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Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Mar 19 Mar - 7:58

14 résultats trouvés pour independance

Cormac McCarthy

Le grand passage

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Dans le sud des États-Unis, à proximité de la frontière mexicaine, Billy Parham, seize ans, son frère Boyd, quatorze ans, et leur père Will tentent de piéger une louve solitaire. Remarquables observations sur la faune sauvage :
« Les éleveurs disaient que les loups traitaient le bétail avec une brutalité dont ils n’usaient pas envers les bêtes fauves. Comme si les vaches avaient éveillé en eux on ne savait quelle fureur. Comme s’ils s’étaient offensés d’on ne savait quelle violation d’un ordre ancien. D’anciens rites. D’anciens protocoles. »

« À la nuit elle descendait dans les plaines des Animas et traquait les antilopes sauvages, les regardant s’enfuir et volter dans la poussière de leur propre passage qui s’élevait du fond du bassin comme une fumée, regardant l’articulation si exactement dessinée de leurs membres et le balancement de leurs têtes et la lente contraction et la lente extension de leur foulée, guettant parmi les bêtes de la harde un signe quelconque lui désignant sa proie. »

« Elle passa près d’une heure à tourner autour du piège triant et répertoriant les diverses odeurs pour les classer dans un ordre chronologique et tenter de reconstituer les événements qui avaient eu lieu ici. »

Elle est finalement capturée par Billy, qui a recueilli les paroles d’un vieux trappeur renommé ; il décide de la ramener au Mexique d’où elle est venue. Péripéties western avec cowboy typiquement impavide, insondable. Il est généralement bien reçu quand il rencontre quelqu’un ; on lui offre un repas et il remercie ponctuellement. Aussi confirmation que l’imaginaire autour du loup est le même partout, y compris au Mexique, dont une esquisse est donnée.
« Ceux qui étaient trop soûls pour continuer à pied bénéficiaient de tous les égards et on leur trouvait une place parmi les bagages dans les charrettes. Comme si un malheur les eût frappés qui pouvait atteindre n’importe qui parmi ceux qui se trouvaient là. »

Billy préfère tuer lui-même la louve recrue dans un combat de chiens.
Puis il erre dans la sierra ; il y rencontre un vieux prêtre « hérétique » qui vit dans les ruines d’un tremblement de terre (le « terremoto » de 1887 ; il y a beaucoup de termes en espagnol/mexicain, et il vaut mieux avoir quelques notions et/ou un dictionnaire).
« Tout ce dont l’œil s’écarte menace de disparaître. »

« Si le monde n’est qu’un récit qui d’autre que le témoin peut lui donner vie ? »

« Alors que penser de cet homme qui prétend que si Dieu l’a sauvé non pas une mais deux fois des décombres de la terre c’est seulement pour produire un témoin qui dépose contre Lui ? »

Billy rentre chez lui, et découvre que ses parents ont été massacrés par deux voleurs de chevaux.
Il repart au Mexique avec Boyd. Les deux sont de très jeunes blonds (güero, güerito), et à ce titre sont généralement considérés avec sympathie ; ils deviendront vite renommés suite à leurs contacts avec alternativement de braves gens et des brigands.
« Une créature venue des plateaux sauvages, une créature surgie du passé. Déguenillée, sale, l’œil et le ventre affamé. Tout à fait inexplicable. En ce personnage incongru ils contemplaient ce qu’ils enviaient le plus au monde et ce qu’ils méprisaient le plus. Si leurs cœurs battaient pour lui, il n’en était pas moins vrai que pour le moindre motif ils auraient aussi bien pu le tuer. »

Ils récupèrent un de leurs chevaux, sauvent une jeune Mexicaine d’une tentative de viol, et l'emmènent avec eux. Ils rejoignent une troupe de saltimbanques, puis reprennent quelques autres chevaux. Boyd est gravement blessé par balle dans une escarmouche avec les voleurs.
Billy fait une autre rencontre d’importance, un aveugle, révolutionnaire victime d'affrontements avec l’armée.
« Il dit que les hommes qui avaient des yeux pouvaient choisir ce qu’ils voulaient voir mais qu’aux aveugles le monde ne se révélait que lorsqu’il avait choisi d’apparaître. Il dit que pour l’aveugle tout était brusquement à portée de main, rien n’annonçait jamais son approche. Origines et destinations devenaient des rumeurs. Se déplacer c’était buter contre le monde. Reste tranquillement assis à ta place et le monde disparaît. »

Boyd disparaît avec la jeune fille, Billy retourne un temps aux États-Unis, où il est refusé dans l’enrôlement de la Seconde Guerre mondiale à cause d’un souffle au cœur. Revenu au Mexique, il apprend que Boyd est mort (ainsi que sa fiancée).
« Le but de toute cérémonie est d’éviter que coule le sang. »

Considérations sur la mort, « la calavera ».
Un gitan, nouvelle rencontre marquante (il s’agit d’un véritable roman d’apprentissage), développe une théorie métaphysique sur la vérité et le mensonge à propos d’un avion de la Première Guerre mondiale qu’il rapporte au père d’un pilote américain.
« Chaque jour est fait de ce qu’il y a eu avant. Le monde lui-même est sans doute surpris de la forme de ce qui survient. Même Dieu peut-être. »

« Les noms des collines et des sierras et des déserts n’existent que sur les cartes. On leur donne des noms de peur de s’égarer en chemin. Mais c’est parce qu’on s’est déjà égaré qu’on leur a donné ces noms. Le monde ne peut pas se perdre. Mais nous, nous le pouvons. Et c’est parce que c’est nous qui leur avons donné ces noms et ces coordonnées qu’ils ne peuvent pas nous sauver. Et qu’ils ne peuvent pas nous aider à retrouver notre chemin. »

« Il dit que pour les gens de la route la réalité des choses avait toujours de l’importance. Il dit que le stratège ne confondait pas ses stratagèmes avec la réalité du monde car alors que deviendrait-il ? Il dit que le menteur devait d’abord savoir la vérité. »

« Il dit : ce que les hommes ne comprennent pas c’est que ce que les morts ont quitté n’est pas le monde lui-même mais seulement l’image du monde dans le cœur des hommes. Il dit qu’on ne peut pas quitter le monde car le monde sous toutes ses formes est éternel de même que toutes les choses qui y sont contenues. »

Intéressantes précisions sur le corrido, ballade épique ou romancée, poésie populaire évoquant l’amour, la politique, l’histoire (voir Wikipédia) :
« Le corrido est l’histoire du pauvre. Il ne reconnaît pas les vérités de l’histoire mais les vérités des hommes. Il raconte l’histoire de cet homme solitaire qui est tous les hommes. Il croit que lorsque deux hommes se rencontrent il peut arriver l’une ou l’autre de deux choses et aucune autre. L’une est un mensonge et l’autre la mort. Ça peut vouloir dire que la mort est la vérité. Oui. Ça veut dire que la mort est la vérité. »

Ce long roman bien documenté, qui m’a beaucoup plu, est avant tout un hymne assez traditionnel et pathétique du mythe fondateur des États-Unis, le poor lonesome cowboy et son existence rude et libre dans l’immense marge des confins.
Style factuel, congru à des personnages taiseux, pas de psychologie abordée mais des descriptions détaillées (équipement du cheval, confection des tortillas, médecin soignant Boyd, etc.) : en adéquation complète avec le contenu du discours.

\Mots-clés : #aventure #fratrie #independance #initiatique #jeunesse #mort #nature #solitude #violence #voyage
par Tristram
le Mer 13 Avr - 12:35
 
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Sujet: Cormac McCarthy
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Ahmadou Kourouma

Allah n’est pas obligé

Tag independance sur Des Choses à lire Allah_10

« Je décide le titre définitif et complet de mon blablabla est Allah n’est pas obligé d’être juste dans toutes ses choses ici-bas. Voilà. Je commence à conter mes salades. »

Après cet incipit, Birahima, un jeune garçon de Togobala (Guinée ; mais la précision géographique a peu d’importance, c’est l’ensemble de l’Afrique occidentale qui peut convenir comme théâtre de ces tribulations) commence à raconter sa vie dans un français laborieux (et savoureux), s’aidant de dictionnaires et d’un lexique de français d'Afrique ; Kourouma donne entre parenthèses la définition des mots peu courants, et c’est peut-être parce que ce texte fut écrit à la demande d’anciens enfants-soldats d’Afrique de l’Est.
« Ces dictionnaires me servent à chercher les gros mots, à vérifier les gros mots et surtout à les expliquer. Il faut expliquer parce que mon blablabla est à lire par toute sorte de gens : des toubabs (toubab signifie blanc) colons, des noirs indigènes sauvages d’Afrique et des francophones de tout gabarit (gabarit signifie genre). Le Larousse et le Petit Robert me permettent de chercher, de vérifier et d’expliquer les gros mots du français de France aux noirs nègres indigènes d’Afrique. L’Inventaire des particularités lexicales du français d’Afrique explique les gros mots africains aux toubabs français de France. Le dictionnaire Harrap’s explique les gros mots pidgin à tout francophone qui ne comprend rien de rien au pidgin. »

« (Au village, quand quelque chose n’a pas d’importance, on dit qu’il ne vaut pas le pet d’une vieille grand-mère. Je l’ai expliqué une fois déjà, je l’explique encore.) »

Birahima est élevé par sa mère infirme puis, devenu orphelin, surtout par la rue : « j’étais un enfant sans peur ni reproche ».
Le principal leitmotiv dans l'aire musulmane, c’est bien sûr que tout dépend d’Allah, qu’il faut célébrer avec fatalisme – mais l’antienne varierait peu sous d’autres cieux monothéistes.
« Les sacrifices, c’est pas forcé que toujours Allah et les mânes des ancêtres les acceptent. Allah fait ce qu’il veut ; il n’est pas obligé d’accéder (accéder signifie donner son accord) à toutes les prières des pauvres humains. Les mânes font ce qu’ils veulent ; ils ne sont pas obligés d’accéder à toutes les chiaderies des prieurs. »

Parti rejoindre sa tante au Liberia avec Yacouba, féticheur et « multiplicateur de billets de banque », il devient enfant-soldat, small-soldier, dans le camp du colonel Papa le bon, une sorte de prêtre inféodé à Taylor, « avec la soutane, les galons, les grigris en dessous, le kalach et la canne pontificale » (nombreux sont les personnages religieux, d'obédience « œcuménique », souvent féminins, qui encadrent les factions).
« La sœur Hadja Gabrielle Aminata était tiers musulmane, tiers catholique et tiers fétichiste. »

Tableau bien documenté de l’horreur délirante de « la guerre tribale » (civile), d’abord au Liberia puis en Sierra Leone, sans concession pour les dirigeants de la sous-région et « leurs troupes d’interposition qui ne s’interposent pas », la diaspora libanaise, les associations de chasseurs traditionnels, et la communauté internationale.
« Comparé à Taylor, Compaoré le dictateur du Burkina, Houphouët-Boigny le dictateur de Côte-d’Ivoire et Kadhafi le dictateur de Libye sont des gens bien, des gens apparemment bien. Pourquoi apportent-ils des aides importantes à un fieffé menteur, à un fieffé voleur, à un bandit de grand chemin comme Taylor pour que Taylor devienne le chef d’un État ? Pourquoi ? Pourquoi ? De deux choses l’une : ou ils sont malhonnêtes comme Taylor, ou c’est ce qu’on appelle la grande politique dans l’Afrique des dictatures barbares et liberticides des pères des nations. (Liberticide, qui tue la liberté d’après mon Larousse.) »

« (la Conférence nationale, c’est la grande foire politique qu’on a organisée dans tous les pays africains vers 1994, au cours de laquelle chacun a raconté ce qui lui passait par la tête). »

Témoignage précis sur le système :
« La première fois que j’ai pris du hasch, j’ai dégueulé comme un chien malade. Puis c’est venu petit à petit et, rapidement, ça m’a donné la force d’un grand. Faforo (bangala du père) ! »

« Le camp était limité par des crânes humains hissés sur des pieux comme tous les casernements de la guerre tribale. »

Épisodes terribles, comme celui de la méthode « Pas de bras, pas d’élections » :
« On procéda aux "manches courtes" et aux "manches longues". Les "manches courtes", c’est quand on ampute les avant-bras du patient au coude ; les « manches longues", c’est lorsqu’on ampute les deux bras au poignet. Les amputations furent générales, sans exception et sans pitié. Quand une femme se présentait avec son enfant au dos, la femme était amputée et son bébé aussi, quel que soit l’âge du nourrisson. Autant amputer les citoyens bébés car ce sont de futurs électeurs. »

Dans ce récit teinté d’oralité et d’autres caractéristiques de la narration africaine, Birahima fait souvent l’oraison funèbre d’enfants-soldats tués, occasion de raconter leur histoire et la façon dont ils furent recrutés.
Partout recommencés, les grigris, les kalach, la corruption, l’anarchie, des « rebelles » aux coupeurs de route et « autres fretins de petits bandits », comme les « sobels » : « C’est-à-dire des soldats dans la journée et des rebelles (bandits pillards) dans la nuit », jusqu’à la sauvagerie extrême.
« Dans les guerres tribales, un peu de chair humaine est nécessaire. Ça rend le cœur dur et dur et ça protège contre les balles. »

« J’ai voulu devenir un petit lycaon de la révolution. C’étaient les enfants-soldats chargés des tâches inhumaines. Des tâches aussi dures que de mettre une abeille dans les yeux d’un patient, dit un proverbe des nègres noirs indigènes et sauvages. […]
"Eh bè, les lycaons, c’est les chiens sauvages qui chassent en bandes. Ça bouffe tout ; père, mère, tout et tout. Quand ça a fini de se partager une victime, chaque lycaon se retire pour se nettoyer. Celui qui revient avec du sang sur le pelage, seulement une goutte de sang, est considéré comme blessé et est aussitôt bouffé sur place par les autres. Voilà ce que c’est. C’est pigé ? Ça n’a pas pitié." »

Yacouba et Birahima, le grigriman et l’enfant-soldat, sont ballotés d'une péripétie à l'autre ; mais chaque flambée de violence est une aubaine pour eux, un regain de prospérité dans un monde en ruine.
« En ce temps-là, les Africains noirs indigènes sauvages étaient encore cons. Ils ne comprenaient rien à rien : ils donnaient à manger et à loger à tous les étrangers qui arrivaient au village. »

Finalement j’ai trouvé peu de romanciers africains qui m’aient convaincu ; mais Ahmadou Kourouma sait transmettre une bonne partie de l’esprit caractéristique de l’Afrique occidentale, notamment celui de la Côte d’Ivoire.
J’ai beau avoir vécu dans les parages et connaître les évènements, j’ai été frappé par le rendu des faits : c’est un livre d’une grande puissance. Heureusement qu’il a été écrit par un Noir, un Africain, parce que d’une autre couleur, d’une autre origine, il aurait été vilipendé, surtout à notre époque de chasse gardée de la parole.
Me reste à lire la suite et fin de ce récit, Quand on refuse on dit non, chronique du retour de Birahima en Côte d’Ivoire.

\Mots-clés : #aventure #enfance #guerre #historique #independance #politique #racisme #Religion #temoignage #traditions #violence #xixesiecle
par Tristram
le Ven 14 Mai - 20:35
 
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Sujet: Ahmadou Kourouma
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Blaise Cendrars

L'or

Tag independance sur Des Choses à lire L_or13
Sous-titré: La Merveilleuse Histoire du général Johann August Suter.
Roman, 1925, 160 pages environ.

[relecture]

Accueil mitigé à sa sortie pour cet opus, longuement cogité et porté par l'auteur, mais écrit et publié avec célérité. On lui reproche de ne pas avoir fait œuvre de biographe fidèle, d'historien, mais justement c'est ce que Cendrars revendique - comme indiqué en préface il eût pu appeler Alexandre Dumas à la rescousse, selon celui-ci l'Histoire serait "un clou où l'on peut accrocher un beau tableau".

Usant d'effets stylistiques afin d'évoquer, surtout, une trajectoire, le roman prête à une lecture rapide, la course d'un projectile propulsé. Gâcher, çà et là, un peu de peinture afin de soigner davantage les décors et les seconds caractères ne m'eût pas déplu, à titre personnel: de la saveur, certes, dans les ingrédients, petit manque d'épices toutefois.

J-A Suter (Sutter dans la vraie vie), un Suisse de bonne famille, en rupture, passe en fraude en France puis s'embarque pour le Nouveau Monde, et, après moult expédients dont des actes répréhensibles, détours, temporisations, approches, gagne la Californie encore hispanisante et mexicaine, très peu peuplée, y fonde un empire, lequel viendra se fondre dans une Californie annexée pacifiquement à l'Union, avant d'être ruiné par la découverte d'or sur ses terres et la ruée qui s'ensuivit, drainant des flots continus de migrants s'accaparant ses terres, son personnel le quittant pour prospecter, puis, ruine consommée, devient quasi-aliéné (pour ne pas dire complètement fou), avec une phase de récupération par des illuminés mystiques et businessmen, et décéde en tentant de faire valoir ses droits à Washington: un beau sujet.
entame du chapitre 6 a écrit:- Vois-tu, mon vieux, disait Paul Haberposch à Johann August Suter, moi, je t'offre une sinécure et tu seras nourri, logé, blanchi. Même que je t'habillerai. J'ai là un vieux garrick à sept collets qui éblouira les émigrants irlandais. Nulle part tu ne trouveras une situation aussi bonne que chez moi; surtout, entre nous, que tu ne sais pas la langue; et c'est là que le garrick fera merveille, car avec les irlandais qui sont tous de sacrés bons bougres, tous fils du diable tombés tout nus du paradis, tu n'auras qu'à laisser ouvertes tes oreilles pour qu'ils y entrent tous avec leur bon dieu de langue de fils à putain qui ne savent jamais se taire. Je te jure qu'avant huit jours tu en entendras tant que tu me demanderas à entrer dans les ordres.
Un Irlandais ne peut pas se taire, mais pendant qu'il raconte ce qu'il a dans le ventre, mois, je te demande d'aller palper un peu son balluchon, histoire de voir s'il n'a pas un double estomac comme les singes rouges ou s'il n'est pas constipé comme une vieille femme.
Je te donne donc mon garrick, un gallon de Bay-Rhum (car il faut toujours trinquer avec un Irlandais qui débarque, c'est une façon de se souhaiter la bienvenue entre compatriotes), et un petit couteau de mon invention, long comme le coude, à lame flexible comme le membre d'un eunuque. Tu vois ce ressort, presse dessus, na, tu vois, il y a trois petites griffes qui sortent du bout de la lame. C'est bien comme ça, oui. Pendant que tu lui parles d'O'Connor ou de l'acte de l'Union voté par le Parlement, mon petit outil te dira si ton client a le fondement bouché à l'émeri. Tu n'auras qu'à mordre dessus pour savoir si elle est en or ou en plomb, sa rondelle.



Mots-clés : #aventure #colonisation #exil #historique #immigration #independance #justice #mondialisation #voyage #xixesiecle
par Aventin
le Jeu 10 Sep - 7:12
 
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Sujet: Blaise Cendrars
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Annie Dillard

Les vivants

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Whatcom, État de Washington, arrivée des premiers pionniers mi-XIXe sur la rive du Pacifique, parmi les énormes sapins Douglas et les accueillants Indiens Lummis.
« C’était l’abrupt rebord du monde, où les arbres poussaient jusqu’aux pierres. »

« Constellés de gouttes, les arbres ruisselaient sans cesse. On aurait dit une condensation, une incarnation de la pluie, une excroissance affreusement pesante et foisonnante contre laquelle l’homme luttait tous les jours de toutes ses forces, et qu’il détestait au plus profond de son cœur douloureux. Ce pays n’avait nul besoin d’ombre fraîche. La tâche de Rooney consistait à briser ce dôme ombreux, à aider le soleil à descendre jusqu’à terre. »

« Cela lui paraissait grandiose. « Je crois que je verrai les bienfaits du Seigneur au pays des vivants », lisait-elle [Ada, dans les Écritures] et Rooney y croyait aussi. »

Les familles survivent courageusement dans la précarité (nombreux accidents mortels, mais aussi épanouissement des enfants), et en bonne intelligence avec les Indiens du cru.
« De leur côté, les Lummis avaient appris à ignorer l’affreuse odeur des Bostons, car les nouveaux venus se lavaient rarement et ne changeaient jamais de sous-vêtements. Ils apprirent aussi à ne pas fouiller partout, car cela plongeait les Bostons dans un état d’énervement inutile, et à ne pas chaparder des objets ou des enfants sans prévenir. Ainsi, les gens s’entendaient. »

« Il disait que les Indiens étaient tous différents, jusqu’au dernier, exactement comme les Blancs, et John Ireland commençait seulement d’imaginer qu’il en était sans doute ainsi. »

« Le matin, le soleil semblait jaillir au hasard de n’importe quel point de l’horizon, comme une hirondelle. Il montait et descendait le long des versants des montagnes, chaîne après chaîne, sur ce rebord oriental du monde. Chaque après-midi, il jetait des ombres et des lumières nouvelles sur le papier peint ; chaque soir, il sombrait derrière une île différente. Le soleil est une créature fantasque, pensait le jeune Clare Fishburn ; le soleil est une abeille. Le jour faisait éclater les ténèbres puis inondait le monde ; toute la plage vacillait, s’enivrait de lumière. »


C’est aussi l’époque du boom économique américain, celle de l’épopée du chemin de fer, de l’expansion de la ville et du capitalisme marquée de crises désastreuses, et celle de la déportation des Chinois (voulue par les socialistes).
« ils créaient purement et simplement de l’argent »

« Aucun enfant n’est jamais voué à une vie ordinaire, on le voit bien en eux et d’ailleurs ils le savent, mais l’époque se met alors à les travailler, ils perdent leur intelligence à force d’apprendre ce que les gens attendent d’eux, ils dépensent toute leur énergie à essayer de s’élever au-dessus de leurs semblables. »

« Si l’utilité et la valeur du papier-monnaie dépendaient d’une superstition comme "la confiance du public", alors il ne savait plus à quel saint se vouer. »

Beal Obenchain le psychopathe malfaisant a décidé de faire sa chose de Clare Fishburn en lui annonçant qu’il allait le tuer d’un moment à l’autre, ce qui déclenche une méditation existentielle de la victime en attente (et met un peu de suspense dans l'histoire).
« S’il mourait maintenant, sa vie n’aurait été qu’un bref épisode, comme une averse passagère. S’il mourait plus tard, en ayant accompli davantage de choses, cela reviendrait au même. »

« Le temps était un hameçon dans sa bouche. Le temps le tirait, mâchoire en avant ; le temps le ramenait, tête la première, hébété, vers un rivage dont il n’avait pas soupçonné l’existence. »

« Il était, depuis le début, une bobine d’empreintes de pas qui commençaient un peu plus au nord, dans la cabane du campement dressée sur la plage où il avait appris à se tenir debout en s’accrochant à la jupe noire de sa mère. Ses traces disparaissaient, puis redevenaient visibles à mesure qu’il égrenait ses jours et ses ans ; il passa douze années à Goshen avant de revenir à Whatcom et il effectua d’innombrables allées et venues entre son domicile et le lycée, puis le bureau. Maintenant, sur cette plage, ses traces se dévidaient derrière lui telle une épluchure : le temps était un couteau qui l’épluchait comme une pomme et il allait continuer de l’entailler jusqu’à la fin. Ses traces, les traces de sa vie se termineraient abruptement, elles aussi – mais à ce moment-là il ne s’envolerait pas, comme un oiseau dans le ciel ; il descendrait sous terre. »

« Ces dernières années, quand il se retrouvait à chercher la compagnie des mouettes et des corneilles, des jeunes enfants et des arbres tolérants, il se savait motivé non seulement par leur indifférence envers sa personne et par leur belle spontanéité en sa présence, mais aussi parce qu’il admirait leur pureté, leur solitude sous le ciel bouleversé : les pattes des oiseaux dans la charogne, l’attention des jolis enfants, l’humilité et la rigueur des arbres. »

La place prépondérante de la religion chez les pionniers, qui doutent cependant :
« Dans le Sinaï, Dieu leur dit de ne pas toucher la montagne, sinon Il se mettrait en colère contre eux. Ils ne touchèrent pas la montagne, mais apparemment Il se mit néanmoins en colère contre eux, tout comme Il se mit en colère contre Ada tout près des montagnes, alors qu’elle non plus n’avait touché à rien. »

Une fresque historique (plus de 700 pages), avec de nombreux personnages hauts en couleur :
« Eddie Mannchen, dont la mère était morte brûlée à Goshen, et qui s’était installé à Whatcom vingt ans plus tôt, était passager sur le vapeur de Seattle en ce mois de mai, quand le courant drossa le bateau sur un rocher près d’Anacortes et qu’il coula. Tout le monde quitta le navire sain et sauf, tout le monde sauf Eddie Mannchen ; il resta à bord. Les gens installés dans les canots de sauvetage l’appelèrent et le supplièrent. L’eau lui arrivait à la taille sur le pont arrière, mais il resta à bord, les bras croisés, son chapeau repoussé sur la nuque. Enfin, le vapeur coula, entraînant la surface de l’eau avec lui, ainsi qu’Eddie Mannchen et son chapeau. Une femme agacée, qui élevait du bétail, le repêcha d’un coup de filet. Quand elle lui demanda pourquoi diable il avait fait cette ânerie, il répondit qu’il voulait seulement savoir, pendant une demi-heure, "à quoi ça ressemblait d’être le propriétaire d’un bateau et fabuleusement riche." »


Mots-clés : #aventure #colonisation #immigration #independance #nature #ruralité #xixesiecle
par Tristram
le Sam 8 Fév - 12:20
 
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Eric Plamondon

Oyana

Tag independance sur Des Choses à lire 12310010


Originale : Français/Canada, 2019

Présentation de l’éditeur : a écrit:"S'il est difficile de vivre, il est bien plus malaisé d'expliquer sa vie." Elle a fait de son existence une digue pour retenir le passé. Jusqu'à la rupture. Elle est née au Pays basque et a vieilli à Montréal. Un soir de mai 2018, le hasard la ramène brutalement en arrière. Sans savoir encore jusqu'où les mots la mèneront, elle écrit à l'homme de sa vie pour tenter de s'expliquer et qu'il puisse comprendre. Il y a des choix qui changent des vies. Certains, plus définitivement que d'autres. Elle n'a que deux certitudes : elle s'appelle Oyana et l'ETA n'existe plus.


REMARQUES :
Après la découverte de Taqawan (voir en haut des commentaires) je voulais bien continuer dans l’univers, ou disons le style, Plamondon. Car il est apparemment typé : des chapitres courts avec ici une narratrice « Je » bien mise en avant par lettres, datées en Mai 2018 et formulées à son compagnon de 23 ans, Xavier, au Quebec. Et s’intercalent des points de vues par narrateur neutre soit sur sa vie à elle ou des chapitrettes sur divers sujets sur le pays Basque, son histoire, des traditions. Car cette Oyana a bien grandi au Pays Basque, né le jour même (mais sans le savoir) de la mort de son père biologique, militant de l’ETA et tué par des militaires après un attentat à la bombe en Décembre 1973. Elle grandit chez un père adoptif (et l’ignore) et sa mère et n’est pas autrement engagée dans la lutte indépendentiste des années 80, 90. Jusqu’au jour où, innocents, avec des amis ils sont pris en chasse par la police cherchant des militants. Un ami meurt… Et elle commence presque par protestation à s’intéresser alors pour la cause, s’engage et est impliqué dans une affaire avec issue fatale. Elle n’arrive pas à assumer. Bref : elle doit quitter le pays sous la menace de ne jamais revenir.

Et en ce Mai 2018, 23 années passées, elle apprend la dissolution de l’ETA ! Plus de dangers ? Fin de jouer à la cachette et à la fausse identité (rôle qu’elle a même tenu devant son compagnon!)? Elle décide de rentrer… Et s’approche par étapes.

Plamondon a bien trouvé un sujet qui seulement au premier abord semble loin du Canada : On pourrait rapprocher facilement les situations au Quebec et au Pays Basque avec leurs luttes indépendentistes, la question de la langue, les caractères propres etc. Il le fait dans son style de chapitres courts et intelligents. Ici il parle beaucoup à travers une narratrice et réussit bien pour un homme – il me semble – de « parler en femme ». Au-délà du ou des sujet(s) et son traitement, on retrouve aussi souvent des mots et expressions, des phrases étonnants, pleine de « sagesse » pour utiliser un mot souvent employé. Certaines tournures et explications sont simplement bien. On comprendra aussi le drame de cette femme qui vit avec des mensonges « reçus », et aussi « employées par alle-même ». Elle a menti alors pendant 23 ans à son compagnon ? Néccessaire ou pas : elle croit l’histoire finie, et pourtant… ?!

Découvrez vous-même : cet auteur est définitivement à suivre !

Mots-clés : #culpabilité #exil #independance #terrorisme
par tom léo
le Jeu 23 Mai - 19:36
 
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Sujet: Eric Plamondon
Réponses: 34
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Alexandre Sergueïevitch Pouchkine

La fille du capitaine

Tag independance sur Des Choses à lire 00498110


C'est avec grand plaisir que j'ai lu ce livre, dans le cadre d'une chaîne de lecture. merci à Quasimodo pour sa proposition.
Je n'avais lu, de Pouchkine, que Boris Godounov, dans le cadre d'une lecture thématique sur la figure du tyran, en litterature comparée, lors de mes années de faculté. (Et je n'en ai que peu de souvenirs malheureusement.)

Piotr Andréievitch Griniov est envoyé par son père dans un fort, pour se frotter à la vie d'homme. Ce dernier espère ainsi l'écarter des premieres tentations de débauche et de boisson. Avant d'arriver sur le site, en compagnie de son valet Savélitch , le jeune homme commence son apprentissage du monde extérieur. Des tavernes, des voyous, des tempêtes, son voyage n'est pas de tout repos, et Savélitch, fidèle et bienveillant, s'avère précieux pour le guider, le réprimander, ou l'accompagner tout simplement. La libéralité de l'un compense la grande prudence de l'autre et vice versa. ils aideront pourtant un homme, en route, enigmatique.Arrivés au fort, recommandation en main, Piotr croit déchanter, quelle tranquilité, quel simulacre guerrier l'attend. Le chef cosaque Pougatchev, qui se fait instituer empereur Pierre III à la force du combat, a beau être dans la région, et se rappeler au souvenir du capitaine et ses troupes, le hâvre ne semble promettre aucun véritable drame . La femme et la fille du Capitaine  vivent parmis les hommes, sagement, et l'esprit familial prédomine sur le militaire. Une romance pudique nait entre Piotr et Maria, des jalousies s'en mêlent, Chvabrine, un autre militaire, n'a de cesse de perturber l'idylle. Mais la menace la plus grande est arrivée et se révèle sans fard, le fort tombe aux mains des troupes de Pougatchev.
Griniov et sa bien-aimée échappent seuls au massacre, avec le valet et quelques villageois.
Je ne raconte pas la suite car ce serait divulgâcher, mais disons que le roman d'apprentissage se corse de douleur et de decillages.

Le contexte :

Ecrit un an avant la mort de l'auteur.

Wikipédia :
"Pouchkine s'est documenté sur la révolte de Pougatchev, avec comme objectif d'en rédiger un compte-rendu historique : l'Histoire de Pougatchev, restée à l'état d'ébauche. C'est ce qui lui permet de mêler ici réalité historique et invention romanesque (...) Il brosse aussi un tableau de la société russe de la fin du XVIIIe siècle : organisation sociale et situation politique (soulèvements populaires, contestation dynastique, expansion de l'empire vers l'est). Le tableau de la Russie, de ses immenses steppes et de son climat extrême, constitue un autre centre d'intérêt du roman.
(...) Pougatchev est (...) complexe, cruel et magnanime à la fois, contrairement à la représentation officielle de l'époque. C'est sans doute que, comme Mazeppa ou le faux Dimitri, autres personnages historiques apparaissant dans l'œuvre de Pouchkine (respectivement dans Poltava et dans Boris Godounov), il est un symbole de l'impossible résistance à l'autocratie, un thème qui a toujours fasciné un écrivain constamment opprimé par les empereurs Alexandre Ier puis Nicolas Ier."

Je confirme, ce roman est l'occasion de réaliser une page d'histoire, et de plonger dans une société dont j'ignorais quasiment tout.

J'ai beaucoup apprécié. Je ne sais si c'est bien traduit (par Raoul Labry) mais cette prose est d'un élégant classicisme.
Le fil de narration est épuré de toute scorie, très relié à la voix centrale du protagoniste, que l'on accompagne au fil du récit qu'il nous fait comme en "conscience".
Du coup, l'initiatique perd sa valeur traditionnellement demonstrative, il est certes induit, mais est particulièrement inclusif à la vie. Piotr conte en effet toujours au même rythme, qui repose sur une sincérité et une candeur, une sorte d'objectivité , non maniériste, Du coup nous est transmis implicitement que la vie initie tout bonnement, car le narrateur ne prend pas lui même compte de ces révélations pour nous en faire un laïus particulièrement appuyé. Le rythme prime, et le ton de Piotr est remarquablement stable.. Aucun changement stylistique, de valeur, entre le jeune homme du debut et de la fin , et pourtant son discours , etroitement relié à la trame vécue, continue d'être vrai.
On est plongé dans une ecriture qui traduit l'évolution intime en n'en prenant pas acte formellement, et c'est fabuleux. ça produit un sentiment de dépaysement, de désuetude, qui à bien réfléchir doit valoir plus que cela : comme un paradis perdu où l'Ego , au centre de la réception, ne ramènerait sa fraise qu'à bon escient.

Enfin, il y a dans mon édition librio un supplément au chapitre final.

Ce dernier est clôs par une "fausse" note d'éditeur "ici s'arrêtent les souvenirs de P.A.Griniov " etc.

Le supplément, lui, développe et dépeint une tentative de massacre survenue lors d'une étape de leur avancée vers le bonheurs. C'est fait selon ce même prisme du narrateur, qui reflète plutôt que réfracte ou disperse. C'est très violent, émotionnellement, on réalise que l'auteur aurait pu sans doute décrire "historiquement" bien plus de carnages, c'est en cela que j'en ai été particulièrement touchée. Je n'ai pas d'explication à cet appendice, je ne sais si il a été censuré ou s'il a été sciemment ôté par l'auteur. Mais c'est un fragment qui donne à voir avec encore plus d'écho l'humanisme certain de Pouchkine. Je devrais relire pour commenter, car l'émotion porte un peu d'imprecision , du coup, mais tant pis. Ce supplément vient après une sorte de "happy end", aussi il replace les enjeux societaux, et politiques, que Pouchkine  incluait certainement dans son oeuvre. C'est touchant.

J'ai aimé qu'il distorde les manichéismes, il dépeind la violence, les raisons supérieures, mais aussi les nuances en chaque personnage. Ses personnages sont clairement situables, certes (gentils, méchants etc) mais il sait donner à chacun la touche qui relativise et contextualise l'argument de chacun.
Impressionnée.


Final du chapitre XI :
Pougatchov eut un sourire amer. "Non, répondit-il. Il est trop tard pour me repentir. Pour moi il n'y aura pas de miséricorde. Je continuerai comme j'ai commencé. Qui sait ? Peut-être aussi réussirai-je ! Grichka Otrepiev a bien règné sur Moscou.
- Mais sais-tu comment il a fini ? On l'a jeté par la fenêtre, dépecé, brûlé, on a chargé de sa cendre un canon et tiré !
-Ecoute, dit Pougatchov, avec une sorte d'inspiration sauvage. Je vais te conter un conte, que dans mon enfance j'ai entendu d'une vieille Kalmouke. Un jour l'aigle demanda au corbeau : " Dis-moi, oiseau corbeau, pourquoi vis-tu sous le soleil 300 ans et moi 33 seulement en tout et pour tout , - c'est parce que toi, mon cher, répondit le corbeau, tu bois du sang frais, tandis que moi je me nourris de charogne." L'aigle réfléchit : "Allons, essayons nous aussi de nous nourrir de même." Bon. L'aigle et le corbeau prirent leur vol. Et voilà qu'ils aperçurent un cheval crevé. Ils descendirent et se posèrent. Le corbeau se mit à becqueter et à louer la pitance. L'aigle donna un premier coup de bec, en donna un second, battit de l'aile et dit au corbeau : "non, frère corbeau; plutôt que de me nourrir 300 ans de charogne, je préfère me gorger une seule fois de sa&ng frais; et puis , à la grâce de Dieu !" Que dis-tu de ce conte Kalmouk ?
-Il est ingénieux, lui répondis-je. Mais vivre de meurtre et de brigandage, c'est pour moi becqueter de la charogne.
Pougatchov me regarda avec étonnement et ne répondit rien. Nous nous tûmes tous les deux, chacun plongé dans ses réflexions. Le tatare entonna une chanson plaintive; Savélitch, sommeillant, vacillait sur le siège. La kibitka volait sur la route d'hiver toute lisse. Soudain je vis le petit village, sur la rive escarpée du Yaïk, avec sa palissade et son clocher, et un quart d'heure après nous entrions dans le fort de Biélogorsk.



Mots-clés : #exil #guerre #historique #independance #initiatique #insurrection #ruralité #trahison
par Nadine
le Dim 12 Mai - 14:11
 
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Sujet: Alexandre Sergueïevitch Pouchkine
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Emmanuel Dongala

Un fusil dans la main, un poème dans la poche (1973) :

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Premier roman d'Emmanuel Dongala, il s'agit d'une fiction qui se déroule à l'époque des indépendances africaines. On suit le parcours d'un jeune africain nourri des influences anti-colonialistes telles que Fanon, Anta Diop, de grandes figures de la lutte : Mandela, Lumumba, Cabral, et des révolutionnaires marxistes comme le Che. Depuis la France qu'il quitte, des maquis d'Afrique Australe jusqu'à son retour dans son pays, où il finit par prendre le pouvoir.
Mais une fois qu'on a renversé la table ... Que faire ? L'idéalisme se confronte aux forces du terrain, intérieures et extérieures.

Nous sommes toujours les coucous de l'histoire. Nous courons toujours derrière le miroir aux nègres que nous tendent l'Europe et l'Amérique ... Ainsi, quand nous atteindrons le niveau de la société de consommation occidentale, les problèmes qui se poseront alors à nous seront des problèmes qui auront déjà été résolus ; nous nous tourneront encore vers eux pour y chercher la réponse : coucous une fois une fois de plus. Non ! là n'est pas la voie.


Aie le courage de reconnaître que, peut-être, je dis bien peut-être, l'esclavage n'aurait pas pris cet essor sans la cupidité de certains potentats africains.


Sans concession, et dans une belle écriture fluide, Dongala est lucide sur l'Afrique de cette époque, et sur ce qu'il en adviendra. Comment transcender ce passé colonial, cette intériorité du colonisé qui demeure, et comment s'en sortir face aux puissantes nations capitalistes et impérialistes qui ne souhaitent que son échec. Et comment ne pas tomber dans les travers d'une gouvernance populiste quand on se dit révolutionnaire qui veut le bien du peuple.

Il n'y a pas d'acte qui soit tout à fait gratuit ; même pas le don de soi-même.


Mais Pontardier, pris dans son envolée, continuait :
- Vous comprenez, n'est-ce pas, mon cher Mayéla, pourquoi on dit que l'Afrique est mal partie.
Alors Mayéla ne sut plus se contenir.
- Ecoutez, monsieur l'expert, j'en ai assez d'entendre que l'Afrique est mal partie, surtout de votre bouche, vous qui n'avez aucun droit moral à nous donner des leçons. A l'"indépendance", vous vous êtes arrangés pour balkaniser l'Afrique et pour créer des structures facilitant votre mainmise sur les nouveaux Etats où vous avez placés de nouveaux rois nègres à votre service, après avoir éliminé les vrais nationalistes. Et pour camoufler tout cela, vous nous jetez aux yeux la poudre de l'"aide et de la coopération". Et vous faites semblant de vous indigner quand vous savez bien que ce que vous appelez de l'argent gaspillé retourne chez vous, bénéfices en plus !
Vous poussez la malhonnêteté jusqu'à dire à vos concitoyens que si rien ne va plus chez vous dans le domaine social, c'est parce que tout l'argent s'envole en Afrique, où la France est en train de construire un système de tout-à-l'égout dans tous les petits villages !


Il fallait sûrement une nouvelle révolution. Mais de révolution en révolution, atteindrons-nous jamais ce que nous cherchons ?



mots-clés : {#}independance{/#} {#}revolution{/#}
par Invité
le Sam 8 Déc - 14:01
 
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Sujet: Emmanuel Dongala
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Norman Rush

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Accouplement

Une jeune trentenaire, étudiante américaine en anthropologie, cherche un sens à sa future thèse au coeur du Botswana. Entre fuite et cynisme, saupoudrant d'un humour clairvoyant son itinéraire, elle se fait narratrice de ses perditions et ressacs, de ses lubies, et nous prévient très vite que tout son récit voudra expliciter la rencontre exceptionnelle qu'elle va faire d'un homme .

Le tempérament de cette femme, singulier, tisse tout le corps textuel, elle mène la danse, mais ce présupposé est servi par la nature de son caractère, analytique, anthropologue jusqu'au bout des poils, mais aussi rompu au détour psychanalytique.
En conséquence, on accrochera ou pas quant au ton, au mouvement du récit.

F.Le corre pour cairn info a écrit:Exploration territoriale, confrontation des idées, rencontre des cultures, utopie politique, épreuve de la personnalité, passion amoureuse et rivalité des sexes, le tout exposé par une jeune anthropologue américaine, perdue au Botsawana pour les besoins d'une thèse en anthropologie nutritionnelle ? une vraie fausse piste sur laquelle elle ironise : « En Afrique, on veut plus, je pense. Les gens y sont pris d'avidité. Je n'ai pas échappé à la règle. » Ce sont les premiers mots du livre. Le ton est donné. Observatrice méticuleuse d'elle-même et des autres, des institutions et des sociétés, la jeune femme, aussi maîtrisée que caractérielle, est une surdouée des interprétations multiprises qu'elle démonte aussi vite qu'elle les monte. Elle est à elle seule un prodige de méfiance et de détermination, une virtuose en dialectique, mélange détonant de cérébralité et de sensualité. Quand elle entend parler d'un certain Nelson Denoon, intellectuel qui aurait fondé une cité secrète au fin fond du Kalahari , « ce vide replié dans le vide jusqu'à l'Atlantique », elle sait qu'elle ira le rejoindre. Ce qu'elle fait seule avec deux ânes, avant d'arriver à moitié morte à Tsau, la fameuse communauté de Denoon où des femmes tentent d'émerger de leur asservissement séculaire. Là sont Denoon, l'utopie, et un temps immobile qui recèle sa propre capacité de destruction. Contrairement au royaume des hauteurs où s'accouplent les vautours, ce repaire qui prétend écarter la violence ne pourra protéger l'accouplement de chair et d'esprit qu'elle aurait voulu comme une confrontation loyale, équitable et jamais achevée. L'illusion se défait, sans que le mouvement s'épuise, sans que cessent de tenailler l'envie de comprendre et le grand, l'insatiable appétit de vivre.



c'est drôle, spécieux (jargon universitaire bonjour), empathique et arborescent dans sa logique, c'est un roman sur l'amour féminin, sur la société botswanaise, sur l'utopie socialiste.
Assez épatant du point de vue de la personnalité féminine décrite (auteur empathique, observateur, qui sait pourtant aussi par touche discrète nous démonter sous un jour moins favorable ), l'auteur dit qu'il a eu l'ambition de construire le personnage féminin le plus complet de la littérature anglophone. Pour avoir survolé des articles non traduits sur lui, il semble que ce soit un grand hommage à sa femme, à leur relation, bien que transposé, détail qui rend assez sympathique le fatras global où nous transporte cette femme de foi perdue et d'instinct sauf. A moins que ce ne soit tout l'inverse.

Une très jolie lecture . Le regard politique est intéressant, aussi, bien que la lecture de nos jours puisse le faire paraitre un peu déjà vu. Mais sans doute qu'à l'époque il valait son poids.
Et je n'ai pas de citation. pardon. rendu à la médiathèque.




mots-clés : #amour #conditionfeminine #huisclos #independance #initiatique #insularite #politique #social
par Nadine
le Mer 21 Nov - 19:28
 
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Sujet: Norman Rush
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Patrick Chamoiseau

Écrire en pays dominé

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Quatrième de couverture :
Écrire en pays dominé c'est l'histoire d'une vie, la trajectoire d'une conscience, l'intime saga d'une écriture qui doit trouver sa voix entre langues dominantes et langues dominées, entre les paysages soumis d'une terre natale et les horizons ouverts du monde, entre toutes les ombres et toutes les lumières. Écrivain, Marqueur de Paroles, et finalement Guerrier, Patrick Chamoiseau interroge les exigences contemporaines des littératures désormais confrontées aux nouvelles formes de domination et à la présence du Total-monde dans nos imaginaires.


Essai (1997) très structuré (égard de plus en plus rare, l’ouvrage bénéficie d’une utile table des matières).

Il se compose de trois « cadences », entrelardées de paroles du vieux guerrier sur la colonisation (« Inventaire d’une mélancolie ») et de brefs commentaires sur des lectures-phares (« Sentimenthèque »).

D’abord I, « Anagogie par les livres endormis » : les réflexions de Chamoiseau sur le comment écrire dominé par une autre culture, puis la révélation de la découverte des livres-objet (reprise des souvenirs de son autobiographie À bout d’enfance), puis lecture « agoulique », puis, à l’adolescence, découverte de Césaire, de la poésie lyrico-épique, du militantisme, du racisme ordinaire et de l’identité dans la négritude opposée à l’impérialo-capitalisme (qui tente d’imposer ses valeurs « universelles »), domination silencieuse du Centre avec passage pour ce dernier de la contrainte à la subjugation, l’ « autodécomposition » dans le « développement », le mimétisme, la consommation, l’assistanat et la folklorisation, enfin rôles de Glissant et Frankétienne dans son évolution du lire-écrire (Chamoiseau est alors éducateur dans les prisons métropolitaines).

II, « Anabase en digenèses selon Glissant » : après dix ans passés en métropole à rêver du pays, en anabase (expédition vers l’intérieur, voyage intérieur, cf. Saint-John Perse), en admiration libératrice du déprécié, il s’identifie successivement au premier colon (« carrelage » de l’ordre et de la mesure, de la rationalité sur leurs contraires), aux Caraïbes (Amérindiens), aux Africains puis à tous les autres apports ethniques. Marronnage et mer geôlière, danse, tambour, quimboiseurs, mentôs puis conteurs et autres « résistances et mutations ». « Ultimes résistances et défaites urbaines » : après le conteur des habitations-plantations dont l’oralité créatrice se réfugie dans les chansons et proverbes, le driveur errant en déveine et déroute folle se concentre dans l’En-ville, devenant djobeurs et majors, jusqu’au « Moi-créole », le Divers dans la mosaïque créole, sans origine ni unité : le « chaos identitaire » ; Lieu versus territoire.

III, « Anabiose sur la Pierre-Monde » : identité d’assimilation, départementalisation stérilisante, assistanat, modernisation aveugle, développement factice, consommation irresponsable, fatalité touristique (toujours au profit des békés). Domination furtive d’un Centre diffus, du rhizome-des-réseaux, « Empire technotronique où l’empereur serait le brouillard de valeurs dominantes, à coloration occidentale, tendant à une concentration appauvrissante qui les rend plus hostiles à l’autonomie créatrice de nos imaginaires [color=#2181b5]ains et artistes neutralisés « dans la dilution d'une ouverture au monde". Insularité vécue comme isolement versus la (notion de la) mer ouverte. Choix entre les deux langues, la reptilienne et résistante, et le français, par celui qui devient le Guerrier dans le Monde-Relié. Davantage épanouissement que développement de l’Unité se faisant en Divers : la Diversalité.

C’est donc l’historique du ressenti douloureux des (ex-)colonisés du « magma anthropologique », simultanément avec l’éveil par les livres (lus, relus, écrits) du Marqueur de paroles, pour relever le défi du Web.


mots-clés : #creationartistique #essai #identite #independance #insularite #mondialisation
par Tristram
le Sam 10 Mar - 0:23
 
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Sujet: Patrick Chamoiseau
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Ahmadou Kourouma

Les soleils des Indépendances

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Dans ce premier roman, Kourouma raconte l’histoire de Fama, dernier prince malinké d’Horodougou (quelque part entre le nord de la Côte-d’Ivoire, la Guinée et le Mali). Au début du livre, pieux musulman, Fama mendie fièrement d'obsèques en obsèques dans la capitale. L’ouvrage commence (et s’achève) par l’évocation d’un homme « fini » (mort, en français d’Afrique). Dans cette partie de l’Afrique, les enterrements sont souvent la seule occasion de grandes réunions avec ripailles et palabres, et ils tiennent une place importante dans cet ouvrage, avec une omniprésence des vautours attirés par les sacrifices sanglants.

« Pourquoi les Malinkés fêtent-ils les funérailles du quarantième jour d'un enterré ? Parce que quarante jours exactement après la sépulture les morts reçoivent l’arrivant mais ne lui cèdent une place et des bras hospitaliers que s'ils sont tous ivres de sang. Donc rien ne peut-être plus bénéfique pour le partant que de tuer, de beaucoup tuer à l'occasion du quarantième jour. Avant les soleils de Indépendances et les soleils des colonisations, le quarantième jour d'un grand Malinké faisait déferler des marigots de sang. Mais maintenant avec le parti unique, l'indépendance, le manque, les famines et les épidémies, aux funérailles des plus grands enterrés on tue au mieux un bouc. Et quelle sorte de bouc ? Très souvent un bouc famélique gouttant moins de sang qu'une carpe. Et quelle qualité de sang ? Du sang aussi pauvre que les menstrues d'une vieille fille sèche. C'était pour ces raisons que Balla [le féticheur] aimait affirmer que tous les morts des soleils des Indépendances vivaient au serré dans l'au-delà pour avoir été tous mal accueillis par leurs devanciers. »


Fama reste en grande partie à charge de sa femme Salimata, qui lui reproche par ailleurs de ne pas la féconder. Ereintée par son travail d’épouse musulmane, elle vend sa cuisine dans la rue (on reconnaît Abidjan, avec la lagune séparant les pauvres quartiers indigènes et le plateau des toubabs – les riches Blancs). Salimata est cependant très généreuse, offrant de la nourriture aux innombrables mendiants (qui l’agressent en retour), et payant avec le reste les maraboutages devant faire d’elle une mère. Ce personnage, ainsi que d’autres, dépeint sans concession la condition féminine lamentable dans cette région d’Afrique, que l’islamisme aggrave.

A l’occasion des funérailles de son cousin, qui avait usurpé sa place de dernier descendant d'une longue lignée de chefs de tribu guerrière, Fama retourne à son village natal dans le nord semi-désertique. Prégnance des croyances dans un mixte syncrétique (griot, islam et féticheur), misère omniprésente, aridité de l’harmattan et puanteurs diverses. Le passé traditionnel disparu avec son statut de chef, Fama déchu est comme tous victime des malheurs africains : sécheresse et autres désastres, mais surtout colonialisme (qu’il a combattu en politique sans en tirer récompense ou profit) et, peut-être pire encore, les Indépendances, avec le parti unique dominé par d’anciens inférieurs dictatoriaux.

« Et le matin d'harmattan comme toute mère commençait d'accoucher très péniblement l'énorme soleil d'harmattan. Vraiment péniblement, et cela à cause des fétiches de Balla. Le féticheur jurait que le soleil ne brillait pas sur le village tant que ses fétiches restaient exposés. Comme le matin il se réveillait tard, il les sortait tous pour leur tuer le coq rouge. Donc pendant un lourd moment le soleil gêné s’empêtrait et s'embrouillait dans un fatras de brouillard, de fumée et de nuages. Les fétiches de Balla rengainés, entrés et enfermés, le soleil réussissait à se libérer, alors qu'il était au sommet du manguier du cimetière. D'un coup il éclatait. Et après le soleil éclatant et libéré, comme les poussins après la mère poule suivaient tous les enfants de l'harmattan : les tourbillons, les lointains feux de brousse, le ciel profond et bleu, le vol des charognards, la soif, évidemment la chaleur ; tous, tous les enfants de l'harmattan. »

« Les soleils des Indépendances s'étaient annoncés comme un orage lointain et dès les premiers vents Fama s'était débarrassé de tout : négoces, amitiés, femmes pour user les nuits, les jours, l'argent et la colère à injurier la France, le père, la mère de la France. Il avait à venger cinquante ans de domination et une spoliation. Cette période d'agitation a été appelée les soleils de la politique. Comme une nuée de sauterelles les Indépendances tombèrent sur l'Afrique à la suite des soleils de la politique. Fama avait comme le petit rat du marigot creusé le trou pour le serpent avaleur de rats, ses efforts étaient devenus la cause de sa perte car comme la feuille avec laquelle on a fini de se torcher, les Indépendances une fois acquises, Fama fut oublié et jeté aux mouches. »

« Mais alors, qu'apportèrent les Indépendances à Fama ? Rien que la carte d’identité nationale et celle du parti unique. Elles sont les morceaux du pauvre dans le partage et ont la sécheresse et la dureté de la chair du taureau. Il peut tirer dessus avec les canines d'un molosse affamé, rien à en tirer, rien à sucer, c'est du nerf, ça ne se mâche pas. Alors comme il ne peut pas repartir à la terre parce que trop âgé (le sol du Horodougou est dur et ne se laisse tourner que par des bras solides et des reins souples), il ne lui reste qu'à attendre la poignée de riz de la providence d'Allah en priant le Bienfaiteur miséricordieux, parce que tant qu'Allah résidera dans le firmament, même tous conjurés, tous les fils d'esclaves, le parti unique, le chef unique, jamais ils ne réussiront à faire crever Fama de faim. »


Mais Fama retourne à la capitale, où il sera arrêté comme opposant au régime dans un summum d’arbitraire (accusé d’un rêve), puis emprisonné et déporté dans des conditions extrêmes, qui semblent avoir peu à envier aux autres dictatures de la planète. L’auteur a semble-t-il souffert lui-même cette situation.

« Comment s’appelait ce camp ? Il ne possédait pas de nom, puisque les geôliers eux-mêmes ne le savaient pas. Et c’était bien ainsi. Les choses qui ne peuvent pas être dites ne méritent pas de noms et ce camp ne saura jamais être dit. »


Aussi absurdement libéré qu'arrêté, le piètre (et jusque là assez antipathique) Fama prend une dimension plus humaine et digne en souhaitant le bonheur de la stérile Salimata qu’il plaint et comprend enfin, et en renonçant aux promesses du régime despotique pour retourner mourir dans son village (il y parvient en traversant d’une façon assez extraordinaire la frontière qui coupe son chemin, sommet du tragico-dérisoire de son destin. Le tracé arbitraire des limites des états des Indépendances, qui ne tiennent pas compte des territoires des différentes ethnies, est encore souligné à cette occasion).

L’oralité est au centre de la vie quotidienne africaine comme au cœur du style de Kourouma. Plus troublant, une sorte de réalisme magique (cf. le défunt qui regagne son village pour s’y faire enterrer) rappelle aussi les littératures caraïbes et sud-américaines.

Pour ceux qui voudraient aller plus loin, l'avant-texte, avec une partie des manuscrit et tapuscrit.



mots-clés : #independance #traditions
par Tristram
le Mar 11 Avr - 16:02
 
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Sujet: Ahmadou Kourouma
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Vikram SETH

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Un garçon convenable

Un garçon convenable, c'est l'Inde dans toute sa démesure. Avec ses contradictions, sa chatoyance, ses arts et son mystère. Tout ce qui rend ce pays tellement fascinant, mais aussi tellement impénétrable.

La grande affaire du livre, c'est le mariage de Lata. Enfin, je crois.
Lata rêve du mari idéal. Sa mère lui cherche le mari idéal. Mais ces deux idéaux n'ont pas grand chose en commun… Quand la fille rêve d'amour, de promenades au clair de lune et de lettres enflammées, la mère recherche activement le bon parti, la bonne famille, le bon arrangement. Bref, le parti convenable.
Et donc, le lecteur rencontre Lata, la famille de Lata, les amis de Lata, les serviteurs de Lata…  toutes les personnes, qui, de près ou de loin, gravitent autour d'elle.
Alors, le mariage de Lata est-il la grande affaire de ce roman ? Oui… Et non. Car si nous avons incontestablement affaire à une saga familiale, un roman fleuve avec ses personnages aussi attachants que complexes, Un garçon convenable est avant tout une grande fresque sur l'Inde au lendemain de son indépendance. Plus exactement, cette partie de l'Inde qui, anciennement conquise par les Moghols, a su magnifier les influences musulmanes et hindoues pour créer un art unique et incomparable.

Vikram Seth a su mêler avec brio l'intime et l'Histoire avec un grand H.
Il en fallait du talent pour rendre aussi passionnantes les discussions enflammées qui eurent lieu au Parlement au sujet de la redistribution des terres. Terres jusque là détenues par les zamindars, richissimes propriétaires terriens qui régnaient en despotes sur des domaines immenses, et dont les femmes se devaient de vivre cachées du regard des hommes... Tout un mode de vie, fastueux et décadent, alors sur le déclin.
Oui, il en fallait de la passion pour nous en faire pénétrer les arcanes, et nous décrire le monde des chanteuses de ghazals, musiciennes et séductrices accomplies, qui susurraient les poèmes ourdous avec un raffinement tel qu'elles rendaient les hommes fous d'amour…
Et puis, et puis il en fallait de l'empathie pour nous parler sans pathos du dur quotidien des petites mains de l'Inde, paysans ou parias si durement soumis au système des castes…

Lire Un garçon convenable, c'est avoir l'impression de toucher, un peu, un tout petit peu, une certaine réalité de l'Inde. Avec ses rites intimes et ses fêtes exubérantes, sa décadence et sa misère, ses coutumes ancestrales et le choc d'une modernité qui, déjà à l'époque, séduisait les jeunes générations et affolait les anciens.
Alors, Un garçon convenable est-il Le grand roman de l'Inde ? Oui… et non. Car si la complexe réalité indienne est la toile de fond du récit, la grande affaire du roman, c'est quand même le mariage de Lata.
Un garçon convenable, c'est donc aussi  (et surtout ?) une saga familiale sans une once de mièvrerie, où les grands sentiments sont mis à l'honneur. Et il en fallait du talent pour décrire de façon aussi prenante les tourments des amoureux, les chicaneries familiales et le poids de la tradition ! Les différents personnages, subtilement décrits, sont tous confrontés à l'amour : qu'il soit fraternel, de raison, prenne la forme d'un juvénile coup de foudre ou d'une passion destructrice, il n'épargne aucun des protagonistes dans un pays ou le Mariage (arrangé) est le but de la vie, et l'affaire de toute une famille...

Bref, que le mariage de Lata soit ou non la grande affaire du roman, lisez un garçon convenable. 1800 pages qui se dévorent littéralement et qu'on voudrait ne jamais voir finir. Et, tout de même, quel souffle !
L'un de mes grands, grands coups de coeur !


mots-clés : #Independance #famille #traditions
par Armor
le Jeu 5 Jan - 19:04
 
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Sujet: Vikram SETH
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Khushwant SINGH

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Train pour le pakistan

Mano Majra ; quelques huttes, un temple sikh, une mosquée, et l'orgueil du village, la villégiature dans laquelle les hauts fonctionnaires viennent se ressourcer le week-end. Et puis la gare, dont les trains rythment le quotidien. L'indépendance ? Elle ne soulève guère les passions, les villageois n'en attendent rien ; tout au plus, fatalistes, sont-ils conscients que d'esclaves des Anglais, ils vont devenir esclaves du nouveau gouvernement…
Autour d'eux, le drame de la Partition se déploie avec fureur, détruisant irrémédiablement des siècles de cohabitation tranquille et même amicale entre communautés ; mais à Majno Mara, on refuse de se laisser happer par ce déferlement de violence, et la vie s'écoule comme toujours, rythmée par les travaux agricoles, les prières et les exactions des voyous locaux.
Seulement, Majno Maro est situé sur la frontière entre l'Inde et le Pakistan nouvellement créé ;  un jour, ce ne sont plus des réfugiés que les trains charrient, mais des cadavres…

Si l'action se déroule entièrement dans ce hameau de quelques huttes, elle n'en est pas moins révélatrice de l'ambiance d'une région tout entière. L'Inde de Khuswhant Singh est profondément marquée par le système des castes ; autrefois soumis aux seigneurs féodaux, puis aux Anglais, les villageois font tout naturellement allégeance à ceux dont le prestige vient cette fois de l'éducation. Iqbal, jeune étudiant envoyé à Majno Mara par le parti communiste pour éduquer les masses, semble accepter comme totalement naturelle cette servitude spontanée que nul ne songe à remettre en question… Dans cette société à la hiérarchie immuable, les puissants usent et abusent des lois à leur guise, quitte à broyer quelques vies pour servir de plus grands desseins. En témoigne le personnage du chef de la police, retors à souhait...

De la Partition qu'il a personnellement vécue, Kushwhant Singh a tiré un roman à la narration très sobre ; la violence inouïe et inattendue qui balaya la région, racontée à hauteur de villageois, n'en est que plus terrifiante.
L'auteur a parfaitement su saisir le moment où tout bascule, celui où la trompeuse harmonie se délite, et où le voisin de toujours devient soudainement un ennemi vecteur de toutes les peurs et de tous les fantasmes. Il décrit de façon simple mais saisissante l'esprit mouvant des foules, le petit rien qui peut tout faire s'embraser ; la force de persuasion du verbe, ou tout au contraire, sa tragique impuissance…
Et si le roman se termine par une pirouette peut-être un peu trop romanesque, pourra-t'on reprocher à l'auteur d'avoir voulu insuffler un peu d'humanité et d'amour à une époque qui en manquait tant ?

On le tuerait comme on tue les autres. D'ailleurs, à leurs yeux, il n'était pas neutre. On le déshabillerait, on verrait : "Circoncis, donc musulman !"  (…)  Quelques individus, d'une espèce pas tout à fait humaine, allaient abatttre d'autres individus de leur race. Un mince tassement à l'accroissement annuel de quatre millions d'individus ! Ce n'était même pas comme si l'on arrachait de braves gens aux mains de mauvais bougres. Car, si l'occasion était donnée aux victimes, elles se feraient bourreaux. En fait, les musulmans se faisaient bourreaux à peine un peu plus loin, sur l'autre rive de cette rivière.

(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #Independance #colonisation
par Armor
le Lun 2 Jan - 0:02
 
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Sujet: Khushwant SINGH
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Wole Soyinka

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Ibadan  « Les années pagaille »

Ce récit est  pseudo autobiographique car c’est comme l’indique l’auteur un docu-roman.

Entre va et vient  dans le présent et le passé nous découvrons l’adulte  ou le jeune Maren citoyen du Nigeria. Les années du jeune Maren au Government College  révèle le caractère et le  tempérament de celui qui se voudra toujours libre dans tous ses choix : de société, de religion et politique.
Lors de son séjour de quelques années en Angleterre il se mariera avec une blanche de laquelle il aura un enfant ; de retour au pays il vivra aussi avec 2 femmes et aura 2 autres enfants ; situation qui lui vaudra des différends avec ses parents et sa famille.
Il deviendra célèbre comme écrivain (dramaturge) montera des pièces, gèrera une troupe  parallèlement à ses travaux de Recherche alternativement à l’Université d’Ibadan  et d’ Ifé.
Malgré l’Indépendance du Nigéria,  le Royaume Uni  est toujours actif dans le pays « installant » son candidat, le plus utile, aux commandes du pays. L a situation est chaotique et après plusieurs années de despotisme le peuple se rebelle et Maren s’engage pour mettre fin à cette « pagaille » le penkelemes comme l’auteur le nomme.
Le livre se termine à la veille du procès de Maren, procès qu’il a souhaité  (la justification duquel il s’est rendu de lui-même à la police),  pour pouvoir dénoncer ce qu’il en  est des  agissements  du Premier ministre et  des dernières élections bafouées  par celui-ci.

L’écriture est alerte, efficace mais aussi sensible. L’auteur dose bien les moments à sourire ceux à s’indigner.
La situation politique du pays est  découverte par les sentiments de Maren, les personnages qu’il affectionne mais  surtout la position des dirigeants  l’Université d’Ibadan.  Pour l’auteur, l’indépendance de l’Université d’Ibadan  (et plus tard celle des autres) est l’un des  tenants de la démocratie, l’un de ses atouts.
Il reconnait que malgré son pacifisme, il est par moment un homme de colère et c’est en adéquation avec son tempérament qu’il se doit de s’engager pour sortir son pays de la « pagaille ».
Il est intéressant également de voir le processus de décolonisation, car il s’avère que le Royaume uni ne se lâche pas facilement des mains quand il a lâché des pieds. Son interférence dans la politique du Nigéria est  encore visible à l’époque où se clôt le récit. (élections de 1993).
L’humour  est bien présent pour « ponctuer »  les situations et les personnages.

Encore une belle rencontre avec un auteur Africain.

Extraits :  le langage d’ Ezéoba le chef d’une « maison » du college s’adressant à Maren

«  - Poussière infinitésimale de l’espèce humaine. Ne vous l’avais-je pas dit ? Votre nom ne vous avait-il pas prévenus et mis en garde ?  Alors facteur problématique perturbateur inversement proportionnel à sa masse physique, vous tentez d’altérer l’emblème traditionnel  de la maison Swanton que vos prédécesseurs en leur infinie sagesse et maturité cumulatives ont trouvé bon de retenir et de maintenir tout au long de leur passage scolastique turbulent dans les cours de cette institution !  Maintenant dites-moi : connaissez-vous l’histoire  du vilain petit canard ? »

« Jefferies remplaçait le professeur de biologie, Miss Bradlow, dite Bottomless B, Sans-Fondement. Personne ne savait pourquoi elle avait brusquement disparu ; mais son absence, qui coïncidait avec le congé annuel de Padell, le directeur, provoquait toutes sortes de spéculations, surtout parmi les élèves  les plus avertis. Maren refusait de croire ces rumeurs : personne doué d’un peu de bon sens et pourvu d’yeux ne pouvait se laisser séduire par une femme  dont la croupe avait de toute évidence fait l’objet d’une ablation chirurgicale, avant que ce qu’il en restait dans la jupe n’eût été repassé par un blanchisseur professionnel. Pas la moindre trace d’un semblant de relief, rien d’autre qu’une vaste étendue lisse et plate comme le fond d’une poêle à frire. Mais après tout, avec ces gens là, allez savoir ! Kaye lui-même était presque aussi médiocre en cette région de son anatomie. »

A propos de la religion et de la psychologie (je jeune Maren) :

« Les uns comme les autres essayaient de donner des explications et de prescrire à l’homme ses pensées et ses actes, mais n’apportaient pas de réponses aux questions arbitraires soulevées par les textes de la vie réelle. Tout se mêlait inextricablement, avec, d’un côté, la peur de la damnation et, de l’autre, l’impossibilité d’indiguer les vagues de doutes et bientôt de totale incrédulité. »

« Le Vice-Premier ministre de l’Ouest, juriste brillant, avait résumé cette phase de décadence politique nationale en un langage de plus en plus dégénéré, exprimant le cynisme d’une politique de pure consommation, ne cherchant même plus à donner l’illusion de service et de l’engagement : « On nous appelle le parti de la bouffe. Et alors ? Qui ne veut pas bouffer ? Moi, je veux bouffer. Vous ne voulez pas bouffer,  vous ? Ceux qui ne veulent pas bouffer n’ont qu’à rester dans l’opposition. Ceux qui veulent bouffer n’ont qu’à nous rejoindre. Moi oui je veux bouffer. »
Cette philosophie était publiée à la radio et à la télévision. A cette époque, la nation avait encore la grâce  de s’en scandaliser. «



"message rapatrié"




mots-clés : #famille #Independance
par Bédoulène
le Dim 4 Déc - 14:14
 
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Sujet: Wole Soyinka
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Miguel Barnet

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Esclave à Cuba

Cette biographie d'un cimarron constitue un véritable documentaire d'époque en plus d'être un intéressant témoignage.

Esteban, donc un cimarron, nom donné aux esclaves africains fugitifs. Ce centenaire  témoigne de la vie des esclaves dans les plantations et les nombreuses raffineries (d'où l'appellation de Cuba la sucrière) leur dure exploitation par les "maîtres" et les contre-maîtres. Le son de la cloche qui rythmait leur journée et annonçait la nuit où ils devaient rester enfermés dans leur habitat les "barracons". Les punitions pour désobéissance ou quelle que soient les raisons invoquées sont cruelles : le fouet et le carcan. C’était une vie de casi  prisonnier.
Les esclaves qui arrivaient à s’enfuir se cachaient dans les bois et les grottes, ils devenaient  des « cimarrons ». Esteban a bien vécu sa période de fugitif car il est, de son aveu, individualiste et la Nature a su combler cette vie en solitaire. L’individualisme d’Esteban se confirme d’ailleurs tout au long de son récit par sa prudence et sa méfiance envers les autres, attitude qui a contribué à sa  longue vie. Comme il était habile, il volait les cochons dans les haciendas, la nature fournissait les fruits, le feu (avec l’amadou) l’eau et même les médicaments  (par exemple infusion de cuajani)

Dans ce chapitre le lecteur apprend beaucoup sur la faune et la végétation de la région de Siguanea. Esteban remarquera et regrettera  d’ailleurs plus tard que l’abattage des arbres au profit  des cultures de canne à sucre ait programmé la déforestation.
Quand Esteban apprit que les esclaves étaient libres, que c’était le gouverneur Martinez Campos qui avait aboli l’esclavage il sorti des bois et chercha du travail. Sa vie de fugitif était terminée. Tout en conservant son indépendance il se rendait parfois dans les lieux où l’on joue ; les jeux d’argent étaient très prisés, des Noirs, des Blancs et des Chinois.

S’il y avait une importante communauté Chinoise, considérée d’ailleurs par Esteban comme » les gens les plus éduqués », on reconnait parmi les Africains 2 ethnies principales les Lucumis et les Congos, distinction faite par leur pays de provenance et leur religion.
La sorcellerie était une pratique intégrante de la religion ; les Blancs même y recouraient parfois. Esteban était respectueux des vieux conteurs et de leurs conseils.  Son rapport avec la sorcellerie était plutôt celle d’un spectateur , toujours son esprit indépendant,  mais  il acceptait et croyait le plus souvent  ce qui lui était rapporté.

La religion Chrétienne était connue d’Esteban, il n’en ignorait pas les fondements mais il ne comprenait pas certaines obligations lors de fêtes.  Il portait un regard très lucide sur les curés notamment.
Esteban  est très perspicace, il semble bien connaître les hommes et la société ; la vie dans la grande ville de Havana ne lui  convient pas il préfère celle de la campagne.

Esteban s’engagea dans la guerre d’indépendance ; les chefs avaient réunis les Africains et leur avaient expliqué l’utilité de se battre pour conquérir l’Indépendance de Cuba.

« Les vieux qui conservaient  encore frais le souvenir de l’autre guerre* ont fait celle de l’Indépendance. Avec courage mais sans enthousiasme. »

Les jeunes eux se battirent avec vigueur, les Espagnols craignaient encore plus leur machette que les balles ou les bombes.
Esteban décrit les caractéristiques physiques et morales des différentes ethnies qui ont participé à la guerre. Il est très partial pour ceux de sa race, l’auteur avait prévenu le lecteur de ce trait de caractère dans l’introduction.
Esteban explique que nombreux étaient les bandits qui se sont battus pour l’indépendance, certains participaient financièrement ; les voleurs, assassins cotoyaient les ouvriers, Esteban louait certains chefs comme Maceo et José Marti « le plus pur » selon lui. Il fait preuve de beaucoup d’intelligence et de lucidité dans ses propos. Il dénonce aussi les agissements des chefs, notamment ceux qui se sont rendus aux Espagnols (Cayito par exemple)

L’armée des libérateurs Cubains fut victorieuse, mais c’est aux Américains que l’armée Espagnole se rendit. En effet, au prétexte de  protéger ses intérêts suite à des émeutes à la Havane et surtout suite à la destruction de leur cuirassé « Maine » les Américains intervinrent, les Cubains se retrouvèrent donc sous domination Américaine.

Esteban pour sa part assure que ce sont les Américains eux-mêmes qui ont détruit leur cuirassé pour avoir un prétexte plus décisif d’intervenir. Comme ils accusèrent les Espagnols de ce forfait, ce fait débouchera sur la guerre Hispano-américaine.
Malgré cette guerre d’Indépendance le sort des Cubains restait déplorable. Esteban termine ses confidences en  se proclamant prêt à participer aux grandes batailles à venir. Mais avec sa machette.

Le sort des esclaves m’a émue, la guerre d’indépendance est affligeante, d’une part à cause des drames générés, d’autre part parce que la victoire de l’armée Cubaine leur a été volée par les Américains.

A l’époque où l’auteur reçu les confidences d’Esteban la révolution Cubaine a eu lieu et Esteban a l’envie de tout raconter, parce qu’à présent il a le droit de parler.

« En passant dans un parc, j’ai vu qu’on avait perché Gomez sur un cheval de bronze. Je suis descendu encore un peu dans le même par cet j’ai vu qu’on avait mis Maceo sur un autre cheval de bronze. La seule différence, c’est que Gomez regardait vers le Nord et Maceo vers le peuple.
Cela, tout le monde doit le comprendre. C’est la clef même de notre histoire. Je passe mon temps à le répéter, car on ne peut cacher la vérité. Je peux mourir demain, je marcherai jusqu’au bout la tête haute. Mais si le ciel m’en laissait le temps, je raconterais tout. Car, autrefois, à l’époque où j’allais nu et sale dans les bois et où les soldats espgnols étaient propres comme des sous neufs et biena rmés, il fallait se tarie. Maintenant, non ! »



mots-clés : #esclavage #guerre #independance
par Bédoulène
le Sam 3 Déc - 23:53
 
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Sujet: Miguel Barnet
Réponses: 4
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