Emmanuel Carrère
Page 4 sur 5 • Partagez
Page 4 sur 5 • 1, 2, 3, 4, 5
Re: Emmanuel Carrère
Pour revenir sur
Que ce rapport spécifique à cette maladie (hélas toujours somatique) ait des ramifications psychologiques intéressantes à explorer n'est pas douteux (je pense au mea culpa chrétien). Mais dans cet extrait, tant qu'à faire je préfère à cette vision psychanalytique une proposition éthologique, qui soupçonne que le vertige au moment de l'assoupissement serait lié à un souvenir ancestral de nos siestes arboricoles (quand nous faisions notre nid dans les arbres, c'est-à-dire avant l'invention du hamac) : la relation entre les rêves, de vertige ou autres, et la survenue du cancer n'est pas scientifiquement établie, que je sache (assertion restant à vérifier). En tout cas, cela n'enlève rien au droit imprescriptible des écrivains à élucubrer...
et dans le prolongement des citations d’Églantine :ArenSor a écrit:le sempiternel débat entre cancer, maladie aléatoire ou maladie somatique
Ce qui est sûr, c'est que nous avons une attitude particulière face au "crabe" (mais la maladie n’empêche pas d'aucuns de garder un certain espace de liberté, voire de bonheur, et même beaucoup plus _ là bien sûr je pense au coruscant Hawkins).« Une faille profonde entaille le plus ancien noyau de la personnalité. Il y a, dit-il [le psychanalyste Pierre Cazenave], deux espèces d’hommes : ceux qui font souvent le rêve de tomber dans le vide et puis les autres. Les seconds ont été portés, et bien portés, ils vivent sur la terre ferme, s’y meuvent avec confiance. Les premiers au contraire souffriront toute leur vie de vertige et d’angoisse, du sentiment de ne pas exister réellement. Cette maladie du nourrisson peut perdurer longtemps à bas bruit chez l’adulte, sous forme d’une dépression invisible même par soi, et qui un jour devient un cancer. On n’est pas étonné alors, on le reconnaît. On sait que ce cancer, c’était soi. Toute sa vie, on a craint quelque chose qui, en fait, était déjà arrivé. […]
Alors, bien sûr, je ne crois pas que tous les cancers s’expliquent ainsi, mais je crois qu’il y a des gens dont le noyau est fissuré depuis pratiquement l’origine, qui malgré tous leurs efforts, leur courage, leur bonne volonté, ne peuvent pas vivre vraiment, et qu’une des façons dont la vie, qui veut vivre, se fraie un chemin en eux, cela peut être la maladie, et pas n’importe quelle maladie : le cancer. C’est parce que je crois cela que je suis tellement choqué par les gens qui vous disent qu’on est libre, que le bonheur se décide, que c’est un choix moral. »
Emmanuel Carrère, « D’autres vies que la mienne »
Que ce rapport spécifique à cette maladie (hélas toujours somatique) ait des ramifications psychologiques intéressantes à explorer n'est pas douteux (je pense au mea culpa chrétien). Mais dans cet extrait, tant qu'à faire je préfère à cette vision psychanalytique une proposition éthologique, qui soupçonne que le vertige au moment de l'assoupissement serait lié à un souvenir ancestral de nos siestes arboricoles (quand nous faisions notre nid dans les arbres, c'est-à-dire avant l'invention du hamac) : la relation entre les rêves, de vertige ou autres, et la survenue du cancer n'est pas scientifiquement établie, que je sache (assertion restant à vérifier). En tout cas, cela n'enlève rien au droit imprescriptible des écrivains à élucubrer...
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15637
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Emmanuel Carrère
Ah ah j'aime vous lire .
Merci Arensor pour ton avis qui ...
me plait .
BEAUCOUP .
Carrère m'a touchée parce que peut-être je me retrouve dans ce qu'il y a de plus abject en moi avec aussi cette volonté de redresser le roseau maladroitement souvent , mais lucide de ce que l'on est .
Et peut-être d'oser en parler là tiens !
...
Et aussi , je ne sais pas comment ...Il a atténué mes angoisses face à la mort .
Enfin un tout petit peu mais quand même , c'est pas rien .
Tu parles de Les boulevards périphériques que j'ai beaucoup aimé aussi : littérairement il y a un gouffre !
...
En réfléchissant : pour moi Carrère ne rentre pas dans la littérature ,
Parce que Carrère est complètement authentique , nu comme un vers tout vilain et beau de ses efforts maladroits à travers la littérature pour "grandir" .
...
Oui certains auteurs nous hérissent le poil .
Et en matière épidermique je suis assez violente aussi .
Annie Ernaux , j'ai carrément envie de la
Mais récemment j'ai écouté la compagnie des auteurs qui lui était consacrée et j'ai envie de la relire et vaincre cette violence peut-être . Certains intervenants particulièrement brillants m'ont donné un autre regard .
Génial ce forum des fois .
Merci vous tous .
Merci Arensor pour ton avis qui ...
me plait .
BEAUCOUP .
Carrère m'a touchée parce que peut-être je me retrouve dans ce qu'il y a de plus abject en moi avec aussi cette volonté de redresser le roseau maladroitement souvent , mais lucide de ce que l'on est .
Et peut-être d'oser en parler là tiens !
...
Et aussi , je ne sais pas comment ...Il a atténué mes angoisses face à la mort .
Enfin un tout petit peu mais quand même , c'est pas rien .
Tu parles de Les boulevards périphériques que j'ai beaucoup aimé aussi : littérairement il y a un gouffre !
...
En réfléchissant : pour moi Carrère ne rentre pas dans la littérature ,
- Spoiler:
- c'est vraiment mauvais honnêtement .Chut , ça n'engage que moi
Parce que Carrère est complètement authentique , nu comme un vers tout vilain et beau de ses efforts maladroits à travers la littérature pour "grandir" .
...
Oui certains auteurs nous hérissent le poil .
Et en matière épidermique je suis assez violente aussi .
Annie Ernaux , j'ai carrément envie de la
- Spoiler:
- tarter . Mea culpa , si l'enfer existe , direct sans passer par la case départ .
Mais récemment j'ai écouté la compagnie des auteurs qui lui était consacrée et j'ai envie de la relire et vaincre cette violence peut-être . Certains intervenants particulièrement brillants m'ont donné un autre regard .
Génial ce forum des fois .
Merci vous tous .
Dernière édition par églantine le Ven 16 Mar - 17:09, édité 1 fois
églantine- Messages : 4431
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Savoie
Re: Emmanuel Carrère
Tristram a écrit:.« Une faille profonde entaille le plus ancien noyau de la personnalité. Il y a, dit-il [le psychanalyste Pierre Cazenave], deux espèces d’hommes : ceux qui font souvent le rêve de tomber dans le vide et puis les autres. Les seconds ont été portés, et bien portés, ils vivent sur la terre ferme, s’y meuvent avec confiance. Les premiers au contraire souffriront toute leur vie de vertige et d’angoisse, du sentiment de ne pas exister réellement. Cette maladie du nourrisson peut perdurer longtemps à bas bruit chez l’adulte, sous forme d’une dépression invisible même par soi, et qui un jour devient un cancer. On n’est pas étonné alors, on le reconnaît. On sait que ce cancer, c’était soi. Toute sa vie, on a craint quelque chose qui, en fait, était déjà arrivé. […]
Alors, bien sûr, je ne crois pas que tous les cancers s’expliquent ainsi, mais je crois qu’il y a des gens dont le noyau est fissuré depuis pratiquement l’origine, qui malgré tous leurs efforts, leur courage, leur bonne volonté, ne peuvent pas vivre vraiment, et qu’une des façons dont la vie, qui veut vivre, se fraie un chemin en eux, cela peut être la maladie, et pas n’importe quelle maladie : le cancer. C’est parce que je crois cela que je suis tellement choqué par les gens qui vous disent qu’on est libre, que le bonheur se décide, que c’est un choix moral. »
Emmanuel Carrère, « D’autres vies que la mienne »
J'avais complètement occulté ces pages qui choquent mon esprit matérialiste cartésien et tout ce que vous voudrez. Mais bon, on est libre de penser ce qu'on veut!
Déjà, ce genre d'assertions "il y a deux espèces d'hommes" ... ...
Après, le cancer parce qu'on n'a pas été "porté et bien porté" ...
Bref, tout cela est d'un simpliste sous ses airs réfléchis!
En somme ce type, Carrère, est aussi du poil à gratter pour moi par moments!
Mais pas à d'autres, parce que "je suis tellement choqué par les gens qui vous disent qu’on est libre, que le bonheur se décide, que c’est un choix moral", et bien, .
_________________
Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8427
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 64
Localisation : Roanne
Re: Emmanuel Carrère
Mais oui , arrêtons de ronchonner!églantine a écrit:Génial ce forum des fois .
Merci vous tous .
_________________
Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8427
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 64
Localisation : Roanne
Re: Emmanuel Carrère
Bédoulène a écrit:he bien ! le non enthousiasme pousse aussi à la lecture ! merci Arensor !
C'est bien connu : je me réjouissais donc en lisant le contre-avis d'Arensor!
_________________
Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8427
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 64
Localisation : Roanne
Re: Emmanuel Carrère
Yeap , moi aussi !topocl a écrit:Bédoulène a écrit:he bien ! le non enthousiasme pousse aussi à la lecture ! merci Arensor !
C'est bien connu : je me réjouissais donc en lisant le contre-avis d'Arensor!
églantine- Messages : 4431
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Savoie
Re: Emmanuel Carrère
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/emmanuel-carrere-la-vie-des-autres
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/emmanuel-carrere-face-au-reel
Carrère entre autofiction et journalisme narratif, entre réalité et fiction, entre témoignage et roman ‒ entre écriture et cinéma…
Pour la partager, je comprends la conception de Carrère de l’usage du "je" comme "honnête" réduction de l’avis de l’auteur à la limitation de celui qui énonce. En clair, l'assertion n'est pas parole biblique ou encyclopédique, c'est celle de l'auteur, sans posture d'intellectuel. Je profite de l'occasion pour dire comme j'apprécie les "je pense que" en face des "c'est comme ça".
Sur son style, qu’on peut ne pas aimer en soi (comme ArenSor semble-t-il), la vraie question est peut-être son adéquation au propos de l’auteur (ce qui ne l’empêche pas d’être rédhibitoire éventuellement, comme le non-style de tant d’auteurs "à message").
Carrère parle de l’influence sur lui de K. Dick, qui dans un étonnant document sonore se dit lui-même influencé par Flaubert et Stendhal !
De l’aspect prophétique de la perception de la réalité dans notre société chez Dick ("infox"), qui comme Dostoïevski écrivait mal… Tout cela n'est pas totalement faux...
Sinon, scoop, la Russie a (toujours) le désir de foutre la trouille au monde.
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/emmanuel-carrere-face-au-reel
Carrère entre autofiction et journalisme narratif, entre réalité et fiction, entre témoignage et roman ‒ entre écriture et cinéma…
Pour la partager, je comprends la conception de Carrère de l’usage du "je" comme "honnête" réduction de l’avis de l’auteur à la limitation de celui qui énonce. En clair, l'assertion n'est pas parole biblique ou encyclopédique, c'est celle de l'auteur, sans posture d'intellectuel. Je profite de l'occasion pour dire comme j'apprécie les "je pense que" en face des "c'est comme ça".
Sur son style, qu’on peut ne pas aimer en soi (comme ArenSor semble-t-il), la vraie question est peut-être son adéquation au propos de l’auteur (ce qui ne l’empêche pas d’être rédhibitoire éventuellement, comme le non-style de tant d’auteurs "à message").
Carrère parle de l’influence sur lui de K. Dick, qui dans un étonnant document sonore se dit lui-même influencé par Flaubert et Stendhal !
De l’aspect prophétique de la perception de la réalité dans notre société chez Dick ("infox"), qui comme Dostoïevski écrivait mal… Tout cela n'est pas totalement faux...
Sinon, scoop, la Russie a (toujours) le désir de foutre la trouille au monde.
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15637
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Emmanuel Carrère
Heureusement qu'il n'est pas le seul à employer le "je" honnête.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 31
Re: Emmanuel Carrère
Oui, mais ça pose souvent problème : il est pris pour le "je" d'un... poseur ! Et cela rend la parole, la prose bien lourde ; cela va aussi tout naturellement avec une précaution qui paraît excessive dans notre société. qui demande du "ça sera fini demain", pas du "je crois pouvoir dire qu'il y a de bonnes chances que j'aura fini demain, s'il n'y a pas d'imprévu tel qu'un AVC ou la soudaine inversion de polarité planétaire."
Carrère, c'est un peu le refus du narrateur omniscient, type balzacien (et le prix, c'est le style ?)
Carrère, c'est un peu le refus du narrateur omniscient, type balzacien (et le prix, c'est le style ?)
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15637
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Emmanuel Carrère
Même s'il ne parle pas d'AVC ni de sa femme qui est allé voir ailleurs (non, même en faisant un effort, je m'en fous) je pense à Sebald par exemple qui sait poser (oui parce qu'il pose d'une certaine manière) et dire "je" d'une façon qui n'empêche ni la discrétion, ni la sincérité, ni un très beau style.
Mais Carrère a tellement de choses plus intéressantes à raconter que de scabreuses histoires personnelles, je suis énervé contre lui parce que je suis convaincu qu'il aurait pu se dispenser de raconter toutes ces choses, ça ne lui aurait rien enlevé.
Certes, il y a aussi des écrivains qui ont des histoires personnelles très intéressantes à raconter. Carrère, pas forcément, mais je crois qu'il s'en contrefout, il les inflige quand même à ses lecteurs (Certes, y en a qui aiment. Mais je ne comprends pas) comme si le fait qu'il ait souffert lui autorisait lui donnait une légitimité quelconque ou quoi ?
Je crois que je vais finir par le détester encore plus qu'Annie Ernaux.
Mais Carrère a tellement de choses plus intéressantes à raconter que de scabreuses histoires personnelles, je suis énervé contre lui parce que je suis convaincu qu'il aurait pu se dispenser de raconter toutes ces choses, ça ne lui aurait rien enlevé.
Certes, il y a aussi des écrivains qui ont des histoires personnelles très intéressantes à raconter. Carrère, pas forcément, mais je crois qu'il s'en contrefout, il les inflige quand même à ses lecteurs (Certes, y en a qui aiment. Mais je ne comprends pas) comme si le fait qu'il ait souffert lui autorisait lui donnait une légitimité quelconque ou quoi ?
Je crois que je vais finir par le détester encore plus qu'Annie Ernaux.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 31
Re: Emmanuel Carrère
Dreep a écrit: Je crois que je vais finir par le détester encore plus qu'Annie Ernaux.
- Spoiler:
- En revanche, j'aime beaucoup Annie Ernaux
Le Fantôme
ArenSor- Messages : 3377
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Emmanuel Carrère
Je l' aime aussi Annie Ernaux. Je lis en ce moment Mémoire de fille qui me confime
que sa vie est une profonde tragédie dont la littérature est la seule compensation.
que sa vie est une profonde tragédie dont la littérature est la seule compensation.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Emmanuel Carrère
Bon je n'ai lu que Les Années, mais j'ai trouvé ça ennuyeux au possible. C'est Hélène Morita aussi, qui avait osé la comparer à Sterne, Proust et Sôseki.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 31
Re: Emmanuel Carrère
Yoga
En gros, il y a quatre parties
- Une partie légère où Emmanuel Carrère partage son expérience du yoga, du taï-chi et de la méditation, mais cela ne va pas bien plus loin que quand j’en parle avec mes copains qui les pratiquent.
- Une partie sombre où il raconte la dépression qui l’a terrassé après 10 ans de vie heureuse et a permis qu’un psychiatre diagnostique un trouble bipolaire.
- Une partie « bonne conscience » où il passe sa convalescence à animer un atelier d’écriture pour de jeunes migrants sur une île grecque.
- Un très bref épilogue joyeux, car il a dit qu’il fallait finir les livres sur un note joyeuse, où il tombe à nouveau amoureux, et la lectrice tombe de haut sur cette fin qui la laisse complètement sur sa faim.
Pourquoi cette fois-ci, Carrère, ça n’ a pas marché avec moi ?
Car, si mon esprit cartésien n’affectionne pas particulièrement les discours sur yoga et compagnie,
mon esprit compassionnel a quand même habituellement un faible pour ces écrivains mâles français narcissiques vieillissants qui pratiquent l’autofiction, un peu pleurnicheurs, avec un tonneau de nombrilisme, mais aussi un poil de dérision..(et en écrivant cela je réalise qu'il y en a pas mal, que chez les femmes je n'en trouve pas tant, voire pas du tout et que ce serait un bon sujet de réflexion... mais c’est une autre histoire)
C'est qu'il s’agit en fait d’un récit qui n’ a pas le recul et l’ouverture sur l’autre qui fait habituellement passer la pilule de l’autolâtrie. Oui, j’ose dire que sa dépression majeure, son dossier médical, je m’en fous s’il est raconté ainsi.
J’en ai aussi un peu marre de ces écrits sur les migrants si sympathiques, si malheureux mais si si résilients, quand ces textes sont plus pour valoriser l’empathique auteur qu’apporter un œil neuf.
Comme toujours, Carrère parle de lui, de lui et encore de lui, mais les digressions qu’il fait sur d’autres destins que le sien, heureux ou malheureux (voire carrément atroces, car Carrère est un gros sensible qui a toujours aimé se vautrer un peu dans des vies pire que la sienne), les portraits comme toujours plutôt brillants, n’ont pas suffi à élever le propos, à donner une perspective un peu au-delà de cet horizon.
Et puis il se gargarise, écrivain vertueux, du fait que « la littérature, c’est avant tout le lieu où l’on ne ment pas » pour finir par nous avouer ses petits arrangements avec la vérité (et ces petits arrangements, si on lit ça et là sur internet semblent plutôt des gros arrangements). Ce qui est bien son droit, mais c’est le paradoxe qui est agaçant.
C’est du Carrère pur, oui, et j’ai aimé certains bon moment, c’est lui tout craché, ce tête à claque fascinant, cet homme lucidement déchiré, cet infantile charmeur exaspérant. Mais pour l’ensemble, cette fois, un Carrère un peu étriqué, à bout de souffle, et, là ou ailleurs il avait su si bien m’enchanter, il me gave. Dis, Carrère, que je tutoie car malgré tout cela je continue à t’aimer, tu nous parles de toi, d’accord, mais aussi un peu d’autre chose et ce sera beaucoup mieux.
En gros, il y a quatre parties
- Une partie légère où Emmanuel Carrère partage son expérience du yoga, du taï-chi et de la méditation, mais cela ne va pas bien plus loin que quand j’en parle avec mes copains qui les pratiquent.
- Une partie sombre où il raconte la dépression qui l’a terrassé après 10 ans de vie heureuse et a permis qu’un psychiatre diagnostique un trouble bipolaire.
- Une partie « bonne conscience » où il passe sa convalescence à animer un atelier d’écriture pour de jeunes migrants sur une île grecque.
- Un très bref épilogue joyeux, car il a dit qu’il fallait finir les livres sur un note joyeuse, où il tombe à nouveau amoureux, et la lectrice tombe de haut sur cette fin qui la laisse complètement sur sa faim.
Pourquoi cette fois-ci, Carrère, ça n’ a pas marché avec moi ?
Car, si mon esprit cartésien n’affectionne pas particulièrement les discours sur yoga et compagnie,
mon esprit compassionnel a quand même habituellement un faible pour ces écrivains mâles français narcissiques vieillissants qui pratiquent l’autofiction, un peu pleurnicheurs, avec un tonneau de nombrilisme, mais aussi un poil de dérision..(et en écrivant cela je réalise qu'il y en a pas mal, que chez les femmes je n'en trouve pas tant, voire pas du tout et que ce serait un bon sujet de réflexion... mais c’est une autre histoire)
C'est qu'il s’agit en fait d’un récit qui n’ a pas le recul et l’ouverture sur l’autre qui fait habituellement passer la pilule de l’autolâtrie. Oui, j’ose dire que sa dépression majeure, son dossier médical, je m’en fous s’il est raconté ainsi.
J’en ai aussi un peu marre de ces écrits sur les migrants si sympathiques, si malheureux mais si si résilients, quand ces textes sont plus pour valoriser l’empathique auteur qu’apporter un œil neuf.
Comme toujours, Carrère parle de lui, de lui et encore de lui, mais les digressions qu’il fait sur d’autres destins que le sien, heureux ou malheureux (voire carrément atroces, car Carrère est un gros sensible qui a toujours aimé se vautrer un peu dans des vies pire que la sienne), les portraits comme toujours plutôt brillants, n’ont pas suffi à élever le propos, à donner une perspective un peu au-delà de cet horizon.
Et puis il se gargarise, écrivain vertueux, du fait que « la littérature, c’est avant tout le lieu où l’on ne ment pas » pour finir par nous avouer ses petits arrangements avec la vérité (et ces petits arrangements, si on lit ça et là sur internet semblent plutôt des gros arrangements). Ce qui est bien son droit, mais c’est le paradoxe qui est agaçant.
C’est du Carrère pur, oui, et j’ai aimé certains bon moment, c’est lui tout craché, ce tête à claque fascinant, cet homme lucidement déchiré, cet infantile charmeur exaspérant. Mais pour l’ensemble, cette fois, un Carrère un peu étriqué, à bout de souffle, et, là ou ailleurs il avait su si bien m’enchanter, il me gave. Dis, Carrère, que je tutoie car malgré tout cela je continue à t’aimer, tu nous parles de toi, d’accord, mais aussi un peu d’autre chose et ce sera beaucoup mieux.
_________________
Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8427
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 64
Localisation : Roanne
Re: Emmanuel Carrère
OK, mais le crop top est moins à la mode chez les hommes.Topocl a écrit:ces écrivains mâles français narcissiques vieillissants qui pratiquent l’autofiction, un peu pleurnicheurs, avec un tonneau de nombrilisme, mais aussi un poil de dérision..(et en écrivant cela je réalise qu'il y en a pas mal, que chez les femmes je n'en trouve pas tant, voire pas du tout et que ce serait un bon sujet de réflexion... mais c’est une autre histoire)
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15637
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Emmanuel Carrère
ah! que j'aime quand tu bouscules les auteurs topocl, quand tu leur fais malgré tout ce genre de déclaration.
du coup si un jour je m'aventure sur tes traces, tu me conseillerais quel livre ?
du coup si un jour je m'aventure sur tes traces, tu me conseillerais quel livre ?
_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21144
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Emmanuel Carrère
Voilà qui me rend curieux d'en savoir plus (mais pas de lire le livre).topocl a écrit:Car, si mon esprit cartésien n’affectionne pas particulièrement les discours sur yoga et compagnie,
_________________
Keep on keeping on...
Re: Emmanuel Carrère
Bédoulène a écrit:du coup si un jour je m'aventure sur tes traces, tu me conseillerais quel livre ?
pourquoi pas D'autres vies que la mienne qui est terrible, mais mon préféré et celui de Carrère si on en croit ce qu'il dit dans Yoga.
_________________
Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8427
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 64
Localisation : Roanne
Re: Emmanuel Carrère
animal a écrit:Voilà qui me rend curieux d'en savoir plus (mais pas de lire le livre).topocl a écrit:Car, si mon esprit cartésien n’affectionne pas particulièrement les discours sur yoga et compagnie,
j'ai bien dit "les discours sur yoga et compagnie" et non "yoga et compagnie".
Je ne sais pas en fait si c'est mon esprit cartésien, ou mon besoin de contrôle ou mon scepticisme cynique ou des blocages ancestraux qui me font être ce que je suis c'est à dire incapable du lâcher prise qui permet d’accéder à tout cela. Donc quand autour de moi ça papote, les yeux illuminés, la parole sereine, l'évidence affichée, tout en ayant un respect total et une sorte d'envie jalouse, je me sens totalement exclue, impuissante, interdite d'accès à un monde entier, et ça me gonfle.
_________________
Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8427
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 64
Localisation : Roanne
Re: Emmanuel Carrère
je comprends topocl, j'essaie parfois de faire les positions du qi cong ou du taï chi parce que les mouvements me semblent accessibles mais il y a toujours un accompagnement spirituel que je ne possède pas dans ce genre de pratiques.
anecdote : j'avais suivi une série de séances en sophrologie (même si c'est différent le but est aussi le "lâcher prise") et je n'avais pas atteint, comme le disait l'une des participantes "une jouissance".
anecdote : j'avais suivi une série de séances en sophrologie (même si c'est différent le but est aussi le "lâcher prise") et je n'avais pas atteint, comme le disait l'une des participantes "une jouissance".
_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21144
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Page 4 sur 5 • 1, 2, 3, 4, 5
Des Choses à lire :: Lectures par auteurs :: Écrivains européens francophones
Page 4 sur 5
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|