Gino Severini
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Gino Severini
Il s'agit en fait du texte des panneaux de l'exposition qui s'est tenue à l'Orangerie en 2011."Cortona et Paris sont les villes auxquelles je me sens le plus lié : je suis né physiquement dans la première, intellectuellement et spirituellement dans la seconde." Gino Severini
Le peintre italien Gino Severini naît en 1883 à Cortona. Il décède en 1966 à Paris.
Initié à la technique divisionniste par son maître Giacomo Balla, Gino Severini lui reste d'abord fidèle avec une attention portée aux effets luministes et aux contrastes d’ombre et de lumière. Or, arrivant à Paris en 1906, il souhaite approfondir sa connaissance de l’oeuvre de Seurat. En 1910, son voisin d’atelier, Raoul Dufy l’initie au divisionnisme scientifique. Ses vues urbaines peintes selon un pointillisme très libre évoquent l’oeuvre de Signac, mais semblent très proches des paysages réalisés en 1887 par Van Gogh (touche et palette plus claires). Ses quelques portraits au pastel évoquent les artistes tels que Degas et Toulouse-Lautrec. Il utilise dans ses premières oeuvres futuristes l’expérimentation divisionniste par l’emploi de paillettes dans les formes de ses danseuses et par les plans colorés de son oeuvre.
En 1911, Gino Severini adhère au mouvement futuriste ayant même signé le Manifeste dès 1910. Son grand tableau La Danse du Pan Pan au Monico est le point fort de l’exposition de 1912. Il joue le rôle de médiateur entre les artistes milanais et les peintres de l’avant-garde parisienne et accompagne les futuristes dans leur tournée européenne. De cette période, la foule, la ville et les lieux de divertissement sont ses sujets de prédilection, bien éloignés des thèmes de ses amis artistes (Le boulevard , Estorick Collection, Londres). La représentation du mouvement est également illustrée par la série des danseuses, en 1912-1913.
Severini réalise à l'invitation de Marinetti une série de peintures de guerre en 1914 et 1915 (Le train blindé, MOMA, New York).
A partir de 1916, rompant avec les Futuristes, il participe au mouvement cubiste jusqu’en 1919. Il côtoie Cocteau, Matisse et rencontre Juan Gris dont il sera très proche amicalement et stylistiquement. Pendant cette époque, il peint des natures mortes avec incrustations d’éléments du réel (papiers-peints, journaux, partitions…) et réalisées sur la base de calculs savants. Son cubisme se caractérise par des harmonies très subtilement colorées. C’est pendant cette période qu’il réalise de nombreux travaux théoriques sur la géométrie, la section d’Or et les tracés harmoniques qui aboutiront à la publication de son livre en 1921 sur les rapports de l’art et des mathématiques : Du cubisme au classicisme. Il souhaite revenir aux valeurs traditionnelles de la peinture en se préoccupant de la « construction ».
Il entame alors une nouvelle phase de son art avec « le Retour à la Figure » de 1920 à 1943. Son Portrait de Jeanne et sa Maternité, datés de 1916 sont représentatifs d’un style classique et réaliste participant ainsi du mouvement du « retour à l’ordre ». Severini est fasciné tout comme les artistes de l’époque Picasso, Gris et Derain par les figures d’Arlequin et de la Commedia dell’ Arte. Ses natures mortes deviennent alors plus décoratives. La réalisation des décors de Montefugoni en Toscane pour la famille Sitwel est très révélatrice de cette nouvelle mutation dans son art de peindre bien loin du cubisme.
Dans les années 1930, il se consacre également à la réalisation de nombreux décors muraux d’art sacré à mosaïques, en Suisse (églises de Tavannes et Saint-Pierre de Fribourg). Severini peint alors peu de tableaux. Ses sujets sont plus intimes et familiaux. Il alterne avec des portraits hiératiques et des natures mortes (instruments de musique, pigeons, canards et poissons) inspirés par les décors de Pompéi et la mosaïque byzantine de Ravenne. Il participe avec d’autres artistes tels que De Chirico, Picabia, Ernst… au décor de la maison de Rosenberg. Il expose de 1928 à 1930 avec les Italiens de Paris (De Chirico…).
Expo que je suis allé visiter pas plus tard que ce matin (en 2011, je recycle). Gino Severini je l'avais croisé en cherchant des images, ayant surtout vu des œuvres de la période futuriste. Je l'ai revu par C.F. Ramuz dont il a peint un portrait, et c'est dans le bulletin de l'association des amis de Ramuz (2006) que j'ai lu il y a quelques temps des choses sur le peintre.
Enfin, revenons à l'exposition. La première salle est impressionnante avec des portraits aux pastels très beaux, non sans gravité et des tableaux plus pointillistes comme le sublime paysage de Civray :
qui allie profondeur du paysage et maintien des couleurs. Saisissant ! Plus diffus dans son pointillisme mais présentant les mêmes qualités de constructions (et quelques touches de couleurs inattendues) il y a un autre grand tableau intitulé Le sillon, une scène de travaux des champs lumineuse et ombragé, avec un bœuf et une présence de la terre. On l'aperçoit sur cette photo trouvée sur le net :
La même force et la même lumière sont des évidences d'autres paysages, urbains notamment. Assez époustouflant.
La salle suivante est l'entrée dans l'éclatement : paysages et souvenirs avant les danseuses et d'autres portraits mais déjà la présence du passé et de la mosaïque. C'est moins évident mais la qualité des détails ou la présence de motifs invitent à chercher de plus près ce qui et ce que sous-tendent les dynamiques choisies par le peintre. les détails ou fragments isolés dans les portraits sont la preuve d'un grand soin, ça traduit je crois une belle délicatesse humaine.
(la représentation ne rend pas justice).
La suite se tourne vers l'abstraction et la recherche sur la lumière, les diffusions de la lumière avec une orientation toujours pointilliste tandis que les danseuses montrent plus concrètement les formes et les couleurs et les possibilités multiples qu'elles offrent. avec des équations comme Mer=Danseuse.
Ensuite vient la guerre avec le fameux train blindé et le canon. Les deux tableaux ne laissent pas indifférent, le premier n'étant pas loin d'être une espèce de monolithe barbare et que les mots présents sur le second provoquent un certain malaise. Ce qui n'empêche pas de scruter les possibilités de paysage et de trajectoire.
Après c'est le cubisme et une présence marquée de natures mortes. Qui se placent d'ailleurs dans les rangs des (très) bonnes surprises. Mes points de repères sont faibles mais j'ai été sensible aux fonds souvent travaillés avec un classicisme discret, on peut être surpris par la beauté simple du drapé d'une nappe. Le rapport des objets aux formes est présent aussi en entre deux, c'est à dire qu'un objet va être pris dans un volume qui lui correspond, ce qui va aussi amener quelque chose de différent quant à la perspective de la nature morte, aux perspectives. Mais les natures mortes ne seraient pas complètes sans la proximité des textures et des motifs, papiers peints ou tissus, il y a une quotidienneté ou intimité qui se dégage en plus de quelque chose visuellement.
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Les derniers tableaux de l'exposition sont le retour au classique, motifs classiques, inspirations classiques... et la famille, les portraits de la famille ou de sa femme et de sa fille... Il y aussi une part de détachement, pas seulement à cause des masques, mais ce qu'il faut pour de "nouvelles évidences".
Intéressant de pouvoir approcher ce parcours complet de recherche incessante, de travail et de réflexion ! Sans perdre de vue un objectif qui n'est pas l'invention.
L’art n’est rien d’autre que la science humanisée.
Et aussi la chaleur du peintre pour son art et son objet. Rapprochement vaseux peut-être ou effet de génération pour ces contemporains mais c'est facile d'imaginer que le peintre et l'écrivain ont pu se retrouver dans leurs préoccupations artistiques. Un souci d'être dans leur temps, une modernité engagée qui finit par impliquer plus que la présence dans l'instant et le témoignage de la continuité... l'expression d'un ancrage, d'un ancrage de la présence humaine.
Dommage que les reproductions soient ternes et peu nombreuses pour ouvrir ce fil.
(Récup parce qu'à recauser de l'Orangerie... autant en profiter non ?)
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Re: Gino Severini
source : éditeurÉléments sur... Gino Severini
Dans la phase d'épanouissement de la modernité fondée quelques décennies auparavant par Baudelaire, l'exemple de Severini constitue un moment singulier d'audace. En effet, si l'audace s'incarne le plus manifestement dans l'acte de rupture de Marinetti ou de contre rupture de De Chirico, il est beaucoup plus difficile de penser l'audace du côté d'un parcours laborieux qui, comme celui de Gino Severini, déjouant le spectaculaire des provocations, s'aventure et s'évertue dans un travail lent de jauge, d'évaluation et d'expérimentation des révolutions formelles lancées par d'autres, Je veux parler bien sûr de l'espace cubiste de Braque et Picasso, de la sensibilité futuriste marinettienne et de la " visite et réactivation du musée " permettant de faire du nouveau avec l'ancien prôné par De Chirico.
Sa recherche est personnelle (mais partagée) et plutôt qu'influencé par on pourrait presque dire qu'il s'est appliqué à l'impressionnisme ou au cubisme (qu'il place d'ailleurs dans la suite logique du premier). De la même manière pour son univers qui n'apparait pas spontanément comme une "simple" mosaïque d'influences. Il a réfléchi, travaillé, échangé... participer avec des réserves notamment au mouvement futuriste, et il a influencé aussi. Le livre se conclut sur les premiers chapitres de ses écrits théoriques Du Cubisme au Classicisme . Il apparait sévère mais la position adoptée d'un certain rejet d'une approche (trop) sensible (le mot restant quand même à discuter).
Donc ça a l'air un peu raide (ça rend curieux des développements) mais malgré tout ça pose des mots pour quelques problèmes, on pourrait dire art moderne d'abord mais c'est moins intéressant à mon sens qu'un pourquoi du beau ou de la fascination, quelque chose dans le motif ou le système qui fait qu'on peut rester pendu devant certains tableaux et pas d'autres (je reprendrai volontiers l'exemple récent de la visite de l'expo Caillebotte, très belle et impressionnante mais qui ne fascine pas comme les deux salles d'à côté de la collection permanente du musée Jacquemart-André).L'art est ainsi tombé définitivement dans le domaine sensoriel et, de nos jours, ce sensualisme est devenu cérébral.
Au lieu de comprendre et de développer les "moyens techniques" des Maîtres par des notions scientifiques sérieuses, on a préféré se débarrasser définitivement de ce qui restait de la vieille École et chacun tâche d'exprimer et d'affirmer son individualité en dehors de toute règle ou méthode. On a cherché âprement l'originalité, mais n'ayant que la fantaisie et le caprice comme base, on n'a atteint en général que la singularité.
Les meilleurs peintres, les plus doués, ont cru sincèrement et beaucoup le croient encore, pouvoir ramener la peinture à la construction et au style par la déformation.
Mais déformer c'est corriger la nature selon la sensibilité. Cela n'a aucun rapport avec la construction dont le point de départ est à l'opposé. L'esthétique de la déformation va des dessinateurs humoristiques ou caricaturistes jusqu'à Daumier, lorsqu'elle est soutenue par le talent. En ce cas, elle peut tromper les gens inexpérimentés sur son essence sensorielle, mais elle ne reste pas moins un art inférieur.
De toute façon, les peintres d'aujourd'hui ne savent plus rien des vraies lois de l'Art plastique, ou ne savent que de vagues règles générales; je ne parle pas des "formules mortes" qu'on apprend à l'Ecole des beaux-arts, dont l'insuffisance est démontrée par les résultats.
Les plus intelligents parmi les artistes commencent cependant à se rendre compte qu'il n'est pas possible d'édifier quelque chose de solide sur le caprice, la fantaisie ou le bon goût, et qu'en somme, rien de bon n'est possible sans l'Ecole.
On commence à comprendre la nécessité impérieuse de rebâtir l'Ecole; évidemment , non pas une vieille Ecole replâtrée et repeinte aux fraîches couleurs impressionnistes, comme l'Ecole des Beaux-Arts, mais un Edifice, un Monument tout neuf, depuis la base jusqu'au toit, tout en ayant comme génératrices les lois éternelles de la construction, que nous retrouvons à la base de l'art de tous les temps, ce qui n'empêche pas les époques de se différencier.
Nous savons comment le triangle générateur qui s'inscrit sur le portique du temple de Klons à Karnac (XXème dynastie); s'inscrit de nouveau sur la façade du Parthénon d'Athènes, et sert plus tard à la construction de la grande nef de Notre-Dame de Paris.
C'est pourquoi depuis quelques années déjà j'avais soutenu cette thèse; les "moyens" ne varient pas à travers les époques, seul l'aspect extérieur des œuvres peut changer.
Difficile à percevoir à travers cette courte biographie le retour du peintre sur son propre travail au fur et à mesure de son évolution personnelle et théorique (avec ses travaux mathématiques et sa conversion).
Au moins une bonne porte d'entrée pour aborder plus sereinement une partie de l'art du XXème siècle.
(Récupération suite).
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Re: Gino Severini
on continue à se réveiller les yeux ?
une qui faisait partie de l'expo :
Printemps à Montmartre, 1909
une autre aussi je crois (toujours quelques années après) :
Nature morte à la guitare, 1919
Et du rab :
une qui faisait partie de l'expo :
Printemps à Montmartre, 1909
une autre aussi je crois (toujours quelques années après) :
Nature morte à la guitare, 1919
Et du rab :
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