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Orhan Pamuk

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autobiographie - Orhan Pamuk Empty Orhan Pamuk

Message par Barcarole Lun 2 Jan - 18:03

Orhan Pamuk
(né en 1952)

autobiographie - Orhan Pamuk Orhan_10


Orhan Pamuk, de son vrai nom Ferit Orhan Pamuk, est un écrivain turc né le 7 juin 1952 à Istanbul. Ses romans ont rencontré un énorme succès dans son pays et dans le monde, où ils se sont vendus à plus de onze millions d'exemplaires, ce qui fait de lui l'écrivain turc le plus vendu dans le monde. Ils sont traduits en plus de 60 langues. L'auteur a remporté trois grands prix littéraires en Turquie, le prix France Culture en 1995, le prix du meilleur livre étranger du New York Times en 2004, le prix des libraires allemands le 22 juin 2005 et le prix Médicis étranger pour Neige le 7 novembre 2005. En 2006, Pamuk est classé par Time Magazine comme l'une des 100 personnalités les plus influentes du monde. En 2007, il enseigne l'écriture et la littérature comparée à l'université Columbia. Il est, avec José Saramago, à l'origine du Parlement européen des écrivains (European Writers' Parliament) qui s'est tenu à Istanbul en novembre 2010.
Le 12 octobre 2006, il obtient le prix Nobel de littérature, devenant ainsi le premier Turc à avoir reçu cette distinction.
Source : Wikipedia.

Bibliographie en français

• La Maison du silence (1988)
• Le Livre noir (1995)
• Le Château blanc (1996)
• La Vie nouvelle (2000)
• Mon nom est Rouge (2005)
• Neige (2007) ; Page 1
• Istanbul, souvenirs d’une ville (2007) ; Page 1
• Le Musée de l’innocence (2012) ; Page 1
• L’Innocence des objets (2012)
• Le Romancier naïf et le romancier sentimental (2012)
• Cevdet Bey et ses fils (2014)
• Cette chose étrange en moi (2017) ; Page 1
• La Femme aux cheveux roux (2016)
• Les Nuits de la peste (2021) ; Page 1

MAJ de l'index le 30/05/2022
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Message par Barcarole Lun 2 Jan - 18:15

autobiographie - Orhan Pamuk Produc16

Neige

Neige, j’ai beaucoup aimé !
L'histoire se déroule à Kars, ville-frontière avec l'Iran. Ses habitants vivent en vase clos, les routes sont fermées à cause de la neige qui tombe sans discontinuer. Ce qui m'importait dans ce roman, plein de poésie, c'est d'apprendre ce qui se passe au niveau de l'ambiance politique en Turquie à cette époque. Et j’ai été servie. Le but de cette petite synthèse n’est pas de dévoiler le contenu de ce livre mais de parler de son ambiance. Ceux qui l’ont lu, et vous êtes nombreux, pourront le faire beaucoup mieux que moi !

L'errance de Ka, marchant dans les rues de Kars enneigées, fasciné par la beauté de la neige, le silence feutré qu'elle procure, les événements qui se passent à Kars et les personnes qu'il rencontre lui inspirent des poèmes qu'il élabore avec une structure toute particulière à la forme d'un flocon, tel un mandala.

La peur de Ka témoigne des tensions qui règnent à Kars, une peur qui croît à mesure que l'on avance dans le roman. Il se retourne à chaque fois qu'il sort de son hôtel, quand il marche dans la ville, sans cesse aux aguets, comme traqué par le vide, ce silence et la blancheur de la nuit, mais il ne se privera jamais de ses balades, pour s'aérer, aller dans les cafés et les lieux de réunions turcs, la vie prenant le dessus sur la peur d'être assassiné. Ka sait qu’il est en danger.

La peur de Ka est aussi liée à son amour pour Ipek à la beauté troublante, peur de vivre le moment présent par peur de la perdre, ce qui rend cet amour douloureux. Peur qu'elle ne vienne pas ce soir, peur qu'elle ne parte pas avec lui à Francfort pour être heureux, peur d'être tout simplement heureux car le bonheur ne dure pas. Peur de souffrir après. Déjà il en souffre, et la douleur est plus forte que l'amour. Regret d'être venu à Kars pour voir Ipek…

La situation est trouble en Turquie, et se côtoient les militaires, les « ataturkistes » (ou kémalistes), les différents partis et écoles islamistes, depuis le plus modéré jusqu'au plus radical. Putschs, assassinats, disparitions, sont le lot presque quotidien de la population. Pourtant, quand ils vont au théâtre, les spectateurs dénient qu'il y a des morts parce qu'on a réellement tiré, pensant que les bruits de tirs viennent de la pièce. Même les morts dans la salle ne sont pas perçus comme tels. Confondus et ne sachant pas ce qui leur arrive, ils remercieraient presque leurs agresseurs.

J'ai trouvé intéressants les opinions de tous ces interlocuteurs, quelle que soit la position qu'ils adoptent. Je n'ai pas vu ce roman comme un polar ou un thriller, comme pourraient le ressentir d’autres lecteurs. Mais comme une fresque sur une situation dramatique en Turquie à une période récente. Magnifique plume que celle d’Orhan Pamuk.


mots-clés : #terrorisme


Dernière édition par Barcarole le Lun 2 Jan - 18:34, édité 1 fois
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Message par Armor Lun 2 Jan - 18:19

Ca donne envie.
Et dire que je n'ai toujours pas lu Pamuk alors que j'ai deux de ses ouvrages sur ma PAL… Neige, justement, et Mon nom est rouge.
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Message par Barcarole Lun 2 Jan - 18:33

Tu ne devrais pas être déçue, grand et brillant écrivain Orhan Pamuk, très instructif et l'atmosphère qui s'en dégage fait qu'on n'oublie pas Neige.
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Message par topocl Lun 2 Jan - 20:22

Le musée de l'innocence

autobiographie - Orhan Pamuk Image231

Kemal est un jeune Turc des années 70 , héros de la plus riche société Stambouliote, partageant ses soirées et ses nuits entre boîtes et restaurants de luxe, capable d'acheter sur un coup de tête un sac à main qui coûte « six mois de salaire d'un jeune fonctionnaire ». Tous ses amis l'envie d'être promis à Sybel jeune femme prometteuse intelligente. Mais Kemal est partagé entre les traditions de ce pays encore refermé sur lui-même : et ses désirs d’occidentalisation rapide. Une jeune femme doit arriver vierge au mariage, sinon son mari ne pourra s'empêcher de la mépriser ; mais elle doit aussi satisfaire les appétits « modernes », de son promis. Alors qu'il est déjà prêt perdu au sein de ces contradictions ambiguës, Kemal tombe follement amoureux d'une jeune cousine pauvre, Füsun, dont il ne va pas savoir se détacher. Perdu de perplexité, incapable de se décider entre les deux femmes, il va mener ces deux amours de front dans un mélange de bonheur et de culpabilité, jusqu'à les perdre toutes les deux.

Quelques années plus tard courant toujours après le mirage de Füsun il la retrouve enfin, mariée, mal mariée puisqu'elle avait fauté avec lui. Désespéré, soir après soir, il va fréquenter la famille de Füsun invité aux repas familiaux, courant après son rêve fou de la voir revenir, hésitant entre la souffrance de ne pas  la posséder et le bonheur de pouvoir l'approcher. Pour se soutenir dans cette quête improbable, au fil des jours il dérobe de menus objets symbolisant son attachement, ses enchantements quotidiens. Il les accumule de façon obsessionnelle jusqu'à pouvoir, des années plus tard, quand leur histoire sera finie, les rassembler dans un musée de l'Innocence, qui lui permettra de rester perpétuellement fidèle à sa belle histoire d'amour.

Le thème principal de ce roman est la folie des hommes, et Pamuk pour nous raconter cette histoire procède, par une accumulation de faits, de sensations, d'objets, de personnages, de détail dans une ville qui vénère : Istanbul. Kemal abandonne une vie jouissive et brillante, pour se contenter de passer des soirées ternes et désespérantes auprès de sa bien-aimée. Ils s'exclue de la société des hommes pour n’être fidèle qu'à une femme (ou à son image) Mais son amour transfigure ces moments partagés en autant de rituels de bonheur émerveillé. Ne sachant reconnaître la défaite de cet amour, il le transcende par un fétichisme, qui alors que chacun pense qu'il a gâché sa vie, le fera mourir avec l'idée du bonheur. S'il appelle son musée le musée de l'innocence, c'est qu'il pense avoir toujours été pur et sincère, et se retournant sur sa vie, même si son amour n'a jamais réellement abouti, il pense qu'elle valait la peine.
Ce roman est un espèce de conte qui nous explique que la folie transcende l'homme, que la passion même inaboutie le hausse à son plus haut niveau.

Un autre thème du livre est l'écartèlement des Turcs entre les cultures occidentales et traditionnelles, les déchirements que cela entraîne dans leur intime quotidien, les culpabilités qui les minent et les empêchent d’être pleinement heureux.

J'ai trouvé bien des choses intéressantes dans ce livre, mais je dois reconnaître que je m'y suis monstrueusement ennuyée, devant cette accumulation de détails, de réflexions, cette histoire qui n'avance pas, ce bavardage introspectif perpétuel. Pamuk raconte cette histoire avec un certain humour mélancolique, et j'aurais mieux aimé un roman plus vif et dynamique. Par contre, il me semble que des lecteurs plus amoureux du style que moi, plus enclins à déambuler dans un livre, y prendront un plaisir intense.

(commentaire récupéré)

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Message par Tristram Mer 29 Mar - 22:23

autobiographie - Orhan Pamuk Image231

Le musée de l’Innocence

(Ce commentaire est superfétatif de celui de topocl, plus haut dans ce fil.)

Le musée de l’Innocence, c’est d’abord un témoignage sur Istanboul au siècle dernier, avec les quartiers populaires, mais aussi les luxueux hôtels, ambassades de l’Occident avec alcools et femmes (dés)habillées à la mode pour les privilégiés qui tournent les tabous sociaux en générant l’hypocrisie (comme dans beaucoup de contrées proche et moyen-orientales, ainsi que le harcèlement des femmes dans les lieux publics). C’est aussi la misère sexuelle que crée cette confrontation civilisationnelle (à sens unique), en consonance avec la peinture exhaustive des états d’âme du narrateur (plus de 800 pages d’observation fine, effectivement assez longues au début), les veules et candides affres de Kemal, jeune mâle musulman désemparé par son attirance pour Füsun, une jeune et pauvre parente éloignée, alors qu’il est fiancé à une femme quasiment irréprochable. Il a pris sa virginité, acte aux conséquences graves dans la société traditionnelle (qui n’est pas sans rappeler la nôtre avec un décalage dans le temps).
Flairant l’odeur de Füsun disparue jusque sur un presse-papier de verre (?), il se renferme dans une sorte de fétichisme des objets qu’elle a touché, entreprenant leur collection quelque peu kleptomane dans une manière de culte du souvenir de celle qu’il ne parvient pas à oublier (et de parodie proustienne). Lui et sa fiancée sombrent dans le raki, dans les fêtes de la jeunesse dorée, dans un yali (résidence secondaire ottomane sur le Bosphore). Séparés, Kemal retrouve Füsun, entre-temps mariée à un jeune cinéaste et vivant toujours chez ses parents ; tous trois vont regarder les films sentimentaux turcs au cinéma, manger et boire dans les meyhane (tavernes), puis il s’enlise honteusement chez eux à longueur de soirées devant la télévision pendant huit années, entrant dans le milieu du cinéma comme producteur potentiel de Füsun et son mari sur fond de troubles politiques, et sans sortir de son repli sur soi. Le mari de Füsun se détache d’elle, qui se rapproche de Kemal, notamment à l’occasion de leçons de conduite automobile.
Füsun morte dans un accident à bord de la vieille Chevrolet familiale la nuit-même de leurs fiançailles, viendra à Kemal l’idée du musée, d’après les maisons-musées parisiennes, puis d’un peu partout dans le monde (auxquelles j’ajouterais volontiers celle du docteur Schweitzer à Lambaréné – un endroit magique et toujours vivant –, tout en pensant à certains livres de Perec). La honte attachée à son obsessionnelle collection de menues reliques du quotidien de son aimée fait place à l’orgueilleuse volonté d’édification à raconter son histoire, donnant du sens à sa vie autrement gâchée en substituant à la chère disparue les choses chéries qui l’ont touchée, trouvant enfin consolation à présenter dans un espace-temps à l’écart de l’humanité ce qu’il en a conservé pour y vivre jusqu’à sa mort (à l’instar de Gustave Moreau, dont j’ai visité il y a longtemps les ateliers-appartement, que je garde encore en mémoire) et en faire un sanctuaire pour les amoureux. Le soin apporté au classement systématique et structuré intéressera peut-être aussi le muséologue…
La fascinante « aventure muséale » des objets auxquels il est attaché par un lien sentimental, les étranges pulsions du collectionneur monomane basée sur une intime souffrance cachée (et pouvant aller jusqu’à l’accumulation d’immondices), l’analyse des impressions du souvenir entretenu font une remarquable fin à l’ouvrage (quoique fort longuement amenée), soigneusement tissé de résonances sur tout son cours : l’épilogue du roman récompense le lecteur persévérant !

« – Tout être intelligent sait que la vie est une belle chose et que le bonheur est le but de l’existence, dit mon père en regardant ces trois jolies jeunes filles. Mais comment peut-on expliquer que seuls les imbéciles soient heureux ? »
« Dans ce pays, il y a tellement d’hommes qui méprisent plus tard leur femme sous prétexte qu’elles n’ont pas assez gardé leurs distances avant le mariage. » (Chapitre 24)

« Ne pas fumer ni boire d’alcool devant son père, ne pas se vautrer sur sa chaise en croisant les jambes… toutes ces marques de respect dictées par le souci de se conformer aux règles de la famille traditionnelle s’estompèrent peu à peu au fil des ans. Évidemment Tarik Bey voyait parfaitement que sa fille fumait, mais au lieu de réagir comme on l’eût attendu d’un père traditionnel, il semblait se satisfaire du respect dont elle enrobait ses gestes. J’étais extraordinairement heureux d’observer ces rituels et ce foisonnement de nuances auxquelles les anthropologues ne comprennent généralement rien. Jamais je n’ai jugé hypocrite cette culture du "faire comme si" ; alors que j’observais les gestes gracieux du Füsun, je me rappelais que c’était justement parce que nous faisions tous "comme si" qu’il m’était possible de voir les Keskin tous les soirs, que c’était non pas le soupirant mais le riche parent venant rendre visite qui était admis à leur table et autorisé à voir leur fille. » (Chapitre 68, « 4213 mégots »)

« – L’amour est une chose impossible dans un pays où hommes et femmes ne peuvent se côtoyer, se fréquenter et discuter ensemble, assena-t-elle [la mère de Kemal]. Et tu sais pourquoi ? Parce que dès qu’une femme s’intéresse à eux, les hommes lui sautent dessus comme des bêtes affamées, sans faire de détail. C’est ancré dans leurs habitudes ; ensuite, ils prennent cela pour de l’amour. Comment l’amour pourrait-il exister dans de telles conditions ? Ne va pas t’illusionner. » (74)

« C’était terriblement douloureux et, à présent, ma souffrance ne provenait plus de mon désir pour elle mais de mon auto-apitoiement. C’est en cheminant sur la ligne de partage ténue entre pensée et se souvenir, douleur et sentiment de la perte que je parvins à l’idée du musée.
Je cherchais consolation dans la lecture d’auteurs comme Proust et Montaigne. » (80)

« Les vrais musées sont des endroits où le Temps devient Espace. » (82)

« De même que le trait qui reliait chaque instant était le Temps selon Aristote, je comprenais que le trait qui relierait tous ces objets serait un récit. Autrement dit, je pourrais confier la rédaction du catalogue de mon musée à un écrivain qui y travaillerait comme s’il s’agissait d’un roman. Je n’étais nullement tenté de m’essayer moi-même à un tel livre. Qui donc pourrait s’acquitter de cette tâche à ma place ?
C’est ainsi que j’en vins à faire appel à M. Orhan Pamuk qui, avec mon aval, rédigea ce livre en parlant par ma bouche. »
« Avec mon musée, j’aimerais montrer non seulement aux Turcs mais à tous les peuples de la terre que nous devons être fiers de l’existence que nous menons. Je l’ai constaté au cours de mes nombreux voyages : alors que les Occidentaux sont enclins à s’enorgueillir, la grande majorité du monde vit dans la honte. Or, il suffit qu’elles soient exposées dans un musée pour que les choses dont nous avons honte deviennent aussitôt des objets de fierté. »
« Comme tous les objets – et donc mon histoire – peuvent être appréhendés simultanément de plusieurs points de vue, le visiteur perdra le sens du Temps. C’est la plus grande consolation qui soit. Dans les musées poétiques fondés sur une impulsion du cœur et organisés selon une réflexion rigoureuse, c’est parce que le Temps s’annihile que nous trouvons la consolation, et non parce que nous sommes en présence des vieux objets que nous aimons. » (83)

Je suis cependant peut-être un peu moins convaincu par cet ouvrage que par ceux précédemment lus, Mon nom est Rouge et surtout Neige.

Nota bêta (et questionnement récurrent de ma part, s’appliquant à beaucoup trop de romans) : quand est-ce que le personnage trouve le temps de faire son boulot, au moins un minimum plausible ? Apparemment entre ses nuits d’alcoolisation et ses réclusions dès midi dans sa garçonnière…

Plus :


L’escalier de la maison d’artiste de Gustave Moreau : autobiographie - Orhan Pamuk Escali10


The Museum of Innocence (créé par Orhan Pamuk) : autobiographie - Orhan Pamuk The_mu11

Pamuk a commencé à collecter des objets pour le musée au milieu des années 1990. « Je voulais collectionner et exposer les vrais objets d'une histoire fictive dans un musée et écrire un roman basé sur ces objets », a-t-il dit.
Pamuk indique que quelques objets exposés dans le musée sont de la famille et d'amis, tandis que d'autres viennent d'Istanbul ou d'autres endroits de la planète. Cependant, il n'a pas précisé lesquels des objets sont directement liés à sa propre vie. Il soutient que le récit du musée devrait refléter celle du roman et pas le sien, après avoir déclaré que « Ce n'est pas le musée d'Orhan Pamuk ». Après que le roman a été publié en turc en 2008, la collection du musée a été finalisée et le musée a ouvert en avril 2012.
Concept
Situé dans un quartier d'Istanbul célèbre pour ses anciens magasins d'antiquités qui bordent ses rues étroites, le musée témoigne du caractère unique des objets du quotidien de 1970 de la classe supérieure d'Istanbul. Il s'agit d'une série d'expositions, correspondant chacune à l'un des 83 chapitres du roman. Selon le récit, ces objets ont été collectés et organisés par Kemal et sont des souvenirs de Füsun. Les affiches comprennent une grande vitrine contenant 4 213 mégots de cigarettes, des cigarettes fumées par Füsun, une collection de salières, des peintures et des cartes des rues d'Istanbul où le récit se déroule. Pourtant, malgré la conjonction entre le musée et le roman, Pamuk maintient que le musée et le roman peuvent être visités indépendamment l'un de l'autre : « tout comme le roman est tout à fait compréhensible sans une visite au musée, de même le musée est un lieu qui peut être visité et vécu par lui-même ».
Pamuk a développé l'idée du musée et du roman en parallèle dès le début ; le musée n'est pas basé sur le roman, de même que le roman n'a pas été écrit pour le musée. Ce brouillage des frontières entre les deux a été exploré à la fois dans le roman Le Musée de l'innocence et dans le catalogue du musée. Au début des années 1990, Pamuk a commencé à recueillir des objets du passé qu'il a vus et aimés, dans des boutiques et chez des amis brocanteurs, formant progressivement le récit qui allait devenir le Musée de l'Innocence. Il pouvait tomber sur un objet qui pouvait inspirer une nouvelle histoire dans le roman ; ou il pouvait chercher des objets s'adaptant à une histoire existante.
Wikipédia

Derrière le bureau du docteur Schweitzer (Lambaréné 2005) :
autobiographie - Orhan Pamuk Derriy10

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Message par Armor Mer 29 Mar - 23:18


L'escalier est superbe ! Par contre, un peu glauque le décor du bureau du Dr Schweitzer !

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Message par topocl Jeu 30 Mar - 9:26

Ta superfétation reste bien intéressante , Tristram !
Connais-tu ce livre-catalogue du Musée de l'innocence?

autobiographie - Orhan Pamuk 51p06t10

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Message par Tristram Jeu 30 Mar - 11:48

Seulement par Wikipédia... C'est intéressant ?

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Message par topocl Jeu 30 Mar - 18:13

Il y a beaucoup de photos. Si on aime les objets, les accumulations, les rêveries, les réalisations insensées, oui, c’est intéressant.

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Message par Silveradow Lun 5 Juin - 18:34

Istanbul,

Que dire ... Son prix Nobel est d'un ennui mortel ... J'ai l'impression que si je me rends demain à Istanbul je serais moi aussi prise de cette mélancolie qu'il déroule tout le long du livre... Roman autobiographie qui ne sert qu'à présenter la ville, les photos en livre de poche sont inutiles tellement elles rendent mal ... Vraiment déçue de ma première lecture, c'est d'une longueur qui n'en finit pas ... Ne lisez pas celui ci !!
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Message par Avadoro Dim 31 Déc - 18:33

autobiographie - Orhan Pamuk Pamuk_10

Cette chose étrange en moi

Dans son dernier roman, Orhan Pamuk dévoile patiemment la vie de Mevlut, vendeur de boza, ainsi que son attachement à la ville d'Istanbul qui se transforme et se renouvelle en permanence depuis l'enfance du personnage dans les années 1960...où l'on apprend également assez vite la signification de la boza, boisson fermentée faiblement alcoolisée, pour la société turque.

Cette chose étrange en moi séduit peu à peu par des allers-retours narratifs et des boucles temporelles. Pamuk s'attarde sur des détails, sur des rebondissements apparemment anodins et pourtant décisifs, pour mieux plonger le lecteur dans une atmosphère remplie de mélancolie et d'une forme de sérénité. Les tensions politiques et sociales sont une toile de fond omniprésente, mais il reste avant tout la perception de la fragilité du quotidien, qui révèle des promesses et autant de perspectives.

mots-clés : #lieu #viequotidienne
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Message par ArenSor Sam 13 Juin - 18:21

Istanbul, souvenir d'une ville

autobiographie - Orhan Pamuk 81bejj10

« Pourquoi suis-je si heureux d’entendre dire par d’autres qu’Istanbul est une ville mélancolique ? Pourquoi est-ce que je déploie tant d’efforts pour expliquer au lecteur que le sentiment que me procure la ville où j’ai passé toute mon existence est de la tristesse. »

Enquête proustienne d’Orhan Pamuk dans une enfance intrinsèquement liée à la ville d’Istanbul.
Celle des années 60, qu’il voit en noir et blanc, une ville qui a multiplié sa population par neuf depuis cette date !
Il existait alors encore de vieux quartiers pittoresques, le Bosphore exerçait toujours sa magie, la société restait encore cosmopolite avant une turcisation forcenée, mais régnait sur la cité un état de délabrement, un sentiment de défaite et d’appauvrissement en regard de l’empire ottoman disparu. La tristesse également devant une occidentalisation servile.
Ce sentiment rejoint l’histoire personnelle d’Orhan Pamuk, issu d’une bourgeoisie aisée, mais dont la famille s’appauvrit au fil des années devant les faillites à répétitions de son père et son oncle.

« Ce sentiment a réuni le monde parallèle et la culpabilité qui m’habitaient. Appelons « tristesse » cet état de confusion. Comme il ne s’agit pas entièrement d’un moment de transparence et comme, pour cette raison, il s’agit d’une chose qui voile la vérité et nous permet ainsi de vivre plus tranquillement avec elle, comparons cette tristesse à la buée qu’accumule sur les vitres d’une fenêtre un samovar continuellement allumé, par un froid jour d’hiver. J’ai choisi cette image parce que les vitres embuées éveillent en moi la tristesse. J’aime encore beaucoup les regarder, et ensuite me lever pour écrire ou dessiner dessus avec mon doigt. Dans cet acte, il y a quelque chose d’analogue à parler de la tristesse. En écrivant et dessinant avec mon doigt sur une vitre embuée, à la fois je dissipe la tristesse qui m’habite, je me distrais et, au terme de tous ces exercices graphiques, une fois la vitre nettoyée, je peux voir le paysage au-dehors. Mais, en fin de compte, le paysage lui aussi nous paraît triste. Il nous faut tenter de saisir un peu ce sentiment qui fait figure de destin pour toute la ville. »


« L’écrivain en proie à ce genre de sentiments de culpabilité, quand il parle du déclin et de la tristesse de la ville, doit aussi parler de la mystérieuse lumière que ces phénomènes ont jetée dans sa vie, et quand il se laisse saisir par les beautés de la ville et du Bosphore, il doit rappeler que la misère de sa propre vie ne s’accorde en rien à l’atmosphère de triomphe et de bonheur de la ville par le passé. »

« La pauvreté, la confusion d’esprit et la prépondérance du noir et blanc, qui sont inscrites dans la vie d’Istanbul comme une maladie honteuse, qu’on ne peut pas vaincre et qui sont vues comme un destin, ne sont pas vécues de la sorte comme un insuccès ou comme une incapacité, mais plutôt comme un honneur. »

« La ville prend parfois un tout autre visage. Les vives couleurs de ses rues qui nous la rendent familière s’effacent subitement, et je comprends alors que toute cette foule qui me paraissait si mystérieuse ne faisait en fait rien d’autre que de marcher désespérément sur les trottoirs depuis des siècles. »


Cette tristesse constitutive à la ville c’est le Hüzün » chanté dans la première moitié du XXe siècle par Yahya Kemal, Tampinar et quelques autres. Avant, il n’y a rien. Plus exactement, la ville n’est connue que par le regard d’occidentaux : Nerval, Flaubert, Gautier et le dessinateur Melling.
Pamuk arpente la ville, compte et identifie les bateaux sur le Bosphore, contemple fasciné les derniers « Konaks » des pachas et les résidences de luxe de l’empire ottoman, les « Yalt », fragiles constructions de bois, disparaître dans les flammes ».

« A cette période de ma vie, pendant ces marches qui parfois duraient des heures, tandis que je m’acheminais là où me portaient mes jambes, je regardais les vitrines, les restaurants, les cafés plongés dans une semi-pénombre, les ponts, les devantures de cinéma, les affiches les inscriptions, la crasse, la boue, les gouttes de pluie tombant dans les flaques noires sur les trottoirs, les néons, les phares des voitures, les poubelles renversées par les meutes de chiens ; et lorsque je me retrouvais « dans la rue la plus étroite et la plus triste du quartier le plus éloigné, l’envie subite de rentrer en courant à la maison et d’écrire quelque chose pour fixer ces images, cette âme obscure, ce désordre chaotique, cet aspect mystérieux et fatigué de la ville s’emparait de moi. »

« Alors, dans ma tête un peu étourdie par la bière et ma longue marche, sentir que les rues sombres et tristes tremblotaient et sautaient comme un de ces vieux films que j’aimais me procurerait un tel bonheur que j’aurais envie de capturer, de conserver ces merveilleux moments – comme lorsque je portais à ma bouche un fruit ou une bille que j’aimais beaucoup et les y laissait pendant des heures – j’aurais envie de rentrer à la maison par les rues vides, de m’asseoir à ma table, de prendre du papier et des crayons, et d’écrire et de dessiner. »

« Mes jambes m’emmèneraient vers les petites rues, étroites et tristes, couverts de pavés, aux trottoirs défoncés, aux réverbères à la lueur vacillante et avec le bonheur pervers d’appartenir à ces lieux délabrés et miséreux, avec les rêves et le désir fou de faire un jour quelque chose de grand, j’irais regarder ces images, ces visions imaginaires, ces rêves que je traverserais en marchant indéfiniment et qui défileraient devant mes yeux comme par jeu, avec le bonheur d’être misérable mais passionnément ambitieux. »

Je comprends la déception de Siveradow exprimé ci-dessus. Dans son cas, il y a eu maldonne. C'est une vision très personnelle d'un Istanbul disparu que donne Pamuk, une vision empreinte de tristesse et de nostalgie et qui peut déprimer.


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Message par Tristram Sam 13 Juin - 18:34

Voilà qui m'invite à ne plus surseoir à ma lecture d'Istanbul, que j'avais crue dispensable.
Ce que tu en dis me ramentoit ces jeunes stambouliotes que j'ai fréquentés au Moyen-Orient voici vingt ans, fort ouverts et plein d'allant, persuadés que la Turquie allait sous peu faire partie intégrante de l'Europe.

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Message par ArenSor Sam 13 Juin - 18:42

Je pense que "Istanbul" parle plus à des gens de notre génération qu'à des jeunes. J'ai connu également un ville (bien modeste) en noir et blanc avec ses zones, ses vieux quartiers qui n'étaient pas encore ripolinées pour le tourisme.
Beaucoup de sensibilité et de poésie chez Pamuk, à condition d'être sensible à cette atmosphère mélancolique. Very Happy
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Message par bix_229 Sam 13 Juin - 19:28

Pour moi, Istanbul est mon livre préféré de Pamuk.
Je l'ai lu avec grand plaisir mais j'ai perdu mes notes.
Ce que certains ont regretté, c'est précisément ce que j'ai le plus apprécié.
Cette mélancolie inhérente à l'auteur, cette sensibilité qui a ses racines dans
l'enfance et la famille autant que dans la ville et son histoire.
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Message par Tristram Mer 23 Mar - 12:22

Istanbul − Souvenirs d’une ville

autobiographie - Orhan Pamuk 81bejj10

L’enfance d’Orhan dans la maison ottomane où vit la famille élargie, muséale avec ses pianos supportant des photographies en noir et blanc, dans un quartier où demeurent quelques konak, manoirs des derniers pachas (depuis tournés vers l’Occident), nostalgie d’un empire en mélancolique et angoissante décadence. Pamuk poursuit son évocation de la triste Istanbul avec les Yali vus du Bosphore, les gravures de Melling notamment, et déplore que les Stambouliotes n’aient jamais éprouvé le besoin de témoigner de leur ville à l’époque. Puis il approfondit la notion de hüzün, entre la mélancolie de Burton et la tristesse de Claude Lévi-Strauss dans Tristes tropiques, un « sentiment de pauvreté, de défaite et d'une perte » revendiqué par les Stambouliotes et développé par « quatre écrivains tristes » d’Istanbul.
« Et ils comprirent qu'ils ne trouveraient leur voix propre que dans la mesure où ils s'adonneraient à la triste poésie de la destruction et des ruines. »
À propos de l'Encyclopédie d'Istanbul de Koçu, s’amorce la réflexion sur le musée ou cabinet de curiosités qui donnera Le Musée de l’innocence.
« Mais un collectionneur heureux (la plupart du temps un homme "occidental"), qu'il soit mû par un motif très intime ou agisse selon la logique d'un projet raisonné, est en dernier ressort capable de présenter la collection à laquelle il a consacré sa vie selon un ordre disposant chaque chose par catégorie, établissant des liens entre elles, et leur donnant du sens selon une logique et un système précis – exactement comme le ferait un encyclopédiste. »
Ces écrivains du cru s’inspirèrent des œuvres des voyageurs occidentaux, notamment celles de Nerval, Gautier et Flaubert.
« Jusqu'au début du XXe siècle, mis à part quelques documents officiels détaillés et une poignée d'épistoliers urbains critiquant le comportement des Turcs dans la rue, les Stambouliotes n'écrivirent que peu de choses sur Istanbul. La description des rues, de l'atmosphère, de l'ambiance, des détails de la vie quotidienne vus comme un tout, la transcription de la façon dont respirait la ville à chaque heure, ses odeurs, ce travail que seule la littérature pouvait mener à bien fut effectué pendant des siècles par les voyageurs occidentaux. […]
La manière dont étaient perçues les générations précédentes de la ville où je vis, c'est-à-dire le journal de la vie d'Istanbul et son cahier de souvenirs, ce sont des étrangers qui les ont tenus.
C'est peut-être pour cela que, quelquefois, je lis ce que les voyageurs ont écrit sur la ville non comme le rêve exotique d'un autre mais comme s'il s'agissait de mes propres souvenirs. »

« L'image de la ville que les Stambouliotes ont adoptée au cours du dernier siècle, en l'aimant ou en la détestant, est chargée des motifs de la pauvreté, de la défaite et de l'effondrement. »
Pamuk évoque donc le passé, Byzance, Constantinople, et la ruine progressive (mauvaises affaires) de la famille, accompagnée de plusieurs déménagements, a pu aggraver ce sentiment de paupérisation générale. Il commente aussi le vide spirituel laissé par la religion dans une société riche laïque (a contrario du peuple peu éduqué), mal comblé par l’occidentalisation et la superstition.
Outre l'européanisation fréquemment signalée, sont prégnants les vues sur le Bosphore et ses vapur, les incendies, le délabrement général d’Istanbul.
Et c’est sa ville qui pousse Pamuk à s’exprimer, d’abord dans le dessin (sans lui ôter son sentiment de culpabilité solitaire).
« Cependant, ce qui est important pour un peintre, ce n'est pas la réalité des objets, mais leurs formes, pour un romancier, pas la chronologie des événements, mais leur articulation, et pour un écrivain qui écrit ses souvenirs, ce qui importe, ce n'est pas la réalité du passé, mais sa symétrie. »
Son premier amour est son modèle, et gravite autour du « premier musée de la Peinture et de la Sculpture de Turquie ». Errances dans la ville et ses « décombres d'histoire » d’un étudiant en architecture qui rêve d’un « deuxième monde ».
« Il n'est pas d'autre centre de la ville que nous-mêmes. »
Un peu de vocabulaire pour suivre : Rum (Grecs orthodoxes d’Istanbul), tekke (couvent de derviches), dolmuş (taxi collectif), surname (livres des célébrations ottomanes), cezve (la kanaka égyptienne), boza (boisson fermentée à base de céréales)…
Le dépit nostalgique (et nationaliste, chauvin) dû à la modernisation d’une cité au riche passé confrontée à la modernité se retrouve sans doute avec Rome, Paris ou Venise, et ce que dit Pamuk prend valeur universelle. J’ai aussi apprécié ce livre parce qu’il m’a ramentu le monde du Caire, qui présente bien des similitudes. Sinon, c’est un peu dommage de le lire sans être immergé dans Istanbul en présentiel, ni même la connaître…

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Message par Bédoulène Mer 23 Mar - 19:54

merci Tristram, s'informer donc sur Istanbul à défaut de s'imprégner pour apprécier la lecture

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Message par topocl Lun 30 Mai - 9:16

autobiographie - Orhan Pamuk 51cdht10

Les nuits de la peste

C’est un roman qui ne peut que résonner en nous puisqu’il raconte une épidémie de peste dans la petite île méditerranéenne fictive de Mingher.(curieusement l’écriture du roman a commencé en 2016).

On retrouve donc comme on dit « du vécu » : il semble bien que toutes les épidémies se ressemblent, et ce depuis la fin des temps, et que ces choses que nous avons vécues mondialement avec tant de surprise sont au demeurant assez banales.

Ce qui différencie le livre de notre expérience, c’est  qu’ici, l’épidémie et les désordres qu’elle entraîne permettent l’émergence d’une réorganisation complète de la société à travers une révolution à multiples tiroirs, qui va permettre à l’île de mettre en place son indépendance vis à vis de l’Empire ottoman. On y croise aussi de belles sultanes, qui vivent des histoires d’amour passionnées (et ne se laissent pas marcher sur les pieds par les hommes).

C’est un gros livre de 680 grandes pages, à l’écriture serrée, qui fait preuve d’une érudition aussi manifeste que son inventivité, et d’un goût de conter qu’on a déjà connu chez Orhan Pamuk. Je suis arrivée sans difficulté à la fin de ma lecture ce qui prouve déjà une bonne qualité (même si c'est grâce à un pont de l’Ascension dépourvu de tout projet). Je l’ai plutôt apprécié, notamment les qualités sus-citées, malgré quelques longueurs,  mais je ne peux pas dire pour autant que j’en ai été exaltée.

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Message par Armor Mar 31 Mai - 15:22

A la relecture de ce fil, je me dis qu'il faut que je me décide enfin à lire Pamuk (sur ma PAL depuis des lustres) ! Je vais quand même éviter de commencer avec une pandémie, j'ai eu ma dose pour un moment... Wink

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