Des Choses à lire
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Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Sam 3 Juin - 19:06

163 résultats trouvés pour creationartistique

Guéorgui Gospodinov

Un roman naturel

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Un écrivain avec ses fauteuil à bascule, pipe et tabac, qui divorce et en voie de clochardisation (à moins que ce ne soit un autre !) : thème incessamment repris avec autant d’amorces de romans et de registres différents, dans ce qui semble un fourre-tout de réflexions lâchement cousu. Au chapitre 3, le rédacteur-auteur explicite son projet :
« Flaubert rêvait d’écrire « un livre sur rien », un livre sans aucune intrigue extérieure, « qui se tiendrait de lui-même, par la force interne de son style, comme la terre sans être soutenue se tient en l’air ». Proust a réalisé ce rêve jusqu’à un certain point, en s’appuyant sur la mémoire involontaire. Mais lui non plus n’a pu échapper à la tentation de recourir à l’intrigue. J’ai le désir immodeste de bâtir un roman uniquement à partir de débuts. Un roman qui parte sans cesse, promette quelque chose, atteigne la dix-septième page et recommence depuis le début. L’idée, ou plutôt le principe originel d’un tel roman, je l’ai découverte dans la philosophie antique, surtout chez la Trinité de la philosophie de la nature : Empédocle, Anaxagore, Démocrite. Le roman des débuts reposerait sur ces trois baleines. Empédocle tient à un nombre restreint de principes originels et ajoute aux quatre éléments fondamentaux (la terre, l’air, le feu et l’eau) l’Amour et la Haine qui les meuvent et réalisent leurs combinaisons. C’est Anaxagore qui se montrait le plus étroitement associé à mon roman. L’idée de panspermies, ou semences des choses (plus tard, Aristote les nomme homéoméries, mais ce mot a une résonance bien plus froide et impersonnelle) pouvait se transformer en puissance fécondante de ce roman. Un roman créé à partir d’un nombre infini de particules, de substances premières, bref de débuts, qui entrent dans des combinaisons illimitées. Puisque Anaxagore affirme que toute chose concrète est constituée de petites particules semblables à elle, alors le roman pourrait être édifié uniquement sur des débuts. C’est ce que j’ai décidé de tenter, à partir de débuts de romans devenus des classiques. Je pourrais aussi les appeler « atomes » pour rendre hommage à Démocrite. Un roman atomiste, fait de débuts flottant dans le vide. »

Sont cités ensuite les incipit de plusieurs romans, supposés interagir intertextuellement.
« Le monde est une chose et le roman est ce qui l’assemble. Les débuts sont donnés, les combinaisons innombrables. »

Aussi une histoire des W.-C., des souvenirs apparemment autobiographiques, des rêves, une histoire des mouches, se rattachant peu ou prou à la littérature.
« Un roman à facettes, évoquant la vue de la mouche. »

Aussi beaucoup de réflexions sur le(s) verbe(s), la langue, la création : ainsi, les Notes du naturaliste, fabuleuse histoire mise en abyme de l’allégorie du déséquilibre foucaldien « qui se creuse entre le nom des choses et les choses elles-mêmes. »
« Je dois avoir recours à une autre langue. J’essaie avec le jardinage. Le dire dans la langue des plantes, utiliser leur langue silencieuse, qui ne parle qu’avec des formes. »

« J’ai compris que c’était dans les livres, et pas dans tous, seulement dans les romans, et encore pas tous, dans quelques-uns soigneusement choisis (je les ai mais je ne dirai jamais leur nom), que se cachent les mots-mères, prêts à s’envoler et à essaimer ce que je ne sais nommer. Comment ai-je pu, jusqu’à présent, garder ces livres parmi les autres, les laisser effleurer de leur couverture contagieuse celle des livres innocents ? »

Le roman tourne en quelque sorte en rond, ayant des difficultés à trouver une fin, toujours fluidement lisible et captivant. C’est surtout un prodigieux imaginaire rabelaisien, une pépinière d'inventions romanesques auxquels j’ai été fort sensible. Il fait référence notamment aux philosophes présocratiques, à Linné, Eliot et Salinger ; on pourra penser à Si par une nuit d'hiver un voyageur de Calvino, et bien sûr à toute la fécondité oulipienne.

\Mots-clés : #creationartistique #ecriture #universdulivre
par Tristram
le Mar 28 Fév - 12:02
 
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Sujet: Guéorgui Gospodinov
Réponses: 11
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Antonio Tabucchi

Pour Isabel - Un mandala

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Mónica rapporte des souvenirs de jeunesse, au Portugal sous Salazar, avec Isabel, à Waclaw Slowacki (et/ou Tadeus), le narrateur, un étranger qui a connu cette dernière il y a longtemps. Puis ce sont Bi, Brígida Teixeira, sa nourrice, Tecs, une saxophoniste américaine qui l’a fréquentée à l’université, Oncle Tom, Almeida le gardien de prison capverdien qui la fit s’enfuir, ensuite Tiago le photographe, qui évoquent l’amie disparue dans des versions (ou péripéties) différentes de son destin.
« …] les photographies d’une vie sont-elles un temps segmenté en plusieurs personnes ou la même personne segmentée en différents temps ? »

« …] la mort est le tournant de la route, et mourir c’est seulement ne pas être vu. Et alors pourquoi, demanda-t-il d’un air encore plus perplexe, dans quel but ? Dans le but de faire des cercles concentriques, dis-je, pour arriver finalement au centre. »

Sixième cercle de l’enquête : Magda, de l’organisation clandestine où œuvrait Isabel (une chauve-souris à Macao).
Slowacki semble reconnaître ou être reconnu par les serveurs de rencontre.
« Le restaurant s’appelait Lisboa antiga-Macau moderno. C’était un endroit très modeste, avec une petite vitrine où reposaient en paix les restes de tripes blanchâtres dans un plat. Au milieu de la vitrine trônait une gigantesque racine de ginseng et un petit carton écrit en portugais affirmait : Nos pensamos na sua virilidade, nous veillons à votre virilité. »

Le Fantôme qui Marche, un poète opiomane, lui indique les Alpes Suisses, où il rencontre, dans un château-lieu de méditation dédié à Hermann Hesse, Lise, une astrophysicienne, et Xavier, le Lama, qui le dirige énigmatiquement vers une petite station de la Riviera italienne où il trouve le Violoneux Fou, puis finalement Isabel, telle que lorsqu’il lui a dit adieu – dans leur autrefois, et le « néant sapientiel ».
Tabucchi précisa dans un entretien paru en juin 1994, concernant ce roman volontairement posthume qui constitue une manière de clef de voûte de son œuvre :
« Depuis quelques années j’écris un roman que j’espère pouvoir bientôt conclure. Le personnage principal sera justement Isabel, la même femme qui dans Requiem n’apparaît pas, ou plutôt qui est seulement esquissée et qui à un certain moment apparaît, mais comme une sorte de Convive de pierre. Dans ce roman, ce n’est pas Isabel qui parlera d’elle, ce sont les autres qui le feront. Beaucoup des personnages de mes livres précédents seront appelés à témoigner sur Isabel, il y aura Tadeus, Magda, et même le Xavier de Nocturne indien, le personnage recherché mais jamais trouvé, qui fournira un important témoignage. Ce sera un tour, ou plusieurs tours, autour de la figure de cette femme qui a eu une vie difficile et obscure, une vie sur laquelle existent des versions différentes et en même temps toutes étonnamment dignes de foi. Ce sera un roman qui tentera de faire la lumière sur l’existence d’une femme fuyante et très mystérieuse. »

Se souvenir des précédents personnages de Tabucchi serait évidemment un plus, mais pas un must, tant l'histoire a du charme.

\Mots-clés : #amour #creationartistique #identite #romanchoral #universdulivre
par Tristram
le Mer 21 Déc - 12:35
 
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Sujet: Antonio Tabucchi
Réponses: 38
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Jean Giono

Naissance de l'Odyssée

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Relecture de ce récit tant jouissif !
« Il venait surtout à l’« Éros Marin » pour la petite Lydia qui servait à boire. Elle sentait la clovisse et le vin, et cet amer parfum de sueur qui affolait Ulysse. Les autres partis, il la prenait sur ses genoux, la caressait, lui contait…
Il n’était pas embarrassé pour les contes. »

Ledit marin, retour de la guerre de Troie (pendant vingt ans !), a naufragé après avoir « louvoyé » (je dirais "caboté") « de femme en femme » …
« Dans son souvenir, les pays étaient des femmes. »

C’est bourré d’humour, et si sensuel !
« Le coteau qui portait la maison de Circé allongeait ses reins en presqu’île. »

Et plein de justesse :
« Dans une petite goutte de silence l’aboi d’un chien sonna. »

Ulysse apprend que Pénélope l’a abondamment cocufié, déshéritant leur fils Télémaque en mangeant son bien avec Antinoüs ; dépité, notre anti-héros reste cependant prudent :
« Par-dessus la besace à mensonges il avait de tout temps porté la peur. »

Il convainc patron Photiadès (en pleine traite des Noires) de le ramener à Ithaque, en lui fourguant Archias, son collègue qui parle aux dieux suite à un coup de matraque…
C’est un monde populaire qui est évoqué, pas une élite ; de nos jours, nous dirions que c’est assez misogyne, et superstitieux. De même, les divinités, surtout « les petits dieux inférieurs », sont proche de l’humain, et surtout de la nature.
« – Mais, poursuivait Ulysse, avez-vous songé au sort d’un homme qu’un dieu ennemi harcèle ? Le visage du ciel s’effondre, la terre se meut sous ses pas – comme le flot de la mer, la colline qu’il gravit se lève soudain, meugle et saute de l’autre côté du monde, l’île qu’il cherche nage, le fuit, s’enfonce vers les gouffres ; et si, gonflé de courage, il s’obstine, le chemin qu’il suit se tord et revient sur lui-même comme un serpent qui se mord la queue. »

Incognito, Ulysse qu’on croit mort raconte une version héroïque de sa propre histoire, avec une belle imagination lyrique, non dénuée de démesure ; dans l’assistance, un guitariste aveugle reprendra son mensonge, le conte… Grand succès de l’aède avec « le nouveau périple », repris par tous les « poétaillons » d’Arcadie !
« Il confrontait intimement la merveilleuse histoire neuve et les vieux lantiponnages appris et rabâchés de veillées en veillées. »

Bien sûr les dieux sont vus derrière ces évènements ; les dieux inventés par les hommes manipulent ceux-ci.
Ce récit est parcouru du même esprit que les précédents et premiers livres de Giono.
« Le museau fouinard de Pan dépassait les feuillages. Il humait, puis, d’un élan, le chèvre-pied sautait l’orée. Ses longs bras étaient des fleuves enlaçants, son corps, de roche et de terre pétri, bosselé de montagnes, fumait et chantait dans le vent. Il parlait comme une forêt. »

Le lexique étendu dont Giono dispose n’entrave pas l’entendement du lecteur (mais je n’ai pas trouvé ce que sont les « calons »).
« À peine sorti de la mer, le soleil entamait la lutte avec les pinèdes. De larges blessures de lumière saignaient déjà entre les troncs. Une sagette d’or atteignit le pavé de la cour, rebondit, creva les treilles, délivrant un tourbillon d’avettes. »

La fermière Pénélope est à sa lessive avec Kalidassa, sa servante, quand elle apprend le retour d’Ulysse. Elle prévient Antinoüs, son amant, en fait un jeune berger athlétique qui se lasse d’elle et craint son mari.
« Tu es l’ami de mon fils, tu viens à la ferme parler en voisin, prêter tes bras compatissants à la pauvre veuve qui ne peut dépendre la herse ou décider l’âne. Tu joues à la balle avec Kalidassa : c’est peut-être pour elle que tu viens. Moi, je mesure l’huile aux calens, je gronde pour les chaudrons non récurés, je fais la pauvrille économe et je reprends le tissage de cette grande toile qui encombre le grenier. »

Ledit mari arrive anonymement, sale gueux vieilli et barbu, plein d’appréhensions et de douce redécouverte de son domaine en piètre état ; il étouffe sa vieille pie, seule à le reconnaître, pour qu’elle ne le trahisse pas. Il désire sa femme qui feint de ne pas le reconnaître, veuve éplorée, plus rusée que lui.
« Cette marche vélivole avait démarré en lui les fantômes de tartanes et de balancelles dont il était plein ; elle avait fondu Pénélope et les carènes gémissantes en un seul être qui tenait de la nef et de la femme et d’autant plus désirable. »

Ivre, il fait fuir Antinoüs, qui se tue dans un éboulement de la falaise. Kalidassa, qui aimait le pâtre, se pend. La terreur submerge l’île, puis l’orateur inspiré répand ses mensonges.
« On répéta ses récits aux veillées ; les jeunes enfants lardaient de flèches de joncs de vieilles outres figurant les cyclopes. »

Télémaque, qui avait abandonné son père jugé trop pusillanime, revient d’errances pleines de périls en Égypte et en mer ; ses récits véridiques ne sont pas crus, et il est plein de haine pour son père, le fabulateur.
« Il y avait à dîner Kallimaquès, un philosophe qui s’était mis dans le commerce des cochons. Il cligna malicieusement de l’œil vers Pénélope et vers Ulysse, puis, amenuisant sa bouche et dressant sous le nez du conteur ses doigts réunis en bouton de lotus, il dit :
– La vérité, la vérité, vous avez toujours ce mot-là à la bouche ! Sais-tu seulement ce qu’elle est ? T’es-tu rendu compte que ton regard intérieur vole vers elle par bonds maladroits, comme la pierre qui ricoche sur la pellicule fragile de l’étang ? Écoute : La vérité est supposons ce saule sur l’autre bord de la mare. Regarde ! Je lance ce galet plat. Je fais avec ce galet l’investigation du côté de la vérité, ce saule. Vois : le galet bondit sur l’eau molle, bondit en bonds de plus en plus courts, puis, manquant de force, il s’enfonce et se noie. Pour celui-là, la vérité c’est la bouche sombre de l’eau. J’en lance un autre : une crispation de nerf, une corde qui s’est pliée dans mon coude et, vois, la direction est rompue. Pour celui-là, la vérité c’est ce lit de boue où il tombe sur l’autre bord. Et cependant, il était bien entendu que la vérité c’était ce saule ! Un galet sur dix ira sur le saule : celui-là ne saura pas qu’il a atteint la vérité.
Et pendant que Télémaque, de plus en plus furieux, écrasait à coups de poings une bolée de figues fleurs, Kallimaquès tourna son escabeau vers Ulysse.
– Ces jeunes gens, poursuivit-il, ont une belle imagination. Féconde, vraiment très féconde, mais elle fait des enfants mal finis. Maître Ulysse, changez-nous un peu de ces jeux de cervelle : j’ai besoin d’écouter quelque chose qui sente sa réalité. Ne me ferez-vous pas la politesse de raconter une de vos aventures ? »

Ulysse entretemps aime à faire voguer une canette sur un bassin, tissant de nouveaux mensonges à son périple maritime.
Personnellement, j’aurais tendance à donner du crédit à cette version de la genèse du fameux poème du dénommé Homère…
Mais ce qui me comble le plus chez Giono, ce sont ses bonheurs de métaphores :
« Là-haut, contre la porte de la ville, les branches méduséennes d’un figuier enlaçaient un globe d’ombre fraîche. »

« Ce premier jour, il l’avait vécu dans la végétation des anciennes habitudes : elles poussaient autour de lui comme une épaisse et haute prairie et ses mouvements s’embarrassaient dans les herbes. »

« Quelques grêlons attardés jouèrent encore du tympanon sur les tuiles, la pluie quitta l’île, ses petits pieds obliques coururent en crépitant sur la mer.
[…]
Le vent sentait le sable chaud, l’eau froide, l’asphodèle et le buis. Le mélilot, mouillé de pluie, ruisselait d’un parfum simplet, et deux acacias fumaient comme des cassolettes.
Dans un coin lointain du ciel maintenant pur, l’orage fuyant tordait en silence ses muscles violets. L’aile d’iris pointait au-dessus de la colline. »


\Mots-clés : #contemythe #creationartistique
par Tristram
le Dim 6 Nov - 12:56
 
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Sujet: Jean Giono
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Tonino Benacquista

Trois carrés rouges sur fond noir

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Antoine, qui est passionné de billard mais pas d’art, travaille pour une galériste et au stockage des œuvres d’art abstrait achetées par l’État (il y a un peu de tout, notamment n’importe quoi, mais sans inventaire ; notre actualité récente illustre d’ailleurs cette gabegie).
« C’est au beau milieu de cette cruelle abondance, ce cagibi de l’histoire de l’art, que j’ai commencé à réaliser deux ou trois petites choses sur le sublime et le dérisoire. Ce qui reste et ce qu’on préfère oublier. Ce qui résiste aux années et ce qui tombe en désuétude en moins d’une décennie. »

Antoine perd la main droite en essayant d’éviter le vol d’un troublant tableau jaune, l’essai 30 d’Étienne Morand, artiste obscur des années soixante : dans un esprit de vengeance, il enquête sur la série à laquelle appartient cette toile, attribuée à un mystérieux groupe, les Objectivistes.
C’est l’occasion d’aborder, assez subtilement, le milieu branché des expositions d’art, le marché et ses escrocs, la part de provocation des artistes, bref la question de la valeur de l’art contemporain.
« Les critiques d’art ne parlent pas de ce qu’ils voient, ils cherchent à rivaliser d’abstraction avec la toile. Ils le disent eux-mêmes, d’ailleurs. »

« Et à cette seconde-là, sa main s’est envolée.
Je l’ai vue tournoyer dans l’espace et piquer comme une guêpe, çà et là, faisant surgir des touches claires et disparates, je l’ai vue butiner partout, loin du reste du corps, en créant une géométrie anarchique et évidente. Je l’ai vue effleurer, aérienne, une zone oubliée, puis changer d’avis, brusquement, pour retourner prendre de la couleur. Plus fébrile que jamais elle est revenue par saccades, lâchant des arcs noirs partout, la plupart brisés au même endroit, en revenant sur certains pour les rendre plus lisses ou plus courbes. »

Quelques inconséquences, mais une grande maîtrise des jeux de mots dans ce roman noir pour muséologues et amateurs d’art ! et bien sûr cela m’a ramentu le billard, que j’ai un peu pratiqué, dans une autre existence…

\Mots-clés : #creationartistique #peinture #polar
par Tristram
le Mer 26 Oct - 11:50
 
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Sujet: Tonino Benacquista
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Michel Rio

Une comédie américaine

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Alexandra, vingt-quatre ans, est un top-model qui vient de perdre sa mère, Dorothy, « de son nom de jeune fille Dickinson, ou de son nom complet multi-matrimonial Dickinson Irving Bryant Thoreau Crane Dreiser de Crèvecœur », personnalité excentrique et marquante de la jet set dans le milieu culturel new-yorkais. Malgré les apparences, il semble que cette novella ne soit pas un roman à clef, bien que d’anciens personnages de Rio y réapparaissent, et même si on y rencontre un certain Jack Recouac, « auteur à succès qui avait le fructueux talent de rendre la marginalité accessible ».
La jeune femme avait quitté six ans plus tôt sa mère, figure aussi brillante qu’écrasante avec qui elle n’avait guère de liens affectifs ; c’est à l’occasion de la disparition de celle-ci qu’elle découvre l’identité de son père, Jérôme Avalon, un écrivain. La narration de leurs retrouvailles dans le milieu élitiste de l’art est surtout l’occasion pour Rio d’asséner ses vues sur le monde de l’édition, ainsi que sur la presse (sensationnaliste) et la culture américaine (pécuniaire, médiocre et impérialiste).
« La littérature est passée massivement, encouragée par la concentration éditoriale, de la création à la recette, recette industrielle dans le cas du pur divertissement, recette artisanale dans celui de la tranche de vie bien saignante, intimité épicée plus ou moins autobiographique qui a le double avantage d’autoriser l’auteur ignare et sans invention, puisque son enquête se limite à son pauvre moi, et d’appâter le lecteur-voyeur qui ne déteste pas humer les selles d’autrui. Deux corollaires. Un : l’analphabétisme galopant de la littérature et de son public. Deux : la création, ou prétendue telle, n’est plus validée que par son impact social, donc économique. La presse a emboîté le pas, parce qu’après tout son affaire, qui est aussi celle des trusts éditoriaux, c’est de vendre du papier. Une preuve : l’exportation regrettable de la “creative writing” inventée ici, et qui est un mensonge éhonté parce que ce qu’on peut enseigner n’est pas la création mais la recette. »

« …] en matière de création, ce qu’on vend n’est pas l’œuvre mais l’ouvrier. Variante de l’adage moderne « ne montre pas ton travail mais ton cul » impératif dans les champs artistique et politique, hautement démocratique dans la mesure où, si très peu de gens ont un génie ou des idées, une invention, en somme, tout le monde a un cul, tant bien que mal. »

Un peu outrancier avec notamment son déplaisant élitisme, ce propos pointe cependant une vraie dérive du travail d'écriture et de sa diffusion.

\Mots-clés : #contemporain #creationartistique #medias #social #xxesiecle
par Tristram
le Lun 10 Oct - 12:07
 
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Sujet: Michel Rio
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Paul Léautaud

Le petit ami

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Léautaud se propose, dès le commencement de son premier roman et en référence aux Souvenirs d’égotisme de Stendhal (dont il était féru), d’évoquer ses souvenirs d’enfance et de sa mère disparue, qu’il retrouve un peu chez ses petites amies dans son Paris natal.
« Moi qui pourtant me regarde sans cesse agir et rêver, jamais je n’avais encore autant pensé à moi. »

« Presque chaque soir je partais pour aller retrouver mes amies et me préparer auprès d’elles à écrire ce livre. »

Très tôt, il est attiré par les femmes, notamment les prostituées, et le voilà, vers la trentaine, passant ses soirées à la Belle Époque (celle notamment de Toulouse-Lautrec), surtout aux Folies-Bergère, avec lesdites lorettes ou cocottes − femmes légères, de plaisir, complaisantes, frivoles et/ou volages, s’il est possible de faire abstraction de la connotation péjorative de ces expressions, à prendre à la lettre en admettant qu’une femme puisse être libre de disposer de son corps.
« Pas besoin, avec elles, de faire des phrases. Un coup d’œil significatif, un court colloque, et l’on va s’aimer. »

« Il lui suffit de se prêter, de créer du bonheur, de laisser jouir de sa beauté, de ses gestes bienfaisants apportant à plaire et à satisfaire des soins toujours neufs et, ce qui est inestimable, une impudeur à peine obscène. »

« Ce n’était pas de l’amour que je venais demander à ces femmes. Mes projets de littérature me fatiguaient bien assez. C’était de la grâce, de la douceur, quelque chose qui relevât la fadeur de mes journées, passées à des besognes, parmi des gens sans tendresse. »

Il se présente lui-même comme un personnage otieux, nonchalant et sensible (voire romanesque), las de la littérature où il besogne peu à ses ambitions ; mais surtout il peint ce milieu à la fois brillant, languide et frénétique, et plus encore ses amies, avec tendresse et sincérité, et même un ton trompeusement badin, une ironie à peine perceptible (cf. la mort de la Perruche à l’hôpital). Puis Léautaud narre son ardente passion, assez équivoque, pour sa mère qu’il retrouve momentanément.
« Avoir grandi seul, élevé par des mains étrangères… M’être tant promis de la séduire, pendant tant d’années, si jamais je la retrouvais… »

Léautaud termine en résumant sa méthode d’écriture.
« Je parle de ce travail, le seul vrai, qui consiste à ne rien faire, à penser seulement à ce que l’on veut faire, à le distribuer en soi, à le voir en soi, par fragments et en entier, etc. »


\Mots-clés : #autobiographie #creationartistique #intimiste #jeunesse #nostalgie #temoignage #xxesiecle
par Tristram
le Ven 29 Juil - 12:04
 
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Sujet: Paul Léautaud
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Vues: 211

Virginie Symaniec

Barnum – Chroniques

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Virginie Symaniec raconte au jour le jour comment, historienne exclue de la recherche universitaire et ainsi condamnée à la précarité, elle a créé sa maison d’édition à partir de presque uniquement elle-même − comme le ver du mûrier son cocon et sa soie. C’est donc un regard inédit sur le monde de l’édition, mais aussi du marché (le lieu où Symaniec propose ses livres à côté des légumes et foies gras, à Léon dans les Landes et ailleurs) : « l’économie réelle ». Le livre retourne à sa source d’objet fondamentalement humain au travers des péripéties (elles sont innombrables) d’un chemin éminemment existentiel, original, créatif, résilient.
« Sur un marché, un éditeur est un producteur dont le statut se rapproche parfois de celui de l'artisan s'il est lui-même imprimeur ou typographe, ou bien s'il fait lui-même le labeur en fabriquant, par exemple, des livres-objets. Le libraire, en revanche, aura sur un marché le même statut qu’un bouquiniste. Qu’il vende du neuf ou de l’occasion, comme il ne fabrique rien, il sera donc classé parmi les revendeurs. Pourtant, dans les faits, un libraire est un revendeur un peu particulier. Il est le seul à être assujetti à la loi sur le prix unique du livre, qui permet à l’éditeur de garantir le droit d’auteur et au libraire de ne pas disparaître au profit des hypermarchés. L’éditeur est donc habituellement un fournisseur qui fixe le prix auquel le libraire vendra le livre. »

« Certains sont de vrais commerçants. D’autres ont simplement "rompu". Ils font le marché comme ils se seraient réfugiés ailleurs. Au fond, c’est mon cas et ma ligne éditoriale. Et lorsque je dis que je travaille aussi sur l’exil, cela résonne beaucoup, ici. La plupart de mes acheteurs me posent mille questions. Certains de mes collègues, non. Ils me fixent, auraient mille choses à dire, c’est juste que cela ne peut pas se raconter comme ça, ce qu’on a décidé un jour de fuir, mais je sais qu’ils savent, que je n’ai rien à leur expliquer. Ceux-là m’aident beaucoup. »

« Nous, les éditeurs, sommes des producteurs qui n’avons aucune obligation d’assouvir avec notre propre argent le désir d’autrui d’être publié. Car c'est bien cela qu'on nous demande lorsqu'on nous envoie un texte : de financer sa fabrication sous forme de livre et d'en assurer l'exploitation moyennant contrepartie financière sur la vente de chaque exemplaire. […]
Éditrice, ce n’est pas non plus coach en écriture : il peut m'arriver de corriger des coquilles, de suggérer des modifications, mais je suis devenue plutôt taiseuse sur ces questions. Une écriture, cela se voit. Lorsqu'il y en a une, c'est assez incontournable. Au fond, lorsqu’il y en a une, c’est qu’il y a quelqu’un. Et un auteur qui fait son métier revient généralement lui-même sur son texte. Cela ne loupe jamais, en fait. Dix minutes avant que je n'envoie le fichier à l'imprimeur, il relit encore, demande à corriger encore, travaille encore, modifie encore. Un auteur prend sa place, jusqu'au bout. Cet effort est sacrément beau à regarder et cela se respecte, me semble-t-il. Alors je respecte cela, le métier d’écrire, pas la graphomanie. »

Les savoureuses anecdotes rapportées, à peine contextualisées, sont parfois d’un entendement difficile. Des encarts présentent l’écurie de l’éditrice, auteurs traduits d’Europe orientale, primo-romanciers et autres plumitifs qui ne seraient pas parvenus autrement jusqu’aux lecteurs. La ligne éditoriale de Symaniec pivote autour du voyage en tant que quête, exil, mouvement en littérature, voir https://www.leverasoie.com/index.php/le-ver-a-soie.
L’aspect artisanal et singulier de ce travail me semble condensé dans le concept des « poèmes à planter », effectivement fabriqués à la main à partir de « matériau spécifique », papier à ensemencer que les auteurs et lecteurs font croître dans l’imaginaire et le réel : la magie du langage avec ces mots qui poussent, recueillis et à cueillir.
« Le premier test de fabrication réalisé à partir de L’Albatros de Baudelaire est actuellement en train de se transformer tranquillement en fleurs des champs dans ma cuisine. »
2 mai 2017

« L’Albatros de Baudelaire, planté mi-mai dans ma cuisine sur graines de fleurs des champs, pousse. Se pourrait-il que quelque chose soit non seulement en train de pousser, mais aussi de fleurir au Ver à soie ? Fragilité apparue au croisement d’un pot de terre, d’eau, de lumière, de temps et de soin. L’anti-start-up par excellence. »

Outre la captivante introduction à un modèle flexible et hautement adaptatif d’entreprise, de fabrication et d’auto-diffusion-distribution (ainsi qu’à l’univers solidaire – ou pas − des camelots), l’expérience aventureuse révèle une personne marquante par l’intelligence, l’esprit de liberté, la curiosité de l’autre, la valeur du travail, la rigueur, l’humour (y compris autodérision) dans une approche subtile de la condition féminine. Une de ces réjouissantes "autres" façons de faire.

\Mots-clés : #contemporain #creationartistique #ecriture #exil #journal #mondedutravail #universdulivre
par Tristram
le Mer 20 Juil - 12:45
 
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Sujet: Virginie Symaniec
Réponses: 5
Vues: 191

Léonor De Récondo

PIETRA VIVA


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" Michelangelo, en ce printemps 1505, quitte Rome bouleversé.

Il vient de découvrir sans vie le corps d'Andrea, le jeune moine dont la beauté lumineuse le fascinait.

Il part choisir à Carrare les marbres du tombeau que le pape Jules II lui a commandé.

Pendant six mois, cet artiste de trente ans déjà, à qui sa pietà a valu gloire et renommée, va vivre au rythme de la carrière, sélectionnant les meilleurs blocs, les négociant, organisant leur transport. Sa capacité à discerner la moindre veine dans la montagne a tôt fait de lui gagner la confiance des tailleurs de pierre. Lors de ses soirées solitaires à l'auberge, avec pour seule compagnie le petit livre de Pétrarque que lui a offert Lorenzo de Medici et la bible d'Andrea, il ne cesse d'interroger le mystère de la mort du moine, tout à son désir impétueux de capturer dans la pierre sa beauté terrestre.

Au fil des jours, le sculpteur arrogant et tourmenté, que rien ne doit détourner de son œuvre, se laisse pourtant approcher : par ses compagnons les carriers, par la folie douce de Cavallino, mais aussi par Michele, un enfant de six ans dont la mère vient de mourir.

La naïveté et l'affection du petit garçon feront resurgir les souvenirs les plus enfouis de Michelangelo. Parce qu'enfin il s'abandonne à ses émotions, son séjour à Carrare, au cœur d'une nature exubérante, va marquer une transformation profonde dans son ouvre. Il retrouvera désormais ceux qu'il a aimés dans la matière vive du marbre."

Quelle bonne surprise ce roman sur un épisode de la vie de Michel-Ange.....

J'ai beaucoup aimé le style, la sensibilité, la poésie qui se dégagent du texte.


Les tailleurs de pierre riaient de voir cet enfant de la ville, si prompt à les suivre dans la poussière, s'y frotter avec autant de plaisir. Voyant que les adultes ne lui prêtaient pas volontiers leurs ciseaux, il commença à dessiner tout ce qu'il voyait. Et les tailleurs cessèrent de rire tant le talent de l'enfant dépassait l'entendement. Certains prétendirent même que le diable y était pour quelque chose. Mais Michelangelo ne les écoutait déjà plus. Un chemin lumineux et sanguin s'était ouvert en lui et il s'était promis de le suivre toute sa vie.

Dialogue entre Michele, enfant de six ans et Michelangelo :

- Quelques jours après la mort de maman, je me suis retrouvé seul avec papa dans la maison. Il était assis près de la cheminée, la tête entre ses mains. Je croyais qu'il s'était endormi. Je me suis approché et je lui ai tapoté l'épaule. Quand il m'a regardé, j'ai vu qu'en fait il pleurait. Il s'est alors mis à genoux et a éclaté en sanglots dans mes bras. Comme un enfant. Tu vois, l'enfant, c'est lui maintenant ! Tu comprends ?

- Je comprends bien.
- Comment te dire exactement ? C'était comme si j'enlevais ma petite veste en peau de moutons pour ne plus jamais la remettre. Tu comprends ?
- Je comprends bien.
- Tu dis que tu détestes les enfants, mais moi je n'en suis plus un !
Michelangelo caresse la chevelure de Michele et lui répond :
- J'ai une veste comme la tienne et je peux te dire qu'une fois qu'on l'a perdue, on ne la remet plus jamais.


Un petit bijou de moins de 200 pages  Smile


\Mots-clés : #biographie #creationartistique #mort #renaissance
par simla
le Dim 15 Mai - 5:50
 
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Sujet: Léonor De Récondo
Réponses: 1
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Enrique Vila-Matas et Jean Echenoz

Enrique Vila-Matas
Né en 1948


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À dix-huit ans, il travaille comme rédacteur dans une revue de cinéma, Fotogramas, pour laquelle il fait parfois de fausses interviews.
Après des études de droit et de journalisme à l’université de Barcelone, il décide de se consacrer à l’écriture et part se former à Paris. En 1974, il rencontre Marguerite Duras à Paris. Elle lui louera la chambre de bonne au dessus de chez elle pendant deux ans.
Il publie en 1977 son premier roman, "La lecture assassine". Mais son premier grand succès, il l'obtient grâce à l'Abrégé d'histoire de la littérature portative.
Grand amateur de Borges et des jeux de faux-semblants érudits, Vila-Matas s'est imposé, notamment grâce à "Bartleby et Compagnie", Prix au meilleur livre étranger (2000), comme l'un des auteurs hispaniques les plus passionnants de la nouvelle génération.
La consécration définitive arrive avec "Le mal de Montano" (2003) qui obtient le prix Herralde de novela, le prix Nacional de Literatura, le prix Internazionale Ennio Flaiano et, en 2003, le Prix Médicis étranger.

(source : Babelio)

suite sur le fil de l'auteur : https://deschosesalire.forumactif.com/t1031-enrique-vila-matas

Jean Echenoz
Né en 1947

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Naissance 26 décembre 1947 (68 ans) à Orange, France
Romancier, journaliste
Distinctions
Prix Fénéon (1979)
Prix Médicis (1983)
Prix Goncourt (1999)
Meilleur livre de l'année (1999)
Prix de la BnF (2016)

Fils d'un psychiatre, Jean Echenoz passe sa petite enfance dans un milieu familial culturellement favorisé, dans l'Aveyron et dans les Basses-Alpes, puis poursuit des études de sociologie et de génie civil dans les villes de Rodez, Digne-les-Bains, Lyon, Aix-en-Provence, Marseille et Paris, où il s'installe en 19702. Il collabore brièvement au journal L'Humanité et à l'AFP. En 1975, il suit à Paris les cours de l'École pratique des hautes études et des enseignements à la Sorbonne. L'année suivante, son fils Jérôme naît. En 1979, après quelques années d'hésitation, il publie son premier ouvrage, Le Méridien de Greenwich (prix Fénéon).
À ce jour, il a publié dix-sept romans aux Éditions de Minuit et a reçu une dizaine de prix littéraires, dont le prix Médicis en 1983 pour Cherokee et le prix Goncourt en 1999 pour Je m'en vais.
Dans le cadre d'une nouvelle traduction de la Bible, initiée par les éditions Bayard, qui ont confié à différents auteurs la mise en forme de chaque livre, il effectue, en collaboration avec un hébraïsant, une traduction très lisible des Livres des Macchabées, utilisant des termes pratiquement contemporains.
Son fils, Jérôme Echenoz alias Tacteel, est un des membres du groupe TTC.


suite sur le fil de l'auteur : https://deschosesalire.forumactif.com/t58-jean-echenoz


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Enrique Vila-Matas et Jean Echenoz, De l'imposture en littérature

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Entretien tiré d’une correspondance d’Enrique Vila-Matas et de Jean Echenoz (et publié dans les deux langues), qui a aussi produit le dialogue suivant : https://vimeo.com/153633754 (la lecture est rapide, le visionnage dure une heure).
Je n’aurais spontanément pas rapproché ces deux auteurs (voir le fil Echenoz ICI), mais l’échange est intéressant (quoique bref par écrit), qu’il porte sur le paradoxe de présenter oralement son œuvre écrite, qu’il effleure la question de la part d’autobiographie, d’originalité et d’authenticité que cette dernière contient, et de là, à peine introduits, les problèmes de la récupération, des emprunts (voire de plagiat), des citations (et donc d’intertextualité), et au-delà l’interrogation sur les rapports de la vérité d’une part et, d’autre part, la fiction, les apparences nécessaires, le mensonge.

\Mots-clés : #correspondances #creationartistique
par Tristram
le Mar 12 Avr - 16:07
 
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Sujet: Enrique Vila-Matas et Jean Echenoz
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Paul Nizon

Stolz

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Caractère fuyant, imprécis, Stolz se laisse envahir par le vent ou disons plutôt par ses impressions qui s'ordonnent en flux et le suivent à son allure indécise, erratique. Il n'a ni histoire ni personnalité ― ou très vagues ― ni but. Seulement une impulsion, un goût, qui se transforme en étude : Van Gogh et son œuvre. À une exposition, Stolz (re)découvre le peintre, ce qui le lance dans un travail obscur, dont Paul Nizon ne nous laisse rien deviner, sauf les lettres de l'artiste à son frère Théo que Stolz compulse et cite. Le problème est que Stolz n'a aucune rigueur et qu'il fuit son travail, tout comme sa femme et son enfant d'ailleurs.

Il est difficile de suivre ou de s'attacher à ce personnage qui s'effiloche à chaque pas, qui traverse sans se fixer sur rien. On a l'impression que ce nom répété de nombreuses fois ne signifie rien : Stolz est creux. Ou plutôt, il est ce par quoi il se laisse remplir, s'imprégner. Des choses, des impressions ou des rencontres ; des promenades dans la neige ou un voyage en car dans une sorte de demi-sommeil ; une histoire qui n'est pas la sienne. L'entrée en matière est poussive mais après des égarements quant au sujet ou quelques mollesses stylistiques, Stolz finit par imposer ses motifs et cette douce mélancolie.


\Mots-clés : #creationartistique #peinture
par Dreep
le Sam 2 Avr - 13:44
 
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Sujet: Paul Nizon
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César Aira

Le congrès de littérature

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Le narrateur, César, est écrivain et vit de traductions ; il se rend au congrès de littérature dans la ville de Merida, Venezuela, pour profiter gratuitement du séjour avec piscine, mais surtout pour prélever une cellule d’un « Génie » afin de la cloner :
« Le "Savant fou", bien entendu, c’est moi. Identifier le Génie peut s’avérer plus problématique, mais inutile de se perdre en conjectures : il s’agit de Carlos Fuentes. »

En guise de préambule, il a résolu l’énigme du fil de Macuto, et en lecteur perspicace je gardais cette péripétie à l’esprit en attendant de la voir reparaître, explicitée et/ou incluse dans le puzzle de l’intrigue générale – sans succès, ou plus vraisemblablement ça m’a échappé…
Ce « prologue » donne cette définition de l’unicité individuelle :
« Le fait est (je vais tenter de l’expliquer) que chaque esprit se constitue en accord avec la somme totale de ses expériences, de ses souvenirs et de ses connaissances, et que l’accumulation très personnelle de toutes ces données, qui font qu’il est ce qu’il est, le rend unique. »

« La qualité unique d’un intellectuel peut être saisie, tout simplement, dans la conjonction de ses lectures. »

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’ensemble est foutraque (si ce mot peut avoir une acception particulière à cet auteur ; j'ai quand même songé à Raymond Roussel). On perçoit néanmoins qu’il s’agit d’une sorte de parabole de l’imaginaire littéraire, un exercice pratique en étonnante démonstration de cette créativité.
« L’idée (très typique de ma part, au point que je crois que c’est l’idée que je me fais de la littérature) avait été de créer quelque chose d’équivalent à ces figures à la fois réalistes et impossibles, comme le Belvédère d’Escher, qui paraissent praticables sur le dessin mais que l’on ne pourrait pas construire parce qu’elles ne sont qu’une illusion de perspective. »

Le déroulement est conçu et présenté comme des permutations de strates de signification (là aussi j’ai certainement pas tout compris).
« Voici venu le moment de réaliser un autre déplacement de niveau, une nouvelle "traduction". »

Étant agréablement sensible aux références aux concepts scientifiques dans les romans, je fus gâté : ça me fait rêver en me donnant une excuse pour ne pas saisir grand’chose. Quand c’est si brillant, crédule assumé je suis ébloui, et ne pas saisir tout me dérange peu.
« Il y a toujours quelque chose de réel dans ce qui se produit, c’est inévitable. »

« La génétique est la genèse de la diversité. Mais s’il n’existe personne sur qui la diversité puisse se déplier, celle-ci revient sur elle-même, elle s’enroule sur sa particularité générale et c’est ainsi que naît l’imagination. »

« Il n’y a qu’avec le minimalisme que l’on peut obtenir l’asymétrie qui à mes yeux est la fleur de l’art ; en compliquant, il est inévitable que se mettent en place des symétries lourdes, vulgaires et tape-à-l’œil. »

Peut-être mon César Aira préféré !

\Mots-clés : #absurde #creationartistique
par Tristram
le Sam 8 Mai - 16:15
 
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Sujet: César Aira
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Michel Leiris

Langage Tangage ou ce que les mots me disent

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Le livre débute, en guise de « supplément » à son Glossaire j'y serre mes gloses, par Souple mantique et simples tics de glotte, un recueil sous forme de lexique de jeux de mots sur leurs sonorités et des associations analogiques.
« hétéroclite (quel étrange cliquetis de choses et autres cette épithète étiquette !). »

« marginal – allergique à la mare où l'on nage en majorité. »

« miroir – roi de la rime. »

Suit une sorte d’essai commençant sur le même ton, le fond dicté par la forme (ou l'inverse), auto-démonstration de son procédé de composition de paraphrases par calembour et allitération, les mots suscités par d’autres avec transformation sémantique et musique lyrique, écriture « chargée d'harmoniques et comme animée d'un indéfinissable vibrato... »
Ce sont en quelque sorte les ultimes paroles anticipées de Leiris, sa dernière volonté de brûler ses livres, renier le (vain) refuge de l’écriture, ce qui fut le fondement de toute son existence, afin d’éviter de vivre et la mort, ainsi que tout engagement.
« Brûler mes livres : me punir par où j'aurai péché et détruire le corps du délit. Péché dont il n'y a pas à chercher à déterminer si excès ou défaut le caractérise, car il est péché pour ainsi dire originel : m'être depuis ma jeunesse acharné à rédiger des livres au lieu de m'attacher franchement à ce qu'il m'était donné de vivre. »

Leiris s’interroge et s’étudie, tente sans cesse de se justifier et de rationaliser son rapport à la littérature.
« Déçu, désarçonné mais dévoré par le désir de dire, comme si dire les choses était les diriger, disons du moins : les dominer. Dur ou doux, ce qui se doit avant tout, c'est dire différent : décalé, décanté, distant. D'où – que l'on n'en doute pas – mon langage d'ici, où les jeux phoniques ont pour rôle essentiel – eau, sel, sang, ciel – non d'ajouter à la teneur du texte une forme inédite de tralala allègre ou tradéridéra déridant, mais d'introduire – doping pour moi et cloche d'éveil pour l'autre – une dissonance détournant le discours de son cours qui, trop liquide et trop droit dessiné, ne serait qu'un délayeur ou défibreur d'idées. Curieusement donc, chercher du côté du non-sens ce dont j'ai besoin pour rendre plus sensible le sens, pratique point tellement éloignée – à bien y réfléchir – de ce procédé classique la rime, qui joue sa musique mais le plus souvent ne rime à rien sémantiquement parlant. »

Suivant ce staccato de consonnes dentales, une superbe variation sur l’inexprimable :
« …] "indéfinissable" (alias déphasé, déclassé, ainsi qu'un dé dans l'infini des sables), terme aussi flou que ces deux autres qu'on croirait ouverts sur des profondeurs quand, indices d'incontestable infirmité, ils ne sont qu'aveux d'une incapacité catégorique de formuler : "indicible" et "ineffable" [… »

Leiris revient sur la méthode appliquée dans son « intermittent et interminable glossaire » pour explorer le langage et la langue − protocole d’invention poétique de gloses qu’en fait il prolonge et remet en pratique :
« …] chacun de ces textes (à peine dignes de ce nom tant ils étaient concis) apparaissait, non comme le fruit de mon caprice mais comme déterminé par le contenu phonétique et la structure formelle du mot ainsi analysé, mot en quelque sorte déplié, façon fleur japonaise, comme pour l'expliciter et mettre en évidence ce qu'il suggère non seulement tel qu'on l'entend mais tel que les yeux le voient [… »

« …] − comme dans une mélodie une note paraît appeler une autre note ou quelques autres – un mot en appellerait un autre, l'arbitraire des signes cédant place en apparence à un système cohérent [… »

Leiris commente longuement la place essentielle de cette manière de dictionnaire surréaliste, onirique et divinatoire dans sa vie et sa pensée, rite en rapport avec la mort, devenu jeu, voire tic ; au cours de cette analyse il évoque notamment Mallarmé, Rimbaud et (son ami) Desnos, Raymond Roussel, Joyce, mais aussi Shakespeare et Verdi.
À propos de la dualité fond et forme, Leiris ajoute cette belle image au débat :
« …] le contenant était autant ce qui détermine le contenu que ce qui, par décret du sort dirait-on, le revêt [… »

Je suis resté trop longtemps loin de l’œuvre de Leiris, au point d’avoir presque oublié quel styliste fondamental il demeure.
Les amateurs de poésie sont fort heureusement nombreux sur le forum, et je les engage à découvrir cet auteur (qui rappelle Ponge et, évidemment, les surréalistes) si ce n’est déjà fait !

\Mots-clés : #autobiographie #creationartistique #ecriture #essai #poésie
par Tristram
le Ven 9 Avr - 13:59
 
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Sujet: Michel Leiris
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Richard Millet

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Journal, tome 3

@majeanne, j'espère que ça ne t'ennuie pas que je récupère une partie de notre échange du fil des lectures du mois ?

Quasimodo a écrit:
majeanne a écrit:J'ai lu deux fois "Ma vie parmi les ombres" de Millet et "La gloire des Pythre" aussi.
En revanche, l'homme ne m'étant pas vraiment sympathique je n'ai pas essayé son Journal. Tu en as pensé quoi ?

J'en ai pensé que cet écrivain qu'obsède la supposée décadence de la littérature occidentale n'est pas à la hauteur de ses prestigieux aînés (ce qui tend à valider sa théorie).
Le journal est intéressant : il s'y montre le jouet de pulsions destructrices, de haines incompressibles, de désirs qui sont une torture ; il décrit le champ littéraire et éditorial avec un dégoût communicatif (il y a dans ce versant du journal un côté Paris-Match, sauf le style) et se complaît dans une posture de victime poussée à la marginalité par le "Grand Consensus". C'est un paria volontaire dominant la mesquinerie de l'époque (dans la fiction qu'il se joue), violent dénonciateur du cosmopolitisme et misanthrope incurable. Son style de polémiste du début du siècle dernier est séduisant, mais guère plus : c'est un peu juste pour la postérité.


Il dénonce l'étroitesse morale de l'époque et la dictature du politiquement correct mais ne semble pas remarquer que la plupart de ses récriminations possèdent elle-même une assise morale. En réalité, il fait exactement ce qu'il reproche aux "tenants de l'ordre moral" : il ne tolère pas d'autre éthique que la sienne, qu'il érige en orthodoxie. Il est intransigeant pour les autres et n'est "que" sévère pour lui-même, ce qui est une drôle de manière de se ménager. Il est puéril dans ses paroxysmes, et franchement vulgaire (ce qui est à l'origine de déplaisantes dissonances dans son écriture habituellement élégante). Dans de rares passages, il déplore être sujet à de pareils emportements : il se révèle ainsi être la victime de pulsions tyranniques, ce qui certes n'excuse pas tout. En sus, il est d'une extrême fatuité touchant son office : il consigne soigneusement les flatteries qu'on lui prodigue et rapporte avec complaisance les vacheries tenues par d'autres sur les rares écrivains auquel il reconnaît du talent. Il faudrait enfin mentionner sa passion pour la musique, qui occupe une part importante de sa vie et de son journal, et qui exerce sur son écriture une influence telle qu'elle devient un obstacle à sa pensée : écrivant à l'oreille, ne se préoccupant pas d'autre chose que de faire fonctionner le langage, le monde sensible lui échappe et il n'en retient que de mesquines apparences ; sa vérité propre se dérobe et il n'exprime de lui-même que le déchet de ses amertumes.


#contemporain #creationartistique #journal #viequotidienne
par Quasimodo
le Mar 6 Avr - 21:02
 
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Sujet: Richard Millet
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Fabienne Verdier

Bédoulène a écrit:merci ! mais Bix tu vas commenter quel livre ?


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Dix années passées en Chine dans les années 80, juste après l'horrible révolution culturelle, malgré les menaces, les différences, les maladresses, elle est allée non sans mal au delà de ce qu'elle voyait, entendait, vivait.

Surtout, elle a travaillé avec des vieux maitres, calligraphes, artistes divers. Grace à sa patience extrême,son attention, son respect, elle leur a redonné vie. Mis en confiance, ils lui ont donné un enseignement sans prix.
Et leur amitié. Quel bonheur que sa relation avec maitre Huang.

Découragée parfois, elle a tenu bon, a tout sacrifié y compris l'amour pendant près de 10 années.
Un exploit qui lui a permis de devenir à son tour une artiste complète, originale et reconnue.
Tag creationartistique sur Des Choses à lire Huang_10


Mots-clés : #autobiographie #creationartistique #lieu
par bix_229
le Dim 4 Avr - 18:59
 
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Sujet: Fabienne Verdier
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Leila Slimani

Oh je vous trouve durs avec L.Slimani...certes, elle n'a pas un style "famboyant" comme d'autres, mais j'aime beaucoup sa simplicité, justement, qui est quand même au service de sujets graves, cf Chanson douce...

Tag creationartistique sur Des Choses à lire 97822311

Je viens de finir Le parfum des fleurs la nuit, que j'ai trouvé très beau : ce n'est pas un roman, ni vraiment un essai, mais un ouvrage qui part d'une proposition qui lui a été faite : passer la nuit dans un musée d'art contemporain à Venise, au milieu des oeuvres, et donner ses impressions. C'est bien sûr un moyen pour elle de parler de sa propre vie, ses expériences, son rapport aux origines...autant de thèmes qui, bien sûr, entrent en résonance avec les oeuvres qu'elle voit. Le livre contient de nombreuses références littéraire et un bel hommage à son père et à ses relations compliquées avec lui.
Je recommande I love you


\Mots-clés : #creationartistique #relationenfantparent
par Fantaisie héroïque
le Mar 23 Fév - 13:56
 
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Sujet: Leila Slimani
Réponses: 11
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Dominique Rolin

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L'enragé

Cloué sur son lit de mort par un rhumatisme articulaire qui l’empêchera à jamais de peindre, Brueghel se rappelle sa vie. Première enfance paysanne, atelier d’un maître célèbre, paysages et peintures des Flandres puis d’Italie, villes déchirées par la répression espagnole, humanité grouillante, femmes qu’il a aimées… vie transformée en œuvre.


Ce que j'apprécie avec Espace Nord c'est de pouvoir lire belge et que j'ai fait de belles découvertes grâce à cet éditeur. J'avais été tenté par celui-ci et dans le même temps j'étais un peu inquiet, j'avais jeté un œil dans le livre, lu quelques lignes. Très direct, charnel, organique, grouillant presque. Mais à un moment...

Lecture, évidente au sens où ce n'est pas commun dans la tension viscérale qui est juste contenue par les mots. Cette biographie romancée en forme d'auto-biographie n'est pas lisse, c'est le moins qu'on puisse dire. Le but de l'exercice n'est d'ailleurs pas forcément de combler les blancs de notre connaissance de la vie du peintre mais de nous emmener à l'intérieur d'un personnage troublé, un tantinet mégalo, plongé dans un monde troublant et troublé. L'occupation et la répression espagnole. Le grand écart entre un monde paysan et pauvre et une bourgeoisie urbaine. La spiritualité et la pulsion bestiale du peintre...

ça bouge dans ce livre, et vite, rapide, intense. Les événements, les visions se suivent et se traduisent dans l'oeuvre picturale. Réorganisation, sublimation, exutoire, une arme presque tout autant qu'un terrain d'apaisement. Le catalogue des grandes œuvres y passe  mais plus comme des reflets du peintre que comme des étapes obligatoires. Une signification plus dans les boyaux que dans l'éclat.

Le rapport aux femmes, à leur pluralité qui va de la faim insatiable à une dose de misogynie en passant par l'adoration et l'émerveillement (entre autres choses il a épousé la fille de sa bienfaitrice)  tient aussi une part importante (normal ?) de la trame pas que narrative du récit.

Lecture surprenante à la fois puissante et souple, nourrie de contrastes. Intrigante et stimulante qui laisse le souffle court. Beaucoup beaucoup de choses avec, là aussi c'était incontournable, la mise en perspective de certaines œuvres. Couleurs, paysages, signes, le geste est volontaire.

Très écrit à l'évidence mais on ne se sent pas dans l'artifice ou le lieu commun, ça vit à plein poumon dans la lumière et dans la crasse !


Mots-clés : #biographie #creationartistique #peinture
par animal
le Ven 27 Nov - 8:24
 
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Sujet: Dominique Rolin
Réponses: 6
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Enrique Vila-Matas

Impressions de Kassel

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L’auteur-narrateur est convié à la Documenta de Kassel (édition 13, 2012 ; livre paru en 2014), foire mondiale quinquennale d’art contemporain ‒ et c’est de ce dernier qu’il s’agit principalement. Sont convoqués tous les poncifs à propos de l’art moderne, le déclin de l’Occident et la ruine de l’Europe, le chaos et la confusion, la collusion avec le commerce, et cela non sans quelques piques goguenardes, notamment sur les avant-gardes encore enlisées dans le duchampien… Quand les installations et interventions remplacent sculptures et tableaux, sous peine de ringardise…
Moins abscons que certains des précédents livres de Vila-Matas, celui-ci met en œuvre le même procédé, la reprise de quelques constantes au gré des digressions, comme la « cabane à penser » (de Wittgenstein), la guerre et le nazisme, « collapsus et rétablissement », « se tirer » et trouver son « foyer », la Chine, « l’impulsion », innovation et mémoire historique, et l’imagination, magistralement illustrée par la narration elle-même, ou encore :
- Le MacGuffin, qui d’après Wikipédia « est un prétexte au développement d'un scénario. C'est presque toujours un objet matériel et il demeure généralement mystérieux au cours de la diégèse, sa description est vague et sans importance. Le principe date des débuts du cinéma mais l'expression est associée à Alfred Hitchcock, qui l'a redéfinie, popularisée et mise en pratique dans plusieurs de ses films. L'objet lui-même n'est que rarement utilisé, seule sa récupération compte. »
- L’art et la créativité,
« J’aurais aimé avouer, à ce moment-là, à Boston qu’il me semblait incroyable de ne pas avoir su remarquer, dès le premier instant, que le politique ou plutôt l’éternelle chimère d’un monde humanisé était inséparable de la recherche artistique et de l’art le plus avancé. »

« "Dans l’art, on n’innove pas, contrairement à ce qui se passe dans l’industrie. L’art n’est ni créatif ni innovateur, contrairement à ce qui se passe pour les chaussures, les voitures, l’aéronautique. Laissons ce vocabulaire industriel. L’art fait, et vous, vous vous débrouillez avec. Mais, bien sûr, l’art n’innove pas, ne crée pas." »

« Je me suis rappelé qu’au milieu du XIXe siècle aucun artiste européen n’ignorait que, s’il voulait prospérer, il devait intéresser les intellectuels (la nouvelle classe), ce qui avait fait de la situation de la culture le thème le plus traité par les créateurs et le propos exclusif de l’art était devenu la manière de suggérer et d’inspirer des idées. »

« C’était le triomphe pratiquement définitif du mariage entre l’œuvre et la théorie. Si bien que, si quelqu’un tombait par hasard sur une pièce artistique plutôt classique, il finissait par découvrir que ce n’était qu’une théorie camouflée en œuvre. Ou le contraire. »

- La marche,
« Boston m’a demandé si j’avais remarqué que la longue promenade était pratiquement la seule activité non colonisée par les gens se consacrant au monde des affaires, autrement dit les capitalistes. »

« Au fur et à mesure que nous avancions, il devenait de plus en plus évident que marcher éveille la pensée ou l’envoie se promener plus librement, aide à dire des phrases plus authentiques, peut-être parce qu’elles sont moins élaborées. »

Autre récurrence,
« la recommandation faite par Mallarmé à Édouard Manet, considérée par certains comme fondatrice de l’art de notre temps : "Peindre non la chose, mais l’effet qu’elle produit." »

Comme à l’accoutumée, on trouve des références à nombres d’écrivains (et artistes), Kafka, comme souvent, Roussel et son Locus Solus, qui a ici une place centrale, Vila-Matas en reprenant la promenade dans un jardin étrange (inspiré aussi de Camilo José Cela dans Voyage en Alcarria), Stanislaw Lem, auteur négligé (mais qui a son fil sur le forum), Tabucchi (Femme de Porto Pim), qui donne un nom de personnage féminin… On retrouve aussi l’artiste plasticienne Sophie Calle, décisivement présente dans Parce qu’elle ne me l’a pas demandé, in Explorateurs de l'abîme, en une sorte d’autoréférence vila-matassienne qui prend toute sa valeur dans le contexte de ce nouveau récit :
« …] il m’a semblé que théâtraliser ma propre vie et mes pas dans la nuit était une façon de donner davantage d’intensité à mon impression d’être vivant, autrement dit à une nouvelle manière de créer de l’art. »

Le personnage central est comme de coutume un narrateur de (fausse ? partielle ?) autofiction, écrivain vieillissant, assez loufoque, égaré et godiche, de bonne humeur le matin et angoissé le soir (l’humour et l’autodérision sont permanents).
Sans surprise pour qui a fréquenté l’auteur, ce narrateur s’invente volontiers des doubles, et de même ses interlocutrices ont une identité incertaine.
Les observations pertinentes mais hors sujet ne manquent pas ; ici, à propos de la "foule", il me semble percevoir un ton parodique (dans le second paragraphe) :
« Toujours est-il que j’ai préféré me taire et observer attentivement le processus général de récupération animique à l’œuvre chez les gens réunis. J’ai fini par percevoir une communion intense entre tous ces inconnus qui, venant sûrement d’endroits très différents, s’étaient rassemblés ici. C’était comme si tous pensaient, comme si nous pensions : Nous, nous avons été le moment et ici, c’est le lieu, et nous savons quel est notre problème. Et tout se passait en plus comme si une énergie, une brise, un puissant courant d’air moral, un élan invisible, nous poussait vers l’avenir, soudant pour toujours les différents membres de ce groupe spontané qui semblait tout à coup subversif.
C’est le genre de choses, ai-je pensé, que nous ne pouvons jamais voir dans les journaux télévisés. Ce sont de silencieuses conspirations de personnes qui semblent se comprendre sans se parler, des rébellions muettes survenant à tout moment dans le monde sans être perçues, des groupes formés au hasard, des réunions spontanées au beau milieu du parc ou à un coin de rue obscur qui nous permettent d’être de temps à autre optimistes en ce qui concerne l’avenir de l’humanité. Les gens se rassemblent quelques minutes, puis se séparent et tous s’affirment dans la lutte souterraine contre la misère morale. Un jour, pris d’une fureur inédite, ils se soulèveront et feront tout sauter. »

Si Vila-Matas parvient à une conclusion, c’est que « l’art est ce qui nous arrive », et donc vivant.

\Mots-clés : #autofiction #creationartistique #ecriture #identite
par Tristram
le Jeu 12 Nov - 16:32
 
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Sujet: Enrique Vila-Matas
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Jacques Réda

Quel avenir pour la cavalerie ?
Une histoire naturelle du vers français.

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Paru en 2019, 200 pages environ.

Cette sorte d'exposé, ou de balayage démonstratif, peut paraître passablement didactique, comment l'éviter au demeurant, l'objet même, qui est l'histoire de la versification française, ne se prêtant pas trop à autre chose ?

C'est judicieusement contrebalancé, toutefois, par la plume de Jacques Réda, légère, ou peut-être plus de façon plus exacte en état de non-pesanteur, ce qui semble intrinsèque à ses écrits.

Ouvrage passionnant, truffé de références sans être roboratif, avec l'art de la mise en perspective, de ce bon vieux vers, ses avatars, ses métamorphoses, démo délicate, dont on sait gré à Jacques Réda, par exemple, de ne jamais avoir utilisé le détestable anglicisme punchline, ou encore d'éviter le piège de l'encyclopédisme foisonnant; à ce titre, le petit Nota Bene de fin d'ouvrage est appréciable, semblant dire "lisez-moi plutôt que consultez-moi, c'est un ouvrage, pas un index commode", il commence ainsi:
Au sujet de la bibliographie, son absence à la fin de ce volume s'explique par la préférence que j'ai eue pour l'inclusion, dans le corps du texte, des références des ouvrages cités. [...]


Au sujet du sous-titre, énigmatique et plaisant, un petit indice que je laisse à votre sagacité:
Contre toute définition et toute objectivité, la poésie serait-elle une guerre ? D'un point de vue assez opposé au mien, Henri Meschonnic, auteur de nombreux ouvrages sur la langue, le vers et le rythme, le pensait. Et nous nous sommes, amicalement, parfois trouvés en guerre à propos de celle-là - mais elle a bien eu lieu. Et c'est la guerre de mille ans qu'a soutenue la langue française, aujourd'hui à bout de forces et d'expédients, en retraite sur tous les fronts du champ de batailleoù, à l'arrière garde, a le premier succombé, à Roncevaux, Roland. Mais il y avait sauvé le gros de l'armée, et tout l'avenir qu'elle avait devant soi.
 Notre situation est la même, si l'avenir est plus menaçant.
Mais quel motif aurions-nous de le craindre pour notre langue elle-mêm ? Qu'elle soit, dans mille ans, encore plus différente de la nôtre que de celle du temps des premiers Capétiens, quoi de plus naturllement propable ? C'est le langage même qui se trouve en danger, et la guerre n'est pas finie.


     
Lu et relu deux fois déjà, j'ai appris beaucoup, notamment -et entre autres !- en comprenant enfin le vers français XVIIIème, lorsqu'il est mis en perspective; ce poudingue douteux, qui, jusqu'alors me permettait de résumer l'apport poétique au seul Chénier, et de me gausser à peu de frais de certains d'entre lesdits "Grands Hommes"...
(Quiconque a lu un peu de poésie de Voltaire me rejoindra peut-être !)

J'en suis venu à conclure (même si Jacques Réda suggère peut-être un petit peu mais n'assène rien en ce domaine), que cette poésie d'édifice, au mortier, à la truelle et au fil à plomb, digeste comme une pâtisserie dont la réalisation serait confiée à coffreur-bancheur, est mieux perceptible si l'on considère qu'on pouvait utiliser le vers au quotidien -l'alexandrin de préférence- et qu'on ne se gênait pas pour le faire, dans des domaines aussi variés que la missive épistolaire commune, l'exposé scientifique, l'essai littéraire, le rapport militaire ou la conversation de salon.    

Pour ce qui est de la poésie d'origine, au prix et à l'appui d'une petite remontée gaillarde dans le temps -mettons celui des aèdes-, mon intime conviction sans preuve est que la versification (ex.: le décasyllabe à rimes plates pour l'ancien français oïl en formation) est de l'ordre de l'outil: en ces temps de transmission orale des œuvres, et d'accompagnement musical par le poète (barde, troubadour, trouvère, récitant, hôte, convive, etc...), il fallait un format commode, correspondant sûrement à un rythme adapté de diction, sur lequel apposer un rythme et des notes musicales elles aussi transmises oralement -à l'oreille.
Et, pour une évidence ce me semble, que la poésie des origines ne devait pas être une pratique solitaire.

Merci à Jacques Réda d'avoir bien précisé la contrainte du français oïl, cas linguistique rare avec l'absence d'accent tonique (les mots ne "chantent" pas spontanément à la diction).

Voir aussi le sort si particulier des voyelles élidées dans notre langue , entrant ou non dans le compte des pieds, et sûrement distinctes selon l'accent qu'on veut bien mettre à la lecture.
Pour un exemple tout à fait personnel, Francis Jammes en joue beaucoup, non dits avec un accent gascon prononcé, ses vers me semblent perdre des pieds en route, et/ou des rythmes, voire de la tessiture, de la couleur.

Sur la diction, nous avions en effet bien noté, Monsieur Réda, que les enregistrements qui nous sont parvenus de Reverdy ou d'Apollinaire sont totalement différents, dans l'abord du mot - du phrasé, de la prosodie en général - Apollinaire déclamant, comme c'était l'usage multiséculaire, façon institutionnelle, très Comédie-Française époque classique. Comme du Racine ou du Corneille.
Tandis que Reverdy, un peu écorcheur de mots, un peu brutalisant à la varloppe les saillantes, nous semble infiniment plus proche (au reste, cher Guillaume, plus personne ne déclame vos vers aujourd'hui, ainsi que vous le faisiez -était-ce pour la pose ?- et figurez-vous qu'ils semblent n'avoir rien perdu à ce type de transfiguration, allez, même, au contraire !).  

Idem pour la place de l'hémistiche, rendant possible le passage du déca et de l'octosyllabe à l'alexandrin, idem pour la conception et la diffusion du sonnet, structure aboutie loin d'être un simple formalisme.

Petit regret, M. Jacques Réda, de ne pas avoir -à mon goût- assez souligné le passage de la poésie dite (ou déclamée, ou chantonnée, on entonnée, ou chantée) à la poésie lue.
Même si vous parlez abondamment de la prosodie espacée, spatiale, visuelle (André du Bouchet, etc...).


Ouvrage qui ne passionnera sans doute pas tout le monde, mais beaucoup tout de même, j'en suis sûr.
En tous cas livre très recommandable.
D'ailleurs j'y retourne !

Mots-clés : #creationartistique #ecriture #essai #historique #poésie
par Aventin
le Lun 2 Nov - 18:42
 
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Sujet: Jacques Réda
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Patrick Weber

La Vierge de Bruges

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Roman, 1999, 185 pages environ.

Polar se déroulant à Bruges, en 1475, sous le règne de Charles Le Téméraire.
Le livre s'ouvre sur une scène de crime, puis passe à Pieter Linden, jeune homme passionné de peinture, lequel entre, par l'entremise de son oncle et tuteur, comme apprenti dans l'atelier du plus célèbre peintre flamand de l'époque, Hans Memling, d'origine allemande.

Arrive un jeune et riche banquier florentin, Lorenzo Rienzi, qui vient se faire portraiturer dans l'atelier de Memling, alors que se nouent intrigues, conflits d'intérêts, crimes et tentatives de crimes...

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Je ne suis pas un grand adepte du polar, donc pas forcément bon public pour ce genre de parution; le style, l'écriture de Weber me semble un peu œuvre de scénariste par instants, plutôt que de romancier - une arborescence plutôt qu'une florescence.

Mais il y a de la rigueur dans la construction, et, comme en bande dessinée ou en art pictural en général, le souci de placer telle scène bien juxtaposée à telle autre, de manière à obtenir un effet de mise en valeur de tel paragraphe ou chapitre vis-à-vis de passages davantage de l'ordre du texte de liaison.

Il me semble aussi brider un peu son texte, vouloir le tenir bien en mains, alors que les prétextes à débordement d'imagination galopante sont susceptibles de fleurir à chaque coin de page.

Ainsi les passages les plus séduisants sont-ils les rêves décrits, et bien sûr tout ce qui a trait à la peinture flamande et à l'architecture de Bruges.  

Et l'on sort du roman édifié, avec envie d'en connaître davantage sur l'œuvre de Memling.
L'apport de celui est bien situé, sans ton professoral, dans la chronologie de la peinture flamande (Robert Campin, Jan Van Eyck, Petrus Christus...).

Quelques tableaux véritables traversent ce polar, outre celui -célèbre- de la couverture, avec le bout des doigts peints sur le cadre "comme si elle ne voulait pas rester emprisonnée dans sa toile", celui-ci:

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Ou ce diptyque, d'un personnage-clef du roman, Tommaso Portinari - et son épouse:
Tag creationartistique sur Des Choses à lire Memlin11

Mots-clés : #creationartistique #polar #renaissance #violence
par Aventin
le Sam 13 Juin - 18:09
 
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Sujet: Patrick Weber
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Rodolphe Barry

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Honorer la fureur

Rodolphe Barry compose dans Honorer la fureur un hommage vibrant, éloquent et plein d'humilité à l'écrivain américain James Agee (1909-1955). Il se penche sur son parcours de vie à travers ses multiples facettes : journaliste, romancier, scénariste, Agee s'est investi dans tellement de projets mais s'est aussi brûlé les ailes, tant sa personnalité passionnée pouvait être intransigeante, abrupte voire auto-destructrice. Loin d'une biographie linéaire, Honorer la fureur est fidèle à son titre et trouve une remarquable cohérence dans sa structure.

L'ouvrage débute avec un moment décisif de la vie d'Agee, lorsque ce dernier est parti avec le photographe Walker Evans observer et partager la vie de trois familles de métayers dans l'Alabama, au coeur de la Grande Dépression à l'été 1936. Une rencontre qui a abouti à la rédaction de Louons maintenant les grands hommes, portrait bouleversant mais tellement éloigné du cadre d'abord imposé par le magazine Fortune pour lequel il travaillait. Et ce décalage entre le contexte des apparences sociales et la recherche d'intimité, de vérité, de l'artiste marque une fêlure profonde...avec par la suite de nombreux détours, échecs et remises en question, parallèlement à une vie personnelle toujours au bord du gouffre.

Rodolphe Barry évoque également avec justesse le poids de l'héritage de son enfance dans le Tennessee, et notamment de la perte de son père que James Agee évoque dans le roman Une mort dans ma famille. Et c'est son incursion dans le milieu du cinéma qui façonne la dernière partie de sa vie, de sa défense en tant que critique de l'oeuvre de Charlie Chaplin jusqu'à sa démarche de scénariste auprès de Charles Laughton pour La nuit du chasseur.
S'il reste une sensation d'inachevé à sa mort prématurée, l'écriture de Rodolphe Barry insiste avant tout sur l'intensité, la sincérité avec laquelle Agee a constamment vécu.

Mots-clés : #biographie #creationartistique #ecriture #social
par Avadoro
le Jeu 23 Avr - 23:46
 
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Sujet: Rodolphe Barry
Réponses: 6
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