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Aziz Chouaki

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Message par Dreep Ven 24 Déc - 17:44

Aziz Chouaki

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(1951 - 2019)

Bibliographie :

Aziz Chouaki est né à Tizi Rached, en Algérie française à l'époque, dans une famille d'instituteurs. Dès 1955, en pleine guerre d'Algérie, il rejoint la capitale avec sa mère institutrice. Profondément marqué par l'abandon de son père, il se réfugie dans les livres. Il est élevé au carrefour de deux langues : le berbère et le français.

C'est en fouinant dans la bibliothèque de la caserne qu'il découvre la littérature française classique. À sa sortie, en 1977, il se met à écrire. En 1983, il publie à compte d'auteur un recueil de nouvelles et de poèmes au style très particulier : Argo (Le diadème était maudit, Feux et Encres, Intronisant fatal le venin, Le Serpent vénérant royal, Fiel et Science, Le siècle était bien funeste).

Après des études de lettres anglaises à la Université d'Alger, il entame un magister sur Ulysse, de James Joyce. Parallèlement à ce cursus universitaire, il se frotte dès 17 ans à la musique. Rapidement professionnel, il devient un acteur majeur du milieu rock algérois, bien loin du circuit traditionnel. Guitariste héritier des traditions musicales pieds-noirs, il écume les cabarets de la côte algéroise en jouant autant le répertoire des Beatles et de Jimi Hendrix que de Wes Montgomery. La musique va durablement marquer sa démarche d'auteur : Chouaki se dit influencé autant par Rabelais et Borges que par Miles Davis.

En 1988, il publie Baya, un premier roman assez singulier. Ce long monologue d'une femme donne la parole à l'inconscient féminin algérien : à la fois pur produit colonial et dépositaire de la tradition algéroise, Baya incarne l'Algérie nostalgique du « temps de la France ». Ayant un lourd complexe d'identité, il écrit notamment :

« Paris gris dehors pluvieux, chaud dedans radieux. Les belles voitures de luxe, feutrées, le métro tout clinquant, net. Les Arabes et les Noirs, ils rasent les murs, ça se voit; il y en a un il était en chemise, il tremblait de froid mais va t'acheter une veste, mon vieux ! Ou alors dégage : il me donne honte d'être algérienne. J'ai rien à voir avec cette chose crépue moi ! »

— Aziz Chouaki, Baya

Ce texte est repéré en 1990 par le metteur en scène Jean-Pierre Vincent, alors directeur du Théâtre des Amandiers de Nanterre, qui aura cette phrase à l'adresse de l'auteur : « Tu es comme Monsieur Jourdain, tu fais du théâtre sans le savoir ! ». Le texte est monté aux Amandiers en 1991. À la grande surprise de l'auteur lui-même, une carrière de dramaturge s'amorce.

En 1988, sur fond d'islamisme radical, l'Algérie est le théâtre d'émeutes populaires. Durant cette période, Aziz Chouaki signe chaque semaine dans le Nouvel Hebdo des « Nouvelles sulfureuses » qui mettent en scène autant le FLN que les islamistes. Des menaces de mort le persuadent de quitter le pays définitivement le 11 janvier 1991.

Exil parisien : le théâtre
En 1997, il publie aux éditions Mille et une nuits Les Oranges, texte majeur du théâtre francophone qui rencontre son public et la critique. À la fois fable et fresque historique, le texte raconte l'histoire du peuple algérien à travers la métaphore des Oranges.

Ce texte est joué fréquemment en France et à l'étranger. Cependant, l'écriture romanesque reste son territoire de prédilection. Entre 2000 et 2004 paraîtront Aigle, L'Étoile d'Alger (publié dans plusieurs langues, Prix Fnac 2004, Prix Flaiano 2006 à Rome) et Arobase.

Au théâtre se tisse un long compagnonnage entre l'écriture d'Aziz Chouaki et le metteur en scène Jean-Louis Martinelli, directeur du Théâtre des Amandiers de Nanterre, qui lui commande plusieurs textes (Zoltan, Corsica, Esperanza), dont Une virée, monté en 2004, 2005, 2006. S'ensuit une adaptation pour le théâtre suédois en 2007 : « Tel l'auteur suédois Lars Norén, Aziz manie de la dynamite et parvient à nous faire rire alors même que ses 3 personnages — trois grands paumés du monde — nous entraînent dans une descente aux enfers », affirme Jean-Louis Martinelli.

Ce compagnonnage avec Jean-Louis Martinelli (marqué également par la mise en scène du texte Les Coloniaux en 2009) ira jusqu'à une commande d'écriture autour du Dom Juan de Molière, texte mis en espace par Michel Didym et Laurent Vacher à la Mousson d'été en 2006. « C'est à partir de cette structure — celle d'un Dom Juan qui trahit toutes les formes de pureté — qu'Aziz Chouaki laisse sa langue magnifique pénétrer dans la modernité de ce mythe si présent », déclare Michel Didym.

« Quel parcours, quel parcours. Je suis né de poussières de paroles, moi, de présents lambeaux de propos, Dom Juan, de balcon à balcon, bribes de marchés andalous, racontars de bars à tapas, coutelas et vin sombre, légendes d'arrière mémoire (...). Molière a moulé mes raisons, il a mis des étoiles dans le flot de ma fange. Puis j'ai voyagé, beaucoup, au hasard des plumes, tant y a du jus à jouir, dandy absolu chez Baudelaire, héros romantique chez Mozart mille e tré, je me suis retrouvé icône de classe chez Brecht, de retour d'exil chez Pouchkine, à la fois carpe et lapin, toujours entre l'ail et la croix, quoi, le soufre et le ciel. »

— Aziz Chouaki, Dom Juan, acte IV, scène 1.

Bibliographie :

1982 : Argo, Alger, éd. L'Unité (poèmes/nouvelles)
1989 : Baya, Alger, éd. Laphomic (roman)
1998 : Les Oranges, éd. Mille et une nuits (théâtre)
2000 : Aigle, éd. Gallimard (roman)
2001 : Avoir 20 ans à Alger, éd. Alternatives (fiction)
2001 : El Maestro, éd. Théâtrales (théâtre)
2002 : L'Étoile d'Alger, éd. Balland, éd. Points Seuils, 2004 (roman)
2004 : Arobase, Balland (roman)
2005 : Une virée, éd. Théâtrales (théâtre)
2007 : Le Tampon vert, éd. Théâtrales (théâtre)
2009 : L'Argent, collectif, commande de la Comédie-Française
2009 : Aigle, éd. Ex Aequo (réédition)
2009 : Les Coloniaux, éd. Mille et nuits (théâtre)
2009 : Dom Juan, éd. Solitaires intempestifs (théâtre)
2010 : Chez Mimi, éd. Les Cygnes (théâtre)
2011 : La Pomme et le Couteau, éd. Les Cygnes (théâtre)
2012 : Zoltan, éd. Les Cygnes (théâtre)
2014 : Esperanza (Lampedusa), éd. Les Cygnes (théâtre)
2018 : Nénesse, éd. Les Cygnes (théâtre).

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Message par Dreep Ven 24 Déc - 17:44

Les Oranges

Aziz Chouaki Les_oranges

Une vie qui s'étale dans le temps (1830 - 1990), une petite histoire qui roule sur la grande. Déstructuré sur le plan narratif, le récit se cristallise quelques moments de tensions, des espaces saturés de vacarmes : débauche sonore, liesse populaires, révoltes sanguinaires, bruit de coup ou de pistolet... Sur cette toile de fond le récit entrecoupé du narrateur se mêle à des dialogues sans suite, dans le vague et dans le vin. Les différentes références contextuelles sont disposées de façon tout aussi éclatée mais elles répondent à une logique historique. Dans cette Algérie, les différentes tendances et les cicatrices de l’Histoire s’entrechoquent, ce qui confine au désarroi permanent, voire au conflit ― une vision du pays qui sous-tend le texte d’Aziz Chouaki. Dans ce chaos, la langue s’appuie sur l’oralité, ou pour mieux dire la sonorité des mots, derrière lesquels on devine une grande amertume, nerveuse ou ironique ; le style a un impact direct. Tout se tient également par une ligne d’échos et de métaphores élégantes, même si elles sont mystérieuses : les œufs et les mots, la paix des oranges, le cœur d’une pastèque dans le style d’un écrivain auquel Chouaki fait souvent référence, Camus. Un texte bluffant, c’est le bordel mais c’est harmonieux…

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