Lecture commune Paul Auster
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Lecture commune Paul Auster
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21589
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Re: Lecture commune Paul Auster
à vous ............
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Bédoulène- Messages : 21589
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Re: Lecture commune Paul Auster
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15914
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Re: Lecture commune Paul Auster
Laurentides- Messages : 211
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Re: Lecture commune Paul Auster
je vais certainement traîner
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Bédoulène- Messages : 21589
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Re: Lecture commune Paul Auster
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Tristram- Messages : 15914
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Re: Lecture commune Paul Auster
Laurentides- Messages : 211
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Re: Lecture commune Paul Auster
Cité de verre
Dès le début, je retrouve ce qui m’avait séduit à la première lecture : thèmes de l’identité, de la quête, de l’errance, du miroir…
Quinn est un écrivain new-yorkais, qui a perdu sa femme et son fils ; il écrit des romans policiers sous le pseudonyme de William Wilson, mettant en scène le détective privé Work.
Un mystérieux interlocuteur téléphonique cherche à joindre Paul Auster, détective de l’Agence Auster, et Quinn se fait passer pour lui…« Mais ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était marcher. Presque chaque jour, qu’il pleuve ou qu’il vente, qu’il fasse chaud ou froid, il quittait son appartement pour déambuler dans la ville – sans savoir vraiment où il allait, se déplaçant simplement dans la direction où ses jambes le portaient. New York était un espace inépuisable, un labyrinthe de pas infinis, et, aussi loin qu’il allât et quelle que fût la connaissance qu’il eût de ses quartiers et de ses rues, elle lui donnait toujours la sensation qu’il était perdu. Perdu non seulement dans la cité mais tout autant en lui-même. Chaque fois qu’il sortait marcher il avait l’impression de se quitter lui-même, et, en s’abandonnant au mouvement des rues, en se réduisant à n’être qu’un œil qui voit, il pouvait échapper à l’obligation de penser, ce qui, plus que toute autre chose, lui apportait une part de paix, un vide intérieur salutaire. Autour de lui, devant lui, hors de lui, il y avait le monde qui changeait à une vitesse telle que Quinn était dans l’impossibilité de s’attarder bien longtemps sur quoi que ce soit. Le mouvement était l’essence des choses, l’acte de placer un pied devant l’autre et de se permettre de suivre la dérive de son propre corps. En errant sans but, il rendait tous les lieux égaux, et il ne lui importait plus d’être ici ou là. Ses promenades les plus réussies étaient celles où il pouvait sentir qu’il n’était nulle part. Et c’était finalement tout ce qu’il avait jamais demandé aux choses : être nulle part. New York était le nulle part que Quinn avait construit autour de lui-même et il se rendait compte qu’il n’avait nullement l’intention de le quitter à nouveau. »
Précieuses considérations sur l’enquête policière en littérature, voire sur le roman en général (qui s’appliquent évidemment au livre en cours) :
« Ce qui lui plaisait, dans ces livres [les polars], c’était leur sens de l’abondance et de l’économie. Dans un bon roman policier rien n’est perdu, il n’y a pas de phrase ni de mot qui ne soient pas significatifs. Et même s’ils ne le sont pas en fait, ils le sont potentiellement, ce qui revient à la même chose. Le monde du livre s’anime et foisonne de possibilités, de secrets et de contradictions. Comme toute chose vue ou dite, même la plus petite, la plus banale, peut influer sur le dénouement de l’histoire, rien ne doit être négligé. Tout devient essentiel ; le centre du livre se déplace avec chaque événement qui le pousse en avant. Le centre en est donc partout et on ne peut en dessiner la circonférence avant que le livre n’ait pris fin.
Le détective est quelqu’un qui regarde, qui écoute, qui se déplace dans ce bourbier de choses et d’événements à l’affût de la pensée, de l’idée qui leur donnera une unité et un sens. En fait, l’écrivain et le détective sont interchangeables. Le lecteur voit le monde à travers les yeux de l’enquêteur, percevant la profusion des détails comme s’il les rencontrait pour la première fois. Il s’est éveillé aux choses qui l’entourent comme si elles pouvaient lui parler, comme si par l’attention qu’il leur porte désormais elles pouvaient se charger d’une signification qui dépasse le simple fait de leur existence. Détective privé. En anglais private eye, ce qui s’entendait aussi private I et comportait donc trois sens pour Quinn. D’abord ce I était la lettre symbolisant l’investigateur. Mais c’était aussi le simple I signifiant « je », le petit bourgeon de vie dans un corps pourvu de souffle. C’était aussi l’œil (eye) de l’écrivain, l’œil de l’homme qui jette son regard sur le monde et exige que le monde se révèle à lui. Il y avait désormais cinq ans que Quinn vivait sous l’emprise de ce jeu de mots. »
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Tristram- Messages : 15914
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Re: Lecture commune Paul Auster
Quinn rencontre Peter Stillman, poète « divin » assez dérangé qui a été enfermé « dans le noir » par son père dans son enfance d’« enfant marionnette », et à la demande de son épouse-soignante Virginia s’engage à le protéger de son père, qui sort de l’asile psychiatrique. Il prend connaissance de l’étude dudit, qui rapproche les mythes du paradis terrestre (en Amérique) et de Babel (la perte de la langue commune).
Si je ne me trompe, cette récurrence des couleurs prendra son sens par la suite. En tout cas, le carnet rouge où Quinn note ses observations, mais surtout consigne ses faits et gestes – en fait ce récit lui-même –, tient une place centrale dans le roman. Il y a d’autres récurrences, comme le téléphone.« Une commande de cahiers neufs avait été livrée. Elle formait un tas impressionnant, un magnifique déploiement de bleus, de verts, de rouges et de jaunes. »
Quinn file le vieux Stillman pendant deux semaines, qui semble chercher des traces au sol et collecte de menus débris. Puis il s’aperçoit que ces déambulations, qui paraissaient errances hasardeuses (le hasard, et son pendant la quête de sens, sont les notions fondamentales du livre, comme le jeu des coïncidences), tracent chaque jour une lettre de LA TOUR DE BABEL. Il discute finalement avec lui, qui lui confie :
Stillman disparu dans New-York, Quinn décide de rencontrer Paul Auster, qui s’avère ne pas être détective, mais écrivain…« Voyez-vous, je suis en train d’inventer un nouveau langage. »
Auster écrit un essai sur Cervantès, prônant que c’est Don Quichotte qui écrivit lui-même son histoire.
Ce livre publié en 1985 semble augurer du discours de Donald Trump et consorts ("faits alternatifs" et post-vérité)… En tout cas il interroge vérité et mensonge, réel et fiction, qui paraissent interchangeables…« Don Quichotte se livrait à une expérience. Il voulait mesurer la crédulité de ses semblables. Était-il possible, se demandait-il, de se dresser devant le monde et, avec la conviction la plus extrême, de vomir des mensonges et des bêtises ? De dire que des moulins à vent étaient des chevaliers, que la bassine d’un barbier était un heaume, que des marionnettes étaient des personnes en chair et en os ? Était-il possible de persuader ceux qui l’écoutaient au point de leur faire approuver ses paroles alors même qu’ils ne le croyaient pas ? »
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Tristram- Messages : 15914
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Re: Lecture commune Paul Auster
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Bédoulène- Messages : 21589
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Re: Lecture commune Paul Auster
ce qui fait donc que Quinn, William Wilson, Work et Auster (le pseudo détective et l'écrivain le sont)
sujet : l'identité ; cachotterie de Paul Auster
donc la chute de l'homme a entraîné la chute du langage ; c'est donc pour retrouver le langage de Dieu, celui de l'innocence que le père de l'enfant Peter Stillman l' enferme et l'isole dans le noir durant des années persuadé que sans connaissance aucune reviendra le langage de Dieu.
La rencontre de Quinn avec Peter Stillman l'enfant marionnette l'émeut car le fils qu'il a perdu se nommait lui aussi Peter.
Quinn accepte donc de protéger la vie de Peter de son père qui sort de l'asile psychiatrique et veut le tuer. Il accepte tout en sachant qu'il ne sera pas payer car le chèque donné par la femme de Peter, Virginia est au nom de Paul Auster, puisque il a usurpé cette identité, ne pourra en bénéficier.
Virginia : virginité
Stillman : homme mort
Peter : pierre
je continue
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Bédoulène- Messages : 21589
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Re: Lecture commune Paul Auster
Quinn repart vagabonder par les rues, et son trajet minutieusement relevé dessine (quoi ? Il faudrait le retracer). Il cite nommément (de Any where out of the world)…
Outre ce poète si féru de signes et correspondances, surgissent d’autres références littéraires, à Poe notamment, mais aussi Lewis Carroll (là encore nommément).« Baudelaire : Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas. En d’autres termes, que je serais heureux là où je ne suis pas. Ou, plus directement : Là où je ne suis pas est l’endroit où je suis moi-même. Ou encore, en prenant le taureau par les cornes : N’importe où hors de ce monde. »
Lors de cette pseudo-errance qui rappelle celle de Stillman-père, dans un parc il apprécie « l’air et la lumière », tout comme l’évoquait assidûment Stillman-fils dans son soliloque. À noter qu’à toutes ces pérégrinations erratiques répondent de nombreuses digressions vagabondes (mais pas forcément hors-sujet), agençant une composition plus complexe qu’il n’y paraît – possibilités, clés potentielles dans un espoir de sens.
Puis il s’installe dans une allée en face des Stillman, veillant clochardisé. (Il s’identifie aux deux Stillman, se confond avec eux, augmentant encore la confusion de l’ensemble.) Après quelques mois, à bout de ressources, il retourne chez lui pour constater qu’il n’a plus d’appartement ; Auster lui apprend que Stillman-père s’est suicidé, et il se réfugie dans un cagibi de l’appartement déserté du fils.
Mystérieusement nourri, son existence rétrécit progressivement dans des « ténèbres grandissantes » tandis que les pages du carnet rouge s’épuisent.« Il chercha à quoi ressemblerait la carte retraçant tous les pas qu’il avait faits au cours de sa vie et quel serait le mot qu’elle dessinerait. »
Le véritable (?) auteur, un ami d’Auster, apprend l’histoire de ce dernier, retrouve le carnet de Quinn disparu, et la relate fidèlement à partir de celui-ci.« Cette affaire avait servi de pont vers un autre lieu de sa vie, et maintenant qu’il l’avait franchi Quinn en avait aussi perdu le sens. »
J’ai l’impression que les thèmes abordés dans ce livre (la réalité, etc.) sont éclairés de façon inventive, plus peut-être que dans la suite de l’œuvre d’Auster (que ce faux polar annonce par bien des aspects). Il y a encore beaucoup à en dire, par exemple sur son aspect kafkaïen, ou lynchien…
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Tristram- Messages : 15914
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Re: Lecture commune Paul Auster
tu parles du poète Henry
Dernière édition par Bédoulène le Jeu 11 Juil - 7:13, édité 1 fois
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Bédoulène- Messages : 21589
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Re: Lecture commune Paul Auster
Pas vu de Henry Thomas...
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Tristram- Messages : 15914
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Re: Lecture commune Paul Auster
je continue en traînant, surbookée
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Bédoulène- Messages : 21589
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Re: Lecture commune Paul Auster
P.Auster s'étonne au récit de Quinn ; que la voix de l'appel téléphonique mentionne son nom en tant que détective : coquetterie de l'écrivain d'avoir impliqué sa personne dans ce récit ou/et nouveau recours à la confusion des identités ?
L'implication de Quinn à retrouver Stillman Père, puis à surveiller la maison Stillman est d'une grande rigueur qui lui vaut un isolement et une régression.
Après avoir perdu son logement, son argent et s'être réfugié dans l'appartement déserté des Stillman où un réconfort alimentaire lui est prodigué ; mais n'est-ce pas une hallucination ? puisqu'il disparait comme disparaissent les heures de jour ?
Le narrateur, un ami de P.Auster, qui lui reproche d' ailleurs de n'avoir pas aidé Quinn, semble aussi être une autre identité de P.Auster l'écrivain pour troubler davantage le vrai et le faux.
A noter que la femme de P.Auster se nomme effectivement Siri (Siri Hustvedt)
extraits : "Si la chute de l’homme impliquait également une chute du langage,
n’était-il pas logique de supposer qu’il serait possible de dé-faire la
chute – d’en inverser les effets – en dé-faisant la chute du
langage, en cherchant à recréer le langage parlé au jardin d’Éden ? Si
l’homme pouvait apprendre à parler cette langue originelle de l’innocence, ne
s’ensuivrait-il pas qu’il retrouverait ipso facto un état d’innocence à
l’intérieur de lui-même ? " raison pour laquelle le père Stillman a enfermé et isolé son fils
Stillman père : " Mes
échantillons se comptent à présent par centaines – des ébréchés aux
fracassés, des cabossés aux écrasés, des pulvérisés aux putréfiés.
— Que faites-vous de ces objets ?
— Je leur donne un nom.
— Un nom ?
— J’invente des mots nouveaux qui correspondent à la
chose.
— Ah. Je vois, maintenant. Mais comment arrêtez-vous
votre décision ? Comment savez-vous que vous avez trouvé le mot
adéquat ?
— Je ne me trompe jamais. C’est une fonction de mon
génie.
— Pourriez-vous me donner un exemple ?
— D’un de mes mots ?
— Oui.
— Je regrette, mais ce n’est pas possible. C’est mon
secret, vous comprenez. Lorsque j’aurai publié mon livre, vous, comme le reste
du monde, vous saurez. Mais pour l’instant je dois garder tout cela pour moi."
des couleurs :
"quelques jouets d’enfant épars
sur le plancher – un camion rouge, un ours marron, un monstre de l’espace
tout vert. "
" il portait un costume violet avec une chemise verte et
une cravate jaune,"
"C’était de tout cela que provenaient les rouges et les roses que Quinn aimait tant, les pourpres et les
vermillons, les orangés et les lavandes, les ors et les kakiduveteux. Rien ne
durait longtemps. Les couleurs se dissipaient vite, se mélangeant à d’autres et
s’éloignant, ou s’évanouissant avec l’arrivée de la nuit."
" Au fond de l’allée se
trouvait un grand caisson métallique destiné aux ordures ménagères : les
nuits où il pleuvait, Quinn grimpait dedans pour s’abriter. La puanteur, à
l’intérieur, était suffocante et les vêtements de Quinn en restaient imprégnés
pendant des jours, mais il aimait mieux ça que se mouiller car il ne voulait
pas risquer de prendre froid ou de tomber malade. Par bonheur le couvercle
était déformé et ne jointait pas bien. Il y avait même un angle avec une béance
d’une quinzaine de centimètres formant une sorte de trou d’aération par lequel
Quinn pouvait respirer en faisant dépasser son nez dans la nuit. En se mettant
à genoux sur les ordures et en appuyant son corps contre une paroi du
container, il découvrit qu’il n’était pas dans une position totalement dénuée
de confort.
Lorsque les nuits étaient belles, il s’endormait sous cette
grande poubelle, plaçant sa tête de façon à apercevoir la porte d’entrée des
Stillman au moment même où il ouvrirait les yeux. Quant à libérer sa vessie, il
le faisait généralement au bout de l’allée, derrière le caisson, en tournant le
dos à la rue. Se vider l’intestin était plus compliqué : il grimpait alors
dans le container pour être sûr de ne pas être vu. "
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Bédoulène- Messages : 21589
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Re: Lecture commune Paul Auster
Les couleurs tranchées sont effectivement soulignées, et d'ailleurs le seront encore plus dans Revenants ; par contre, je m'explique plus mal cette diversité fort marquée, peut-être une façon supplémentaire de souligner les disparités apparentes des "autres".
J'ai fini la relecture de Revenants, et attends un peu pour poster.
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Tristram- Messages : 15914
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Re: Lecture commune Paul Auster
Auster s'est bien amusé et a déployé un labyrinthe aux lecteurs
j'ai commencé Les Revenants mais ce sera à petites doses, notamment à cause de la chaleur, des moustiques etc...
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Re: Lecture commune Paul Auster
Blanc charge Bleu, l’élève de Brun, de filer un dénommé Noir.
C’est une filature banale où il se passe peu de choses pendant plus d’un an, mais Bleu, qui lit Walden de Thoreau en surveillant Noir qui lit Walden et écrit dans un appartement en face du sien, en vient à s’interroger sur son implication et celle des autres intervenants.« On est le 3 février 1947. Certes, Bleu est loin de se douter que l’affaire durera des années. Mais le présent n’est pas moins obscur que le passé, et tout aussi mystérieux que ce que l’avenir tient en réserve. Ainsi va le monde : on avance pas à pas, d’abord un mot, puis le suivant. »
Pour forcer les choses, Bleu aborde Noir, déguisé, et le jeu de dupes continue ; ainsi, Noir évoque les revenants, Thoreau, Whitman, Hawthorne… Ils semblent s’auto-justifier, être indissolublement liés l’un l’autre.« Il se sent comme un homme condamné à rester assis dans une pièce et à lire le même livre pour le restant de ses jours. C’est assez bizarre d’être tout au plus à moitié en vie et de voir le monde à travers des mots seulement, de ne vivre qu’à travers les vies d’autres personnes. Si le livre était intéressant, peut-être ne serait-ce pas une si mauvaise chose. Bleu pourrait alors se laisser prendre par le récit, pour ainsi dire, et petit à petit se mettre à s’oublier lui-même. Mais ce livre ne lui dit rien. Il n’y a pas d’histoire, pas d’intrigue, pas d’action – rien qu’un homme assis tout seul dans une pièce en train d’écrire un livre. C’est tout ce qu’il y a, réalise Bleu, et il ne veut plus du tout y être mêlé. Mais comment sortir ? Comment quitter la pièce que constitue le livre qui continuera d’être écrit tant que Bleu restera dans la pièce ? »
Bleu dérobe une première fois les écrits de Noir, qui se révèlent être ses propres rapports hebdomadaires, puis une seconde, et c’est cette histoire.« "Spéculer", venant du latin speculari signifie "observer", "épier", et s’apparente au mot speculum qui veut dire "miroir". Car en épiant Noir de l’autre côté de la rue, c’est comme si Bleu regardait dans un miroir, et au lieu de simplement observer quelqu’un d’autre, il découvre qu’il s’observe aussi lui-même. »
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Re: Lecture commune Paul Auster
je continue moi aussi à suivre Noir à travers les yeux de Bleu
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