Texte anonyme : qui l'a écrit ?

Le jour où je m'en irai, ça me fera quand même quelque chose, je le sais bien. J'aurai les yeux mouillés, c'est sûr. Après tout, c'est ici que j'ai mes racines. J'ai pompé tous les métaux lourds, j'ai du mercure plein les veines, du plomb dans la cervelle. Je brille dans le noir, je pisse bleu, j'ai les poumons remplis comme des sacs d'aspirateur, et pourtant, je le sais bien que le jour où je m'en irai, je verserai une larme, c'est certain. C'est normal, c'est ici que je suis né et que j'ai grandi. Je me revois encore tout gosse, sauter à pieds joints dans les flaques d'huile, me rouler dans les déchets hospitaliers. Je l'entends encore, la grand-mère, me hurler de faire attention à mes affaires. Et les tartines au cambouis qu'elle me préparait pour le goûter... Et la confiture de chambre à air qui était un peu comme l'orange amère, en plus amer...

Cliniou a écrit:Joël Egloff, avec l’homme que l’on prenait pour un autre...?

Si c’est lui, je gondole de rire car sans le savoir j’ai quasi donné le titre en posant une question.

Le fait est qu'avec la disparition de la maison, mais surtout de la chambre de mon enfance et de tout ce qu'elle contenait dans la disposition exacte,
le concept même de maison, à travers un processus de théorie et de pratique, a cessé d'exister en moi. Le mot maison, et plus encore le mot chambre,
sont devenus des mots neutres. Plus jamais, avais-je alors pensé, je ne serai possédé par une maison ou une chambre ou une chose ou un système de choses,
au sens où j'ai été possédé par la maison, mais surtout par la chambre, de mon enfance, avec tout ce qu'elle contenait dans la disposition exacte.
Plus jamais, avais-je pensé, je ne construirai, ou ne tenterai de construire, un tel édifice sentimental. Plus jamais, avais-je encore pensé, je ne m'attacherai,
et donc ne serai attaché, à des choses ou des systèmes de choses. Et tout cela, pensais-je devant la fenêtre, était déjà en moi avant même que la maison,
et la chambre dans la maison, et les choses dans la chambre de la maison de mon enfance, dans la disposition exacte, ne disparussent par la volonté de
ma soeur qui décida, à la mort de nos parents, de vendre la maison de notre enfance.