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Message par Nadine Jeu 27 Jan - 18:10

j'ai cherché dans les bouquineries (le miens est pas chez moi) et demain ou samedi la bouquiniste tâche de m'en retrouver un.
Je suis pour. ça s'impose Wink
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Message par animal Jeu 27 Jan - 19:38

je vous suivrai avec curiosité cat

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Message par Bédoulène Ven 28 Jan - 14:10

je vous lirai

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Message par Tristram Ven 28 Jan - 14:51

Tu ne vas pas le relire, Bédou ?!

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Message par topocl Dim 30 Jan - 20:09

Le grand Meaulnes

L’intrigue paraît bien ordinaire : on a tant vu ces garçons en galoche et leurs rêves d’enfants, ces instituteurs sévères mais justes, ces cours d’école, ces jeunes filles lointaines et fascinantes, ces serments définitifs d’amour et d’amitié.

Le grand Meaulnes est cet adolescent à part, étrange, fascinant. Nous en avons tous et toutes croisés, du temps de notre adolescence.
Les romans racontent souvent comment cet adolescent a peu à peu fait des compromis, rompu ses promesses naïves de jeunesse, et se retournant se demande  : mais que suis-je devenu ? Quelles trahisons ai-je acceptées ? Les illusions perdues, en quelque sorte...
Mais Meaulnes n’est pas de ceux là, c’est un pur, voué au tourment et à la solitude de sa pureté, pris dans les ambiguïtés de sa fidélité. Et François, l’ami fidèle et souffrant y assiste, impuissant et tout aussi désemparé.

Ajoutez à cela cette part de folie et de rêves, cette fête étrange, ces lumières dans la nuit, ce domaine perdu, ces bohémiens qui rodent, ces attelages qui courent, ce côté fantasmagorique la Dhôtel.

Et un style d’une pureté, d’une précision, qui comme je l’ai dit ailleurs raconte, sans un soupçon de mièvrerie, cette histoire qui pourrait, justement, être toute en mièvrerie.

Quatrième lecture, peut-être, pour moi, et je reste sous le charme de ce mystère, de cette mélancolie frisant le désespoir.

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Message par Pinky Dim 6 Fév - 14:19

Après des lectures plus difficiles comme La Chambre de Jacob et plus farfelue  comme Pas de nouvelles de Gurb, Le Grand Meaulnes apparaît simple (dans le bon sens du terme), disons "frais", il me fait penser à un album de jeunesse de Chris Van Allsburg : Boréal Express, le rêve d'enfant dont les adultes sont exclus. Ici, c'est le rêve d'adolescent : la fête, la nuit, l'étrangeté, la jeune fille, les barques, les costumes qui permettent à chacun d'oublier sa condition, les enfants :échapper à la vie courante. C'est le souvenir que j'avais du livre, les lumières dans la nuit, dans la forêt, quand je l’avais lu adolescente, cela fait bien longtemps
On a envie de connaître la suite, le destin de Franz de Galais et puis bien sûr de sa sœur Yvonne. On pourrait trouver cela mièvre mais les rêves le sont-ils ? je dirais plutôt magique, féérique et quand on connaît le Berry, la Sologne et les étangs, les images viennent d'elles-mêmes.

« Nous étions arrivés en ce lieu par un dédale de petits chemins, tantôt hérissés de cailloux blancs, tantôt remplis de sable – chemins qu’aux abords de la rivière, les sources vives transformaient en ruisseaux. Au passage, les branches des groseilliers sauvages nous agrippaient  par la manche. Et tantôt nous étions plongés dans la fraiche obscurité des fonds de ravins, tantôt au contraire les haies interrompues nous baignions dans la claire lumière de toute la vallée. Au loin sur l’autre rive, quand nous approchâmes, un homme accroché aux rocs d’un  geste lent, tendait des cordes à poissons. Qu’il faisait beau, mon Dieu !"

Il y a aussi toute cette vie d'autrefois, les chevaux, les voitures, les enfants en sabots, le feu dans le cheminée. Cette lessive mise à sécher dans la salle de classe et non sur les haies pour cause de pluie.
Ce qui m'a frappé ensuite, c'est l’éloge de l'enfance. Je n'ai pas retrouvé le passage où Meaulnes en parlant, je crois de Jasmin dit : et il croit qu'à 17 ans, on est un homme. Les adultes sont absents ou vraiment au second plan. M.Seurel est un instituteur qui calme les conflits, fait faire silence ou accompagne les élèves en forêt mais on n'en sait pas plus. Les enfants, les jeunes semblent très libres. On les suit, on partage leurs découvertes.
"
Pour la première fois me voilà, moi aussi, sur le chemin de l'aventure. Ce ne sont plus des coquilles abandonnées dans  les eaux que je cherche, sous la direction de M.Seurel ni des orchis que le maitre d'école ne connaisse pas, ni même comme cela nous arrivait souvent dans le champ du père Martin, cette fontaine profonde et tarie, couverte d'un grillage, enfouie sous tant d'herbes folles qu'il fallait chaque fois plus de temps pour la retrouver .Je cherche quelque chose de plus mystérieux encore. C'est le passage dont il est question dans les livres, le passage obstrué, celui dont le prince harassé de fatigue n'a pu trouver l'entrée. Cela se découvre à l'heure la plus perdue de la matinée quand on a depuis longtemps oublié qu'il va être onze heures, midi..
.....
Nous entendions dire quelquefois comme s'il se fût agi d'une expédition extraordinaire : "il a été jusqu'à la maison du garde !..."
Cette fois, je suis allé jusqu'à la maison de Baladier, et je n'ai rien trouvé."

"Nous entendions causer et rire les autres, près de nous, au-dessous de nous, invisibles dans l'ombre, tandis que Delouche racontait ses histoires d'homme...

"Certes j'aurais voulu revoir pour une fois Melle de Galais, seulement la revoir ...Mais, j'en suis persuadé maintenant, lorsque j'avais découvert le Domaine sans nom, j'étais à une hauteur, à un degré de perfection et de pureté que je n'atteindrai jamais plus. Dans la mort seulement, comme je te l'écrirais un jour, je retrouverai peut-être la beauté de ce temps-là..."

"Voyons Frantz, répondis-je, le temps des fantasmagories et des enfantillages est passé.
.....
Il me montrait un visage où, dans la poussière et la boue, les larmes avaient tracé des sillons sales, un visage de vieux gamin épuisé et battu. Ses yeux étaient cernés de taches de rousseur ; son menton mal rasé ; ses cheveux trop longs trainaient sur son col sale. Les mains dans les poches, il grelottait. Ce n'était plus ce royal enfant en guenilles des années passées."
"Le bohémien me regardait dans les yeux avec une volonté de confiance vraiment admirable. Quinze ans, il avait encore et tout de même quinze ans ! l'âge que nous avions à Sainte-Agathe, le jour du balayage des classes, quand nous fîmes tous les trois ce terrible serment enfantin

Elle écoutait gravement , tendrement, avec un intérêt quasi maternel, le récit de nos misères de grands enfants. Elle ne paraissait jamais surprise, pas même de nos enfantillages les plus audacieux, les plus dangereux.
De cette foi qu'elle gardait dans les rêves enfantins de son frère, de ce soin qu'elle apportait à lui conserver au moins des bribes de ce rêve dans lequel il avait vécu jusqu'à vingt ans, elle me donna un jour la preuve la plus touchante et je dirai presque la plus mystérieuse

Et chaque fois il nous semblait que quelque chose comme un grand vent dans les carreaux cassés du grenier, comme un chagrin mystérieux d'enfants inconnus, se lamentait silencieusement.
......
Et quand cela lui plaisait, un jeudi, un dimanche, n'importe quand, Frantz partait habiter sa maison comme un homme. Les enfants des fermes alentour venaient jouer avec lui, l'aider à faire son ménage, travailler dans le jardin . C'était un jeu merveilleux !


Des semaines, des mois passèrent. Epoque passée ! Bonheur perdu ! de celle qui avait été la fée, la princesse et l'amour mystérieux de toute notre adolescence, c'est à moi qu'il était échu de prendre le bras et de dire ce qu'il fallait pour adoucir son chagrin, tandis que mon compagnon avait fui.


" j'ai désespéré mon fiancé .Je l'ai abandonné parce qu'il m'admirait trop ; il ne me voyait qu'en admiration et non point telle que j'étais. Or, je suis pleine de défauts. Nous aurions été très malheureux."
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Message par Tristram Dim 6 Fév - 15:06

Pinky a écrit:M.Seurel est un instituteur qui calme les conflits, fait faire silence ou accompagne les élèves en forêt mais on n'en sait pas plus. Les enfants, les jeunes semblent très libres.
A noter quand même que cet instituteur est le père du narrateur, François, qui le vouvoie...
Voici le passage, à propos de Jasmin effectivement (II, 4) :
C’est ce Delouche surtout qui me déplaît. Quelle idée de faire l’homme à dix-sept ans ! Rien ne me dégoûte davantage…

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Message par Pinky Dim 6 Fév - 16:18

Merci Tristram, c'est bien le passage !
François vouvoie son père, c'est une habitude d'enfant d'enseignant qui joue le jeu de l'élève "anonyme" en l'appelant aussi M. Seurel
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Message par Tristram Dim 6 Fév - 16:20

Tout à fait ; en fait ça lui est imposé, par nécessité de discipline et de traitement égalitaire.

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Message par Pinky Dim 6 Fév - 16:36

Ce qui m'a frappé c'est l'âge, 17 ans ça pourrait paraître déjà un "âge d'homme" au début du XXe siècle et juste avant la guerre pendant laquelle des garçons de cet âge ont combattu (je sais que c'est écrit avant la guerre mais on nous dit souvent qu'à notre époque l'adolescence n'en finit pas)
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Message par Tristram Dim 6 Fév - 16:43

Oui, il faut sans doute relativiser. Je viens de finir Entre ciel et terre, de Jón Kalman Stefánsson, est "le gamin" dans l'histoire a... vingt ans !

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Message par topocl Dim 6 Fév - 21:52

Tristram a écrit:Tout à fait ; en fait ça lui est imposé, par nécessité de discipline et de traitement égalitaire.
Le père n’est absolument pas décrit comme père, seule la figure de l'instituteur apparait. En tout cas dans ce qu'il m'en reste.

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Message par Tristram Dim 6 Fév - 21:56

Topocl a écrit:Le père n’est absolument pas décrit comme père, seule la figure de l'instituteur apparait. En tout cas dans ce qu'il m'en reste.
Tout à fait ; je ne vois pas de contradiction.
En fait, cette attitude n'a rien d'exceptionnel, et c'est d'ailleurs ce trait du fils ramené à un élève ordinaire par son père instituteur qui m'avait donné une impression de déjà-lu.

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Message par Pinky Jeu 10 Fév - 10:13

Henri Fournier  à Jacques Rivière 21 avril 1906
Tu l’as dit : Claudel a créé une vie et un monde à lui, mais c’est seulement dans ce monde que ses idées sont puissantes, ardentes, multipliées, innombrables...


Jacques Rivière à Henri Fournier 11 juillet 1906

….Révèle-nous ta science et ta communion en un livre, qui soit beau comme du Claudel et très différent de Claudel.


Lettre à Jacques Rivière 22 août 1906
Mon credo en art et en littérature : l'enfance. Arriver à la rendre sans aucune puérilité, avec sa profondeur qui touche les mystères. Mon livre futur  sera peut-être un perpétuel va-et-vient insensible du rêve à la réalité, "Rêve" entendu comme l'immense et imprécise vie enfantine planant au-dessus de l'autre  et sans cesse mise en rumeur par les échos de l'autre
.

Réponse de Jacques Rivière 20 septembre 1906
oui l'imminence de l'enfance sur la vie toute entière ; c'est bien cela ton art : ce sera cela quand tu seras plus résolu encore et plus oublieux de toute littérature. Et alors, ce sera très beau. J'imagine par instants ce que pourra être avec ta passion du terroir et des paysans. Je rêve d'une épopée (non comme dimension mais comme caractère). Ce sera beau. Oui aussi le particulier...

Henri Fournier à Jacques Rivière 24 décembre 1907
Mon cher Jacques,
Te rappelles-tu quand on revient d’Ivoy par la route de Bourges, une fois passé dans le bas de la station du chemin de fer, cette longue côte pleine de tournants qui regagne le bois ? Sur la côte, au-dessus de la vallée, arrêté dans la boue de la route, me voici encore ! me voici et je suis vivant ! toutes les couleurs de l’été qui étaient vivantes et qui ne cessaient de bouger et de papilloter sont mortes ; il n’y a plus que ces branches noires partout dressées ; et ce bleu accumulé dans les lointains sur Henrichemont et sur les bois ; et de l’eau ! L’eau, je l’entends, tout en bas, dans la Sauldre, faire son travail ; je la vois, dans la prairie en flaques nettes comme de la glace ; elle a raviné tous les chemins et fait cette boue grise qui m’empêche de monter les côtes à bicyclette. IL ne reste plus qu’elle, l’hiver, dans la campagne vide. Tout est mort, excepté elle, et moi !
Mais je suis là, comme tout ce monde, à méditer et à attendre. Je suis arrêté et ce sont mes pensées qui travaillent. De l’autre côté de la haie, tout près de moi, sur le versant de la côte, une ferme. C’est l’hiver. Quelqu’un cogne ses sabots sur le seuil avant d’entrer, pour enlever la boue. Dans le jardin, les silos de betteraves sont entamés. De la grange au jardin, de la maison aux étables, cet après-midi d’hiver, il y a mille voyages et un monde. L’homme taciturne et paisible qui était libre et vivant là-dedans, on me l’a enlevé et on a voulu le domestiquer. On a ri de son monde, de ses marchés, de la dévalée de ses champs et de sa pensée, taciturne et paisible.

Henri Founier à Jacques Rivière 15 avril 1908

J"aimerais qu'il y  eût dans mes livres, un livre ou un chapitre intitulé : la Fin de  la Jeunesse.


Henri Fournier à René Bichet 6 septembre 1908

Ce ne serait pas assez dire qu' "élégante". Le mot pureté est celui qui lui convient toujours ; à sa toilette, à son grand manteau marron, comme à son corps que je n'ai jamais imaginé, comme à son visage !
Cependant cette toilette de dame, si belle et si française qu'elle fût, semblait encore trop lourde pour la sveltesse de son corps mince et grand et pour sa taille invraisemblable
je n'ai jamais vu rien de si enfantin et de si grave à la fois.

Henri Fournier à  Jacques Rivière : 20 septembre 1908
Trouverai-je des mots pour l’épisode qui termina notre grand voyage à pied, à la dernière heure, quand notre âme était notre propre corps, rafraichie, reposée et comme arrêtée. Dans les « dernières », comme on dit à La Chapelle, d’une rue à ce bourg, nous avions été acheter du vin à de petits propriétaires.
…………..
Puis des gens s’affairèrent pour nos commissions ; une enfant est venue s’asseoir près de la table pour lire. Les mains sur les genoux, tirant sa petite robe, elle était d’une gravité presque douloureuse. Tout lui paraissait également et infiniment important. Elle appelait par leur nom tout entier avec « Monsieur » les gens dont sa mère avait besoin….Je n’ai jamais eu aussi intensément l’impression de deux vies, l’une extérieure et insignifiante, l’autre telle que la grave petite fille devait la concevoir. Combien tout cela devait être déjà mystérieux et passé, pour elle, combien impossible à raconter tant c’était simple. Il me semblait que je m’étais arrêté un instant dans le profond pays d’une âme vivante ; ou plutôt que cet instant-là était à moi et se trouvait au contraire parmi les origines enfantines et mystérieuses de mon âme, qui, ce soir-là, recommençait à vivre et à désirer.

Réponse de Jacques Rivière, 29 septembre 1908
……
Quand j’ai lu ton récit de la soirée dans le jardin avec la petite fille, j’ai compris jusqu’aux larmes en quoi cela était infiniment distant de Jammes, et terriblement beau et profond, et près de moi. Ce que je hais en Jammes, surtout depuis qu’il est catholique, c’est qu’il est satisfait ; c’est qu’il trouve que tout va bien, comme on est content de l’ordre qu’il y a dans une chambre.


Cet échange illustre les différentes discussions entre Henri F et Jacques R. à propos de Jammes. Jacques R. met souvent en garde son ami contre l’influence de Jammes.

Jacques Rivière à Henri Fournier 30 mars 1910
....J'ai réfléchi aux causes de cette passivité en toi. Tu as eu une enfance si belle, si lourde d'imagination et de paradis, qu'en la quittant la maigreur de la vie t'a découragé. C'a été comme si tu avais déjà vécu ta vie ; comme si tu n'avais plus qu'à la répéter en mémoire, qu'à te la raconter interminablement à toi-même. C'est terrible. Mais il ne faut pas accepter cela.


Henri Fournier à Jacques Rivière, 4 avril 1910

Ce que Jacques dit de mon enfance est très vrai et très beau. Meaulnes, le grand Meaulnes, le héros de mon livre est un homme dont l'enfance fut trop belle. Pendant toute son adolescence, il la traîne après lui. Par instant, il semble que tout ce paradis imaginaire qui fut le monde de son enfance va surgir au bout de ses aventures, ou se lever sur un de ses gestes. Ainsi le matin d'hiver où, après trois jours d'absence inexplicable, il rentre à son cours comme un jeune dieu mystérieux et insolent - Mais il sait déjà que ce paradis ne peut plus être. Il a renoncé au bonheur. Il est dans le monde comme quelqu'un qui va s'en aller. C'est là le secret de sa cruauté. Il découvre la trame et révèle la supercherie de tous les petits paradis qui s'offrent à lui - Et le jour où le bonheur indéniable, inéluctable se dresse devant lui, et appuie contre le sien son visage humain, le grand Meaulnes s'enfuit non point par héroïsme mais par terreur, parce qu'il sait que la véritable loi n'est pas de ce monde.
.....
A cette question que tu poses : Faut-il être heureux ? Je réponds que oui, que je recommence à croire qu'il faut être heureux, que le grand Meaulnes est un grand ange cruel mais qu'il n'est pas un homme.
Je trouve cette dernière phrase particulièrement éclairante sur la relation d'Henri Fournier à la pureté et aux femmes. Il est assez explicite dans sa correspondance sur son attitude cruelle par rapport à ses maitresses, en particulier à Jeanne Bruneau qui a inspiré le personnage de Valentine.


Henri Fournier à Jacques Rivière 11 août 1910

De plus en plus mon livre est un roman d'aventures et de découvertes.
.....
Ce sera intéressant dans mon livre où le monde sera ainsi tout simplement et merveilleusement sans machines - mais aussi sans théories.

Pour les influences littéraires revendiquées, Claudel et Jammes, on peut ajouter Rimbaud et en musique Debussy.
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Message par Tristram Jeu 10 Fév - 11:41

Oui, éclairant ! J'avais aussi été frappé par la récurrence de la couleur "marron".

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Message par Pinky Jeu 10 Fév - 11:44

Oui et le manteau marron revient sans cesse dans les descriptions d'Yvonne de Quièvrecourt comme ses chevilles fines prêtes à se casser, c'est quasiment copié/collé.
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