Alain Dister
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Alain Dister
Alain Dister
(1941-2008)
(1941-2008)
Alain Dister, de son vrai nom Alain Sicard Desailly, naît à Lyon le 25 décembre 1941, fils de haut fonctionnaire.
Il part pour la Californie en 1966, et s'installe dans le quartier de Haight-Ashbury, à San Francisco, où il vit en vendant ses dessins et ses peintures. Il participe à l'émergence de la communauté hippie et fréquente en particulier le collectif Family Dog, qui organise des concerts. Un an durant, invité par Jerry Garcia et Bob Weir, il habite la maison du groupe Grateful Dead, « emblème du mouvement hippie ».
Rentré en France en 1969, il cofonde et travaille pour le magazine spécialisé « Rock & Folk ». Son ouvrage « Oh, hippie days ! » rend compte de l'Amérique de la fin des années 1960 (la libération sexuelle, les drogues, la musique psychédélique, etc.), qu'il a lui-même vécue, avec une touche Beat Generation à laquelle il consacrera un livre, « La Beat Generation : la révolution hallucinée », en 1997.
Photographe, notamment connu pour ses photographies du monde du rock'n'roll et des États-Unis des années 1960, il expose ses œuvres dans divers musées et galeries à travers le monde. Son regard sur les attitudes, les esthétiques du rock, du punk et de divers courants non pris en compte à l'époque par la culture académique (notamment en France), fait de lui un témoin de la « contre-culture ».
Dans les années 1980 Alain Dister produit des émissions de radio pour France Culture, des films documentaires, en particulier pour l'émission télévisée « Les Enfants du rock ». Il a été critique d'art pour la revue « Connaissance des arts ».
En 2007 Dister lègue sa bibliothèque personnelle à la bibliothèque Robert-Desnos de Montreuil en Seine-Saint-Denis.
Il vit et travaille à Paris, puis, de 2000 jusqu'à son décès, en Bourgogne, à Ménétreux-sous-Pisy.
Ouvrages
• « Jimi Hendrix : Rock Genius » (1972, collection 'Histoire du Rock' no 1)
• « Les Beatles » (1972, republié en 2004)
• « Le Rock anglais » (Albin Michel/Rock & Folk, 1973)
• « Frank Zappa et les mothers of invention » (1975)
• « Le Livre du Pink Floyd » (1978)
• « Led Zeppelin : une illustration du Heavy Métal » (1980)
• « It's only rock'n'roll » (1989)
• « The Cure » (1989)
• « L'Âge du rock », coll. « Découvertes Gallimard / Arts » (no 160), Paris : Gallimard (1992)
• « D'où viens-tu Johnny ? » (1993)
• « Vivre vite : Chroniques de la course automobile », coll. « Découvertes Gallimard / Culture et société » (no 267), Paris : Gallimard (1995)
• « Cultures rock » (1996)
• « La Beat Generation : La révolution hallucinée », coll. « Découvertes Gallimard / Littératures » (no 334), Paris : Gallimard (1997), (ISBN 978-2-0705-3420-3)
• « Ezy rider : en voyage avec Jimi Hendrix » (1998)
• « Grateful Dead : une légende californienne » (2004, republié en poche 2007)
• « Minimum Rock'n'Roll, no 2 : Bagnoles, Dragsters, Autoroutes de l'enfer » (2005)
• « Oh, hippie days ! Carnets américains 1966-1969 » (2001, republié en 2006 ; (ISBN 978-2-2135-9883-3 et 978-2-2903-4722-5))
• « Couleurs sixties » (2006)
• « Punk rockers ! » (2006)
• « Rock critic », Le Castor astral (2007)[1] [archive]
ArenSor- Messages : 3428
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Alain Dister
Oh, Hippie Days !
Carnets américains, 1966-1969
En juillet 1966, Alain Dister profite d’un vol charter pour gagner New-York.
Très vite, Alain Dister se trouve confronté à la dureté du pays : bouges infects pour dormir, soupes populaires. La scène culturelle est encore fortement marquée par le phénomène Beatnik. C’est aussi l’apogée du free jazz : Coltrane, Pharoah Sanders, Albert Ayler… Dans les cafés du Village se croise une faune hétéroclite, chacune avec ses codes :
A l’automne, Dister reprend la route, toujours en stop, remonte sur Vancouver, rejoint les grands lacs, puis New-York. Retour en France.
Il revient sur place en juillet 1967 et mesure les changements intervenus depuis un an. Le « Summer of Love » bat on plein avec ses effets de mode et ses dérives inévitables
Dister s’intègre à une communauté (contrairement à ce que dit la biographie de l’auteur sur Wikipedia, il ne s’agit pas de la maison du groupe « Grateful Dead », mais d’une autre, à côté). On mange végétarien, respire les senteurs d’encens, récite des mantras indiens, absorbe des quantités impressionnantes de drogues variées, écoute de la musique ; on y fait l’amour (souvent) et on réfléchit :
Carnets américains, 1966-1969
En juillet 1966, Alain Dister profite d’un vol charter pour gagner New-York.
Il est muni d’un carnet à dessins (il dessine), d’un appareil photo Canon (il photographie), d’un carnet de notes (il écrit) et d’une poignée de dollars en poche.« Sortir de la banlieue. Quitter la France. Vivre neuf. Ailleurs. »
Très vite, Alain Dister se trouve confronté à la dureté du pays : bouges infects pour dormir, soupes populaires. La scène culturelle est encore fortement marquée par le phénomène Beatnik. C’est aussi l’apogée du free jazz : Coltrane, Pharoah Sanders, Albert Ayler… Dans les cafés du Village se croise une faune hétéroclite, chacune avec ses codes :
Bientôt, Dister profite d’un voyage en limousine (de riches propriétaires paient des conducteurs pour ramener leur voiture de la côte est à la côte ouest) pour découvrir la Californie d’où provient cette nouvelle culture « hippie » ; déplacements en stop : Los Angeles, Hollywood puis San Francisco où il séjourne chez les un et les autres, découvre le quartier de Haight-Ashbury, centre névralgique de la nouvelle culture hippie.« Surtout que dans la salle du fond s’entassent les amis d’Andy Warhol. Sa cour. Les lumières sont tamisées, il se passe de drôles de choses sous les tables. Les gens de la Factory, on les regarde s’avancer comme s’ils venaient d’une autre planète. La tendance hippie du moment ne semble pas les avoir beaucoup affectés. En polos rayés et jeans noirs serrés d’un gros ceinturon, le regard planqué derrière de grosses lunettes sombres qui font le tour du visage, ils fendent la foule sans un mot pour les habitués du bar, attentifs à leur image, cool, de narcisses en veine de beauté. »
A l’automne, Dister reprend la route, toujours en stop, remonte sur Vancouver, rejoint les grands lacs, puis New-York. Retour en France.
Il revient sur place en juillet 1967 et mesure les changements intervenus depuis un an. Le « Summer of Love » bat on plein avec ses effets de mode et ses dérives inévitables
Des milliers de jeunes fuyant une atmosphère provinciale étriquée affluent à San Francisco, ils sont souvent la proie de dealers ou de gourous pas toujours honnêtes. La journaliste Joan Didion (voir le fil) dénonçait aussi de son côté, le phénomène.« Peut-être que les hippies de San Francisco ont quelques bonnes raisons de manifester leur dédain à l’égard des « plastic people » de L.A. Tout autour de Venice Beach, où j’ai trouvé une famille d’accueil provisoire, c’en est plein. De beaux jeunes gens prennent des poses dans des fringues à la mode, créations des couturiers hip de Rodeo Drive et de Melrose Boulevard. Des sandales bibliques aux pieds, avec des lanières de cuir montant à mi-mollet. Des pantalons rayés de couleur pastel. Et des chemises amples aux tons veloutés chatoyants, aux cols démesurés, aux larges manches resserrées aux poignets. Les filles sont en longues robes amples et légères souvent sans rien dessous. Des robes imprimées de motifs floraux et psychédéliques. Elles ne portent pas de maquillage, juste un trait d’eye-liner, parfois un rouge à lèvres très clair, presque blanc. Et des cheveux toujours blonds et lisses, qui tombent loin derrière la nuque et sur la poitrine. Et tout ce joli monde est bronzé, et ne fait strictement rien que se promener sur la piste des patineurs, le long de la plage, en attendant quoi ? Une rencontre d’autres jeunes gens semblablement attifés, une prochaine party sur les hauteurs de Beverly Hills ou de Bel-Air, un « ride » en groupe à bord de cabriolets rugissants, du côté de Malibu Beach ou, peut-être, les plus courageux se lanceront sur des planches de surf à la conquête de la vague miraculeuse, celle qu’on évoque après le coucher du soleil, dans les bars qui jalonnent la plage. « Fun Fun Fun, Surfin’ USA, California Girls… » Un univers de Beach Boys, pleins à ras bord de « Good vibrations ».
« La « runaway » dont on s’inquiète est souvent une fille mineure, quinze-seize ans, sa photo sortie de l’album de l’école, pimpante, souriante, les cheveux sages tirés en arrière, le col Claudine et la petite croix sur le chandail. Sans doute rien à voir avec ce qu’elle est devenue, « hippie chick » à la chevelure en bataille, autour du cou des colliers de perles de toutes les couleurs. Elle a dispersé ses fringues d’Américaine rangée. Elle est vêtue d’un T-shirt et d’un vieux pantalon ramassés au « free store ». Quand il fait froid, elle s’enveloppe d’une couverture grise. Elle marche pieds nus et n’a pas toujours l’occasion de faire un brin de toilette. Elle fait la manche devant le « Drogstore » ou le « I and Thou », parfois elle vend des piles d’« Oracle » et de « Barb » devant le supermarché. »
Dister s’intègre à une communauté (contrairement à ce que dit la biographie de l’auteur sur Wikipedia, il ne s’agit pas de la maison du groupe « Grateful Dead », mais d’une autre, à côté). On mange végétarien, respire les senteurs d’encens, récite des mantras indiens, absorbe des quantités impressionnantes de drogues variées, écoute de la musique ; on y fait l’amour (souvent) et on réfléchit :
Sur le Haight, on croise aussi des célébrités :« Devant mon étonnement face à ses allées et venues, Stig déclare, sentencieux : « Mec, je cherche. – Quoi ? – La vérité, mec, la vérité. » Le ton est las, mais pénétré de l’importance de la démarche. »
« Indifférente au flux cacophonique de voitures et même d’autocars bondés de braves gens armés de Polaroid, la petite foule des hippies monte et descend les trottoirs du Haight. Ignoré parmi eux, Robert Crumb, petit chapeau et lunettes à triple foyer, son carnet de croquis à la main. Ignoré aussi, Richard Brautigan, distant, silencieux, élégant, chapeauté, le chiffre 13 en pendentif au bout d’une chaînette d’argent. Seul le passage impromptu de Georges Harrison parvient à créer un début de commotion. Hilare, suivi par une foule de hippies, de journalistes et de cameramen, il est venu capter la vibration. »
Lors du dernier séjour en Californie en 1969, le rêve utopique est bien fini, rongé par le mercantilisme et l’addiction aux drogues dures« Si Allen Ginsberg trouvait grâce à tes yeux, c’est parce qu’on l’apercevait de temps à autre dans un « be in » au Golden Gate Park, le cou disparaissant sous les colliers de fleurs et de boutons de santal, la barbe piquée de fleurs, les signes Om et Shanti dessinés au henné sur les mains, les traits shivaïstes sur le front, les cymbales tibétaines entre les doigts, chantant à tête perdue les grands mantras des yogis de Bénarès, impressionnante figure emportant dans le flot de son énergie incantatoire les foules venues écouter du rock’n’roll. »
Le livre prend la forme d’un journal, entrecoupé de messages adressés trente ans plus tard à des personnes rencontrées sur place. C’est un témoignage précieux, le seul en français à ma connaissance, d’une personne qui a vécu sur place le phénomène hippie. Le constat est au final assez amer et désenchanté, mais on sent en arrière-plan la nostalgie romantique d’un rêve de jeunesse marqué par une forte addiction dope + baise.« Les hippies ont perdu cette nonchalance bienveillante du printemps dernier. Il n’y a plus que des ombres grises, des regards vides, des bouches qui marmonnent mécaniquement des noms de drogues – « Speed ? smack ? acid ? meth ? grass ? » Pour en vendre ou chercher à en acheter ? le Haight Ashbury a perdu son âme, étouffé par l’afflux de junkies, de flippés messianiques, de dealers au service de la Mafia. La crasse ambiante… Tout est à l’abandon.»
ArenSor- Messages : 3428
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Alain Dister
La fin d'une utopie, où ont surnagé quelques auteurs toujours à relire, comme Brautigan !
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15927
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Age : 68
Localisation : Guyane
Re: Alain Dister
merci Aren ! ça pourrait me plaire
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21642
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