Guillaume Apollinaire
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Guillaume Apollinaire
Guillaume Apollinaire
(1880-1918)
(1880-1918)
Il semble bien que le moment soit arrivé d'introduire Guillaume Apollinaire. Reconnu à plus forte raison par ses calligrammes et ses poèmes interprétés sous forme de chansons au fil des temps, le poète a acquis un statut enviable en se plaçant comme précurseur et devancier des surréalistes à l'instar de Tristan Tzara. Apollinaire s'est illustré par temps de guerre et s'est éclipsé à la conclusion - ou presque - de la première guerre mondiale. Il est de fait l'inventeur du terme «surréalisme» dont il se révèle un chef de file tout à fait indépendant de la mouvance ultérieure qui en a résulté. Il est mort la même journée qu'un autre monarque affublé du même patronyme - Guillaume II D'Allemagne - ait abdiqué son titre royal. On lui reconnaît une vocation de poète des amours et de l'érotisme.
Bibliographie :
- Cliquer ici pour consulter la bibliographie:
Poésie
Le Bestiaire ou Cortège d'Orphée, illustré de gravures par Raoul Dufy, Deplanche, 1911. Cet ouvrage a également été illustré de lithographies en couleurs par Jean Picart Le Doux.
Alcools, recueil de poèmes composés entre 1898 et 1913 : Page 1
Vitam impendere amori, illustré par André Rouveyre, Mercure de France, 1917.
Calligrammes, poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916, 1918 : Page 1
Aquarelliste
Il y a..., recueil posthume, Albert Messein, 1925.
Ombre de mon amour, poèmes adressés à Louise de Coligny-Châtillon, Cailler, 1947.
Poèmes secrets à Madeleine, édition pirate, 1949.
Le Guetteur mélancolique, poèmes inédits, Gallimard, 1952.
Poèmes à Lou, Cailler, recueils de poèmes pour Louise de Coligny-Châtillon, 1955.
Soldes, poèmes inédits, Fata Morgana, 1985
Et moi aussi je suis peintre, album d'idéogrammes lyriques coloriés, resté à l'état d'épreuve. Les idéogrammes seront insérés dans le recueil Calligrammes, Le temps qu'il fait, 2006.
Romans et contes
Mirely ou le Petit Trou pas cher, roman érotique écrit sous pseudonyme pour un libraire de la rue Saint-Roch à Paris, 1900 (ouvrage perdu).
Que faire ?, roman-feuilleton paru dans le journal Le Matin, signé Esnard, auquel G.A. sert de nègre.
Les Onze Mille Verges ou les Amours d'un hospodar, publié sous couverture muette, 1907.
L'Enchanteur pourrissant, illustré de gravures d'André Derain, Kahnweiler, 1909.
L'Hérésiarque et Cie, contes, Stock, 1910.
Les Exploits d'un jeune Don Juan, roman érotique, publié sous couverture muette, 1911. Le roman a été adapté au cinéma en 1987 par Gianfranco Mingozzi sous le même titre.
La Rome des Borgia, qui est en fait de la main de Dalize, Bibliothèque des Curieux, 1914.
La Fin de Babylone - L'Histoire romanesque 1/3, Bibliothèque des Curieux, 1914.
Les Trois Don Juan - L'Histoire romanesque 2/3, Bibliothèque de Curieux, 1915.
Le Poète assassiné, contes, L'Édition, Bibliothèque de Curieux, 1916.
La Femme assise, inachevé, édition posthume, Gallimard, 1920. Version digitale chez Gallica22
Les Épingles, contes, 1928.
Le Corps et l’Esprit (Inventeurs, médecins & savants fous), Bibliogs, Collection Sérendipité, 2016. Contient les contes : « Chirurgie esthétique » et « Traitement thyroïdien » publiés en 1918.
Ouvrages critiques et chroniques
La Phalange nouvelle, conférence, 1909.
L'Œuvre du Marquis de Sade, pages choisies, introduction, essai bibliographique et notes, Paris, Bibliothèque des Curieux, 1909, première anthologie publiée en France sur le marquis de Sade.
Les Poèmes de l'année, conférence, 1909.
Les Poètes d'aujourd'hui, conférence, 1909.
Le Théâtre italien, encyclopédie littéraire illustrée, 1910
Pages d'histoire, chronique des grands siècles de France, chronique historique, 1912
La Peinture moderne, 1913.
Les Peintres cubistes. Méditations esthétiques, Eugène Figuière & Cie, Éditeurs, 1913, Collection « Tous les Arts » ; réédition Hermann, 1965
L'Antitradition futuriste, manifeste synthèse, 1913.
L'Enfer de la Bibliothèque nationale avec Fernand Fleuret et Louis Perceau, Mercure de France, Paris, 1913 (2e édit. en 1919).
Le Flâneur des deux rives, chroniques, Éditions de la Sirène, 1918.
L'Œuvre poétique de Charles Baudelaire, introduction et notes à l'édition des Maîtres de l'amour, Collection des Classiques Galants, Paris, 1924.
Anecdotiques, notes de 1911 à 1918, édité post mortem chez Stock en 1926
Les Diables amoureux, recueil des travaux pour les Maîtres de l'Amour et le Coffret du bibliophile, Gallimard, 1964.
Références :
Œuvres en prose complètes. Tomes II et III, Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 1991 et 1993.
Petites merveilles du quotidien, textes retrouvés, Fata Morgana, 1979.
Petites flâneries d'art, textes retrouvés, Fata Morgana, 1980.
Théâtre et cinéma
Les Mamelles de Tirésias, drame surréaliste en deux actes et un prologue, 1917.
La Bréhatine, scénario de cinéma écrit en collaboration avec André Billy, 1917.
Couleur du temps, 1918, réédition 1949.
Casanova, Comédie parodique (préf. Robert Mallet), Paris, Gallimard, 1952, 122 p.
Correspondance
Lettres à sa marraine 1915–1918, 1948.
Tendre comme le souvenir, lettres à Madeleine Pagès, 1952.
Lettres à Lou, édition de Michel Décaudin, Gallimard, 1969.
Lettres à Madeleine. Tendre comme le souvenir, édition revue et augmentée par Laurence Campa, Gallimard, 2005.
Correspondance avec les artistes, Gallimard, 2009.
Journal
Journal intime (1898-1918), édition de Michel Décaudin, fac-similé d'un cahier inédit d'Apollinaire, 1991.
màj le 16/11/2017
Source : Wikipedia
Mot-clé : #poésie
Dernière édition par Jack-Hubert Bukowski le Ven 20 Jan - 11:11, édité 1 fois
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
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Age : 42
Localisation : Montréal
Re: Guillaume Apollinaire
Calligrammes :
Il faudra bien faire apparaître les choses sous un autre jour, d'un moment à l'autre. À ma dernière lecture de Guillaume Apollinaire, j'y suis allé d'un regard très synthétique. Les Calligrammes ont donné l'occasion à Guillaume Apollinaire de témoigner sur son expérience de la guerre.
Je commence par deux poèmes-déflagrations :
mots-clés : #poésie
Il faudra bien faire apparaître les choses sous un autre jour, d'un moment à l'autre. À ma dernière lecture de Guillaume Apollinaire, j'y suis allé d'un regard très synthétique. Les Calligrammes ont donné l'occasion à Guillaume Apollinaire de témoigner sur son expérience de la guerre.
Je commence par deux poèmes-déflagrations :
«Mutation»
Une femme qui pleurait
Eh ! Oh ! Ha !
Des soldats qui passaient
Eh ! Oh ! Ha !
Un éclusier qui pêchait
Eh ! Oh ! Ha !
Les tranchées qui blanchissaient
Eh ! Oh ! Ha !
Des obus qui pétaient
Eh ! Oh ! Ha !
Des allumettes qui ne prenaient pas
Et tout
A tant changé
En moi
Tout
Sauf mon Amour
Eh ! Oh ! Ha !
********************
«LA BOUCLE RETROUVÉE»
Il retrouve dans sa mémoire
La boucle de cheveux châtains
T’en souvient-il à n’y point croire
De nos deux étranges destins
Du boulevard de la Chapelle
Du joli Montmartre et d’Auteuil
Je me souviens murmure-t-elle
Du jour où j’ai franchi ton seuil
Il y tomba comme un automne
La boucle de mon souvenir
Et notre destin qui t’étonne
Se joint au jour qui va finir
mots-clés : #poésie
Dernière édition par Jack-Hubert Bukowski le Ven 20 Jan - 12:51, édité 1 fois
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
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Re: Guillaume Apollinaire
Assez intuitivement, je me suis retrouvé dans ce poème :
«Merveille de la guerre»
Que c'est beau ces fusées qui illuminent la nuit
Elles montent sur leur propre cime et se penchent
pour regarder
Ce sont des dames qui dansent avec leurs regards pour
yeux bras et cœurs
J'ai reconnu ton sourire et ta vivacité
C'est aussi l'apothéose quotidienne de toutes mes Béré-
nices dont les chevelures sont devenues des comètes
Ces danseuses surdorées appartiennent à tous les temps
et à toutes les races
Elles accouchent brusquement d'enfants qui n'ont que
le temps de mourir
Comme c'est beau toutes ces fusées
Mais ce serait bien plus beau s'il y en avait plus encore
S'il y en avait des millions qui auraient un sens complet
et relatif comme les lettres d'un livre
Pourtant c'est aussi beau que si la vie même sortait des
mourants
Mais ce serait plus beau encore s'il y en avait plus
encore
Cependant je les regarde comme une beauté qui s'offre
et s'évanouit aussitôt
Il me semble assister à un grand festin éclairé a giorno
C'est un banquet que s'offre la terre
Elle a faim et ouvre de longues bouches pâles
La terre a faim et voici son festin de Balthasar cannibale
Qui aurait dit qu'on pût être à ce point anthropophage
Et qu'il fallût tant de feu pour rôtir le corps humain
C'est pourquoi l'air a un petit goût empyreumatique
qui n'est ma foi pas désagréable
Mais le festin serait plus beau encore si le ciel y mangeait
avec la terre
Il n'avale que les âmes
Ce qui est une façon de ne pas se nourrir
Et se contente de jongler avec des feux versicolores
Mais j'ai coulé dans la douceur de cette guerre avec
toute ma compagnie au long des longs boyaux
Quelques cris de flamme annoncent sans cesse ma
présence
J'ai creusé le lit où je coule en me ramifiant en mille
petits fleuves qui vont partout
Je suis dans la tranchée de première ligne et cependant
je suis partout ou plutôt je commence à être partout
C'est moi qui commence cette chose des siècles à venir
Ce sera plus long à réaliser que non la fable d'Icare
volant
Je lègue à l'avenir l'histoire de Guillaume Apollinaire
Qui fut à la guerre et sut être partout
Dans les villes heureuses de l'arrière
Dans tout le reste de l'univers
Dans ceux qui meurent en piétinant dans le barbelé
Dans les femmes dans les canons dans les chevaux
Au zénith au nadir aux 4 points cardinaux
Et dans l'unique ardeur de cette veillée d'armes
Et ce serait sans doute bien plus beau
Si je pouvais supposer que toutes ces choses dans les-
quelles je suis partout
Pouvaient m'occuper aussi
Mais dans ce sens il n'y a rien de fait
Car si je suis partout à cette heure il n'y a cependant
que moi qui suis en moi
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
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Age : 42
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Re: Guillaume Apollinaire
Merci pour lui, Jack !
J' aime Apollinaire depuis l' adolescence et il m' accompagne toujours.
Alors que j' ai abandonné d' autres poètes.
J' aime Apollinaire depuis l' adolescence et il m' accompagne toujours.
Alors que j' ai abandonné d' autres poètes.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Guillaume Apollinaire
SOUS LE PONT MIRABEAU
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passait
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Archi connu bien entendu, mais qu' on peut de temps en temps se répéter comme une incantation,
un souvenir, une nostalgie. B
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passait
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Archi connu bien entendu, mais qu' on peut de temps en temps se répéter comme une incantation,
un souvenir, une nostalgie. B
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Guillaume Apollinaire
NUIT RHENANE
Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds
Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées
Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été
Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Guillaume Apollinaire
Alors je serai ravie d'en ajouter une couche avec le long poeme qui me met en transe :
(je change les cesures, excusez moi, une manie. Le texte est visible en son intégrité n'importe où ailleurs. Je vous ai mis en gras mes extases, et mis en forme selon le rythme que j'en comprends. C'est pour moi une ôde aux mystères des surplus d'empathie, un cauchemard dont l'auteur est l'objet, dissection de son avoir et être. je le trouve hallucinant.
et totemique.
On sent qu'il a lu et Rimbaud et Baudelaire, ses changements de ton, césures lexicales (puisque celles de mise en forme sont tronquées ici, attention) marquent l'extrème modernité de sa langue et de son style, et il use pourtant, aussi , des cortèges que même Hugo utilisait avant les deux autres sus cités. Un héritier nu. Et assez mégalo. On lui pardonne ce trait, c est trop beau.
Cortège (in Alcools, 1913)
Oiseau tranquille
au vol inverse
oiseau Qui nidifie en l’air à la limite où notre sol brille déjà ,
Baisse ta deuxième paupière : la terre t’éblouit Quand tu lèves la tête
Et moi aussi de près je suis sombre et terne :
Une brume
qui vient d’obscurcir les lanternes,
Une main
qui tout à coup se pose devant les yeux,
Une voûte entre vous et toutes les lumières
Et je m’éloignerai
m’illuminant au milieu d’ombres Et d’alignements d’yeux des astres bien-aimés
Oiseau tranquille au vol inverse oiseau
Qui nidifie en l’air
A la limite où brille déjà ma mémoire
Baisse ta deuxième paupière
Ni à cause du soleil ni à cause de la terre Mais pour ce feu oblong dont l’intensité ira s’augmentant
Au point qu’il deviendra un jour l’unique lumière
Un jour
Un jour je m’attendais moi-même
Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes
Pour que je sache enfin celui-là que je suis
Moi qui connais les autres
Je les connais par les cinq sens et quelques autres
Il me suffit de voir leur pieds pour pouvoir refaire ces gens à milliers
De voir leurs pieds paniques
un seul de leurs cheveux
De voir leur langue
quand il me plaît de faire le médecin
Ou leurs enfants quand il me plaît de faire le prophète
Les vaisseaux des armateurs
la plume de mes confrères, La monnaie des aveugles : les mains des muets
Ou bien encore à cause du vocabulaire et non de l’écriture
Une lettre écrite par ceux qui ont plus de vingt ans
Il me suffit de sentir l’odeur de leurs églises L’odeur des fleuves dans leurs villes
Le parfum des fleurs dans les jardins publics
O,
Corneille, Agrippa : l’odeur d’un petit chien m’eût suffi pour décrire exactement tes concitoyens de Cologne,
Leurs rois-mages, et la ribambelle ursuline qui t’inspirait l’erreur touchant toutes les femmes .
Il me suffit de goûter la saveur de laurier qu’on cultive pour que j’aime ou que je bafoue
Et de toucher les vêtements Pour ne pas douter si l’on est frileux ou non
O gens que je connais
Il me suffit d’entendre le bruit de leurs pas Pour pouvoir indiquer à jamais la direction qu’ils ont prise
Il me suffit de tous ceux-là pour me croire le droit De ressusciter les autres
Un jour je m’attendais moi-même Je me disais :Guillaume il est temps que tu viennes !
Et d’un lyrique pas s’avançaient ceux que j’aime Parmi lesquels je n’étais pas :
Les géants couverts d’algues passaient dans leurs villes Sous-marines où les tours seules étaient des îles
Et cette mer avec les clartés de ses profondeurs Coulait
sang de mes veines
et fait battre mon coeur
Puis
sur cette terre il venait mille peuplades
blanches
Dont chaque homme tenait une rose à la main et le langage qu’ils inventaient en chemin : Je l’appris de leur bouche
et je le parle encore
Le cortège passait et j’y cherchais mon corps
Tous ceux qui survenaient et n’étaient pas moi-même amenaient un à un les morceaux de moi-même
On me bâtit peu à peu comme on élève une tour,
Les peuples s’entassaient
et je parus moi-même
Qu’ont formé tous les corps et les choses humaines
Temps
passés
Trépassés : Les dieux qui me formâtes
Je ne vis que passant
ainsi que vous passâtes
Et détournant mes yeux de ce vide avenir En moi-même je vois tout le passé grandir
Rien n’est mort que ce qui n’existe pas encore
Près du passé luisant demain est incolore
Il est informe
aussi près de ce qui ,
parfait,
Présente tout ensemble :et l’effort et l’effet
(je change les cesures, excusez moi, une manie. Le texte est visible en son intégrité n'importe où ailleurs. Je vous ai mis en gras mes extases, et mis en forme selon le rythme que j'en comprends. C'est pour moi une ôde aux mystères des surplus d'empathie, un cauchemard dont l'auteur est l'objet, dissection de son avoir et être. je le trouve hallucinant.
et totemique.
On sent qu'il a lu et Rimbaud et Baudelaire, ses changements de ton, césures lexicales (puisque celles de mise en forme sont tronquées ici, attention) marquent l'extrème modernité de sa langue et de son style, et il use pourtant, aussi , des cortèges que même Hugo utilisait avant les deux autres sus cités. Un héritier nu. Et assez mégalo. On lui pardonne ce trait, c est trop beau.
Cortège (in Alcools, 1913)
Oiseau tranquille
au vol inverse
oiseau Qui nidifie en l’air à la limite où notre sol brille déjà ,
Baisse ta deuxième paupière : la terre t’éblouit Quand tu lèves la tête
Et moi aussi de près je suis sombre et terne :
Une brume
qui vient d’obscurcir les lanternes,
Une main
qui tout à coup se pose devant les yeux,
Une voûte entre vous et toutes les lumières
Et je m’éloignerai
m’illuminant au milieu d’ombres Et d’alignements d’yeux des astres bien-aimés
Oiseau tranquille au vol inverse oiseau
Qui nidifie en l’air
A la limite où brille déjà ma mémoire
Baisse ta deuxième paupière
Ni à cause du soleil ni à cause de la terre Mais pour ce feu oblong dont l’intensité ira s’augmentant
Au point qu’il deviendra un jour l’unique lumière
Un jour
Un jour je m’attendais moi-même
Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes
Pour que je sache enfin celui-là que je suis
Moi qui connais les autres
Je les connais par les cinq sens et quelques autres
Il me suffit de voir leur pieds pour pouvoir refaire ces gens à milliers
De voir leurs pieds paniques
un seul de leurs cheveux
De voir leur langue
quand il me plaît de faire le médecin
Ou leurs enfants quand il me plaît de faire le prophète
Les vaisseaux des armateurs
la plume de mes confrères, La monnaie des aveugles : les mains des muets
Ou bien encore à cause du vocabulaire et non de l’écriture
Une lettre écrite par ceux qui ont plus de vingt ans
Il me suffit de sentir l’odeur de leurs églises L’odeur des fleuves dans leurs villes
Le parfum des fleurs dans les jardins publics
O,
Corneille, Agrippa : l’odeur d’un petit chien m’eût suffi pour décrire exactement tes concitoyens de Cologne,
Leurs rois-mages, et la ribambelle ursuline qui t’inspirait l’erreur touchant toutes les femmes .
Il me suffit de goûter la saveur de laurier qu’on cultive pour que j’aime ou que je bafoue
Et de toucher les vêtements Pour ne pas douter si l’on est frileux ou non
O gens que je connais
Il me suffit d’entendre le bruit de leurs pas Pour pouvoir indiquer à jamais la direction qu’ils ont prise
Il me suffit de tous ceux-là pour me croire le droit De ressusciter les autres
Un jour je m’attendais moi-même Je me disais :Guillaume il est temps que tu viennes !
Et d’un lyrique pas s’avançaient ceux que j’aime Parmi lesquels je n’étais pas :
Les géants couverts d’algues passaient dans leurs villes Sous-marines où les tours seules étaient des îles
Et cette mer avec les clartés de ses profondeurs Coulait
sang de mes veines
et fait battre mon coeur
Puis
sur cette terre il venait mille peuplades
blanches
Dont chaque homme tenait une rose à la main et le langage qu’ils inventaient en chemin : Je l’appris de leur bouche
et je le parle encore
Le cortège passait et j’y cherchais mon corps
Tous ceux qui survenaient et n’étaient pas moi-même amenaient un à un les morceaux de moi-même
On me bâtit peu à peu comme on élève une tour,
Les peuples s’entassaient
et je parus moi-même
Qu’ont formé tous les corps et les choses humaines
Temps
passés
Trépassés : Les dieux qui me formâtes
Je ne vis que passant
ainsi que vous passâtes
Et détournant mes yeux de ce vide avenir En moi-même je vois tout le passé grandir
Rien n’est mort que ce qui n’existe pas encore
Près du passé luisant demain est incolore
Il est informe
aussi près de ce qui ,
parfait,
Présente tout ensemble :et l’effort et l’effet
Nadine- Messages : 4832
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 48
Re: Guillaume Apollinaire
Jack-Hubert Bukowski a écrit:Assez intuitivement, je me suis retrouvé dans ce poème :
«Merveille de la guerre»
Que c'est beau ces fusées qui illuminent la nuit
Elles montent sur leur propre cime et se penchent
pour regarder
Ce sont des dames qui dansent avec leurs regards pour
yeux bras et cœurs
J'ai reconnu ton sourire et ta vivacité
C'est aussi l'apothéose quotidienne de toutes mes Béré-
nices dont les chevelures sont devenues des comètes
Ces danseuses surdorées appartiennent à tous les temps
et à toutes les races
Elles accouchent brusquement d'enfants qui n'ont que
le temps de mourir
Comme c'est beau toutes ces fusées
Mais ce serait bien plus beau s'il y en avait plus encore
S'il y en avait des millions qui auraient un sens complet
et relatif comme les lettres d'un livre
Pourtant c'est aussi beau que si la vie même sortait des
mourants
Mais ce serait plus beau encore s'il y en avait plus
encore
Cependant je les regarde comme une beauté qui s'offre
et s'évanouit aussitôt
Il me semble assister à un grand festin éclairé a giorno
C'est un banquet que s'offre la terre
Elle a faim et ouvre de longues bouches pâles
La terre a faim et voici son festin de Balthasar cannibale
Qui aurait dit qu'on pût être à ce point anthropophage
Et qu'il fallût tant de feu pour rôtir le corps humain
C'est pourquoi l'air a un petit goût empyreumatique
qui n'est ma foi pas désagréable
Mais le festin serait plus beau encore si le ciel y mangeait
avec la terre
Il n'avale que les âmes
Ce qui est une façon de ne pas se nourrir
Et se contente de jongler avec des feux versicolores
Mais j'ai coulé dans la douceur de cette guerre avec
toute ma compagnie au long des longs boyaux
Quelques cris de flamme annoncent sans cesse ma
présence
J'ai creusé le lit où je coule en me ramifiant en mille
petits fleuves qui vont partout
Je suis dans la tranchée de première ligne et cependant
je suis partout ou plutôt je commence à être partout
C'est moi qui commence cette chose des siècles à venir
Ce sera plus long à réaliser que non la fable d'Icare
volant
Je lègue à l'avenir l'histoire de Guillaume Apollinaire
Qui fut à la guerre et sut être partout
Dans les villes heureuses de l'arrière
Dans tout le reste de l'univers
Dans ceux qui meurent en piétinant dans le barbelé
Dans les femmes dans les canons dans les chevaux
Au zénith au nadir aux 4 points cardinaux
Et dans l'unique ardeur de cette veillée d'armes
Et ce serait sans doute bien plus beau
Si je pouvais supposer que toutes ces choses dans les-
quelles je suis partout
Pouvaient m'occuper aussi
Mais dans ce sens il n'y a rien de fait
Car si je suis partout à cette heure il n'y a cependant
que moi qui suis en moi
Il y a les mêmes trames que dans Cortèges, sur ce drame d'être éponge , tu vois ? Sur les questions d'identité face aux réceptions.
Nadine- Messages : 4832
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 48
Re: Guillaume Apollinaire
bix_229 a écrit:NUIT RHENANEMon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs piedsDebout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliéesLe Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'étéMon verre s'est brisé comme un éclat de rire
Bix, j'avais aussi remarqué celui-là au cours de ma lecture. Je me suis retenu dans le geste.
Nadine, tu proposes de belles pistes. Chose sûre, Apollinaire aimait tout autant la prose ample que versifiée ou en blocs poétiques... il était bon en poésie brève, mais je pense qu'on l'apprécie mieux parce qu'il sait être ample et dissert dans son acte poétique. Par rapport à l'extrait que tu cites de ma part en exemple, j'ai retenu celui-ci car il semble exemplifier de belle façon la quête du surréalisme naissant, quoiqu'il s'agisse d'une inspiration circonscrite dans le créneau des poésies amoureuses et érotiques. Apollinaire s'est consacré à son art et il est mort assez jeune, pourrons-nous dire qu'il a incarné l'archétype de l'enfant terrible en poésie avec les Rimbaud, Nelligan et compagnie?
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
Date d'inscription : 04/12/2016
Age : 42
Localisation : Montréal
Re: Guillaume Apollinaire
Peux tu en dire un peu plus, Nadine? C'est quoi le drame d'être éponge?Nadine a écrit:Il y a les mêmes trames que dans Cortèges, sur ce drame d'être éponge , tu vois ? Sur les questions d'identité face aux réceptions.
Dans Calligrammes, mon préféré:
Le poète
Je me souviens ce soir de ce drame indien
Le Chariot d'Enfant un voleur y survient
Qui pense avant de faire un trou dans la muraille
Quelle forme il convient de donner à l'entaille
Afin que la beauté ne perde pas ses droits
Même au moment d'un crime
Et nous aurions je crois
À l'instant de périr nous poètes nous hommes
Un souci de même ordre à la guerre où nous sommes
Mais ici comme ailleurs je le sais la beauté
N'est la plupart du temps que la simplicité
Et combien j'en ai vu qui morts dans la tranchée
Étaient restés debout et la tête penchée
S'appuyant simplement contre le parapet
J'en vis quatre une fois qu'un même obus frappait
Ils restèrent longtemps ainsi morts et très crânes
Avec l'aspect penché de quatre tours pisanes
Depuis dix jours au fond d'un couloir trop étroit
Dans les éboulements et la boue et le froid
Parmi la chair qui souffre et dans la pourriture
Anxieux nous gardons la route de Tahure
J'ai plus que les trois cœurs des poulpes pour souffrir
Vos cœurs sont tous en moi je sens chaque blessure
Ô mes soldats souffrants ô blessés à mourir
Cette nuit est si belle où la balle roucoule
Tout un fleuve d'obus sur nos têtes s'écoule
Parfois une fusée illumine la nuit
C'est une fleur qui s'ouvre et puis s'évanouit
La terre se lamente et comme une marée
Monte le flot chantant dans mon abri de craie
Séjour de l'insomnie incertaine maison
De l'Alerte la Mort et la Démangeaison
Marie- Messages : 641
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Guillaume Apollinaire
Oh làlà, je ne le connaissais pas celui-là, Marie.
ça me rappelle qu'en effet il a écrit sur la guerre qu'il a fait, ce texte et celui cité par JHB. je ne connais qu'Alcools.
C'est fou comme il écrit simple mais précis, c'est très beau et plein de justesse. je suis impressionnée. Décidément j'aime beaucoup.
(Quand je parlais d'éponge , je voulais dire ce côté empathique, d'absorber, d'être voyant, transpercé par tous les sens qu'un simple regard amène sur l'autre. Dans Cortège que j'ai mis, il se lamente sur la multitude où quasiment amer il se noie, dans ce cauchemard, semblant toucher à l'exhaustif du monde sans jamais pouvoir savoir où lui se trouve "je m'attendais moi même".
Et sur la fin de Merveille de la guerre,
" Et ce serait sans doute bien plus beau
Si je pouvais supposer que toutes ces choses dans les-quelles je suis partout
Pouvaient m'occuper aussi
Mais dans ce sens il n'y a rien de fait
Car si je suis partout à cette heure il n'y a cependant
que moi qui suis en moi"
il reprend cette trame de vide , de passeur qui se trouve comme vide au final. Plein, traversé, mais aussi comme effacé par la gamme universelle. La resilience suite à la guerre qu'il décrit si bien devait en effet être acquise au prix d'une absence profonde à soi, d'un sentiment du tragique propre à relativiser l'individualité profonde. Sinon en l'érigeant comme simple humanité .. je sais pas, ça me fais cet effet.
ça me rappelle qu'en effet il a écrit sur la guerre qu'il a fait, ce texte et celui cité par JHB. je ne connais qu'Alcools.
C'est fou comme il écrit simple mais précis, c'est très beau et plein de justesse. je suis impressionnée. Décidément j'aime beaucoup.
(Quand je parlais d'éponge , je voulais dire ce côté empathique, d'absorber, d'être voyant, transpercé par tous les sens qu'un simple regard amène sur l'autre. Dans Cortège que j'ai mis, il se lamente sur la multitude où quasiment amer il se noie, dans ce cauchemard, semblant toucher à l'exhaustif du monde sans jamais pouvoir savoir où lui se trouve "je m'attendais moi même".
Et sur la fin de Merveille de la guerre,
" Et ce serait sans doute bien plus beau
Si je pouvais supposer que toutes ces choses dans les-quelles je suis partout
Pouvaient m'occuper aussi
Mais dans ce sens il n'y a rien de fait
Car si je suis partout à cette heure il n'y a cependant
que moi qui suis en moi"
il reprend cette trame de vide , de passeur qui se trouve comme vide au final. Plein, traversé, mais aussi comme effacé par la gamme universelle. La resilience suite à la guerre qu'il décrit si bien devait en effet être acquise au prix d'une absence profonde à soi, d'un sentiment du tragique propre à relativiser l'individualité profonde. Sinon en l'érigeant comme simple humanité .. je sais pas, ça me fais cet effet.
Nadine- Messages : 4832
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 48
Re: Guillaume Apollinaire
Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l'étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace
Comme font les fruits d'or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l'onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L'amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie
- Souviens-t'en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeur -
Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
La nuit descend
On y pressent
Un long destin de sang
Guillaume APOLLINAIRE, Poèmes à Lou
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l'étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace
Comme font les fruits d'or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l'onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L'amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie
- Souviens-t'en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeur -
Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
La nuit descend
On y pressent
Un long destin de sang
Guillaume APOLLINAIRE, Poèmes à Lou
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bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Guillaume Apollinaire
Beau ! aussi !
Tu vois j'aime bien , tu as fais comme moi tu as introduis tes marques, je trouve en general que ça parle , le partage est facilité (les auteurs aimeraient pas peut être mais nous sommes humbles face à eux, néanmoins)
Tu vois j'aime bien , tu as fais comme moi tu as introduis tes marques, je trouve en general que ça parle , le partage est facilité (les auteurs aimeraient pas peut être mais nous sommes humbles face à eux, néanmoins)
Nadine- Messages : 4832
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 48
Re: Guillaume Apollinaire
Merci d'avoir relancé Nadine sur ce qu'elle évoquait comme questions, Marie. Les lecteurs que nous sommes apprenons en même temps... je reviendrai sûrement à Apollinaire en temps et lieu...
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
Date d'inscription : 04/12/2016
Age : 42
Localisation : Montréal
Re: Guillaume Apollinaire
Merci Nadine!Nadine a écrit:
(Quand je parlais d'éponge , je voulais dire ce côté empathique, d'absorber, d'être voyant, transpercé par tous les sens qu'un simple regard amène sur l'autre.
Marie- Messages : 641
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Guillaume Apollinaire
Apollinaire ce sont aussi les Calligrammes (1918 pour la parution), et la conception de la page-espace traduisant une sortie complète du poème déclamé (partageable à haute voix) pour la réception individuelle, mettant, au niveau sensoriel du lecteur, sans nul doute la vue au premier plan, et l'ouïe en second plan, l'ouïe, si j'ose une comparaison hardie, est presque un détail sur la ligne d'horizon.
Simple, dit comme ça ?
Et bien non, rien n'interdit d'imaginer des gouttes de pluie pianotant en fond sonore. C'est même on ne peut plus suggéré. Du coup l'ouïe n'est plus reléguée en détail sur la ligne d'horizon...
Toutefois attention, ce poème n'est pas un simple exercice de maestria, ou juste un dessin écrit, la transcription horizontale délivre bel et bien une facture pré-surréaliste extrêmement aboutie.
Simple, dit comme ça ?
Et bien non, rien n'interdit d'imaginer des gouttes de pluie pianotant en fond sonore. C'est même on ne peut plus suggéré. Du coup l'ouïe n'est plus reléguée en détail sur la ligne d'horizon...
Il pleut
Toutefois attention, ce poème n'est pas un simple exercice de maestria, ou juste un dessin écrit, la transcription horizontale délivre bel et bien une facture pré-surréaliste extrêmement aboutie.
Il pleut des voix de femmes comme si elles étaient mortes même dans le souvenir.
c’est vous aussi qu’il pleut merveilleuses rencontres de ma vie ô gouttelettes !
et ces nuages cabrés se prennent à hennir tout un univers de villes auriculaires
écoute s’il pleut tandis que le regret et le dédain pleurent une ancienne musique
écoute tomber les liens qui te retiennent en haut et en bas
Aventin- Messages : 1984
Date d'inscription : 10/12/2016
Re: Guillaume Apollinaire
C'est vrai que c'est particulierement reussi au niveau impressionniste, merci Aventin de nous le montrer !
Pour le côté ouïe, j'aurais dis qu'il suggère de voir l'ecoute plutôt que d'ecouter la pluie, si tu me suis. Je pense que tu me suivras, parce que tu soulignes bien "le detail sur la ligne d'horizon", une expression dont on n est pas certain d'en comprendre les tenants mais qui parle beaucoup, un peu comme la poesie parfois.
Pour le côté ouïe, j'aurais dis qu'il suggère de voir l'ecoute plutôt que d'ecouter la pluie, si tu me suis. Je pense que tu me suivras, parce que tu soulignes bien "le detail sur la ligne d'horizon", une expression dont on n est pas certain d'en comprendre les tenants mais qui parle beaucoup, un peu comme la poesie parfois.
- Spoiler:
- c'est hors sujet, ou presque, disons que c'est anecdotique mais juste ça me donne envie de citer Hiroshige, et ses pluies : leur traitement graphique est magnifique : des lignes droites, franches. L'stampe de Hokusai aussi utilise ça et sans doute bien d'autres, c'est je trouve remarquable, il fallait le faire. En Europe on a tendance à faire des tirets, je crois. les enfants en tous cas
Nadine- Messages : 4832
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 48
Re: Guillaume Apollinaire
Une bonne nouvelle :
« On n’est jamais sûr de mourir. »
Guillaume Apollinaire, « Le passant de Prague », in « L’Hérésiarque et Cie »
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15559
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Guillaume Apollinaire
Nadine a écrit:C'est vrai que c'est particulierement reussi au niveau impressionniste, merci Aventin de nous le montrer !
Pour le côté ouïe, j'aurais dis qu'il suggère de voir l'ecoute plutôt que d'ecouter la pluie, si tu me suis. Je pense que tu me suivras, parce que tu soulignes bien "le detail sur la ligne d'horizon", une expression dont on n est pas certain d'en comprendre les tenants mais qui parle beaucoup, un peu comme la poesie parfois.
- Spoiler:
c'est hors sujet, ou presque, disons que c'est anecdotique mais juste ça me donne envie de citer Hiroshige, et ses pluies : leur traitement graphique est magnifique : des lignes droites, franches. L'stampe de Hokusai aussi utilise ça et sans doute bien d'autres, c'est je trouve remarquable, il fallait le faire. En Europe on a tendance à faire des tirets, je crois. les enfants en tous cas
Bien sûr que je te suis, et, hors sujet pour hors sujet, spoiler pour spoiler
- Spoiler:
- La représentation de la brume, se confondant à la fois avec la neige et la structure générale (le profil, si l'on veut) dans un fondu-entremêlé procure grâce, légèreté, et sentiment que "tout est dans tout".Illustration du peintre taoïste Shitao – Brume dans la montagne (1707 ?)
Sans doute une des prosodies d'Apollinaire que je prise le plus, j'ai dû la commenter sur l'ancien forum lorsqu'on évoquait, sur un fil mémorable, la guerre dite Grande, 1914-1918, si vous ne la connaissez pas (mais si vous la connaissez aussi !), recevez-là et parlons-en, ce sera sans doute bien meilleur que le réchauffage à la façon déterré-copié-collé:
Le palais du tonnerre
Par l'issue ouverte sur le boyau dans la craie
En regardant la paroi adverse qui semble en nougat
On voit à gauche et à droite fuir l'humide couloir désert
Où meurt étendue une pelle à la face effrayante à deux yeux réglementaires qui servent à l'attacher sous les caissons
Un rat y recule en hâte tandis que j'avance en hâte
Et le boyau s'en va couronné de craie semé de branches
Comme un fantôme creux qui met du vide où il passe blanchâtre
Et là-haut le toit est bleu et couvre bien le regard fermé par quelques lignes droites
Mais en deçà de l'issue c'est le palais bien nouveau et qui paraît ancien
Le plafond est fait de traverses de chemin de fer
Entre lesquelles il y a des morceaux de craie et des touffes d'aiguilles de sapin
Et de temps en temps des débris de craie tombent comme des morceaux de vieillesse
À côté de l'issue que ferme un tissu lâche d'une espèce qui sert généralement aux emballages
Il y a un trou qui tient lieu d'âtre et ce qui y brûle est un feu semblable à l'âme
Tant il tourbillonne et tant il est inséparable de ce qu'il dévore et fugitif
Les fils de fer se tendent partout servant de sommier supportant des planches
Ils forment aussi des crochets et l'on y suspend mille choses
Comme on fait à la mémoire
Des musettes bleues des casques bleus des cravates bleues des vareuses bleues
Morceaux du ciel tissus des souvenirs les plus purs
Et il flotte parfois en l'air de vagues nuages de craie
Sur la planche brillent des fusées détonateurs joyaux dorés à tête émaillée
Noirs blancs rouges
Funambules qui attendent leur tour de passer sur les trajectoires
Et font un ornement mince et élégant à cette demeure souterraine
Ornée de six lits placés en fer à cheval
Six lits couverts de riches manteaux bleus
Sur le palais il y a un haut tumulus de craie
Et des plaques de tôle ondulée
Fleuve figé de ce domaine idéal
Mais privé d'eau car ici il ne roule que le feu jailli de la mélinite
Le parc aux fleurs de fulminate jaillit des trous penchés
Tas de cloches aux doux sons des douilles rutilantes
Sapins élégants et petits comme en un paysage japonais
Le palais s'éclaire parfois d'une bougie à la flamme aussi petite qu'une souris
Ô palais minuscule comme si on te regardait par le gros bout d'une lunette
Petit palais où tout s'assourdit
Petit palais où tout est neuf rien rien d'ancien
Et où tout est précieux où tout le monde est vêtu comme un roi
Une selle est dans un coin à cheval sur une caisse
Un journal du jour traîne par terre
Et cependant tout paraît vieux dans cette neuve demeure
Si bien qu'on comprend que l'amour de l'antique
Le goût de l'anticaille
Soit venu aux hommes dès le temps des cavernes
Tout y était si précieux et si neuf
Tout y est si précieux et si neuf
Qu'une chose plus ancienne ou qui a déjà servi y apparaît
Plus précieuse
Que ce qu'on a sous la main
Dans ce palais souterrain creusé dans la craie si blanche et si neuve
Et deux marches neuves
Elles n'ont pas deux semaines
Sont si vieilles et si usées dans ce palais qui semble antique sans imiter l'antique
Qu'on voit que ce qu'il y a de plus simple de plus neuf est ce qui est
Le plus près de ce que l'on appelle la beauté antique
Et ce qui est surchargé d'ornements
A besoin de vieillir pour avoir la beauté qu'on appelle antique
Et qui est la noblesse la force l'ardeur l'âme l'usure
De ce qui est neuf et qui sert
Surtout si cela est simple simple
Aussi simple que le petit palais du tonnerre
Aventin- Messages : 1984
Date d'inscription : 10/12/2016
Re: Guillaume Apollinaire
C'est assez émouvant de l'entendre. La déclamation est un peu grandiloquente dans l'esprit de l'époque.
ArenSor- Messages : 3366
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
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