Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Guillaume Apollinaire

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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 20 Jan - 11:03

Guillaume Apollinaire
(1880-1918)

poésie - Guillaume Apollinaire Guilla11

Il semble bien que le moment soit arrivé d'introduire Guillaume Apollinaire. Reconnu à plus forte raison par ses calligrammes et ses poèmes interprétés sous forme de chansons au fil des temps, le poète a acquis un statut enviable en se plaçant comme précurseur et devancier des surréalistes à l'instar de Tristan Tzara. Apollinaire s'est illustré par temps de guerre et s'est éclipsé à la conclusion - ou presque - de la première guerre mondiale. Il est de fait l'inventeur du terme «surréalisme» dont il se révèle un chef de file tout à fait indépendant de la mouvance ultérieure qui en a résulté. Il est mort la même journée qu'un autre monarque affublé du même patronyme - Guillaume II D'Allemagne - ait abdiqué son titre royal. On lui reconnaît une vocation de poète des amours et de l'érotisme.

Bibliographie :

Cliquer ici pour consulter la bibliographie:

Mot-clé : #poésie


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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 20 Jan - 11:08

Calligrammes :

Il faudra bien faire apparaître les choses sous un autre jour, d'un moment à l'autre. À ma dernière lecture de Guillaume Apollinaire, j'y suis allé d'un regard très synthétique. Les Calligrammes ont donné l'occasion à Guillaume Apollinaire de témoigner sur son expérience de la guerre.

Je commence par deux poèmes-déflagrations :

 
 «Mutation»

   Une femme qui pleurait
   Eh ! Oh ! Ha !
   Des soldats qui passaient
   Eh ! Oh ! Ha !
   Un éclusier qui pêchait
   Eh ! Oh ! Ha !
   Les tranchées qui blanchissaient
   Eh ! Oh ! Ha !
   Des obus qui pétaient
   Eh ! Oh ! Ha !
   Des allumettes qui ne prenaient pas
   Et tout

   A tant changé
   En moi
   Tout
   Sauf mon Amour
   Eh ! Oh ! Ha !


********************


«LA BOUCLE RETROUVÉE»

Il retrouve dans sa mémoire
La boucle de cheveux châtains
T’en souvient-il à n’y point croire
De nos deux étranges destins
 
Du boulevard de la Chapelle
Du joli Montmartre et d’Auteuil
Je me souviens murmure-t-elle
Du jour où j’ai franchi ton seuil
 
Il y tomba comme un automne
La boucle de mon souvenir
Et notre destin qui t’étonne
Se joint au jour qui va finir


mots-clés : #poésie


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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 20 Jan - 11:10

Assez intuitivement, je me suis retrouvé dans ce poème :

   
«Merveille de la guerre»

   Que c'est beau ces fusées qui illuminent la nuit
   Elles montent sur leur propre cime et se penchent
   pour regarder
   Ce sont des dames qui dansent avec leurs regards pour
   yeux bras et cœurs

   J'ai reconnu ton sourire et ta vivacité

   C'est aussi l'apothéose quotidienne de toutes mes Béré-
   nices dont les chevelures sont devenues des comètes
   Ces danseuses surdorées appartiennent à tous les temps
   et à toutes les races
   Elles accouchent brusquement d'enfants qui n'ont que
   le temps de mourir

   Comme c'est beau toutes ces fusées
   Mais ce serait bien plus beau s'il y en avait plus encore
   S'il y en avait des millions qui auraient un sens complet
   et relatif comme les lettres d'un livre
   Pourtant c'est aussi beau que si la vie même sortait des
   mourants

   Mais ce serait plus beau encore s'il y en avait plus
   encore
   Cependant je les regarde comme une beauté qui s'offre
   et s'évanouit aussitôt
   Il me semble assister à un grand festin éclairé a giorno
   C'est un banquet que s'offre la terre
   Elle a faim et ouvre de longues bouches pâles
   La terre a faim et voici son festin de Balthasar cannibale
   
   Qui aurait dit qu'on pût être à ce point anthropophage
   Et qu'il fallût tant de feu pour rôtir le corps humain
   C'est pourquoi l'air a un petit goût empyreumatique
   qui n'est ma foi pas désagréable
   Mais le festin serait plus beau encore si le ciel y mangeait
   avec la terre
   Il n'avale que les âmes
   Ce qui est une façon de ne pas se nourrir
   Et se contente de jongler avec des feux versicolores

   Mais j'ai coulé dans la douceur de cette guerre avec
   toute ma compagnie au long des longs boyaux
   Quelques cris de flamme annoncent sans cesse ma
   présence
   J'ai creusé le lit où je coule en me ramifiant en mille
   petits fleuves qui vont partout
   Je suis dans la tranchée de première ligne et cependant
   je suis partout ou plutôt je commence à être partout
   C'est moi qui commence cette chose des siècles à venir
   Ce sera plus long à réaliser que non la fable d'Icare
   volant

   Je lègue à l'avenir l'histoire de Guillaume Apollinaire
   Qui fut à la guerre et sut être partout
   Dans les villes heureuses de l'arrière
   Dans tout le reste de l'univers
   Dans ceux qui meurent en piétinant dans le barbelé
   Dans les femmes dans les canons dans les chevaux
   Au zénith au nadir aux 4 points cardinaux
   Et dans l'unique ardeur de cette veillée d'armes

   Et ce serait sans doute bien plus beau
   Si je pouvais supposer que toutes ces choses dans les-
   quelles je suis partout
   Pouvaient m'occuper aussi
   Mais dans ce sens il n'y a rien de fait
   Car si je suis partout à cette heure il n'y a cependant
   que moi qui suis en moi
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Message par bix_229 Ven 20 Jan - 15:26

Merci pour lui, Jack !

J' aime Apollinaire depuis l' adolescence et il m' accompagne toujours.
Alors que j' ai abandonné d' autres poètes.
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Message par bix_229 Ven 20 Jan - 15:33

SOUS LE PONT MIRABEAU
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passait
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure



Archi connu bien entendu, mais qu' on peut de temps en temps se répéter comme une incantation,
un souvenir, une nostalgie. B
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Message par bix_229 Ven 20 Jan - 15:38

NUIT RHENANE


 
Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds
Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées
Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été
Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire
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Message par Nadine Ven 20 Jan - 19:48

Alors je serai ravie d'en ajouter une couche avec le long poeme qui me met en transe :
(je change les cesures, excusez moi, une manie. Le texte est visible en son intégrité n'importe où ailleurs. Je vous ai mis en gras mes extases, et mis en forme selon le rythme que j'en comprends. C'est pour moi une ôde aux mystères des surplus d'empathie, un cauchemard  dont l'auteur est l'objet, dissection de son avoir et être. je le trouve hallucinant.
et totemique.

On sent qu'il a lu et Rimbaud et Baudelaire, ses changements de ton, césures lexicales (puisque celles de mise en forme sont tronquées ici, attention) marquent l'extrème modernité de sa langue et de son style, et il use pourtant, aussi , des cortèges que même Hugo utilisait avant les deux autres sus cités. Un héritier nu. Et assez mégalo. On lui pardonne ce trait, c est trop beau.

Cortège (in Alcools, 1913)


Oiseau tranquille
au vol inverse
oiseau Qui nidifie en l’air à la limite où notre sol brille déjà ,
Baisse ta deuxième paupière : la terre t’éblouit Quand tu lèves la tête

Et moi aussi de près je suis sombre et terne :


Une brume
qui vient d’obscurcir les lanternes,
Une main
qui tout à coup se pose devant les yeux,

Une voûte entre vous et toutes les lumières

Et je m’éloignerai
m’illuminant au milieu d’ombres Et d’alignements d’yeux des astres bien-aimés

Oiseau tranquille au vol inverse oiseau
Qui nidifie en l’air
A la limite où brille déjà ma mémoire
Baisse ta deuxième paupière

Ni à cause du soleil ni à cause de la terre Mais pour ce feu oblong dont l’intensité ira s’augmentant
Au point qu’il deviendra un jour l’unique lumière

Un jour
Un jour je m’attendais moi-même
Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes
Pour que je sache enfin celui-là que je suis
Moi qui connais les autres


Je les connais par les cinq sens et quelques autres

Il me suffit de voir leur pieds pour pouvoir refaire ces gens à milliers
De voir leurs pieds paniques

un seul de leurs cheveux


De voir leur langue
quand il me plaît de faire le médecin
Ou leurs enfants quand il me plaît de faire le prophète

Les vaisseaux des armateurs

la plume de mes confrères, La monnaie des aveugles : les mains des muets

Ou bien encore à cause du vocabulaire et non de l’écriture
Une lettre écrite par ceux qui ont plus de vingt ans


Il me suffit de sentir l’odeur de leurs églises L’odeur des fleuves dans leurs villes
Le parfum des fleurs dans les jardins publics

O,
Corneille, Agrippa : l’odeur d’un petit chien m’eût suffi pour décrire exactement tes concitoyens de Cologne,
Leurs rois-mages, et la ribambelle ursuline qui t’inspirait l’erreur touchant toutes les femmes .


Il me suffit de goûter la saveur de laurier qu’on cultive pour que j’aime ou que je bafoue
Et de toucher les vêtements Pour ne pas douter si l’on est frileux ou non


O gens que je connais

Il me suffit d’entendre le bruit de leurs pas Pour pouvoir indiquer à jamais la direction qu’ils ont prise

Il me suffit de tous ceux-là pour me croire le droit De ressusciter les autres

Un jour je m’attendais moi-même Je me disais  :Guillaume il est temps que tu viennes !
Et d’un lyrique pas s’avançaient ceux que j’aime        Parmi lesquels je n’étais pas :



Les géants couverts d’algues passaient dans leurs villes Sous-marines où les tours seules étaient des îles

Et cette mer avec les clartés de ses profondeurs Coulait
sang de mes veines

et fait battre mon coeur

Puis
sur cette terre il venait mille peuplades
blanches
Dont chaque homme tenait une rose à la main et le langage qu’ils inventaient en chemin : Je l’appris de leur bouche
et je le parle encore


Le cortège passait et j’y cherchais mon corps



Tous ceux qui survenaient et n’étaient pas moi-même amenaient un à un les morceaux de moi-même


On me bâtit peu à peu comme on élève une tour,

Les peuples s’entassaient
et je parus moi-même


Qu’ont formé tous les corps et les choses humaines

Temps
passés
Trépassés : Les dieux qui me formâtes


Je ne vis que passant
ainsi que vous passâtes

Et détournant mes yeux de ce vide avenir En moi-même je vois tout le passé grandir

Rien n’est mort que ce qui n’existe pas encore

Près du passé luisant demain est incolore

Il est informe

aussi près de ce qui ,
parfait,
Présente tout ensemble  :et l’effort et l’effet
Nadine
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Message par Nadine Ven 20 Jan - 19:58

Jack-Hubert Bukowski a écrit:Assez intuitivement, je me suis retrouvé dans ce poème :

   
     «Merveille de la guerre»

   Que c'est beau ces fusées qui illuminent la nuit
   Elles montent sur leur propre cime et se penchent
   pour regarder
   Ce sont des dames qui dansent avec leurs regards pour
   yeux bras et cœurs

   J'ai reconnu ton sourire et ta vivacité

   C'est aussi l'apothéose quotidienne de toutes mes Béré-
   nices dont les chevelures sont devenues des comètes
   Ces danseuses surdorées appartiennent à tous les temps
   et à toutes les races
   Elles accouchent brusquement d'enfants qui n'ont que
   le temps de mourir

   Comme c'est beau toutes ces fusées
   Mais ce serait bien plus beau s'il y en avait plus encore
   S'il y en avait des millions qui auraient un sens complet
   et relatif comme les lettres d'un livre
   Pourtant c'est aussi beau que si la vie même sortait des
   mourants

   Mais ce serait plus beau encore s'il y en avait plus
   encore
   Cependant je les regarde comme une beauté qui s'offre
   et s'évanouit aussitôt
   Il me semble assister à un grand festin éclairé a giorno
   C'est un banquet que s'offre la terre
   Elle a faim et ouvre de longues bouches pâles
   La terre a faim et voici son festin de Balthasar cannibale
   
   Qui aurait dit qu'on pût être à ce point anthropophage
   Et qu'il fallût tant de feu pour rôtir le corps humain
   C'est pourquoi l'air a un petit goût empyreumatique
   qui n'est ma foi pas désagréable
   Mais le festin serait plus beau encore si le ciel y mangeait
   avec la terre
   Il n'avale que les âmes
   Ce qui est une façon de ne pas se nourrir
   Et se contente de jongler avec des feux versicolores

   Mais j'ai coulé dans la douceur de cette guerre avec
   toute ma compagnie au long des longs boyaux
   Quelques cris de flamme annoncent sans cesse ma
   présence
   J'ai creusé le lit où je coule en me ramifiant en mille
   petits fleuves qui vont partout
   Je suis dans la tranchée de première ligne et cependant
   je suis partout ou plutôt je commence à être partout
   C'est moi qui commence cette chose des siècles à venir
   Ce sera plus long à réaliser que non la fable d'Icare
   volant

   Je lègue à l'avenir l'histoire de Guillaume Apollinaire
   Qui fut à la guerre et sut être partout
   Dans les villes heureuses de l'arrière
   Dans tout le reste de l'univers
   Dans ceux qui meurent en piétinant dans le barbelé
   Dans les femmes dans les canons dans les chevaux
   Au zénith au nadir aux 4 points cardinaux
   Et dans l'unique ardeur de cette veillée d'armes

   Et ce serait sans doute bien plus beau
   Si je pouvais supposer que toutes ces choses dans les-
   quelles je suis partout
   Pouvaient m'occuper aussi
   Mais dans ce sens il n'y a rien de fait
   Car si je suis partout à cette heure il n'y a cependant
   que moi qui suis en moi

Il y a les mêmes trames que dans Cortèges, sur ce drame d'être éponge , tu vois ? Sur les questions d'identité face aux réceptions.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 20 Jan - 22:50

bix_229 a écrit:
NUIT RHENANE


 
Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds
Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées
Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été
Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

Bix, j'avais aussi remarqué celui-là au cours de ma lecture. Je me suis retenu dans le geste.

Nadine, tu proposes de belles pistes. Chose sûre, Apollinaire aimait tout autant la prose ample que versifiée ou en blocs poétiques... il était bon en poésie brève, mais je pense qu'on l'apprécie mieux parce qu'il sait être ample et dissert dans son acte poétique. Par rapport à l'extrait que tu cites de ma part en exemple, j'ai retenu celui-ci car il semble exemplifier de belle façon la quête du surréalisme naissant, quoiqu'il s'agisse d'une inspiration circonscrite dans le créneau des poésies amoureuses et érotiques. Apollinaire s'est consacré à son art et il est mort assez jeune, pourrons-nous dire qu'il a incarné l'archétype de l'enfant terrible en poésie avec les Rimbaud, Nelligan et compagnie?
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Message par Marie Sam 21 Jan - 2:11

Nadine a écrit:Il y a les mêmes trames que dans Cortèges, sur ce drame d'être éponge , tu vois ? Sur les questions d'identité face aux réceptions.
Peux tu en dire un peu plus, Nadine? C'est quoi le drame d'être éponge?

Dans Calligrammes, mon préféré:

Le poète

   Je me souviens ce soir de ce drame indien
   Le Chariot d'Enfant un voleur y survient
   Qui pense avant de faire un trou dans la muraille
   Quelle forme il convient de donner à l'entaille
   Afin que la beauté ne perde pas ses droits
   Même au moment d'un crime
   Et nous aurions je crois
   À l'instant de périr nous poètes nous hommes
   Un souci de même ordre à la guerre où nous sommes

Mais ici comme ailleurs je le sais la beauté
   N'est la plupart du temps que la simplicité
   Et combien j'en ai vu qui morts dans la tranchée
   Étaient restés debout et la tête penchée
   S'appuyant simplement contre le parapet

J'en vis quatre une fois qu'un même obus frappait
   Ils restèrent longtemps ainsi morts et très crânes
   Avec l'aspect penché de quatre tours pisanes

Depuis dix jours au fond d'un couloir trop étroit
   Dans les éboulements et la boue et le froid
   Parmi la chair qui souffre et dans la pourriture
   Anxieux nous gardons la route de Tahure

J'ai plus que les trois cœurs des poulpes pour souffrir
   Vos cœurs sont tous en moi je sens chaque blessure
   Ô mes soldats souffrants ô blessés à mourir
   Cette nuit est si belle où la balle roucoule
   Tout un fleuve d'obus sur nos têtes s'écoule
   Parfois une fusée illumine la nuit
   C'est une fleur qui s'ouvre et puis s'évanouit

La terre se lamente et comme une marée
   Monte le flot chantant dans mon abri de craie
   Séjour de l'insomnie incertaine maison
   De l'Alerte la Mort et la Démangeaison

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Message par Nadine Sam 21 Jan - 5:33

Oh làlà, je ne le connaissais pas celui-là, Marie.
ça me rappelle qu'en effet il a écrit sur la guerre qu'il a fait, ce texte et celui cité par JHB. je ne connais qu'Alcools.
C'est fou comme il écrit simple mais précis, c'est très beau et plein de justesse. je suis impressionnée. Décidément j'aime beaucoup.

(Quand je parlais d'éponge , je voulais dire ce côté empathique, d'absorber, d'être voyant, transpercé par tous les sens qu'un simple regard amène sur l'autre. Dans Cortège que j'ai mis, il se lamente sur la multitude où quasiment amer il se noie, dans ce cauchemard, semblant toucher à l'exhaustif du monde sans jamais pouvoir savoir où lui se trouve "je m'attendais moi même".
Et sur la fin de Merveille de la guerre,
" Et ce serait sans doute bien plus beau
  Si je pouvais supposer que toutes ces choses dans les-quelles je suis partout
  Pouvaient m'occuper aussi
  Mais dans ce sens il n'y a rien de fait
  Car si je suis partout à cette heure il n'y a cependant
  que moi qui suis en moi"
il reprend cette trame de vide , de passeur qui se trouve comme vide au final. Plein, traversé, mais aussi comme effacé par la gamme universelle. La resilience suite à la guerre qu'il décrit si bien devait en effet être acquise au prix d'une absence profonde à soi, d'un sentiment du tragique propre à relativiser l'individualité profonde. Sinon en l'érigeant comme simple humanité .. je sais pas, ça me fais cet effet.
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Message par bix_229 Sam 21 Jan - 15:49

Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur

Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l'étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace
Comme font les fruits d'or autour de Baratier

Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants

Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l'onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L'amant serait plus fort dans ton corps écarté

Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie
- Souviens-t'en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeur -
Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie

Ô mon unique amour et ma grande folie
La nuit descend
On y pressent
Un long destin de sang

Guillaume APOLLINAIRE, Poèmes à Lou


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Message par Nadine Sam 21 Jan - 16:24

Beau ! aussi !
Tu vois j'aime bien , tu as fais comme moi tu as introduis tes marques, je trouve en general que ça parle , le partage est facilité (les auteurs aimeraient pas peut être mais nous sommes humbles face à eux, néanmoins)
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Message par Jack-Hubert Bukowski Sam 21 Jan - 22:40

Merci d'avoir relancé Nadine sur ce qu'elle évoquait comme questions, Marie. Les lecteurs que nous sommes apprenons en même temps... je reviendrai sûrement à Apollinaire en temps et lieu... poésie - Guillaume Apollinaire 1252659054
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Message par Marie Dim 22 Jan - 2:43

Nadine a écrit:
(Quand je parlais d'éponge , je voulais dire ce côté empathique, d'absorber, d'être voyant, transpercé par tous les sens qu'un simple regard amène sur l'autre.
Merci Nadine!
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Message par Aventin Dim 22 Jan - 8:02

Apollinaire ce sont aussi les Calligrammes (1918 pour la parution), et la conception de la page-espace traduisant une sortie complète du poème déclamé (partageable à haute voix) pour la réception individuelle, mettant, au niveau sensoriel du lecteur, sans nul doute la vue au premier plan, et l'ouïe en second plan, l'ouïe, si j'ose une comparaison hardie, est presque un détail sur la ligne d'horizon.  

Simple, dit comme ça ?
Et bien non, rien n'interdit d'imaginer des gouttes de pluie pianotant en fond sonore. C'est même on ne peut plus suggéré. Du coup l'ouïe n'est plus reléguée en détail sur la ligne d'horizon...

Il pleut

poésie - Guillaume Apollinaire Apollinaire-il-pleut

Toutefois attention, ce poème n'est pas un simple exercice de maestria, ou juste un dessin écrit, la transcription horizontale délivre bel et bien une facture pré-surréaliste extrêmement aboutie.
Il pleut des voix de femmes comme si elles étaient mortes même dans le souvenir.
c’est vous aussi qu’il pleut merveilleuses rencontres de ma vie ô gouttelettes !
et ces nuages cabrés se prennent à hennir tout un univers de villes auriculaires
écoute s’il pleut tandis que le regret et le dédain pleurent une ancienne musique
écoute tomber les liens qui te retiennent en haut et en bas
Aventin
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Message par Nadine Dim 22 Jan - 10:28

C'est vrai que c'est particulierement reussi au niveau impressionniste,  merci Aventin de nous le montrer !

Pour le côté ouïe, j'aurais dis qu'il suggère de voir l'ecoute plutôt que d'ecouter la pluie, si tu me suis. Je pense que tu me suivras, parce que tu soulignes bien "le detail sur la ligne d'horizon", une expression dont on n est pas certain d'en comprendre les tenants mais qui parle beaucoup, un peu comme la poesie parfois.


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Nadine
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Message par Tristram Dim 22 Jan - 14:07

Une bonne nouvelle :
« On n’est jamais sûr de mourir. »
Guillaume Apollinaire, « Le passant de Prague », in « L’Hérésiarque et Cie »

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Aventin Dim 22 Jan - 17:59

Nadine a écrit:C'est vrai que c'est particulierement reussi au niveau impressionniste,  merci Aventin de nous le montrer !

Pour le côté ouïe, j'aurais dis qu'il suggère de voir l'ecoute plutôt que d'ecouter la pluie, si tu me suis. Je pense que tu me suivras, parce que tu soulignes bien "le detail sur la ligne d'horizon", une expression dont on n est pas certain d'en comprendre les tenants mais qui parle beaucoup, un peu comme la poesie parfois.


Spoiler:

Bien sûr que je te suis, et, hors sujet pour hors sujet, spoiler pour spoiler
Spoiler:

Sans doute une des prosodies d'Apollinaire que je prise le plus, j'ai dû la commenter sur l'ancien forum lorsqu'on évoquait, sur un fil mémorable, la guerre dite Grande, 1914-1918, si vous ne la connaissez pas (mais si vous la connaissez aussi !), recevez-là et parlons-en, ce sera sans doute bien meilleur que le réchauffage à la façon déterré-copié-collé:







Le palais du tonnerre

   Par l'issue ouverte sur le boyau dans la craie
   En regardant la paroi adverse qui semble en nougat
   On voit à gauche et à droite fuir l'humide couloir désert
   Où meurt étendue une pelle à la face effrayante à deux yeux réglementaires qui servent à l'attacher sous les caissons
   Un rat y recule en hâte tandis que j'avance en hâte
   Et le boyau s'en va couronné de craie semé de branches
   Comme un fantôme creux qui met du vide où il passe blanchâtre
   Et là-haut le toit est bleu et couvre bien le regard fermé par quelques lignes droites
   Mais en deçà de l'issue c'est le palais bien nouveau et qui paraît ancien
   Le plafond est fait de traverses de chemin de fer
   Entre lesquelles il y a des morceaux de craie et des touffes d'aiguilles de sapin
   Et de temps en temps des débris de craie tombent comme des morceaux de vieillesse
   À côté de l'issue que ferme un tissu lâche d'une espèce qui sert généralement aux emballages
   Il y a un trou qui tient lieu d'âtre et ce qui y brûle est un feu semblable à l'âme
   Tant il tourbillonne et tant il est inséparable de ce qu'il dévore et fugitif
   Les fils de fer se tendent partout servant de sommier supportant des planches
   Ils forment aussi des crochets et l'on y suspend mille choses
   Comme on fait à la mémoire
   Des musettes bleues des casques bleus des cravates bleues des vareuses bleues
   Morceaux du ciel tissus des souvenirs les plus purs
   Et il flotte parfois en l'air de vagues nuages de craie
   Sur la planche brillent des fusées détonateurs joyaux dorés à tête émaillée
   Noirs blancs rouges
   Funambules qui attendent leur tour de passer sur les trajectoires
   Et font un ornement mince et élégant à cette demeure souterraine
   Ornée de six lits placés en fer à cheval
   Six lits couverts de riches manteaux bleus

   Sur le palais il y a un haut tumulus de craie
   Et des plaques de tôle ondulée
   Fleuve figé de ce domaine idéal
   Mais privé d'eau car ici il ne roule que le feu jailli de la mélinite
   Le parc aux fleurs de fulminate jaillit des trous penchés
   Tas de cloches aux doux sons des douilles rutilantes
   Sapins élégants et petits comme en un paysage japonais
   Le palais s'éclaire parfois d'une bougie à la flamme aussi petite qu'une souris
   Ô palais minuscule comme si on te regardait par le gros bout d'une lunette
   Petit palais où tout s'assourdit
   Petit palais où tout est neuf rien rien d'ancien
   Et où tout est précieux où tout le monde est vêtu comme un roi
   Une selle est dans un coin à cheval sur une caisse
   Un journal du jour traîne par terre
   Et cependant tout paraît vieux dans cette neuve demeure
   Si bien qu'on comprend que l'amour de l'antique
   Le goût de l'anticaille
   Soit venu aux hommes dès le temps des cavernes
   Tout y était si précieux et si neuf
   Tout y est si précieux et si neuf
   Qu'une chose plus ancienne ou qui a déjà servi y apparaît
   Plus précieuse
   Que ce qu'on a sous la main
   Dans ce palais souterrain creusé dans la craie si blanche et si neuve
   Et deux marches neuves
   Elles n'ont pas deux semaines
   Sont si vieilles et si usées dans ce palais qui semble antique sans imiter l'antique
   Qu'on voit que ce qu'il y a de plus simple de plus neuf est ce qui est
   Le plus près de ce que l'on appelle la beauté antique
   Et ce qui est surchargé d'ornements
   A besoin de vieillir pour avoir la beauté qu'on appelle antique
   Et qui est la noblesse la force l'ardeur l'âme l'usure
   De ce qui est neuf et qui sert
   Surtout si cela est simple simple
   Aussi simple que le petit palais du tonnerre
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Message par ArenSor Dim 22 Jan - 18:55

C'est assez émouvant de l'entendre. La déclamation est un peu grandiloquente dans l'esprit de l'époque.

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