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Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Cesare Pavese

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Message par bix_229 Sam 10 Déc - 18:42

Cesare Pavese (1908-1950)

poésie - Cesare Pavese  Cesare10


«Attendre est encore une occupation. C'est ne plus attendre qui est terrible.» Cesare Pavese

Cesare Pavese est né en 1908 à San Stefano Belbo et mort en 1950 à
Turin. Pavese s'est suicidé en 1950, mais on peut dire que la mort et le suicide ont été des obsessions constantes chez lui. Il a aimé les femmes qui ne le lui ont pas rendu. Peut-être la solitude était elle trop apparente chez lui. Et aussi ses blessures, sa mélancolie...

Comme d'autres auteurs de sa génération -Fenoglio, Vittorini-, Pavese s'est intéressé toute sa vie à la littérature américaine, et il a meme traduit plusieurs auteurs, de Melville à Faulkner. Arrété pour antifascisme en 1933 par le pouvoir fasciste, il est exilé en Calabre pendant 8 mois. Exil qu'il supporte beaucoup moins bien qu'un écrivain comme Carlo Levi, qui profita de son séjour forcé pour écrire un beau livre : Le Christ s'est arrété à Eboli... Pavese se suicide en 1950 après une liaison malheureuse avec une actrice américaine.

Il me semble inutile d'épiloguer sur le suicide de Pavese - ou de qui que ce soit.

Peut-être n'aimait-il pas assez la vie.
Peut-être aimait-il trop les les femmes et trop mal.
Peut-être n'y avait-il pas de vrai chemin pour lui.

En tout cas, à le lire, et surtout à lire son autobiographie Le métier de vivre, on a presque l'impression douloureuse que le suicide était programmé chez lui depuis très longtemps et que la mort n'était que le doute menant à la certitude... La seule...

Bibliographie française

Pavese a écrit des romans et deux recueils  de poèmes.

1929 La Trilogie des Machines (1929) recueil de trois essais futuristes,
1936 Travailler fatigue,
1942 La plage,
1946 Feria d'agosto,
1947 Dialogues avec Leuco,
1947 Le camarade,
1949 Avant que le coq chante, recueil de trois récits : Par chez nous, La prison et La maison sur les collines.
1949 Le bel été.
1950 La Lune et les feux.
1952 Nuit de fête ou Notte di festa, posthume,
1952 Le Métier de vivre, posthume.
1965 Le Bel été. Le Diable sur les collines. Entre femmes seules.
2003 Terre d’exil et autres nouvelles.
2010 Histoire secrète, Trois nouvelles extraites de Vacances d'août (disponibles dans le Quarto), Folio.

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Message par bix_229 Sam 10 Déc - 18:53

Je n'ai pas relu les romans ou nouvelles de Pavese, mais seulement quelques poèmes de La mort viendra et elle aura tes yeux...
C'est donc un poème de ce recueil que je vous cite :


La Mort viendra et elle aura tes yeux

"La mort viendra et elle aura tes yeux
cette mort qui est notre compagne
du matin jusqu'au soir, sans sommeil,
sourde comme un vieux remords
ou un vice absurde. Tes yeux
seront une vaine parole,
un cri réprimé, un silence.
Ainsi les vois tu le matin
quand sur toi seule tu te penches
au miroir. O chère espérance,
ce jour-là nous saurons nous aussi
que tu es la vie et que tu es le néant.

La mort a pour tous un regard.
La mort viendra et elle aura tes yeux.
Ce sera comme un vice,
comme voir resurgir
au miroir un visage défunt
comme écouter des lèvres closes.
Nous descendrons dans le gouffre muets."

Mot-clé : #poésie
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Message par Cliniou Sam 10 Déc - 20:44

Merci Bix ! poésie - Cesare Pavese  1183390247
Je reviendrai bientôt.
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Message par Barcarole Mar 13 Déc - 16:47

poésie - Cesare Pavese  41h3ou10


La Lune et les Feux

De retour à son pays d’origine où il a vécu depuis l’enfance jusqu’à son départ en Amérique, le narrateur revenu au pays, sur les traces de son passé, retrouve ceux qu’il a côtoyés autrefois, à la fois les mêmes et à la fois devenus étrangers à lui, il apprend les drames qui se sont passés depuis son départ, puis les noms de ceux qui sont morts, et ceux qui sont partis de la région. Rien n’a changé et en même temps, tout a changé.

A travers les collines, la plaine du Piémont, les tilleuls et leur senteur marquée comme une empreinte, à travers ces paysages familiers, c’est le rapport au temps qui fait mal. Se mêlent le passé et le présent, la nostalgie de l’impossible retour dans le passé, et ce temps qui passe inexorablement.

La solitude du narrateur est comme un destin, solitude de souffrance mais aussi solitude voulue. Derrière ces descriptions des paysages de son Piémont, la mélancolie d'aujourd'hui est la douleur qui fait place à l’ennui d’autrefois. Ce temps qu’il a vécu ailleurs, en Amérique, puis à Gênes, cette rupture avec le passé pour échapper à l’ennui, aux jours qui s’égrènent toujours les mêmes, insupportables jusqu’à partir…, ont-ils forgé un autre homme ? Quel homme serait-il devenu s’il était resté ?

Le récit de Pavese, ce récit du narrateur, est celui de la solitude, de l’ennui, de la nostalgie.

Très belle lecture que celle de La Lune et les Feux de Cesare Pavese.
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Message par Bédoulène Mar 13 Déc - 17:04

Merci Barcarole, je vais m'intéresser à cet auteur

_________________
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Message par tom léo Sam 13 Mai - 16:52

poésie - Cesare Pavese  41dku410

Le bel été


Gina, seize ans, découvre la vie et un premier amour dans le milieu de jeunes artistes. Et on l’accompagne dans son innocence du début, oui, même une certaine naïveté, puis une attirance-répulsion pour le milieu de jeunes artistes jusqu’au premier amour vécu avec l’un deux pour lequel elle aussi, elle va s’offrir comme un modèle pour ses études.
L’auteur sait à merveille, dans une langue apparemment simple et comme avec des touches de pinceau, faire allusion par exemple aux luttes intérieures de Gina : est-ce qu’elle « doit/veut », presque contre sa nature, s’offrir comme modèle au peintre adoré et aimé ?

J’ai lu à deux reprises ce petit roman suivant, qui m’a fait d’entrée aimer Pavese. Je recommande vivement aux amateurs des grands auteurs italiens…Maintenant j’ai encore deux recueils de nouvelles (en allemand) en attente. En ce qui concerne la biographie de Pavese, j’ajoute qu’il avait été lecteur chez Einaudi, grand éditeur italien à Turin. Je pense qu’un certain Primo Levi fréquenta la maison…
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Message par Tristram Sam 13 Mai - 18:03

« Assez de mots. Un acte. Jamais plus je n’écrirai. »
Dernier texte de Cesare Pavese avant son suicide, cité par William Styron in « Face aux ténèbres _ chronique d’une folie »

« …] tu ne sais pas que ce qui t'arrive une fois se répète toujours ? que comme on a réagi une fois, on réagit toujours ? Ce n'est pas par hasard qu'on se met dans le pétrin. Et puis on y retombe. Ça s'appelle le destin. »
Cesare Pavese, « Le diable sur les collines »


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Message par bix_229 Sam 13 Mai - 23:55

Lisez Le Métier de vivre. Pavese y est tout entier.

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Message par bix_229 Sam 14 Déc - 18:19

Tu es la vie et la mort.
Tu es venue en mars
sur la terre nue -
et ton frisson dure.
Sang de printemps
- anémone ou nuage -
ton pas léger
a violé la terre.
La douleur recommence.
Ton pas léger
a rouvert la douleur.
La terre était froide
sous un pauvre ciel
immobile et fermée
comme dans la torpeur d’un rêve,
comme après la souffrance.
Et la glace était douce
dans le cœur profond.
Entre vie et mort
l’espoir se taisait.
Maintenant ce qui vit
a une voix et un sang.
Maintenant terre et ciel
sont un frisson puissant,
l’espérance les tord,
le matin les bouleverse,
ton pas et ton haleine
d’aurore les submergent.
Sang de printemps,
toute la terre tremble
d’un ancien tremblement.
Tu as rouvert la douleur.
Tu es la vie et la mort.
Sur la terre nue,
tu es passée légère,
hirondelle ou nuage,
et le torrent du cœur
s’est réveillé, déferle,
se reflète dans le ciel
et reflète les choses -
et les choses, dans le ciel, dans le cœur,
souffrent et se tordent
dans l’attente de toi.
C’est le matin, l’aurore,
sang de printemps,
tu as violé la terre.
L’espérance se tord,
et t’attend et t’appelle.
Tu es la vie et la mort.
Ton pas est léger.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Sam 18 Avr - 11:27

C'est raide, un fil de Pavese et on n'y parle pas du métier de vivre... Wink

«Habitudes»

Sur l'asphalte de l'avenue la lune fait un lac
silencieux et l'ami se souvient d'autrefois.
Une rencontre imprévue suffisait dans le temps
et il n'était plus seul. En regardant la lune,
il respirait la nuit. Plus fraîche cependant l'odeur
de la femme rencontrée, de la brève aventure
au hasard d'escaliers chancelants. Et la chambre
tranquille
et la rapide envie d'y vivre pour toujours,
lui remplissaient le coeur. Après quoi, sous la lune,
à grands pas alourdis, il rentrait, satisfait.

Autrefois il était un grand copain pour lui.
Il s'éveillait le matin et sautait hors du lit
en retrouvant son corps et ses vieilles pensées.
Il aimait bien sortir s'exposant à la pluie
ou au soleil, il jouissait du spectacle des rues
ou des conversations nouées à l'improviste. Il croyait
qu'il saurait commencer chaque matin nouveau
en changeant de métier jusqu'au dernier jour.
Après un dur travail, il s'asseyait et fumait.
Son plaisir le plus fort, c'était de rester seul.

Mon ami a vieilli et voudrait un foyer
auquel être attaché, et sortir dans la nuit,
s'arrêter sur l'avenue pour regarder la lune,
mais trouver en rentrant une femme docile,
une femme tranquille, attendant patiemment.
Mon ami a vieilli et ne se suffit plus.
Les passants, ce sont toujours les mêmes; le soleil
lui aussi et la pluie sont les mêmes; le matin, un désert.
Travailler, ça ne vaut pas la peine. Et sortir voir la lune,
si personne ne l'attend, ça ne vaut pas la peine.

Cesare Pavese, Poésies variées dans Travailler fatigue. La mort viendra et elle aura tes yeux, p. 251-252.

Comme flâneur, cette poésie de Pavese m'interpellait. Il me semblait qu'il fallait la mentionner ici et puisque Bix en a parlé il y a quelques mois, il fallait bien sûr rejoindre le fil... Smile
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Message par Jack-Hubert Bukowski Jeu 16 Juil - 10:31

J'ai un autre poème de Pavese à vous montrer, ouvrier de condition...


Fumeurs de papier


Il m'a emmené écouter son orchestre. Il s'assied dans un coin

et prend sa clarinette. C'est alors que commence

un boucan infernal. Dehors, un vent furieux

et, entre les éclairs, les gifles de la pluie

font qu'à chaque moment la lumière est coupée.

Les têtes convulsées s'acharnent dans le noir

à jouer de mémoire une danse. Énergique, mon pauvre copain

les dirige du fond : la clarinette se tord,

interrompt le fracas, s'avance, se défoule

comme une âme solitaire, dans un silence sec.


Ces pauvres cuivres sont trop souvent pleins de bosses :

paysannes ces mains qui se cramponnent aux touches

et paysans ces fronts obstinément baissés.

Sang misérable, éreinté, exténué

par des peines trop dures, on le sent qui mugit

dans les sons, mon copain les dirige avec peine,

lui qui a des mains calleuses à force de cogner

au maillet, de manier le rabot, de s'esquinter la vie.


Jadis il eut des camarades et il n'a que trente ans.

Il était de ceux d'après la guerre, élevés dans la faim.

Il alla lui aussi à Turin, pour se faire une vie

et il trouva l'injustice. Il apprit à travailler

à l'usine, sans sourire. Il apprit à mesurer

sur sa peine la faim des autres hommes,

et partout ne trouva qu'injustices. Il espéra la paix

en marchant, abruti de sommeil, par les avenues sans fin,

la nuit, mais il vit seulement des milliers de réverbères

éclatants de lumière sur des iniquités ; femmes rauques ou ivrognes,

fantoches titubants, égarés. Il était arrivé à Turin

un hiver, au milieu des éclairs des usines et des brumes de suie.

Il savait ce qu'était le travail. Il acceptait le travail

comme le dur sort de l'homme. Mais si au moins tous les hommes

l'acceptaient, s'il y avait de la justice dans le monde.

Mais il trouva des camarades. Il supportait patiemment

les discours, et il dut en écouter et attendre jusqu'au bout.

Il trouva des camarades. Chaque maison en avait des familles.

La ville en était encerclée. Et la face du monde

en était toute couverte. Ils sentaient dans leur coeur

assez de désespoir pour triompher du monde.


Ce soir il joue sec, malgré les musiciens

que lui-même a formés un par un, sans souci du fracas,

de la pluie ni de la lumière. Son visage sévère

mordant la clarinette, fixe tendu une douleur.

Je lui ai vu ce regard un soir où, tout seuls,

avec son frère, plus triste que lui de dix ans,

nous passions la veillée à la lueur d'une lumière absente.

Son frère travaillait sur un tour inutile qu'il avait fait lui-même.

Et mon pauvre copain accusait le destin

qui les tient enchaînés au rabot et au maillet

pour nourrir deux vieillards qu'ils n'ont pas demandés. Tout d'un coup il cria

que ce n'était pas le destin si le monde souffrait,

si l'éclat du soleil arrachait des jurons :

le coupable, c'était l'homme. « Au moins pouvoir partir,

crever de faim librement, dire non

à une vie qui utilise l'amour et la pitié,

la famille ou le lopin de terre pour nous lier les mains. »


1932.


Cesare Pavese (1908-1950), Fumeurs de papier in Travailler fatigue.

On peut trouver une explication du contexte de l'époque à laquelle il a écrit ce poème :

http://ptutoy.over-blog.net/article-fumeurs-de-papier-un-poeme-de-cesare-pav-53720253.html
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Message par Bédoulène Jeu 16 Juil - 22:08

j'aime beaucoup Jack merci !

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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 11 Fév - 11:26

En lisant Le métier de vivre, je vois à quel point Cesare Pavese se consacrait tout entier à l'examen de ses contemplations. Nous l'écoutons beaucoup à propos de son parcours poétique et le suicide émerge comme une préoccupation qui est présente dans ses pensées. Il dit beaucoup de choses et je le trouve un brin masculin dans ses préoccupations. J'écris sur une lecture qui est toujours en cours et j'ai même fait une relecture de quelques passages. Il était un écrivain génial, mais je ne le trouvais quand même pas si exceptionnel dans la manière d'esquisser les choses. Je le trouverais un brin ordinaire si on regarde ça avec des conventions d'aujourd'hui... je disais l'autre jour sauter d'une citation à l'autre, mais le fait est que je préfère décrire ce que je sens en le lisant.
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Message par Pinky Dim 14 Avr - 11:29

Le bel été

poésie - Cesare Pavese  Shoppi10

Le livre regroupe trois nouvelles ou courts romans :
Le bel été
Le diable sur les collines
Femmes entre elles



Le Bel été est centré sur Ginia, jeune fille de 16 ans, employée couturière vivant avec son frère Severino, amie de Rosa l'ouvrière et d'Amelia, modèle pour des artistes. Ginia sort avec ses deux amies, délaisse peu à peu Rosa, attirée par l'activité d'Amalia et ses contacts avec les artistes. Candide, elle tombera amoureuse et se heurtera à la vie émancipée de ses nouveaux "amis" qui la traiteront de "sotte".

Le diable sur collines
Trois jeunes étudiants : Oreste, en médecine, le narrateur et Pieretto en droit rencontrent Poli,  au cours de leurs virées nocturnes. Poli, jeune oisif argenté, associant volontiers alcool et cocaïne, entretient une liaison avec Rosalba femme mondaine beaucoup plus âgée que lui. Les trois amis partent pendant l'été chez Oreste dont le père exploite des vignes avec ses ouvriers. Ils partagent la vie de famille d'Oreste où les femmes tiennent la maison.  La petite  Dina âgée de 10 ans est une fillette futée à l'esprit affuté. Puis leur vient l'idée d'aller retrouver Poli qui vit dans la maison familiale située à proximité. Ils y découvrent Gabriella la belle épouse de Poli dont il est soi disant séparé et un monde "décadent" de viveurs milanais. L'évolution des relations entre ces hommes face à une Gabriella complexe et insaissisable, la détresse de Poli sont très finement rendues. Comme dans Le bel été, c'est l'innocence qui paie le prix fort.

La campagne au dessus de Turin, sur les terres du père d'Oreste

"Nous étions assis à la lisière de la vigne et en levant les yeux, on voyait osciller les sarments. Quand on regarde d'en bas une vigne qui monte vers le ciel, on a l'impression d'être hors du monde. On a à ses pieds les mottes calcinées, les ceps contournés, et dans les yeux la fuite des verts festons, les tuteurs tous pareils qui touchent le ciel. On respire et on écoute."

Le Greppo, domaine appartenant au père de Poli
« La colline du Greppo était, elle aussi un monde. On y arrivait par les Coste, par des cuvettes et des pentes solitaires, une fois dépassé le pays des chênes. Quand nous fûmes en bas du versant, nous vîmes les arbres noirs et lumineux de la crête qui se détachaient contre le soleil.  […] Mais ce qui était étonnant, c’était cet enchevêtrement, cet abandon ; après une vigne déserte, mangée par l’herbe, des arbres fruitiers se chevauchaient, des figuiers et des cerisiers recouverts de plantes grimpantes, puis des saules et des acacias, des platanes, des sureaux ; puis au fur et à mesure que nous avancions dans le soleil, la végétation s’espaçait, mais aux formes familières se mêlèrent des plantes insolites telles que des lauriers-roses des magnolias, quelques cyprès et des arbres étranges que je n’avais jamais vus, dans un désordre qui donnait aux éventuelles clairières un air de solitudes exotiques. »

Le séjour au Greppo

« La nuit ne suffit pas pour lui faire admettre qu’entre un suicide et la mort par maladie ou accident, il y a une sacrée différence. Poli parlait de Rosalba avec la vois hésitante d’un enfant ému ; il parlait avec attendrissement du moment où c’était lui qui était sur le point de mourir ; cde n’était pas la faute de personne ; Rosalba était morte ; ils s’entendaient bien tous les deux. »

«  je fixais vaguement le plafond et je me disais que Rosalba, la coco, le sang répandu, la colline étaient un rêve, une mauvaise plaisanterie, que tous s’étaient mis d’accord pour se jouer de moi. Il suffisait de descendre, de faire semblant de rien, de ne pas se laisser entraîner dans le jeu. De leur rire au nez, ça oui… »

"Cet abandon, cette solitude du Greppo était un symbole de leur vie ratée à elle et à Poli. Le gaspillage  inhumain de cette terre et de toute cette vie ne pouvait donner d'autre fruit que l'inquiétude et la futilité. Je repensais aux vignes de Monbello, au visage brusque d'Oreste. Pour aimer une terre, il faut la travailler et l'arroser de sa sueur."

Des discussions sans fin autour de nombreux verres :
"Quels drôles de gens vous êtes....observais-je. Vous avez des parents qui souhaitent vous voir, l'un moine et l'autre agronome. Vous ne voulez rien savoir, vous leur faites faire un mauvais sang du diable ; et vous finirez toi, Pieretto, athée et moine et toi Oreste, médecin de campagne.Pieretto sourit d'un air satisfait "Il faut toujours aider ses parents, dit-il. Il faut leur apprendre que la vie est difficile. Si, ensuite, comme c'est normal, on arrive là où ils voudraient, il faut les convaincre qu'ils avaient tort et que vous avez fait cela pour leur bien."


- Le culte disait Giustina, le culte. Si on ne respecte pas les ministres du culte, on n'est ni chrétien ni italien.
-La religion, dit le père d'Oreste, ce n'est pas seulement aller à l'église. La religion est une chose difficile. Il s'agit d'élever les enfants, d'entretenir une famille, de vivre d'accord avec tous.
Et Gisutina à Pieretto : "Alors, dites-nous un peu, hurla-t-elle, qu'est-ce que c'est que la religion ?"
-La religion, dit Pieretto en s'arrêtant, c'est de comprendre comment vont les choses. L'eau bénite est inutile. Parler avec les gens, voilà ce qu'il faut, les comprendre, savoir ce que chacun veut. Tout le monde veut quelque chose dans la vie, faire quelque chose sans jamais très bien savoir quoi; Eh bien, pour chacun, dans ce désir, il y a Dieu. Il suffit de comprendre et d'aider à comprendre...

Poli laissant partir ses amis milanais
"Ils m'ennuient, dit-il. Ce sont des gens trop vieux, ils ne savent pas parler...Il eut un hoquet comme s'il allait vomir et serra les lèvres. Baissant les yeux, il se reprit. "C'est incroyable, dit-il, mais l'âme la plus ancienne qu'on a en soi est celle du temps où l'on était gosse. Moi, il me semble, que je suis toujours gosse. C'est la plus ancienne habitude que nous ayons..."


Femmes entre elles

Clelia, couturière, arrive à Turin, sa ville natale, pour veiller à l'installation d'une maison de couture, succursale de la maison romaine où elle travaille. Revenue après 20 ans d'absence alors qu'elle a réussi à s'élever au-dessus de son milieu d'origine, à force de travail, elle fait la connaissance de la jeunesse dorée turinoise, en particulier de jeunes femmes oisives. L'une d'elles Rosetta a fait une tentative de suicide.

"Je parle des gens comme vous et moi....ceux qui ont le temps et les moyens. En jouissent-ils au moins ? Moi, si je ne devais pas travailler, j'aurais des vices terribles. Au fond, je ne me suis passé aucune envie..."
Murelli, gravement me dit que j'avais un vice. "Lequel?" j'avais le vice de travailler, de ne prendre jamais de vacances.
- Vous êtes pires que les industriels pères de famille, me dit-il, mais au moins c'étaient des hommes à moustaches et ils ont fait Turin."

"Quand j'étais gosse, j'enviais les femmes comme Mariella et les autres. Je les enviais et je ne savais pas qui elles étiaient. Je les imaginais libres, admirées, maitresses du monde. Quand j'y pensais maintenant, je n'aurais pas changé avec une seule d'entre elles. Leur vie me semblait absurde, d'autant plus absurde qu'elles ne s'en rendaient pas compte. Mais pouvaient-elles faire autrement ? A leur place, aurais-je agi autrement ? Rosetta Mola était une ingénue mais elle, elle avait pris les choses au sérieux. Au fond, il était vrai qu'elle s'était tuée sans raison et certainement pas à cause de cette stupide histoire de premier amour avec Momina ou à cause d'un autre ou quelconque chagrin. Elle voulait être seule, elle voulait s'isoler du tumulte ; et dans son milieu, on ne peut être seul, on ne peut agir seul qu'en se supprimant
.

"Les livres vous intéressent ? demanda Rosetta, s'animant, vous les lisez beaucoup ?
-Pendant la guerre. On ne savait pas quoi faire. Mais maintenant, je n'y parviens plus. J'ai toujours l'impression de mettre le nez dans les affaires des autres..
Rosetta me regarda, amusée
- cela me semble une chose indécente. Comme d'ouvrir les lettres d'autrui..."

Une des thématiques qui  traverse, presque furtivement les trois nouvelles est la nudité, celle du modèle qui pose devant le peintre dans le Bel été, celle des trois amis qui se baignent dans une mare et une réflexion dans Femmes entre elles alors que plusieurs personnages discutent de la raison de la tentative du suicide de Rosetta, l'un deux évoquant la folie, d'autres le dépit amoureux
Morelli dit :
"L'homme est le seul animal, observa-t-il, qui gagne à être habillé"
: nudité physique ou nudité morale, s'exposer, baisser les masques.

Je suis arrivée, par accident à Pavese en lisant Edgar Morin qui évoque la femme "pavésienne" dans Une commune en France, celle qui travaille sans cesse pour tromper sa solitude affective et je ne regrette pas le voyage. Très beau livre, sensible où chaque sentiment, chaque tristesse, chaque désarroi est rendu avec une infinie délicatesse.
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poésie - Cesare Pavese  Empty Re: Cesare Pavese

Message par Bédoulène Lun 15 Avr - 18:01

merci Pinky, et oui nous suivons souvent les conseils ou évocation des auteurs que nous lisons.

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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