Texte anonyme : qui l'a écrit ?

Un second extrait, avec, je pense, pas mal d'indices.

Un dimanche où seul est de garde l'infirmier cambodgien, au cours de mon heure de promenade dans le préau, mon pied se pose presque sur un scorpion noir. "Il faut tuer cette bête", dit mon compagnon à l'infirmier dont le beau visage brun, toujours souriant, ne s'émeut pas. "Tu as compris ?", demande-t'il après que nous nous sommes tous trois penchés un long moment sur la tache brune armée de tenailles. (…)

L'infirmier continue de regarder le monstrueux insecte que son regard immobilise. La piqûre du scorpion noir est mortelle ; cette idée nous trouble un peu mais laisse au Cambodgien tout son calme. J'imagine que, selon lui, nous faisons bien des histoires pour l'évènement familier qu'est le passage d'une forme à une autre. D'ailleurs, le problème n'est pas là, mon compagnon s'en rend compte, bien qu'il précise : "Des enfants viennent jouer ici." Argument sans poids en l'occurence. "Je ne tuerai pas cet animal, répète le Cambodgien. _ Tu dois le tuer". Son visage nous est plus proche que celui des Annamites ; ses traits franchement dessinés, ses méplats un peu larges nous permettent de croire qu'à telle expression correspond tel sentiment. Nous nous efforçons de lui faire comprendre qu'il y a contradiction entre son attitude et ses fonctions d'infirmier.

Brusquement l'homme se baisse, saisit de la main gauche, par sa carapace, le petit crabe, délicatement le lève jusqu'à ses yeux et, de la main droite, insouciant du danger, minutieusement, brise la queue qui transmet le poison. Puis il repose à terre la bête vivante mais rendue inoffensive et il nous regarde avec un désarroi triste. Est-ce alors que, pour la première fois, j'ai soupçonné que détruire l'ensemble des rapports d'un peuple avec le monde est aussi grave que de l'opprimer ?

Le scorpion n'étant pas un insecte (ni un crabe), mais un arthropode comme l'araignée, peut-être s'agit-il ici d'une mauvaise traduction ?

Tristam, ta remarque est insolite à souhait, et cohérente. Je pense en réaction, pourtant, que l'auteur, sans doute encore vivant, n'est juste pas hyper calé. On lui pardonnera. En plus, il y a une dimension altruiste énorme dans ce dernier extrait, qui irait bien dans le sens d'une écriture empathique, il est assez rare qu'un auteur ait à la fois la bosse des sciences et la bosse des émotions. J'alambique mais c'est le jeu

Cela m'a choqué aussi.

J'ai remarqué aussi. De même que le désarroi triste. Le désarroi n'implique t'il pas automatiquement une part de tristesse ? (Hanta ???)

Je pense qu'il y a des indices d'époque dans le texte… non ?
Et il ne s'agit pas d'une traduction, même si les origines allemandes sont bien là.

Cela dépend comme on définit la tristesse. Le désarroi implique un sentiment d'impuissance qui n'est pas nécessaire pour constituer la tristesse.

Donc, un écrit se déroulant en Indochine, mais a-t-il été écrit par un contemporain ? Un francophone aux origines allemandes ...
Je dois dire que j'ai très peu lu de choses pouvant entrer dans ces critères.

Je donne ma langue au chat.

Moi aussi.Malheureusement.

je ne me souviens pas avoir lu un livre se déroulant en Indochine, sauf Continental Hôtel et ce n'est pas cela !

J'en avais lu un pas mal du tout il y a fort longtemps qui se déroulait au Cambodge à la fin de l'Indochine, mais pas moyen de m'en souvenir pour le moment. Cela dit je ne pense pas que ce soit celui de l'extrait.

Le livre ne se déroule pas en Indochine, l'auteur et son compagnon y ont juste séjourné un temps. Un voyage qui ne s'est pas très bien passé, on le sait aujourd'hui, c'est même un épisode assez célèbre.
Car le compagnon de la dame est très célèbre en France. Vraiment très.

Malraux !? Nos vingt ans, de Clara Goldschmidt ?

J'avais raté le premier extrait et avec le second je cherchais un bonhomme ce qui était potentiellement contradictoire avec l'idée de Clara comme auteur, j'en cherchais un autre qui aurait relaté l'épisode alors qu'elle était en France à se démener pour le faire sortir.

Je pense que tu as mis le doigt dessus Tristram (j'ai déjà dit que j'avais beaucoup apprécié cette lecture ?).

Oui, c'est même ton fil sur Clara Goldschmidt qui m'a guidé vers cet ouvrage que je n'ai pas (encore) lu (mais le dernier post d'Armor désignait évidemment Malraux _ jusqu'à preuve du contraire).

Eh oui c'est exactement ça, bravo Tristram !

(C'est ton enthousiasme, animal, qui m'avait fait acheter le livre.)

Je vais noter le titre ! (j'adore mes speculations, après coup )

Tristram !

Puisque j'ai trouvé (sans le faire exprès), je vous livre un morceau de ce que je suis en train de commencer à lire actuellement (impossible de répondre à des questions sur ledit ouvrage, mais fort possible pour l'auteur, d'ailleurs peu ou pas apparent sur le forum, mais qui mérite votre fréquentation) :

« Le malheur, c’est de ne pas se faire à l’idée : on continue à vivre persuadé qu’un jour ou l’autre on viendra à bout et des examens et de la thèse. Et quand on vit en nourrissant des espérances impossibles, on est déjà un perdant. Quand on s’en rend enfin compte, alors on se laisse aller. […]
Les perdants, comme les autodidactes, ont toujours des connaissances plus vastes que les gagnants, pour gagner il faut savoir une seule chose et ne pas perdre son temps à les connaître toutes. Le plaisir de l’érudition est réservé aux perdants. Plus quelqu’un sait de choses, plus elles lui sont allées de travers. […]
En attendant, mon rêve était celui de tous les perdants : écrire un jour un livre qui m’apporterait gloire et richesse. »
« Afin de me libérer du vice de la citation, j’ai décidé de ne plus écrire. »

Ouvrage récemment édité, on trouve facilement le texte en ligne (avis aux tricheurs)...

auteur français ?

ça semble plutôt contemporain cette idée de gagnant/perdant.