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Stéphane Mallarmé

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Message par Aventin Lun 27 Fév - 19:18

Merci à tous pour votre accueil de ce fil et vos messages !

Tristam  mort - Stéphane Mallarmé - Page 2 1252659054 , merci encore plus appuyé pour ton explication du vers "Lys ! [...]".
Tu m'as vraiment dispensé l'éclairage là où je tâtonnais, enténébré à souhait !

Passons à un texte qui fut considéré comme une véritable bombe à retardement dans le milieu des Lettres francophones, au reste un de ses derniers, pardon (c'est l'émotion, même si, chronologiquement, et cætera...), un vraiment ultime voulais-je signifier.







Un coup de dés jamais n'abolira le hasard

Ici en pdf, toutefois ma préférence va au support livre, j'aime à voir le vers plonger dans le pli central de l'entre-page et ressortir sur la page d'en face, qui du coup est nettement moins la page suivante.

Même si vous ne possédez pas l'édition Ypsilon qui fait un tantinet rêver - je n'ai jamais pu l'avoir entre les mains, voici un poème sans doute exceptionnel de portée sur l'art poétique francophone du XXème et du XXIème naissant.
On peut feuilleter là quatre lithographies d'Odilon Redon prévues pour l'illustration du poème, précédées de brouillons du poème, loin d'être illisibles au reste, de la plume de Mallarmé.

La préface (incluse à l'orée du pdf op. cité, mes plus plates quant à sa lisibilité, je n'y peux mais, pourtant elle est primordiale, ne ratez son épluchage, sa mastication et son ingestion prolifique sous aucun prétexte)  vaut à n'en pas douter bréviaire, ou manifeste, pour maintes plumes de poètes, surtout additionnée du propos de Paul Valéry cité ci-dessous:

Paul Valéry - Variétés II, folio essais, \"Le coup de dés" (extraits) pp. 268-270 a écrit:
Il a essayé-pensai-je, d'élever enfin une page à la puissance de l'étoilé !

Toute son invention, déduite d'analyses du langage, du livre, de la musique, poursuivies pendant des années, se fonde sur la considération de la page, unité visuelle.
Il avait étudié très soigneusement (même sur les affiches, sur les journaux) l'efficace des distributions de blancs et de noir, l'intensité comparée des types.

Il a eu l'idée de développer ces moyens, consacrés jusqu'à lui à exciter grossièrement l'attention ou à plaire comme ornements naturels de l'écriture. Mais une page, dans son système, doit, s'adressant au coup d'œil qui précède et enveloppe la lecture, "intimer" le mouvement de la composition; faire pressentir, par une sorte d'intuition matérielle, par une harmonie préétablie entre nos divers modes de perception, ou entre les différences de marche de nos sens, ce qui va se produire à l'intelligence.

Il introduit une lecture superficielle, qu'il enchaîne à la lecture linéaire; c'était enrichir le domaine littéraire d'une deuxième dimension.
La liberté que l'auteur concède (dans la préface à l'édition très imparfaite de Cosmopolîs) de lire à haute voix le Coup de dés ne doit pas être mal entendue:  elle ne vaut que pour un lecteur déjà familiarisé avec le texte, et qui, les yeux sur le bel album d'imagerie abstraite, peut enfin, de sa propre voix, animer ce spectacle idéographique d'une crise ou aventure intellectuelle.

Dans une lettre qu'il a écrite à André Gide, et que Gide a citée au cours d'une conférence donnée au Vieux-Colombier en 1913 (cf. la Vie des Lettres, avril 1914), Mallarmé dit nettement son dessein:
"Le poème, écrit-il, s'imprime, en ce moment, tel que je l'ai conçu quant à la pagination, où est tout l'effet.
Tel mot en gros caractères à lui seul demande toute une page de blanc, et je crois être sûr de l'effet.
Je vous enverrai à Florence [...] La première épreuve convenable.
La constellation y affectera, d'après les lois exactes, et autant qu'il est permis à un texte imprimé, fatalement une allure de constellation.
Le vaisseau y donne de la bande, du haut d'une page au bas de l'autre, etc.; car, et c'est là tout le point de vue (qu'il me fallut omettre dans un périodique), le rythme d'une phrase au sujet d'un acte, ou même d'un objet, n'a de sens que s'il les imite et figuré sur le papier, repris par la lecture à l'estampe originelle, n'en sait rendre, malgré tout, quelque chose."


Je ne crois pas qu'il faille considérer la composition du Coup de dés comme effectuée en deux opérations successives: l'une consistant à écrire un poème à la manière ordinaire, c'est-à-dire indépendamment de toute figure et des grandeurs spatiales: l'autre qui donnerait à ce texte définitivement arrêté la disposition convenable.
La tentative de Mallarmé doit nécessairement être plus profonde. Elle se place au moment de la conception. Elle ne se réduit pas à plaquer une harmonie visuelle sur une mélodie intellectuelle préexistante; mais elle demande une extrême, précise et subtile possession de soi-même, conquise par un entraînement particulier, qui permette de conduire, d'une
certaine origine à une certaine fin, l'unité complexe et momentanée de distinctes "parties de l'âme".

Valéry, comme Gide, ont perçu d'emblée tout ce que portait de prometteur pour les vers-libristes à venir ce poème.
C'est à contre-courant de la réception qui lui fut faite tant par la critique que par les éditeurs, puisqu'il ne parut isolément (c'est-à-dire hors format revue, tel qu'il fut imprimé -et à une seule reprise- pour Cosmopolis) que longtemps après la mort de Mallarmé. C'est le gendre du poète, le Dr Edmond Bonniot, qui s'y attela avec opiniâtreté.

Insistons un peu sur le précieux témoignage de Paul Valéry:
Paul Valéry a écrit: Je crois bien que je suis le premier homme qui ait vu cet ouvrage extraordinaire. A peine l'eût-il achevé, Mallarmé me pria de venir chez lui; il m'introduisit dans sa chambre de la rue de Rome où, derrière une antique tapisserie reposèrent jusqu'à sa mort, signal donné par lui de leur destruction, les paquets de ses notes. Sur sa table de bois très ombre, carrée, aux jambes torses, il disposa le manuscrit de son poëme, et il se mit à le lire d'une voix basse, égale, sans le moindre "effet", presque à soi-même.
[...] Mallarmé, m'ayant lu le plus uniment du monde son Coup de dés, comme simple préparation à une plus grande surprise, me fit enfin considérer le dispositif. Il me sembla de voir la figure d'une pensée, pour la première fois placée dans notre espace [..]
Ici, véritablement, l'étendue parlait, songeait, enfantait des formes temporelles [...]

Le 3 mars 1897, me donnant les épreuves corrigées du texte que devait publier Cosmopolis, il me dit avec un admirable sourire, ornement du plus pur orgueil inspiré à un homme par son sentiment de l'univers:
"Ne trouvez-vous pas que c'est un acte de démence ?"  

Bon, tout ceci étant posé, et qu'est-ce qu'il a dans le ventre, ce poème regardé comme si crucial par quiconque s'intéresse, même de loin, à la poésie francophone ?
Tout le gratin des poètes, essayistes, universitaires et littérateurs francophones (mais pas seulement, il semble que ce poème soit fort commenté mondialement) a plus ou moins émis un avis, certains (dont Quentin Meillassoux pour l'un des derniers en date) y voyant quelque encodage, parfois fumeusement ésotérique.

Ce à quoi il est permis de rétorquer qu'en disséquant le moindre ouvrage de la bibliothèque rose, d'aucuns, via par exemple de nombre total de chapitres ou encore leurs titres, serait à même, avec un peu d'imagination servie par un art rhétorique avancé, d'y prouver par a + b un subtil contenu méta-ce que vous voudrez.  

Non, j'en reste à ce qu'en dit Mallarmé, qui n'en dit rien, sauf à Valéry, cette interrogation, déjà citée:"Ne trouvez-vous pas que c'est un acte de démence ?"

Non aussi, je ne trouve pas, cher maître, que ce soit là acte de démence (mais la question nous était-elle adressée à tous au travers de Valéry ?).

Si l'on veut bien accepter un certain lâcher-prise, une immersion dans ce poème-là en particulier, comme se laisser flotter de façon descendante sur le "Soit que l'Abime", se courber avec les caractères italiques, se dresser aux majuscules, admettre le vers conclusif comme asséné sans réplique possible, on passera là un excellent voyage au long cours, sans qu'il ne soit nécessaire de se barder d'érudition ni d'avis autorisés pour appareiller dans d'idéales conditions.
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Message par Tristram Lun 27 Fév - 20:11

Merci à toi, Aventin, pour toute cette documentation (y compris les liens) sur cette oeuvre singulière, et d'un abord pour le moins ardu...

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Message par Aventin Dim 10 Sep - 17:49

Igitur ou la folie d'Elbehnon
Date d'écriture vraisemblable: de 1869 à ?
Exhumé vers 1900, publié en 1925.

Vous trouverez le texte intégral ici.

On le rencontre aussi en audio-livre, et sur youtube:


Le titre:
Igitur, utilisé en adverbe, signifie ainsi, alors; utilisé en conjonction: donc, par conséquent.
La Bible (Genèse 2:1) a écrit: Igitur perfecti sunt cæli et terra, et omnis ornatus eorum.  
(Ainsi furent achevés le ciel et la terre, et tout leur ornement)
Peut-être n'est-il pas inutile, dans la perspective du poème, d'adjoindre le verset qui suit immédiatement:
complevitque Deus die septimo opus suum quod fecerat, et requievit ab omni opere quod patrarat.
(Et Dieu rendit complète au septième jour son œuvre qu’il avait faite: et il se reposa de toute l’œuvre qu’il avait réalisée.)

El Hehnon, en hébreu, désigne le fils des Elohim, les puissances créatrices émanées de YHWH - par extension tout homme.



Le paragraphe qui suit le titre a tout du brouillon laissé, ce qui est plausible:
Le Dr Edmond Bonniot, dont Mallarmé deviendra le beau-père à titre posthume, est convié en compagnie de sa fiancée (Melle Mallarmé) "à dépouiller un monceau de notes, périmées après avoir servi à des œuvres antérieures", en 1900, croit-il.

Il faut savoir qu'à la demande de Mallarmé son épouse et sa fille ont brûlé des milliers de pages, celles-ci sont donc des rescapées.

Notes resserrées, selon l'habitude de Mallarmé, dans "de grandes boîtes à thé de Chine, en bois". Parmi les papiers, un cahier plus grand, formé de demi-feuilles pliées en deux, l'une d'elles servant de couverture et marquée:
Igitur. Déchet
La Folie d'Elbenhon
 
Le Dr Bonniot, qui fréquentait les fameux Mardis de Mallarmé, avait déjà eu vent de ce texte, par Mallarmé lui-même.
Le poète en avait, au reste, lu par le passé une version provisoire à ses amis Mendès et de Villiers, qui en avaient fait état.

Les spécialistes se demandent si la genèse en est antérieure ou non à celle du Faune. 1869, époque de "la crise de Tournon", semble être un point de départ plausible son écriture.

Peu importe, toujours est-il que, pour avancer prudemment, Igitur a accompagné Mallarmé sur une trentaine d'années, durant lesquelles il l'affine, le remodèle, le modifie, sans jamais se résoudre à le publier. On trouve quelques passerelles entre Igitur et le Coup de dés..., comme le "roc faux manoir", le costume, etc...

Le Minuit qui suit en revanche, est très ardu à décortiquer (j'ai mis bien des soirées, à raison d'une phrase maximum, à tenter de le sonder, mais il garde toujours pour moi l'épais mystère de ses ellipses). Ce qui n'est pas de prime importance, si vous prenez votre parti de deux certitudes: d'abord on n'explique pas Mallarmé, ensuite on n'en finit jamais avec Mallarmé...

C'est l'histoire d'un héros fort conceptuel "personnage dont la pensée n'a pas conscience de lui-même". qui s'apprête à commettre un acte, en paroles et en esprit, afin d'arracher la parole à son inanité et rétablir une continuité pensable avec son ascendance (ce dernier mot entendu au sens généalogique du terme, bien qu'il ne soit pas impossible d'y distinguer l'ensemble des générations et civilisations précédentes).

La "folie de sa race" étant, c'est une composante, le mutisme.

Quand les souffles de ses ancêtres veulent souffler la bougie, (grâce à laquelle peut-être subsistent les caractères du grimoires)


Après, un paradoxe fait écueil:
Igitur, enfant, lit son devoir à ses ancêtres
Disons qu'il s'adresse à eux, si je comprends bien, semble vouloir les informer des écrits du grimoire, mais se heurte à un défendu -tabou ?- maternel.

Interdiction de sa mère de descendre ainsi
 
malgré la défense de sa mère -allant jouer dans les tombeaux

Mais, c'est là tout le paradoxe:
sa mère qui lui a dit ce qu'il avait à accomplir
La folie de cette race s'annule en son esprit filial. Quant à son moi il est divisé entre les deux.
Dans sa tentative, Igitur ne rencontre que vides, ondes, ombres, signes intangibles (in-transcrits ?).

Tout cet impalpable, tout cette vaine quête vers ce qui se dérobe sans cesse engendre une douleur prégnante, peut-être celle de Mallarmé dans sa tentative d'une écriture qui fût absolue.

Igitur, en guise de palliatif,
replonge la parole dans son inanité
, parvient à une frontière extrême
il se couche au tombeau
après avoir bu la goutte de Néant qui manque à la mer
Igitur voit l'acte qui le sépare de la mort
l'absence du moi, représentée par l'existence du Néant en substance
Le paradoxe tient dans le fait d'avaler le Néant qui le sépare de ses ancêtres, rétablissant un lien avec eux, sans doute aussi peut-être réparant [leurs actes].
Avalant ce poison, quelque part, il se conforme, mais il se guérit aussi - espère cautériser la folie de sa race.
Rendre aux miens ce pourquoi ils m'ont engendré- l'acte absurde qui atteste l'inanité de leur folie





Du moins est-ce là mon très humble ressenti.
Igitur a généré d'abondantes études, d'abondants commentaires, en génère toujours et en génèrera encore.
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Message par Tristram Dim 10 Sep - 18:02

Passionnant, Aventin ! Nous ne disposons donc que d'une version antérieure à celle où l'a laissé Mallarmé ?

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Message par Aventin Lun 11 Sep - 14:16

En fait non Tristram, nous ne disposons que de cette version. Ceux qui l'ont entendue plus tôt que ce que laisse, en l'état, ce manuscrit (lors des mardis par exemple) ne l'ont pas retranscrite.

De mon point de vue, sur ceux d'entre les textes aujourd'hui perçus comme majeurs, exceptionnels, de Mallarmé qui ne furent pas publiés de son vivant faute d'assentiment de l'auteur, qui considérait ces chantiers-là comme en cours fussent-ils impossibles à terminer, le Coup de dés est beaucoup plus abouti, je le crois finalisé.
Tandis qu'Igitur était un trop vaste projet.

Parait-il qu'Yves Bonnefoy (préface à Igitur - Divagations - Coup de dés  l'éditions poésie nrf Gallimard) le souligne, tout en étant pantois, fasciné, devant le texte (selon un mien ami, je n'ai pas lu cette préface).

Mallarmé y mettait trop de son exigence pour que ce soit humainement réalisable (encore une fois, ce n'est que mon humble opinion), n'en disait-il pas:
C'est un conte par lequel je veux terrasser le vieux monstre de l'Impuissance, son sujet du reste [...] s'il est fait [le conte] je suis guéri; simila similibus.


Ou, autrement dit, nous sommes devant un texte dans lequel l'auteur place tous ses espoirs, non pas en termes lectoraux ou encore éditoriaux, mais dans une optique de guérison.
Sans nul doute en phase totale avec la proposition qu'écrira Alain Jouffroy bien plus tard à propos de ce qui fonde [devrait fonder] la littérature (Préface à Haut Mal de Michel Leiris), mieux dit, Mallarmé dans Igitur est  engagé sans retour possible vers cet absolu de pureté-là:
cette volonté tenace de vérité sans laquelle les mensonges les plus hypnotiques se substituent à notre conscience elle-même
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Message par Quasimodo Lun 11 Sep - 15:05

C'est passionnant ! J'ai parcouru un peu le fil, ça m'a donné envie d'ouvrir le recueil que j'ai (mais peut-être as-tu des suggestions, Aventin, pour commencer Mallarmé ?)
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Message par Aventin Mar 12 Sep - 19:20

Quasimodo a écrit:C'est passionnant ! J'ai parcouru un peu le fil, ça m'a donné envie d'ouvrir le recueil que j'ai (mais peut-être as-tu des suggestions, Aventin, pour commencer Mallarmé ?)

Ah ça c'est une bonne question Quasimodo, réflexion faite c'est presque l'ordre chronologique de parution qui s'impose.
Les débuts parnassiens en premier, puis le symbolisme naissant (l'acte de naissance du symbolisme) sauter les toasts, discours, etc...
Quoi que, quoi que...Attaquer par un poème d'entame aussi difficile que Le Guignon
Spoiler:
peut rebuter.


Mais j'en reste à ceci:
Le glissement subtil du Parnasse vers l'invention du symbolisme reste, en l'occurrence, une recommandable porte d'entrée (surtout si l'on parvient à distinguer l'évolution, certes peu marquée au début, il convient -qu'on me montre le contraire- d'affirmer qu'elle fut vraiment progressive, en appelant au secours toutes les précautions oratoires, cela ne semble pas aller trop vite et trop loin).

Ainsi peut-on passer (quitte à y revenir une fois conquis par Mallarmé), par un sonnet archétypique parnassien comme Renouveau, histoire de toquer à la porte d'entrée:
Renouveau

Le printemps maladif a chassé tristement
L'hiver, saison de l'art serein, l'hiver lucide,
Et, dans mon être à qui le sang morne préside
L'impuissance s'étire en un long bâillement.

Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu'un cercle de fer serre ainsi qu'un vieux tombeau
Et triste, j'erre après un rêve vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane

Puis je tombe énervé de parfums d'arbres, las,
Et creusant de ma face une fosse à mon rêve,
Mordant la terre chaude où poussent les lilas,

J'attends, en m'abîmant que mon ennui s'élève...
- Cependant l'Azur rit sur la haie et l'éveil
De tant d'oiseaux en fleur gazouillant au soleil.
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Message par Quasimodo Lun 18 Sep - 15:48

Merci Aventin, je toque ! Smile
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Message par Jack-Hubert Bukowski Sam 14 Oct - 20:42

Je prends le temps de revenir sur Stéphane Mallarmé. Je ferai remarquer que nous ne semblons toujours pas avoir de fil sur Charles Baudelaire. J'expurge une citation du fil d'Hubert Aquin sur le forum défunt. Je dois le noter : je suis un peu réticent à citer Mallarmé - c'est sûrement pas le seul... - comparativement à d'autres poètes. Je remarque qu'il y a une filiation avec l'oeuvre de Baudelaire et que le poète québécois Émile Nelligan semble être influencé en grande partie par Mallarmé. Je conclurai cette notice en y ajoutant un deuxième extrait poétique à la fin.

Tout d'abord, j'ai tiré ceci des Noces d'Hérodiade :

«À quel psaume de nul antique antiphonaire
Ouï planer ici comme un viril tonnerre
Du cachot fulguré pour s’ensevelir où?
Sauf amplificatrice irruption au trou
Grand ouvert par un vol ébloui
Bloc contre bloc jonchant le lugubre entourage,
Le Fantôme accoudé du pâle écho latent
Sous un voile debout ne dissimule tant
Supérieurement à de noirs plis Prophète
Toujours que de ne pas perpétuer du faîte
Divers rapprochements scintillés absolus :
Et, , plus
Insoumis au joyau géant qui les attache
Ce crépusculaire et fatidique panache
De dentelles à flot torses sur le linon
Taciturne vacille en le signe que non,
Vains les nœuds éplorés, la nitidité fausse
Ensemble que l’agrafe avec ses feux rehausse,
Plus abominé mais placide ambassadeur
Le circonstanciel plat nu dans sa splendeur,
Toute ambiguïté par ce bord muet fuie,
Se fourbit, on dirait, s’époussette ou s’essuie
Aux dénégations très furieusement
Loin dans frôlement
De l’Ombre avec ce soin encore ménagère :
Il                    il exagère
Le sépulcral effroi de son contour livide;
Du moins ce ponctuel décor assigne-t-il
Comme emblème sur une authentique nourrice,
Affres que jusqu’à leur lividité hérisse
Un révulsif ébat vieil horrifié droit
Selon la guimpe puis la coiffe par surcroît!
L’ordinaire abandon sans produire de trace
Hors des seins abolis vers l’infini vorace
Sursautant à la fois en maint épars filet
Jadis, d’un blanc, et maléfique lait.»

Stéphane Mallarmé utilise beaucoup la thématique de la mort et il parle de la beauté féminine, éternel thème des poésies écrites de la main des hommes :

11

BALLADE

(Air: Je suis un enfant gâté)


J'aime une fille bohème
Au pied leste et fin :
Je la vis sous un roc blême
Qui sortait du bain
Dessous ses tresses d'ébène,
Noires ailes de corbeau,
Brillait un oeil aussi beau
Que la lune pleine!

L'eau ruisselait sur son sein,
Fleur sous la rosée!
Sur son genou purpurin
L'algue est renversée...
Là, muette et souriant
Tu contemplais sur la lame
Ton frais minois, rose femme,
Que berçait le vent!

Depuis mon coeur est de flamme!
Dans mon rêve au soir
Je vois le sein de ma dame
Effleurer l'air noir!...

Et, sur un rayon de lune
Qui sur mon front dort moqueur,
Comme un lutin vers mon coeur
Descendre ma brune!

Mais sur son aile diaphane
D'azur étoilé,
Je vois d'une courtisane
Le flanc mi-voilé!
Sur sa lèvre d'ange affable
Voltige un souris méchant

Comme le tien, ô Satan .......
- Si j'aimais le diable!

Juin 1859
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Message par Bédoulène Dim 15 Oct - 8:05

merci Jack, me semble que Mallarmé ne fait pas dans le tiède, surtout dans le premier extrait

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[/i]
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 22 Fév - 11:39

Surpris qu'on n'ait pas parlé de Mallarmé en 3 ans et demi... Wink

Apparition

La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
- C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au coeur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.
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Message par Aventin Mer 8 Sep - 21:05

Pour un tombeau d'Anatole

mort - Stéphane Mallarmé - Page 2 Mallar10

Pauvre chose, brouillon, œuvre inachevée - à vrai dire à peine esquissée, publiée en 1961, le corpus proprement dit pèse 80 pages environ (sobres, très aérées).

Ce sont des notes, Mallarmé lui-même avait décidé qu'il ne fallait pas les publier.
Et, comme un abruti de lecteur avide, j'ai outrepassé l'interdiction, avec les pires raisons, me disant qu'après tout, des spécialistes mallarméens, des sommités, ont présidé à cette mise en pâture au public, que je saurais bien juger, etc.  

Curieux de le lire dans la foulée du Voyage infini vers la mer Blanche, de Lowry, autre inachevé, mais d'un tout autre type, l'ouvrage était destiné, un jour lointain à l'époque de frappe du tapuscrit retrouvé, à la parution.

À savoir si ces notes éparses n'étaient pas plutôt un exutoire pour Mallarmé ?

De là à savamment gloser sur l'inachèvement...oui, il y a une poétique, mais, si je voulais provoquer je dirais qu'avec Mallarmé on trouverait de la poétique même dans une liste de course crayonnée sur un papier jeté, alors...

...Alors, bien sûr on y trouve des passages splendides, bien sûr Mallarmé a des formulations qui font mouche, bien sûr l'ensemble a un charme fou, et l'on (enfin moi en tous cas) ne se départit pas d'une componction attentive (signe d'une lecture qui porte) à parcourir ces feuillets épars groupés avec soin - j'imagine combien ça a dû discuter ordre et pagination. (en extrait des pages se suivant, tel qu'on reçoit le texte en ouvrant à tel ou tel endroit).


----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(p 190)

non -- je ne
laisserai pas
le néant
----
père-- -- -- je
sens le néant
m'envahir


--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(p 191)

et si au moins
--esprit --
je n'ai pas donné
sang suffisant --
----
que ma pensée
lui fasse une
vie plus belle
plus pure.
---------
-- et comme sa peur de moi -- qui
pense -- à côté de lui --



------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(p 76)


famille parfaite
équilibre
père fils
mère fille

romu --
trois, un vide
entre nous,
cherchant.
..



------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(p 77)


tant mieux
qu'il ne le sache pas
--
nous prenons toutes
larmes
-- pleure, mère
etc.
-- transition d'un
état à l'autre
ainsi pas mort
mort -- ridicule ennemie
-- qui ne peux à l'enfant
infliger la notion que tu es !


----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(p 44)

(1
tu me regardes
Je ne peux pas te dire
encore la vérité
je n'ose, trop petit
Ce qui t'est arrivé
--
un jour je te le
dirai
-- car homme
je ne veux pas



-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(p 45)



(2
que tu ne saches
pas ton sort
--
et homme
enfant mort


---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------







Mots-clés : #mort #poésie
Aventin
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Message par Bédoulène Jeu 9 Sep - 23:29

merci Aventin pour ton commentaire, les extraits (et les mots proposés) Smile

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
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