Avot Yeshurun
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Avot Yeshurun
Avot Yeshurun, né Yehiel Perlmutter en 1904 en Volhynie, est principalement un poète, israélien et de langue hébraïque, mais plus qu'israélien un auteur - pour la colonne vertébrale de son œuvre - de la perte et de plusieurs exils.
Jeune homme, Y. Perlmutter abandonna sa famille pour tenter l'aventure sioniste dans la Palestine mandataire. A cet abandon familial s'ajouteront des abandons linguistique, le yiddish pour l'hébreu, et patronymique. Ces abandons nourriront une lourde culpabilité, particulièrement en raison de la disparition totale et brusque de ce que le jeune homme a délaissé : son village, sa famille, sa langue seront engloutis lors de la deuxième guerre mondiale. Remords accentués par l'indolence du poète à répondre promptement aux courriers de sa famille.
Ouvrages parus en traduction française :
- La faille syro-africaine, poèmes et prose, Actes Sud
- Trente pages, poèmes, éditions de l'éclat
Chers amis, voilà un premier partage de ma part qui, j'espère, saura trouver intérêt, même modeste, à vos yeux.
J’ai abandonné un pays, j’ai abandonné une langue,
j’ai abandonné un peuple.
J’ai abandonné une ville. J’ai abandonné des Perlemuter juifs.
J’ai abandonné leur langue.
J’ai abandonné mon père, j’ai abandonné ma mère,
j’ai abandonné mes frères et ma sœur.
Et je suis allé en terre de Palestine tel-avivienne
et j’ai adopté un hébreu tel-avivrien.
j’ai abandonné un peuple.
J’ai abandonné une ville. J’ai abandonné des Perlemuter juifs.
J’ai abandonné leur langue.
J’ai abandonné mon père, j’ai abandonné ma mère,
j’ai abandonné mes frères et ma sœur.
Et je suis allé en terre de Palestine tel-avivienne
et j’ai adopté un hébreu tel-avivrien.
Sa grand œuvre est probablement Trente pages, résultat de la réapparition, des années plus tard, de lettres de sa famille. L'œuvre est une sorte de monologue, une tentative d'excuse et d'assimilation de cette catastrophe, notamment familiale, basé en partie sur une relecture et une présentation de lettres réelles, d'une part, de l'autre sur une production poétique plus autonome.
Une des pages les plus fortes, intellectuellement et émotionnellement, est la 6e. Dans celle-ci, Avot Yeshurun, produit une prouesse qui est en fait une confluence des nostalgies. Il y évoque la nostalgie traditionnelle juive pour la terre d'Israël, et la nostalgie juive et intime de Y. Perlmutter pour sa langue maternelle, le yiddish.
Ecrit un journal de bord, écrit deux jours, trois, dans cette langue-ci, mienne,
car me voici un jour, me voici deux jours,
trois, après deux mille
années en vérité.
Suis venu au pays, ai mangé des jours, des pavés de figues - du miel sur ma langue.
Les pavés de figues irritent, la langue s'attache (au palais).
[...]
car me voici un jour, me voici deux jours,
trois, après deux mille
années en vérité.
Suis venu au pays, ai mangé des jours, des pavés de figues - du miel sur ma langue.
Les pavés de figues irritent, la langue s'attache (au palais).
[...]
(Il s'agit évidemment d'une référence au psaume 137).
Trente pages est accessible via les Editions de l'éclat. Vous pouvez par ailleurs lire la première page ici : http://www.lyber-eclat.net/livres/trente-pages-davot-yeshurun/
Concernant l'autre ouvrage accessible en Français de cet auteur, il y a, chez Actes Sud, La Faille Syro-africaine.
Si l'œuvre d'Avot Yeshurun ne se limite pas à cela, je ne peux résister à vous partager (depuis l'ouvrage cité au-dessus) le poème le plus émouvant que j'ai pu lire à propos de l'exil, et peut-être, simplement, un des (voire le) poèmes les plus impressionnants que j'ai pu lire :
Un matin avec une
Comment me lever le matin avec une ville dans le cœur
et une ville dans les yeux.
Comment s'arracher
à ce déchirement ?
[...]
Comment me lever le matin avec une ville dans le cœur
et une ville dans les yeux.
Comment s'arracher
à ce déchirement ?
[...]
Dernière édition par Goswijn le Mar 13 Oct 2020 - 1:42, édité 1 fois
Goswijn- Messages : 20
Date d'inscription : 25/07/2020
Re: Avot Yeshurun
Merci Goswijn ! Y a t-il une bibliographie en français ?
Aye, j'ai du mal à écrire ton pseudo. A prononcer, c'est pire !
Aye, j'ai du mal à écrire ton pseudo. A prononcer, c'est pire !
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Avot Yeshurun
Voilà une vraie découverte, et qui paraît bien belle !
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15640
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Avot Yeshurun
Bonsoir Bix, en français, hélas, il n'y a que les deux ouvrages que j'ai cité.
J'ai trouvé, sur ce site, une bibliographie reprenant les autres ouvrages, avec titres traduits : https://poezibao.typepad.com/poezibao/2006/06/avot_yeshurun.html
J'ai trouvé, sur ce site, une bibliographie reprenant les autres ouvrages, avec titres traduits : https://poezibao.typepad.com/poezibao/2006/06/avot_yeshurun.html
Goswijn- Messages : 20
Date d'inscription : 25/07/2020
Re: Avot Yeshurun
Berceuse pour le quartier de Nordia
Les bédouins venus de Pologne sans
plan préétabli se répandirent rue
Balfour face à Ohel Shem maintenant et sur
la pente face aux sycomores maintenant Nordia.
Et ils étaient dans des tentes et ils étaient dans des
cabanes et ils étaient dans des baraques.
Une poignée de porte largeur d’une porte te des toits.
Et des toits s’envolaient comme des gosses et se déguisaient.
Et l’été et l’hiver rue Dizengoff.
Puis alentour se dressèrent des demeures princières,
et des maisons de cèdre s’étendirent sur les baraques.
Tel-Aviv, ville sainte, tu n’as pas
de berceuse. Hier, c’était.
En toi, j’ai marché toutes choses à pied,
comme le cheval mange à même la terre.
Et quelquefois je donne ma vie
pour chaque robinet oublié ouvert.
J’ai marché en toi dans la petite ville que j’ai abandonnée.
Dans ta ville à toi, dans ma petite ville à moi.
Ma petite ville qui est dernière ton dos
et moi-même, moi – tout ça jeté vers toi.
J’ai marché toutes choses en toi.
Primo, on a détruit la première maison.
Secundo, on a détruit la deuxième maison :
un bulldozer est arrivé, s’est rué sur la maison.
Des amis « que père avait achetés ».
Un jour je mets ma main sur son épaule,
et lui la main sur ta cuisse.
Ainsi te quittent tous tes amis.
Et dans la ville pas de funérailles pour moi sinon celle
d’Ahad Ha-Am, Bialik, Nordau – dont le nom atteste
l’existence du quartier qui porte son nom.
Car tu as broyé Nordia comme on écrase un testicule.
Kef Israel
Les bédouins venus de Pologne sans
plan préétabli se répandirent rue
Balfour face à Ohel Shem maintenant et sur
la pente face aux sycomores maintenant Nordia.
Et ils étaient dans des tentes et ils étaient dans des
cabanes et ils étaient dans des baraques.
Une poignée de porte largeur d’une porte te des toits.
Et des toits s’envolaient comme des gosses et se déguisaient.
Et l’été et l’hiver rue Dizengoff.
Puis alentour se dressèrent des demeures princières,
et des maisons de cèdre s’étendirent sur les baraques.
Tel-Aviv, ville sainte, tu n’as pas
de berceuse. Hier, c’était.
En toi, j’ai marché toutes choses à pied,
comme le cheval mange à même la terre.
Et quelquefois je donne ma vie
pour chaque robinet oublié ouvert.
J’ai marché en toi dans la petite ville que j’ai abandonnée.
Dans ta ville à toi, dans ma petite ville à moi.
Ma petite ville qui est dernière ton dos
et moi-même, moi – tout ça jeté vers toi.
J’ai marché toutes choses en toi.
Primo, on a détruit la première maison.
Secundo, on a détruit la deuxième maison :
un bulldozer est arrivé, s’est rué sur la maison.
Des amis « que père avait achetés ».
Un jour je mets ma main sur son épaule,
et lui la main sur ta cuisse.
Ainsi te quittent tous tes amis.
Et dans la ville pas de funérailles pour moi sinon celle
d’Ahad Ha-Am, Bialik, Nordau – dont le nom atteste
l’existence du quartier qui porte son nom.
Car tu as broyé Nordia comme on écrase un testicule.
Kef Israel
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Avot Yeshurun
Avot Yeshurun
Poezibao
Non seulement l'auteur est un poète sensible et l'homme, qui a beaucoup souffert, n'a pas utilisé
ses souffrances pour les tourner contre les arabes.
Merci, Gosjwin pour la découverte.
Avot Yeshurun est né le 19 septembre 1903, jour de Yom Kippur, en Pologne. Il fait partie d’une fratrie de cinq enfants, quatre garçons et une fille. Il émigre en Palestine en 1925, « abandonnant » délibérément sa famille, sa langue le yiddish et son nom Yehiel Alter Perlemuter, qu’il remplacera en 1948 par celui d’Avot Yeshurun. Pendant une quinzaine d’année il travaille comme journalier, maçon, etc. et fait l’expérience d’une profonde fraternité avec les Arabes Sa famille est anéantie par la Shoah. En 1948, la faute première, l’abandon de sa famille est élargie aux dimensions de la faute collective par l’expropriation des Arabes d’Israël. Il n’acquiert sa notoriété que dans les années 1970, ayant été longtemps exclu de la scène littéraire israélienne en raison de ses positions politiques. Quelques jours avant sa mort le 22 février 1992, à Tel-Aviv, il est lauréat du Grand Prix Israël pour la poésie (que sa fille refusera).
Poezibao
Non seulement l'auteur est un poète sensible et l'homme, qui a beaucoup souffert, n'a pas utilisé
ses souffrances pour les tourner contre les arabes.
Merci, Gosjwin pour la découverte.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Des Choses à lire :: Lectures par auteurs :: Écrivains du Proche et Moyen Orient
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