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Andrzej Kusniewicz

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Message par ArenSor Lun 1 Aoû - 11:19


Andrzej Kusniewicz
1904 - 1993

Andrzej Kusniewicz 260px-10

Andrzej Kuśniewicz est né en Galicie occidentale (à l’époque dans l’Empire austro-hongrois aujourd'hui en Ukraine) dans une famille de petite noblesse polonaise ; après des études de droit et de sciences politiques, il a occupé divers postes de diplomate en France, notamment à Toulouse. Membre de la Résistance française, il est arrêté par les Allemands en 1943 et déporté à Mauthausen où il sympathisera avec le parti communiste, y adhérant postérieurement. Après la guerre, décoré de la médaille de la Résistance par le gouvernement français, il a été, de 1945 à 1950, consul général de Pologne dans plusieurs villes de France.
Il commence tardivement une carrière littéraire en publiant des poèmes en 1956, puis accédera à une certaine notoriété avec ses deux romans « Le roi des Deux-Siciles » et « La leçon de langue morte » qui fera l'objet d'une adaptation cinématographique en Pologne. Il dépeint, avec nostalgie mais aussi cruauté, la fin de l'Empire austro-hongrois, moment clef de l'histoire européenne, y mêlant des éléments autobiographiques.

Il me parait intéressant à la suite de cette biographie wikipédia de mentionner cet article d’Adrien Le Bihan paru dans la revue « Sigila ».
https://www.cairn.info/revue-sigila-2012-2-page-99.htm
Selon cet auteur, Andrezj Kusniewicz était un espion au service de la police secrète (Sluzba Bezpieczenstwa) du gouvernement polonais.

Œuvres traduites en français
• « Eroica », 1963 (Éd. des Syrtes, 1999)
• « Le chemin de Corinthe », 1964 (Albin Michel, 1982)
• « Le Roi des Deux-Siciles », 1970 (Albin Michel, 1978)
• « Constellations », 1971 (Laffont, 1993)
• « L’État d’apesanteur », 1973 (Albin Michel, 1979)
• « La Leçon de langue morte », 1977 (Albin Michel, 1981)
• « Vitrail », 1980 (Albin Michel, 1990)
• « Volte », 1988 (Actes Sud, 1992)
ArenSor
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Message par ArenSor Lun 1 Aoû - 11:25

Le Roi des Deux-Siciles

Andrzej Kusniewicz Roi_de10

Comme le souligne Piotr Rawicz dans sa préface : si vous écrivez en polonais, hongrois, tchèque ou autres langues d’Europe orientale, vous avez beaucoup moins de chances d’accéder à la notoriété que si vous écrivez dans une langue d’Europe de l’Ouest. Si, par ailleurs, vous avez publié chez un éditeur (Albin Michel) qui ne vous réédite pas. Et si, enfin, vous êtes mort ! il y a peu de chances d’être lu si ce n’est par hasard, par accident, et par un individu de mon espèce…
Il est profondément regrettable qu’un livre comme « Le Roi des Deux-Siciles » ne soit plus disponible qu’en « occasion »…

Quels sont les points communs entre ces deux dates : le 28 juin 1914 et, un mois plus tard, le 28 juillet 1914 ?
La première date est celle, nous l’avons tous appris à l’école, de l’assassinat du prince héritier d’Autriche-Hongrie à Sarajevo qui marque le début du premier conflit mondial. La seconde, correspond à l’assassinat dans la ville de Fehertemplom de Marika Huban, une jeune gitane.
Comment mettre en parallèle ces deux évènements  opposés : le meurtre d’un prince qui va secouer tout l’Occident et celui d’une  pauvre gitane qui vole, se prostitue,  dans cette ville de garnison du Banat, à la frontière avec la Serbie ?
« Nous constatons ces faits malgré la prudence indispensable quand il s’agit d’évaluer le temps et sa durée relative : oui, nous sommes obligés de constater comme certaine et irréversible la mort de Marika Huban, personne d’importance minime sans doute du point de vue général et objectif, et pourtant très importante, essentielle et unique à ses propres yeux et peut-être même aux yeux de son assassin, en tant que détentrice d’une vie unique  qui, dans sa misère relative, n’avait pas sa pareille, à jamais achevée lorsqu’elle s’est interrompue an milieu des présages et des promesses d’une nuit d’été, parmi le chant des oiseaux nocturnes dans les taillis obscurs – et de constater également une deuxième mort, précédant celle-ci d’un mois dans le temps et, pour cette raison, paraissant déjà lointaine : celle de l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie, au carrefour du quai Appel et de la rue François-Joseph, dans la ville de Sarajevo, le 28 juin à dix heures 47 ou peut-être 48 du matin, c'est-à-dire un peu plus d’un mois avant la mort de sa sujette, dont nous ignorons l’heure précise. »

Pour Andrez Kusniewicz, tout se tient dans un moment donné et chaque chose trouve sa place dans le puzzle. Sa démarche peut rappeler, mutatis mutandis, celle de l’Unanimisme de Jules Romains, mise en œuvre dans « Les Hommes de bonne volonté ».
« Et simultanément, de divers côtés, sous divers climats, mais à la même heure, à la même minute précise – dix heures dix – il se passera encore beaucoup de choses futiles et importantes, privées et publiques, secrètes et connues, dont il faut croire que l’exclusion ou l’omission anéantirait la réalité, annulerait les plans, les projets et, en fin de compte, les activités de tous les humains qui agissent au même instant ou qui en ont l’intention. »

Continuons nos rapprochements d’apparence incongrue : quelle peut être la relation entre le jeune Emil R. membre de la haute bourgeoisie viennoise et Marika Huban ?
Justement, Emil vient de s’engager dans le prestigieux régiment des uhlans  du Roi des Deux-Siciles, celui qui s’est illustré une cinquantaine d’années plus tôt à Solferino. Cet évènement, pourtant une défaite pour la double monarchie,  impressionne fortement  le sous-lieutenant Emil qui rêve de ce cavalier, errant la nuit sur le champ de bataille jonché de morts :
« La lune immobile et le campanile roman de San Cassiano, immobile et solitaire, qui veille dans l’obscurité – et peut-être n’est-ce pas San Cassiano ? – et qui existe plutôt dans l’imaginaire que dans la réalité, au sein des ténèbres de la nuit. Et le « campo santo », le cimetière aux cyprès dressés vers le ciel plein d’étoiles ; les uniformes blancs des fantassins allant et venant comme des fantômes, de tous côtés, dans les vignes obscures, au ras du sol où sont attachés par des fils les ceps de vigne noirs. Spectres qui apparaissent et accompagnent la cavalerie solitaire de leurs gémissements, de leurs appels, de leurs murmures funèbres ; spectres qui disparaissent puis réapparaissent, cohortes d’ombres blanches sur la colline chauve toute proche, pour s’évanouir de nouveau l’instant d’après. Le cheval va maintenant au pas, la tête penchée vers le sol comme pour flairer le sang répandu. Patte droite, patte gauche, droite, gauche ; la nuit, la nuit, la nuit… »

Justement, le régiment d’Emil est stationné à Fehertemplom, en attente d’être transféré vers Mitrovica. Il est donc sur place cette nuit du 28 juillet lorsque Marika Hiban, selon des témoins, s’est dirigée vers les fourrés accompagnée d’un officier des uhlans. Mais il faisait noir, on n’a pas vu distinctement le visage de ce dernier…
Toutefois, ne nous y trompons pas, « Le Roi des Deux-Siciles » n’est aucunement un roman policier. L’enquête est à vrai dire quasi anecdotique. Ce qui intéresse l’auteur est d’explorer par petites touches  la psyché d’Emil,  ses jeux malsains avec sa sœur aînée, d’évoquer la vie de la classe aisée à Vienne, Graz, Trieste, dans les derniers fastes de la monarchie austro-hongrois.
L’écriture, très lyrique, qualifiée souvent de baroque, joue sur les contrastes entre l’agitation, le tumulte des transports de troupes en train et le calme de la campagne environnante. Par quelques notations suggestives, bruit d’un oiseau, image d’une fleur, forme d’un nuage, Kusniewicz rend ses tableaux très présents.
« Et c’est un fracas, un cliquetis, un tintement strident, lorsque les wagons longent à toute vitesse le treillis de fer du pont, dans l’éclat et le scintillement du soleil qui écorche les yeux, et le fleuve aperçu en bas sous le pont à travers les striures des travées, l’eau du Danube qui a recouvert les berges, jaune, limoneuse, chargée d’écume et de branches après la récente inondation. Sur la rive, parmi les roseaux, une jeune fille, plongée dans l’eau trouble jusqu’aux genoux, lave du linge ; elle regarde un instant le train qui passe à toute allure au-dessus d’elle, et fait signe aux uhlans qu’elle voit d’en bas ; une rangée de pantalons et de chaussures rouges, un visage moustachu, basané, luisant de sueur, penché vers elle, la bouche ouverte dans un cri ou un appel. Mais elle n’entendra rien, à cause du bruit et du fracas, là-haut, sur le pont d’acier suspendu au-dessus du grand fleuve, et de son écho en bas, répercuté sur l’eau. Le pont est passé, il a disparu derrière un tournant des rails ; en avant donc, en avant – à travers les champs de maïs coupé, les éteules enveloppées de poussière et d’air vibrant dans la brume de chaleur. Le pont déjà vide au-dessus du fleuve jaune. Dans son treillis l’écho résonne encore. Et derrière le pont – la plaine, jusqu’à l’horizon. Quelques tiges sèches, dressées à la lisière, un tournesol penché, et au loin, dans les champs, des silhouettes qui avancent, difficiles à distinguer à pareille distance. Un horizon d’été, argent et or, sur la plaine du Banat. Là-bas quelques meules de blé, hautes et solitaires. Tout près, une haute rampe poussiéreuse jaune clair. Et la chaleur, dans les herbes et les chiendents. »

Une très belle découverte en ce qui me concerne.
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Message par Tristram Lun 1 Aoû - 12:49

Une trouvaille qui fait envie !

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Message par Bédoulène Lun 1 Aoû - 18:37

tout à fait, je note ! merci Aren ! (envie de connaître l'auteur)

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