Arnon Grunberg
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Arnon Grunberg
Il a l'habitude d'orthographier son nom de famille sans umlaut : Grunberg.
L'auteur publie son premier roman à l'âge de vingt-deux ans, Lundis bleus connaît immédiatement un vif succès en Europe et est traduit en treize langues. Depuis, Arnon Grünberg vit à New York. En 2009 il obtient le prix Constantijn Huygens.
Arnon Grünberg a publié quelques ouvrages sous le pseudonyme hétéronyme Marek van der Jagt, ce qui lui a permis de remporter deux fois le prix Anton Wachter1 du meilleur premier roman (pour Lundis bleus en 1999 sous le nom Arnon Grünberg, et pour Histoire de ma calvitie sous le nom Marek van der Jagt en 2000). Il est également l'auteur de scénarios pour le cinéma et le théâtre et a joué dans trois films dont De Kassière en 1989. Il est considéré comme l'un des plus grands écrivains contemporains néerlandais2.
Bibliographie française
Avec son nom d'auteurArnon Grunberg:
1994 - Lundis bleus, Page 1,
2000 - Douleur fantôme
2000 - (Lettre; Cadeau de nouvel an)
2003 - L'oiseau est malade
2004 - Le Bonheur attrapé par un singe (nouvelles), Page 1,
2004 - Le messie juif
2006 - Tirza, Page 1,
2008 - Notre oncle
2010 - Tout cru
2012 - L’Homme sans maladie
Sous l'hétéronyme de Marek van der Jagt:
2000 - Histoire de ma calvitie
2002 - Je suis monogame (essai)
màj le 19/12/2019
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Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8548
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Localisation : Roanne
Re: Arnon Grunberg
Le bonheur attrapé par un singe
Un tout petit roman, superbement construit qui dès la début distille un malaise qui va exploser à la toute dernière page
1997. Jean-Baptiste Warnke est un jeune diplomate néerlandais au Pérou, un Pérou terrorisé par les attentats du Sentier Lumineux et autres organisations clandestines. Cela n’affecte pas notre héros, qui vit une petite vie tranquille, à mille lieu de toute remise en question, et se réjouit dès les premières pages du roman d’être «un homme satisfait à un point qui frise l’insolence ». Cependant dans ce bonheur béat, on remarque bien vite une faille tragique : « Parfois toute cette vie est si belle, si terriblement belle, si insupportablement belle que Warnke se voit en train de noyer ses deux filles, comme deux chatons enfermés dans un sac de jute lesté de pierres. » Dans cette faille va s’engouffrer un monde que Warnke ne soupçonne pas , qui va renverser son sens des valeurs, l’amener à une remise en question complète.
Un peu par hasard, s’en rendant à peine compte, il tombe follement amoureux de Maléna une toute jeune péruvienne rencontrée au café. Il se rend compte que toute sa vie n’est qu’une méprise, et de là ce petit fonctionnaire obscur et guindé part à la dérive. Il met le doigt dans un engrenage fou, ne se rendant pas compte que Grunberg allait tout avaler , le bras, le cœur et l’âme de Warnke . Celui-ci n’ a pas fini de se surprendre et de nous surprendre.
C’est la fin qui donne toute la valeur à ce roman, dernière page que je ne veux pas dévoiler et qui signe la folie ordinaire enfouie en chacun de nous
Très descriptif, avec un recul discret, tendre en même temps qu’amusé par son personnage, Grunberg nous mène de façon implacable, dans un suspense réel, jusqu’à un dénouement troublant.
(commentaire récupéré)
Un tout petit roman, superbement construit qui dès la début distille un malaise qui va exploser à la toute dernière page
1997. Jean-Baptiste Warnke est un jeune diplomate néerlandais au Pérou, un Pérou terrorisé par les attentats du Sentier Lumineux et autres organisations clandestines. Cela n’affecte pas notre héros, qui vit une petite vie tranquille, à mille lieu de toute remise en question, et se réjouit dès les premières pages du roman d’être «un homme satisfait à un point qui frise l’insolence ». Cependant dans ce bonheur béat, on remarque bien vite une faille tragique : « Parfois toute cette vie est si belle, si terriblement belle, si insupportablement belle que Warnke se voit en train de noyer ses deux filles, comme deux chatons enfermés dans un sac de jute lesté de pierres. » Dans cette faille va s’engouffrer un monde que Warnke ne soupçonne pas , qui va renverser son sens des valeurs, l’amener à une remise en question complète.
Un peu par hasard, s’en rendant à peine compte, il tombe follement amoureux de Maléna une toute jeune péruvienne rencontrée au café. Il se rend compte que toute sa vie n’est qu’une méprise, et de là ce petit fonctionnaire obscur et guindé part à la dérive. Il met le doigt dans un engrenage fou, ne se rendant pas compte que Grunberg allait tout avaler , le bras, le cœur et l’âme de Warnke . Celui-ci n’ a pas fini de se surprendre et de nous surprendre.
C’est la fin qui donne toute la valeur à ce roman, dernière page que je ne veux pas dévoiler et qui signe la folie ordinaire enfouie en chacun de nous
Très descriptif, avec un recul discret, tendre en même temps qu’amusé par son personnage, Grunberg nous mène de façon implacable, dans un suspense réel, jusqu’à un dénouement troublant.
(commentaire récupéré)
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8548
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Re: Arnon Grunberg
Quel écrivain oserait-il s'embarrasser d'un personnage aussi flou et peu intéressant que l'est Jorgen Hofmeister.
Il sait lui-même qu' il n'interesse vraiment personne. Sa femme l'a quitté et lorsqu'elle est revenue, c'est parce qu'elle n'avait pas d'autre endroit où aller. Ni personne à aimer.
De ses deux filles, l'aînée est déjà partie, et l'autre est sur le point de le faire.
Directeur de collection chez un éditeur, il est jeté sans ménagements après trente ans et plus de service. Depuis, il va tous les matin à l'aérodrome d'Amsterdam/Schiphol.
Il regarde les gens passer et parfois, il leur adresse un salut, comme s' il attendait quelqu'un.
Tout ce qu'il a dit ou fait dans sa vie s'est retourné contre lui. Et il ne peut pas dire non plus qu'il a fait pour le mieux. Mais il s'est toujours senti "superflu". Il a honte de ce qu'il est ou de ce qu'il paraît aux autres.
"Moins les autres existaient, plus ils devenaient agréables. Il s'en était aperçu à l'aéroport."
"Il avait été conseiller éditorial pour les œuvres de fiction traduites. Il avait consacré toute sa vie à ce qui n'existait pas, au possible toutau plus, au probable peut-être. A présent, la distinction entre ce qui existait et ce qui n'existait pas s'estompait, la frontière était devenuefloue. Brumeuse comme les matins d' automne à l'aéroport en automne."
" La vie lui fait mal, l'enfer c'est lui-même". Sa femme lui dit qu'il est le serviteur du malheur et de la Fatalité. Ils sont les deux moitiésd'un ratage collectif. Et ils le savent parfaitement.
Pourtant, il y a Tirza, sa fille cadette. Il l'aime, la vénère, l'idolâtre. Il pense que Tirza est la seule à l'aimer et à le comprendre.
Et Tirza l'aime aussi, alors qu'elle déteste sa mère trop souvent absente ou embarquée dans des aventures sexuelles.
Mais Tirza à dix huit ans se rend compte que son père l'étouffe et qu'il l'a manipulée sans le vouloir. Contrairement à ce qu'il croit, elle a l'impression tout d'un coup d'etre seule, laide, non aimée.
Et Tirza se laisse mourir de faim pour s'affirmer, prendre le contrôle de sa vie.
On doit l'hospitaliser et c'est alors que Jorgen comprend son erreur.
Contre sa volonté, il décide enfin "de ne plus être amoureux de la femme qui est sa fille."
Tirza décide de partir en Afrique avec son ami.
Et je n' en dirai pas plus. Ce livre est un vrai grand thriller psychologique. Et il faut attendre et découvrir soi-même la suite.
Sinon que ce livre est aussi dérangeant que passionnant. Il nous remet en cause et nous émeut.
Il nous aide aussi à comprendre le calvaire d'un homme sans qualités et dont le niveau affectif, psychologique et émotionnel est celui d'un enfant de neuf ans. Et son drame de ne pas avoir dépassé cet âge mental.
Mais cette malédiction lui procurera quand même in extremis une révélation foudroyante.
Message récupéré
mots-clés : #psychologique
bix_229- Messages : 15439
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Re: Arnon Grunberg
Tirza
L'illustration est de Mathilde Aubier
Lire Tirza c'est un peu comme s'attaquer à un plateau de fruits de mer. C'est long, fastidieux, mais au milieu d'une marée de mots peut se cacher une perle minuscule, éblouissante.
Tirza est le portrait méticuleux d'un homme d'une soixantaine d'années, vivant dans la plus belle rue d'Amsterdam, fier de sa maison, de son jardin dans lequel il aime travailler, les mains dans la terre, fier de sa fille cadette, la prénommée Tirza. L'homme au fil du roman nous est décrit dans ses moindres gestes, ses moindres pensées, ses moindres désirs, avec une précision effarante, quasiment maladive, rien ne sera épargné au lecteur, ni la couleur de ses slips, ni l'ambiguité de ses désirs sexuels, ni le nombre de verres (impressionnant, excessif) qu'il ingurgite.
Le livre s'ouvre un peu comme une gentille parabole familiale, Jörgen Hofmeester prépare des sushis et des sashimis pour la dernière soirée de sa fille. En effet, la jeune femme vient de passer brillamment ses examens et doit partir avec son compagnon faire le tour de l'Afrique du sud (Namibie, Afrique du Sud et Botswana). Par un jeu subtil d'aller et retour dans le temps, le narrateur nous permet de découvrir toutes les facettes d'un homme dont la vie oscille, fragile, déséquilibrée, brutale. Cet homme commence par inspirer un peu de pitié et devient au fil d'un récit sans aucune concession une sorte de bête, violente, impulsive, alcoolique, repoussante. Extraordinairement lucide sur le désastre qu'est sa vie, Hofmeester pourrait être un pré-retraité lisse et mou, s'il n'entretenait pas un rapport biaisé avec la gente féminine (et sa fille en particulier). Ce qui donne une dimension passionnante au roman.
La lecture de ce livre est parfois laborieuse, l'auteur à la recherche d'une exhaustivité impossible semble vouloir circonscrire son personnage de A à Z, ne nous épargnant rien de ses déboires. Certaines scènes sont complètement inattendues, surprenantes de véracité (les dialogues donnent énormément de vie et de relief à l'intrigue), et fonctionnent à plein. On tourne les pages avec avidité, cherchant à découvrir jusqu'où l'homme, le père pourra aller pour préserver sa fille. La fin n'est pas du tout décevante, bien au contraire.
Et on referme ce roman, un brin estomaqué par la manière dont Grunberg a mené son lecteur.
L'illustration est de Mathilde Aubier
Lire Tirza c'est un peu comme s'attaquer à un plateau de fruits de mer. C'est long, fastidieux, mais au milieu d'une marée de mots peut se cacher une perle minuscule, éblouissante.
Tirza est le portrait méticuleux d'un homme d'une soixantaine d'années, vivant dans la plus belle rue d'Amsterdam, fier de sa maison, de son jardin dans lequel il aime travailler, les mains dans la terre, fier de sa fille cadette, la prénommée Tirza. L'homme au fil du roman nous est décrit dans ses moindres gestes, ses moindres pensées, ses moindres désirs, avec une précision effarante, quasiment maladive, rien ne sera épargné au lecteur, ni la couleur de ses slips, ni l'ambiguité de ses désirs sexuels, ni le nombre de verres (impressionnant, excessif) qu'il ingurgite.
Le livre s'ouvre un peu comme une gentille parabole familiale, Jörgen Hofmeester prépare des sushis et des sashimis pour la dernière soirée de sa fille. En effet, la jeune femme vient de passer brillamment ses examens et doit partir avec son compagnon faire le tour de l'Afrique du sud (Namibie, Afrique du Sud et Botswana). Par un jeu subtil d'aller et retour dans le temps, le narrateur nous permet de découvrir toutes les facettes d'un homme dont la vie oscille, fragile, déséquilibrée, brutale. Cet homme commence par inspirer un peu de pitié et devient au fil d'un récit sans aucune concession une sorte de bête, violente, impulsive, alcoolique, repoussante. Extraordinairement lucide sur le désastre qu'est sa vie, Hofmeester pourrait être un pré-retraité lisse et mou, s'il n'entretenait pas un rapport biaisé avec la gente féminine (et sa fille en particulier). Ce qui donne une dimension passionnante au roman.
La lecture de ce livre est parfois laborieuse, l'auteur à la recherche d'une exhaustivité impossible semble vouloir circonscrire son personnage de A à Z, ne nous épargnant rien de ses déboires. Certaines scènes sont complètement inattendues, surprenantes de véracité (les dialogues donnent énormément de vie et de relief à l'intrigue), et fonctionnent à plein. On tourne les pages avec avidité, cherchant à découvrir jusqu'où l'homme, le père pourra aller pour préserver sa fille. La fin n'est pas du tout décevante, bien au contraire.
Et on referme ce roman, un brin estomaqué par la manière dont Grunberg a mené son lecteur.
Dernière édition par shanidar le Dim 8 Jan - 18:56, édité 1 fois
shanidar- Messages : 1592
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Arnon Grunberg
Drôle, ta vision de la dégustation d'un plateau de fruits de mer ! (Comment ça, je suis hors sujet ?)
Armor- Messages : 4589
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Re: Arnon Grunberg
Je ne suis pas trop fruits de la mer...
shanidar- Messages : 1592
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Arnon Grunberg
Lundis bleus
Premier roman d'un écrivain qui a, au moment de sa publication : 22 ans. Et c'est plutôt réussi, joyeux, iconoclaste, nombriliste, juvénile et froidement intempestif.
Arnon a quinze ans, des boutons plein la gueule, une mère hystérique et très croyante, un père agnostique, menteur et un brin buveur : "Avant sa maladie il n'était l'empereur que dans certaines occasions, quand l'alcool avait coulé plus généreusement qu'à l'ordinaire. Il buvait modérément, mais régulièrement. Sauf à l'occasion des anniversaires, des fêtes juives et des soirs où il y avait de la visite, où il buvait trois fois plus que de coutume.
"Je suis un jouisseur", disait-il régulièrement de lui-même. Mais je n'avais jamais clairement compris ce dont il jouissait.
Arnon est un fumiste qui ne pense qu'aux filles, se pend au rideau pendant les examens et sèche copieusement les cours qui ne l'intéresse pas. Sa petite copine, Rosie tente de le déniaiser côté sexualité, réglisse et manipulation génitale. Elle lui écrit des centaines de lettres qu'il ne lit pas et ils se promettent de ne jamais devenir de vieux cons.
C'était la première fois que j'étais dans sa chambre et la seule lumière provenait d'un réverbère dans la rue. Pourtant je voyais bien, tout était comme elle me l'avait décrit l'été dernier. J'étais si fatigué que j'aurais préféré m'endormir tout de suite avec elle pour me réveiller que lorsque tout aurait changé. Lorsque tout aurait été réellement différent. Nous, le monde, les boutiques de fringues, le soleil. C'était impossible bien sûr, on a donc commencé à s'embrasser. J'ai pensé à la caissière de la droguerie qui avait exactement la même coiffure que notre médecin de famille. C'est pourquoi j'étais allé dans une autre droguerie. Là aussi, il y avait une fille derrière la caisse qui ne me plaisait pas. J'osais traiter les gens âgés de vieux cons, je ne craignais pas de rendre Mme De Wilde aphone à force de crier, ni de causer aux mamies qui promenaient leurs toutous au parc Beatrix des frayeurs telles qu'elles n'osaient plus se montrer pendant plusieurs jours. Acheter des bouteilles de gin et voler des prunes ne me posait pas de problèmes. De tous les rendez-vous que j'ai donnés au cours de ma vie, je n'en ai tenu que très peu. J'ai toujours dû inventer mille et une histoires parce que j'avais peur de la réaction des gens si je leur avais dit la vérité. J'aurais donné beaucoup pour pouvoir raconter ne serait-ce qu'à une seule personne pourquoi je me comportais de la sorte mais c'était ce que voulaient tous les salopards du monde. Et par-dessus le marché je n'en savais rien moi-même.
La seconde partie du livre se passe quelques années plus tard, Arnon vit seul dans un petit appartement, il passe ses journées à boire, manger, baiser avec des professionnelles et se faire virer des petits boulots qu'il trouve aussi régulièrement qu'il éjacule. Cela pourrait être triste et cynique mais c'est plutôt drôle, dépassionné, pas forcément vulgaire mais pas non plus la grosse poilade. C'est la vie étriquée d'un vieil ado qui voulait être acteur et qui se retrouve à mater des peep show en buvant de la bière, tout en se regardant sombrer d'un œil joueur.
On atteint presque le stade ultime de la dégringolade mais le livre de Grunberg, sans doute parce que écrit par un tout jeune homme, garde une fraîcheur étonnante et une lucidité qui le sauve à la fois de la perversion et de la perdition.
Un étonnant premier roman.
shanidar- Messages : 1592
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Arnon Grunberg
"La passion est la seule chose qui sauve l'homme du désespoir, même si elle le ruine et le tue en définitive."
Lima, fin des années 90, Jean Baptise Warnke est diplomate à l'ambassade des Pays Bas. Il se réjouit longuement d'avoir tout réussi dans sa vie, ambitions, mariage, enfants.
A y regarder de plus près, il est évident qu'il tout raté sur le plan humain. Au mieux, un imbécile heureux parce que confit dans son conformisme obtus. Mais à l'ambassade, il s'ennuie mortellement et sait qu'il est totalement inutile. Se taire et faire de la figuration telle est son occupation quotidienne.
Mais un jour, dans un café de Lima, il fait la connaissance de Malena, une jeune étudiante. Ce qui se passe ensuite est malheureusement prévisible. Raide amoureux, le voilà embrasé, possédé par une passion soudaine et trop grande pour lui.
"Il commence lentement à comprendre ce qu'il désire, il désire ne plus vivre, il désire s'arreter de vivre."
Pour la première fois, sa vie est chamboulée de fond en comble. Devenu humain et faillible, transcendé par ce qu'il vit, il est démuni et vulnérable comme un enfant. Prêt à tout. A quitter famille et emploi. Manipulable, manipulé. Mais devenu l'amant de la jeune fille, il est transpercé de douleur face à ses fillettes.
Mais il va jusqu'au bout, persuadé qu'il agit par passion.
"Tout n'est qu'un besoin désespéré d'amour" écrit-il à Malena.
On ne saura pas tout. Mais c'est justement ce qui n'est pas dit qui me permet d'imaginer en tant que lecteur.
Par exemple, Malena l'aimait-il, malgré tout ? On peut le penser.
Mais Grunberg ne juge pas ses personnages, meme s'il montre leurs contradictions et leurs limites.
Je ne suis pas certain que le livre soit son meilleur, mais il m'a fait réfléchir, et même il a contribué à me laisser éveillé après l'avoir lu !
bix_229- Messages : 15439
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Re: Arnon Grunberg
Tirza
Ce qui frappe d’entrée, c’est le personnage de la mère qui s’est enfuie voilà trois ans, une sorte de monstre qui fait intrusion inopinément (rejetée par ses amants successifs) pour fustiger son mari qui ne l’aurait jamais satisfaite sexuellement et braver sa fille qu’elle a abandonnée ‒ alors que les deux avaient pu reconstituer une vie familiale, débarrassés de son narcissisme manipulateur (une inversion des rôles peu souvent rendue par le roman).
Le père, Jörgen Hofmeester, est un homme complaisant, maladroit, aboulique, et fort impressionné par la réussite sociale (d’origine modeste, c’est peut-être la cause de sa mesquinerie), ce qu’il n’a pas transmis à ses filles si aimées, Ibi et Tirza, qui sont ce qui compte pour lui dans la vie (jusqu’à être un "papa poule" possessif). Elles le traitent parfois de fou, son épouse invariablement d’incapable et d’impuissant : c'est un inutile, un raté.
Le personnage de Jörgen m’a paru être malhabilement rendu, l’image qu’on s’en fait est un peu incohérente, plus brouillée que trouble : on s’explique mal comment, si atone, il peut gifler sa femme. Je m’explique mal également que sa famille le blâme d’avoir réagi violemment en découvrant sa fille de quinze ans se faire baiser sur un coin de table par le locataire, mais peut-être est-ce une attitude courante aux Pays-Bas. On apprend aussi que ce pays on n’a légalement pas le droit de licencier un senior (on l’écarte avec les salaires dus jusqu’à la retraite ‒ ce qui survient à Jörgen).
Aperçu de la jeunesse perdue (une de plus), apathique et sans empathie ; une mère absente, et un père dépassé ; Tirza vit une période de « troubles alimentaires », « la maladie de la classe moyenne blanche ». Suite à la fête de fin d’études secondaires de Tirza (ou Jörgen se montrera très serviable, puis lubriquement transgressif), la jeune fille partira pour un long voyage en Afrique avec son « petit ami » marocain, que Jörgen identifie à Mohammed Atta (un pilote du 11 septembre).
Si « l’épouse » est folle de son corps et uniquement préoccupée d’elle-même, les filles (et leurs relations) sont sexuellement très libérées également, et Jörgen, sans le même empressement, est aussi besogné par sa libido (surtout quand il s’alcoolise du « seul remède efficace contre la honte »).
Une réflexion intéressante, tandis que Jörgen a un poste dans l’édition :
Ce qui frappe d’entrée, c’est le personnage de la mère qui s’est enfuie voilà trois ans, une sorte de monstre qui fait intrusion inopinément (rejetée par ses amants successifs) pour fustiger son mari qui ne l’aurait jamais satisfaite sexuellement et braver sa fille qu’elle a abandonnée ‒ alors que les deux avaient pu reconstituer une vie familiale, débarrassés de son narcissisme manipulateur (une inversion des rôles peu souvent rendue par le roman).
Le père, Jörgen Hofmeester, est un homme complaisant, maladroit, aboulique, et fort impressionné par la réussite sociale (d’origine modeste, c’est peut-être la cause de sa mesquinerie), ce qu’il n’a pas transmis à ses filles si aimées, Ibi et Tirza, qui sont ce qui compte pour lui dans la vie (jusqu’à être un "papa poule" possessif). Elles le traitent parfois de fou, son épouse invariablement d’incapable et d’impuissant : c'est un inutile, un raté.
Le personnage de Jörgen m’a paru être malhabilement rendu, l’image qu’on s’en fait est un peu incohérente, plus brouillée que trouble : on s’explique mal comment, si atone, il peut gifler sa femme. Je m’explique mal également que sa famille le blâme d’avoir réagi violemment en découvrant sa fille de quinze ans se faire baiser sur un coin de table par le locataire, mais peut-être est-ce une attitude courante aux Pays-Bas. On apprend aussi que ce pays on n’a légalement pas le droit de licencier un senior (on l’écarte avec les salaires dus jusqu’à la retraite ‒ ce qui survient à Jörgen).
Aperçu de la jeunesse perdue (une de plus), apathique et sans empathie ; une mère absente, et un père dépassé ; Tirza vit une période de « troubles alimentaires », « la maladie de la classe moyenne blanche ». Suite à la fête de fin d’études secondaires de Tirza (ou Jörgen se montrera très serviable, puis lubriquement transgressif), la jeune fille partira pour un long voyage en Afrique avec son « petit ami » marocain, que Jörgen identifie à Mohammed Atta (un pilote du 11 septembre).
Si « l’épouse » est folle de son corps et uniquement préoccupée d’elle-même, les filles (et leurs relations) sont sexuellement très libérées également, et Jörgen, sans le même empressement, est aussi besogné par sa libido (surtout quand il s’alcoolise du « seul remède efficace contre la honte »).
Une réflexion intéressante, tandis que Jörgen a un poste dans l’édition :
« Nous devons faire des livres pour les gens qui n’ont pas le temps de lire. […] la seule idéologie qui nous survivra à tous : le client est roi. »
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15927
Date d'inscription : 09/12/2016
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Localisation : Guyane
Re: Arnon Grunberg
c'est la sexualité qui prime dans ce livre ?
"On apprend aussi que ce pays on n’a légalement pas le droit de licencier un senior (on l’écarte avec les salaires dus jusqu’à la retraite ‒ ce qui survient à Jörgen)."
tu penses que c'est actuel ? dans quelle époque se situe le livre ?
"On apprend aussi que ce pays on n’a légalement pas le droit de licencier un senior (on l’écarte avec les salaires dus jusqu’à la retraite ‒ ce qui survient à Jörgen)."
tu penses que c'est actuel ? dans quelle époque se situe le livre ?
_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21645
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Re: Arnon Grunberg
As-tu lu les commentaires de Shanidar et le mien sur Tirza , ça éclaire parfois…Bédoulène a écrit:c'est la sexualité qui prime dans ce livre ?
"On apprend aussi que ce pays on n’a légalement pas le droit de licencier un senior (on l’écarte avec les salaires dus jusqu’à la retraite ‒ ce qui survient à Jörgen)."
tu penses que c'est actuel ? dans quelle époque se situe le livre ?
bix_229- Messages : 15439
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Localisation : Lauragais
Re: Arnon Grunberg
c'est fait Bix, en effet j'aurais du remonter le fil !
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Bédoulène- Messages : 21645
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Localisation : En Provence
Re: Arnon Grunberg
Le livre est sorti en 2006, et se passe à l’époque contemporaine ; non, ce n'est pas vraiment la sexualité qui prime, mais c'est une donnée importante du livre.
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Tristram- Messages : 15927
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Localisation : Guyane
Re: Arnon Grunberg
merci Tristram !
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Bédoulène- Messages : 21645
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