les « murs d'Hébron », lieu de refuge pour tout malfaiteur, lieu d'espérance, de répos  (Voir ce passage biblique très curieux et intéressant:  http://web.archive.org/web/20031204123524/http://www.tradere.org/biblio/tob/josue.htm ) ?

Donc, avec un grand avertissement devant des scènes très crues et violentes, ce livre vous laisse en silence.


mots-clés : #criminalite
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Message par Bédoulène Mer 26 Juil 2017 - 2:46

merci Tom Léo !

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Message par Invité Mer 4 Oct 2017 - 16:34

lieu - Andrzej Stasiuk Stasiu11

Un vague sentiment de perte

Un petit livre , moins d'une centaine de pages, et qui regroupe quatre nouvelles ayant toutes le point commun de parler de la mort : celle qui est déjà passée, celle que l'on sait venir, celle qu'on refuse de reconnaître.

La première nouvelle "raconte" la grand-mère de l'écrivain et sa vie partagée avec les esprits de ceux qui sont partis : c'est presque un conte.
La dernière est plus longue , la moitié du livre , et donne la possibilité au narrateur de se souvenir du passé et d'évoquer une manière de vivre qu'il a souhaité quitter et qu'il évoque cependant avec une certaine nostalgie, que des paysages autrefois familiers maintes fois observés.

Il y a aussi l'évocation d'une chienne âgée qui qui permet de poser de nombreuses questions concernant la fin d'une vie.


Pour autant,même si la tristesse nous habite, une fois la dernière page tournée, il reste également l'émotion de ces moments partagés et de ces réflexions qui sont aussi nôtres!

Une très belle rencontre avec un auteur. Aux dires de la personne qui m'a conseillé ce livre, il est différent de ses autres écrits par sa mélancolie.

Mots-clés : #mort #nouvelle

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Message par bix_229 Mer 4 Oct 2017 - 19:26

Je confirme, Kashmir, Stasiuk, en toutes circonstances, est plutot tonique.
Mais c' est peut etre en pariie pour masquer ses émotions.
En tout cas, tu te prépares à d' autres plaisirs de lecture.
Dommage que Les Contes de Galicie ne soient pas réédités.
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Message par Marie Jeu 5 Oct 2017 - 9:44

L'hiver

lieu - Andrzej Stasiuk 41rsc710

traduit du polonais par Maryla Laurent
Editions Noir sur Blanc

Illustrations Kamil Targosz

Je voudrais toujours commencer mes récits ainsi, par les corps et les choses, parce que je manque de foi pour les ressusciter. A supposer que la résurrection des corps advienne, que feront ces corps sans le reste, sans tout ce qui constitue leur monde? Comment se retrouveront-ils dans l'espace, si tant est que celui-ci soit? Que feront-ils sans leur chien, leur maison, et sans les variations de temps? Cette angoisse me saisit chaque fois que je parviens à croire que quelqu'un me reconstituera un jour, qu'il me remettra sur pied, qu'il me donnera une tape dans le dos et me dira: " Allez, va!" Ne demanderai-je pas alors: " Aller où? Comment? A quelle fin?" Devant moi, n'y aura-t-il pas très certainement qu'un vide parfait inscrit dans l'éternité?
Cette angoisse veut que je sois obsédé par les choses et les évènements, les énumérations, les détails dénués de valeur. J'aime savoir le nom de chaque objet. Elle fait aussi qu'aux régions dans l'opulence, je préfère celles plus pauvres où les objets possèdent une vraie valeur, où, probablement, les gens les aiment ne serait ce qu'un peu parce qu'ils n'en possèdent pas d'autres...

Par une nuit silencieuse comme celle -ci, on entend vieillir le monde..


Court extrait, pour la beauté de l'écriture, de la dernière nouvelle qui donne son titre au recueil, L'hiver. La neige tombe et enveloppe tout dans ce petit village polonais qui va s'immobiliser, presque comme autrefois:

Toute piste à peine tracée disparait, toute nouvelle personne qui s'aventure au dehors semble être la première à sortir. La peur s'installe dans les coeurs parce que, au bout du compte, l'histoire de l'humanité est celle de notre victoire sur la solitude. Par la fenêtre, aussi longtemps que les congères n'atteignent pas la gouttière, on peut voir les progrès de l'enneigement. Il est aisé d'imaginer qu'autrefois, par un temps pareil, les gens comptaient les allumettes restantes, scrutaient les bouteilles dont le niveau baissait, les sacs dont la maigreur s'emparait, la réserve de bois sec dont la pile descendait. Un couloir tracé jusqu'à l'écurie, un autre jusqu'au puits et puis c'était tout. La fin du monde et le temps qui n'en finissait pas de s'écouler. Les corps s'exerçaient à attendre, changer de position, à penser lentement et à veiller à ce que tout durât aussi longtemps que faire se pouvait. Restaient les rêves, seule fiction authentique.

Trois nouvelles portent les noms d'habitants de ce village , la quatrième évoque un voyage Paris - London - New-York,mais il s'agit encore une fois d'objets, des vêtements d'occasion, qui viennent de loin, d'ailleurs..
Le sentiment dominant est la nostalgie d'un certain passé, ou plutôt peut être la peur d'un avenir annoncé dans lequel on ne tiendra plus à grand chose.
Andrzej Stasiuk est en tout cas très doué pour faire ressentir beaucoup d'émotions en très peu de mots, allez, encore quelques phrases:

Le manteau est accroché à son cintre, mais personne ne le regarde. Il attend son heure qui finalement arrivera, comme est arrivée celle de la machine à vapeur, du lait en poudre ou des images pieuses accessibles à tous. Le temps vient toujours à nous. Son faible filet pénètre déjà dans la vallée tel le memento d'une lointaine inondation qui aurait déjà emporté les villes et les pays là-bas, au delà de l'horizon visible. Paris-London- NewYork, boutons en plastique dorés et paillettes ternies au col,broderies de cow-boys sur le devant, fils usés au bord des manches. Le temps, dans sa version la moins bonne, envoyé chez nous en châtiment.Un temps second hand, usagé, un temps où les hommes de quarante ans se lèvent le matin pour prendre la route sans s'être rasés, pour voir arriver et passer une journée qui ne laisse derrière elle aucune trace autre que le paquet de cigarettes vide. Leurs chaussures en synthétique sont usées, ils sont libres et ils meurent du coeur avant la fin du programme. Puis, entre cinq et six heures du matin, leurs âmes voyagent dans les autocars matinaux. Personne ne les remarque. Les vivants regardent par la fenêtre et espèrent des changements, comme s'ils ne comprenaient pas que ceux-ci circulent déjà en eux pareils à leur sang- le cours du temps est irréversible.

Ou encore:

..tous ces outils qui ont servi jusqu'à leur dernier souffle, leur dernier tour, retournent désormais au royaume sauvage du minéral puisque le monde ne se termine pas par une explosion mais par un effritement de rouille.
Et l'éclat métallique de la lune suinte du cosmos comme si elle était aussi une machine élégante et simple qui bénirait ses frères terriens et, au passage, les reliques des objets pétrifiés à jamais , enlisés dans les couches alluviales du temps. Et nul ne sait si les choses qui ont vécu et sont mortes seront sauvées, si quelqu'un les ressuscitera et les remontera, si un mécanicien eschatologique les bidouillera avec un tournevis céleste et leur insufflera une nouvelle réserve ,éternelle cette fois, de chevaux mécaniques ou de kilowatts. Ou si leur infinitude aura la forme païenne du retour aux sources et donc à la décomposition en formes premières.


Je trouve ça très beau..

récup
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Message par Invité Ven 6 Oct 2017 - 8:16

Oui, moi aussi ! Wink Mais , j'ai cru comprendre que tous ses livres n'avaient pas la même musique... Celui dont tu parles - Marie - me tente, en tout cas !

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Message par Invité Dim 4 Fév 2018 - 8:24

lieu - Andrzej Stasiuk L_hive10

L'hiver

Tout a été dit sur ce beau livre dans les commentaires de bix et Marie !

On peut le lire comme un recueil de nouvelles mais il y a, je trouve, un fil conducteur entre tous ces destins : ce sont des hommes de peu mais il n'a pas d'amertume , ni de tristesse à outrance. Tous ces hommes sont plus "sereins" que les plus riches qu'ils cotôient.


Pawel rêve de tous les objets et vétements qu'ils aimerait posséder et sa vie serait autre, mais finalement, écouter les histoires des autres au café, lui suffit amplement.
Mietek courre dans ses bottes en caoutchouc pour conduire les chasseurs vétus de gore-tex mais lui aura deviné la présence et vu le cerf que ces derniers n'abattront pas...

Cette angoisse veut que je sois obsédé par les choses et les événements, les énumérations, les détails dénués de valeur. J'aime savoir le nom de chaque objet. Elle fait aussi qu'aux régions dans l'opulence, je préfère celles plus pauvres où les objets possèdent une vraie valeur, où, probablement, les gens les aiment ne serait-ce qu'un peu parce qu'ils n'en posssédent pas d'autres. ils aiment sans le savoir, sans  adoration aucune. Les riches, eux, adorent. ils admirent leur propre personnage dans les miroirs et finissent par se transformer en reflets d'eux mêmes. Leurs biens sont d'un tel prix qu'ils ne s'abîment jamais et deviennent l'immortalité des nantis.

Et je pourrais vous recopier toutes les descriptions de la nature, mais il vaut mieux que vous lisiez le livre !  Wink


Décidément, j'aime énormément votre talent de conteur, Monsieur Stasiuk !


Dernière édition par kashmir le Dim 4 Fév 2018 - 13:41, édité 1 fois

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Message par Bédoulène Dim 4 Fév 2018 - 12:35

merci Kashmir ! c'est noté (tellement de noms sur ma liste ! )

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Message par tom léo Lun 5 Fév 2018 - 8:13

kashmir a écrit:Oui, moi aussi ! Wink  Mais , j'ai cru comprendre que tous ses livres n'avaient pas la même musique... Celui dont tu parles - Marie - me tente, en tout cas !

Je me réjouis que tu es sensible à "cette musique-là". Ile me semble qu'on la retrouve particulièrement bien aussi dans "Les contes de Galicie" et "Fado", deux recueils que j'ai pareillement énormément aimés!
Recommandation! Bonne lecture!
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Message par Invité Mar 6 Fév 2018 - 9:58

Merci pour les recommandations, sincèrement, Tom Léo ! Wink Je n'arrive pas à trouver Les contes de Galicie, malheureusement...

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