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Jean-René Huguenin

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Message par topocl Mar 6 Déc - 16:44

Jean-René Huguenin 1936-1962

Jean-René Huguenin A346

Jean-René Huguenin né le 1er mars 1936 à Paris et mort accidentellement le 22 septembre 1962 est un écrivain français

Il débuta en littérature, dès l'âge de vingt ans, par des articles à la revue La Table ronde et au journal Arts. Parallèlement, il préparait une licence de philosophie et le diplôme de l’Institut de Sciences Politiques, qu’il obtint en 1957. Il se destinait à l’ENA, mais se consacra essentiellement à son œuvre littéraire dès 1958. Il fonda la revue Tel Quel avec des amis, dont Philippe Sollers, Jean-Edern Hallier et Renaud Matignon, mais la quitta très rapidement.
Il multiplia les collaborations avec divers organes de presses après le succès critique exceptionnel de son premier et unique roman, la Côte sauvage, paru en 1960, salué notamment par François Mauriac et Louis Aragon.

Il fut une comète, fulgurante et étrange, dans le paysage littéraire de l’époque. Indépendant, prompt à juger, il eut ses entrées dans tous les cercles sans être d’aucune chapelle. Passionné, il s’éleva contre la médiocrité et la sécheresse de son temps. Il se voulait généreux, il se défendait de craindre la mort tout en entretenant avec elle et la souffrance des rapports complaisants. Il disait sa foi en la jeunesse et apparaissait alors comme le chantre d’un nouveau romantisme.
Il mesurait chaque chose à l’aune de ses ordres et désordres intimes. Ses grands contemporains en littérature, Sartre, Robbe-Grillet, Bataille, Mauriac, et même Roger Nimier avec qui il partageait sans doute beaucoup, jusqu’à une mort semblable à quelques jours d'intervalle, n’avaient pas d’autre importance pour lui que celle qu’il voulait bien leur accorder.

Le langage même ne semble pas avoir pris pour lui valeur d’absolu. Son journal, sa correspondance, ses articles en témoignent. À cet égard, on retiendra l'avis de Mauriac qui affirmait : "les thèmes que Jean-René orchestre avec parfois trop de complaisance et qui reviennent sans fin, nous les accueillons, maintenant qu’il n’est plus là. [...] Dans la lumière de sa mort, ces pages ont pris un aspect différent." C’est l’œuvre d’un jeune homme "qui avait pris d’avance la mesure de sa dépouille".

Il trouva la mort au volant de sa voiture entre Paris et Chartres, le 22 septembre 1962. Il avait 26 ans.

source: wikipedia

Œuvres

La Côte sauvage (1960)
Journal (1955-1962)
Une autre jeunesse (1965)
Le Feu à sa vie, textes et correspondance inédits réunis par Michka Assayas (1987)
Jean-René Huguenin, Au Signe de la Licorne, (1999), 40 pages, textes de Jean-René Huguenin, Dominique Pradelle, Didier Da Silva.


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Message par topocl Mar 6 Déc - 16:47

La côte sauvage  

Jean-René Huguenin Images78

Cela aurait pu être un bien bel été. Ces jeunes gens sur les plages , les sorties entre copains, la maison de vacances, la fête foraine, les promenades au bord de la mer, Anne qui va épouser Pierre, le meilleur ami de son frère Olivier… La Bretagne en somme.

Il aperçut entre ses cils un des supplices quotidiens des plages bretonnes : le petit garçon que l'on a obligé à se baigner et qui reste maintenant inerte, les yeux décolorés et hagards, une mèche dégoulinante en gouttes glacées sur son front, et tenant à la main une tartine de beurre salé saupoudrée de sable, qu’il mastique sans cesser de claquer des dents.

Oui mais il aurait fallu qu'Olivier soit moins torturé,

-Je ne vous savais pas si dangereux.
-Le plus drôle, c'est que je ne suis pas dangereux. Je fais peur… On n'ose pas me frapper ; je ne sais pas pourquoi…
-C'est peut-être, dit Nicolas d'une voix caressante, parce qu'on voit déjà vos blessures.

Que l’amitié de Pierre et Olivier soit plus simple,

Ce regard, cette présence jamais distraite, avait parfois fatigué Pierre ; contraint, dès qu’Olivier était là (et il y était là chaque jour, au moins au Lycée), de regarder partout, d'écouter tout, de chercher avec lui à tout connaître, entraîné sans repos dans de nouvelles fantaisies, quelques découvertes métaphysiques, des promenades ou des livres  - Nerval et Valéry, ou Fabre d’Olivet - Pierre ne pouvait jamais s'ennuyer à son gré. Il lui fallait vivre de force.

Et qu’ Olivier n’aime pas Anne d'amour.

Il aurait aussi fallu que ce ne soit pas le dernier été, celui où l'on passe à l'âge adulte, où le mariage fait peur, où le travail nouveau prend des allures terrorisantes, où les départs sont définitifs et inacceptables. Le dernier été où l'on peut encore « retenir son enfance » où on jouait à la cachette, se caressait en toute impunité, mais où il faut bien avancer, et « le futur fascine, c'est déjà un peu mourir ».

Et il les regardait s'éloigner, s'éloigner, si loin de lui, et il restait appuyé à la barrière, déchiré par cette illusion de légèreté que donnent les êtres qui nous quittent.

Ces jeunes gens qui refusent d'être heureux simplement, car leurs « désirs sont au-dessus de leurs moyens » voient partir, avec leur enfance, leur  pureté et leur liberté Ils vont et viennent dans un ballet fascinant de plaisirs faciles et de questionnements douloureux. Une sensibilité à fleur de peau, une sensualité en éveil. Ils errent entre un cadre rigide que leur ont transmis leurs parents (on se dit vous et on se serre la main entre fiancés), un désir d'absolu, et une vie qu'il devinent forcément décevante. Meurtris et introspectifs, dans ce petit cocon qu’est pour eux la Bretagne, ils vivent des heures déchirantes pour eux, bouleversantes pour le lecteur.

La description des paysages où ils déambulent, se cherchent et  se déchirent n'est pas étrangère au charme à la fois désuet et moderne de ce roman tout en finesse, tout en attention pour des âmes exaltées et insatisfaites. Mais il ne faut pas oublier les intérieurs des maisons, qui sont des paysages à eux seuls, et les lumières, la lumière du ciel de Bretagne, l'éclairage angoissant d'un phare, le soleil qui filtre entre les persiennes et zèbre la peau des personnages.

Nous avons tous été, dans une certaine mesure, ces adolescents en attente, gais mais tristes, tout à  la fois profondément fascinés et révulsés par l'âge adulte. Ce roman, aux passions aussi sauvages que subtiles, déclenche en nous une étrange mélancolie.



(commentaire rapatrié)


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Message par Bédoulène Mar 6 Déc - 18:35

Un peu à cause de sa photo Smile et beaucoup pour ton commentaire

dans la tablette

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Message par ArenSor Mar 4 Juin - 18:36

La Côte sauvage

Jean-René Huguenin Czte_s10

« Il est de ces rares écrivains (Alain-Fournier en est un exemple différent) pour qui une seule œuvre de fiction publiée suffit à irradier tous les écrits personnels : journaux, articles, correspondance […]. Sa disparition précoce a creusé dans la production du temps un vide qui, selon moi, se laisse encore ressentir. » Julien Gracq, 1992.
Il faudrait s’abstraire du caractère romantique qui peut brouiller le jugement sur l’unique roman écrit à 24 ans par un écrivain qui mourra deux ans plus tard.
« La Côte sauvage », comme topocl l’a parfaitement évoqué, est le récit de vacances en Bretagne de jeunes adultes à la fin des années 1950, un mois d’août qui s’annonçait idyllique mais que troublent les relations qui unissent les personnages entre eux. Un mois d’août dont on exalte la beauté, dont on tente de profiter à plein, dont on note avec angoisse les jours qui passent car on sait que c’est le dernier bel été et que, à son terme, chacun ira son propre chemin. Tout sera consommé, rien ne reviendra plus. D’où une profonde nostalgie qui imprègne tout le roman.
Olivier, le personnage principal, présente une personnalité complexe, ambigüe. Torturé par des questions existentielles, en particulier son amour pour sa sœur Anne, il exerce un certain pouvoir de   domination sur le gens qui l’entourent : sa mère, sa sœur Anne, son autre sœur Berthe, qui lui résiste, son ami Pierre qui doit épouser Anne. Il peut se montrer manipulateur ou méprisant pour les autres ; signes d’une solitude dont il souffre tout autant qu’il la désire.
« La côte sauvage » est un très beau livre, délicat, sensible, écrit dans un style poétique ; une belle adéquation entre le fond et la forme. Je vous incite fortement à le lire. Merci topocl !

« Tout à coup il vit ces soirs de septembre à Paris – ce soirs bleus de septembre où la lumière mourante de l’été a la douceur des paupières, quand le soleil s’est couché derrière les bois de Sèvres, quand les réverbères sur le pont, les baies phosphorescentes de l’usine Renault, les fenêtres sur l’autre quai ne brillent pas encore, ni les étoiles, il n’y a plus de lumière et tout n’est plus que lumière, même cette femme en corsage rouge qui tend du linge sur une péniche, tandis que reviennent du tennis de Boulogne, les derniers joueurs de la saison. »
« Il était seul. Simplement, la présence des autres, leurs questions et leurs cris luis dissimulaient parfois sa solitude, formaient entre elle et lui comme un écran dont il éprouvait à cette instant la transparence et l’irréalité. Une force douloureuse le traversa, il pivota lentement sur lui-même – les rochers déchiquetés, noirâtres, le phare lointain, la lande noyée, les moutons, les rochers – et il lui sembla faire d’un seul regard le tour de toute la terre. »Personne n’existe » murmura-t-il. »
« Le soir tombe. On se sépare. Sur la plage de Portsaint, dans les rues du village que traverse une route droite et bleutée, sur toutes les plages de Bretagne, à la croisée des chemins, aux portes des hôtels, sur les marches des seuils, on se sépare. A la sortie de Portsaint, la route fait quelques coudes et échappe aux dernières maisons qui fument accrochées à ses flancs. Vous vous êtes séparés, la nuit tombe, vous êtes seul et vous fermez les yeux sur la nuit qui tombe et qui vous invite à mourir. Qui attendiez-vous ? Qui n’avez-vous pas su reconnaître ? La route fuit vers d’autres villages, les volets se ferment sur elle, la route fuit éperdument vers Brest, poursuivie par sa solitude, et franchit le pont suspendu au-dessus de l’Arsenal. Au fond du port, la clochette d’un bateau de guerre tinte. Au loin, vers la place du vieux Marché, tourne la musique de la fête foraine. »
«Un bar éclairé passe comme une gare. »  
« Ils regardaient cette ville dont l’aube ne se retire jamais tout à fait, laisse aux quais gris sa lumière, prête sa tristesse aux hôtels de passage, et son chant aux bateaux qui vont partir. Ils sentaient cette aube dans la nuit d’août, près du port, imminente, avec la sonnerie des réveils, l’odeur du café au lait, les tartines où le beurre trop froid s’étale mal. La sirène du bateau qu’on doit prendre, les mots que l’on évite et le regard que l’on n’ose pas croiser, les valises que l’on ferme et le dernier baiser que l’on retarde –
Une aube, une séparation, rien de plus. »
"Mais non, il ne bouge pas, il est toujours assis, les oreilles pleines de nuit, la bourdonnante, obsédante et insomniaque nuit d’août : oiseaux, grillons, craquements de branches, mille bruits étouffés, comme suspendus à des hauteurs et des profondeurs différentes d’un mur compact, évoquant des préparatifs fiévreux, des appels de départ, une chanson d’amour à la mort. »
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Message par topocl Mer 5 Juin - 7:48

C'est un plaisir de partager de telles, lectures, merci Arensor I love you !

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Message par Bédoulène Ven 7 Juin - 17:19

et le fil remonte et les envies !

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