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Ferenc Karinthy

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Message par Pinky Sam 29 Juin - 8:47

Ferenc Karinthy (1921-1992)

Ferenc Karinthy Karint10

Fils de Frigyes Karinthy, célèvre écrivain et journaliste hongrois,  il est élevé dans un milieu où la culture et l'étude des langues sont fortement valorisées. De 1941 à 1945, il fait des études de littératures hongroise, italienne et anglaise, ainsi que de linguistique, à l'université catholique Péter Pázmány de Budapest. En 1947, il obtient des bourses d'études qui lui permettent de se rendre en France, en Suisse et en Italie.
Il amorce sa carrière littéraire pendant ses études universitaires et obtient le prestigieux prix Baumgarten en 1948. Il est auteur en résidence pour le Théâtre national de Hongrie pendant la saison 1949-1950.
Récompensé à trois reprises (1950, 1954, 1974) par le prix Attila-József, il est, entre 1951 et 1953, un collaborateur aux journaux Szabad Nép et Magyar Nemzet. Les trois années suivantes, il est de nouveau auteur en résidence, cette fois pour le théâtre Madách de Budapest.
En 1955, il reçoit le prix Kossuth.
Traducteur, il signe, à partir de 1957, les traductions en hongrois d'œuvres de Machiavel et de Molière, ainsi que des œuvres d'auteurs grecs, anglais, italiens et allemands.
Grand sportif, il est également joueur de haut-niveau de water-polo pendant les années 1960.
Choisi de nouveau, entre 1965 et 1975, comme auteur en résidence pour les théâtres de Miskolc, Szeged et Debrecen, il met en suspens ce privilège, pendant la saison 1968-1969, pour donner une série de conférences aux États-Unis. Il sera invité, de 1972 à 1976, par diverses associations d'écrivains aux États-Unis, en Australie, en URSS et à Cuba.
Il meurt à Budapest le 29 février 1992.

Œuvres
(Liste non exhaustive)
• Don Juan éjszakája (1943)
• Szellemidézés (1947)
• Budapesti tavasz (1953)
• Hazai tudósítások (1954)
• Irodalmi történetek (1956)
• Ferencvárosi szív (1959)
• Négykezes (1967)
• Epepe (1970). Publié en français sous le titre Épépé, traduit par Judith et Pierre Karinthy, éditions In-Fine, 1996 ; réédition, Denoël, coll. « Denoël & d'ailleurs », 1999 ; réédition, Zulma, coll. « Z/a » no 5, 2013
• Aranyidő (1972). Publié en français sous le titre L'Âge d'or, Judith et Pierre Karinthy, éditions Mille et une nuits, coll. « Petite collection » no 154 1997 ; réédition, Denoël, coll. « Denoël & d'ailleurs », 2005
• Harminchárom (1977)
• Budapesti ősz (1982). Publié en français sous le titre Automne à Budapest, traduit par Judith Karinthy, éditions In-Fine, coll. « Domaine hongrois », 1992
• Napló (1994)

(Wikipedia)
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Message par Pinky Sam 29 Juin - 8:52

Epépé

Un livre étrange. J'ai été attirée par la 4e de couverture, une de mes façons assez habituelles de choisir un livre sans me soucier de me renseigner plus que cela :
« Les étranges divagations d’un polyglotte érudit, Budaï, qui quitte les rives du Danube et croit s’envoler pour Helsinki afin de participer à un congrès linguistique. Hélas ! à la suite d’une erreur d’aiguillage, son avion atterrit dans une ville peuplée d’allumés qui parlent un jargon incohérent, parfaitement inintelligible…. ».

Cette folie linguistique m'a tout de suite attirée et je n'ai pas été déçue car la réflexion sur le langage, la communication court pendant toute l'intrigue. Ainsi, Budaï, linguiste hongrois en partance pour Helsinki, se retrouve dans un monde quasiment fou : la langue parlée, écrite est non seulement totalement incompréhensible mais semble-t-il aussi fluctuante, les mots désignant les choses bougent sans cesse. Même Epépé, la jolie blonde de l'ascenseur de l'hôtel, qui sera la seule à "communiquer" avec Budaï peut s'appeler tantôt Tiétié tantôt Vévé, Eded. Elle lui apprend quelques mots de la langue
« 1 = duti, 2 = kloz ou grosz, 3 = teuch, éventuellement bar, 4 = djédirim, 5 = bar ou teuch (curieusement le 3 et le 5 paraissent interchangeables, en tout cas, il n’arrive pas à les distinguer), 6 = kous, 7 = rodi ou dodi, 8 = bododi, 9 = dobododi, 10 = etzretz.
L’ensemble de ces nombres ne paraît lui rappeler la série numérique d’aucune langue vivante ou morte qu’il connaisse. Il est vrai qu’avec un peu d’imagination on pourrait identifier djédirim (4) au Tchitiri russe de la même signification, kous (6) avec le kuusi finnois, etzretz (10) avec le asr arabe. Mais ils doit vraisemblablement s’agir de pures coïncidences. Il est par ailleurs surprenant de constater la consonance particulière des nombres 7,8 et 9 mais il a simplement pu mal entendre les réponses. »

Les habitants  de cette ville qui apparaît presque normale avec ses commerces, ses lieux de loisir font la queue pour la moindre activité, la circulation est intense ; une sorte de suractivité qui parait ne mener à rien. Sans se décourager, notre linguiste tente toutes les hypothèses pour déchiffrer langue et écriture, identifier les bâtiments, se construire des itinéraires dans les transports en commun dans un monde de quasi non-sens. Il en vient à se demander si chaque habitant ne parle pas sa propre langue étrangère à  celle des autres
Budaï au départ déploie toutes ses compétences d'intellectuel pour tenter de rationaliser le monde dans lequel il est arrivé, de le stabiliser puis peu à peu il se laisse en partie -et en partie seulement- happé par une sorte de dinguerie ambiante qui va crescendo.

Un livre que je n'ai pas lâché, espérant toujours comme Budaï qu'il y ait une issue, un début d'éclaircissement comme lorsqu'on est devant un texte ou un monde qu'on n'arrive pas à déchiffrer, en pensant sans doute à tort qu'il y a quelque chose à comprendre.
On peut penser à Kafka mais je me suis aussi souvenue de l’Inconsolé d’Ishiguro car le livre recrée à merveille ces rêves où chaque porte débouche sur un nouvel univers, où rien ne fonctionne normalement ou tout échoue. Emmanuel Carrère qui a écrit une belle présentation évoque aussi Perec et W ou le souvenir d’enfance.
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Message par Tristram Sam 29 Juin - 11:44

Effectivement, j'ai envie de lire ce livre ! Enquête-puzzle ?

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Pinky Sam 29 Juin - 13:11

Disons plutôt quête d'un peu de rationalité, d'échanges. Puzzle si on considère que cette quête essaie de reconstituer une certaine cohérence.
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Message par Bédoulène Dim 30 Juin - 7:13

merci Pinky ! très étrange ; pas d'angoisse ?

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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Message par Pinky Dim 30 Juin - 8:18

Non pas d'angoisse car malgré toutes ses recherches et observations, le linguiste lutte avec cohérence. Enfin, difficile à expliquer, le livre ne m'a pas angoissée.
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Message par Bédoulène Dim 30 Juin - 10:45

ok merci

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Message par Tristram Ven 12 Juil - 12:06

Épépé

Ferenc Karinthy Zopzop10

Budaï, linguiste polyglotte spécialiste d’étymologie s’est apparemment égaré en chemin pour Helsinki : il se retrouve dans une ville inconnue, encombrée, où on fait la queue partout, où il ne comprend personne et réciproquement.
« Il gribouille des dessins à son bureau comme souvent aussi chez lui quand il recherchait la solution d’un problème linguistique complexe ; alors il groupait et recomposait des formes verbales ou des variantes notées sur des petits papiers, comme en jouant, jusqu’à ce que brusquement tôt ou tard elles se rangent dans un certain ordre clair et évident. Quand elles se rangent… Il croit en son intuition, en sa rapidité de compréhension, en sa faculté d’approfondissement, en son inspiration, qualité indispensable à la recherche scientifique, et peut-être en la chance qui généralement a accompagné jusque-là sa carrière ; ce qu’il a commencé il a le plus souvent pu l’achever. Il est rompu à la réflexion méthodique, c’est son métier, son gagne-pain. Cette fois aussi il aligne différentes figures et abréviations dans son carnet en galvanisant son imagination, il y trouve presque autant de plaisir que dans un problème de logique : faire face par la force de son seul raisonnement au mystère foisonnant de cette ville, alimenter toutes ces expériences comme des données dans l’ordinateur de son cerveau et attendre l’instruction que celui-ci ne manquera pas de produire après traitement.
Le résultat le plus substantiel mais douloureux auquel il parvient est de reconnaître que pour partir d’ici il faut d’abord déterminer avec précision où il se trouve, sans quoi il ne retrouvera jamais le chemin du retour. Il n’y a pas moyen de contourner ni d’inverser cet ordre, une chose est la conséquence de l’autre. »
Dans cette société multiraciale, surpeuplée, aussi indifférente que fourmillante, Budaï organise sa tentative d’élucidation de la langue inconnue, avec l’aide notamment d’une liftière de son hôtel, dont il ne comprend pas même le nom.
« Mais une autre fois, dans un hall souterrain du métro où une rixe s’est brusquement déclarée pour une raison quelconque, Budaï a eu l’impression étrange que les autres aussi ne faisaient que proférer des expressions sonores complètement dénuées de sens, clairement personne n’écoutait personne. Devrait-on envisager que les gens eux-mêmes ne se comprennent pas tous les uns les autres ? Que les habitants s’expriment dans des dialectes divers, éventuellement dans des langages variés ? Un moment une idée saugrenue a même surgi dans son esprit surchauffé : autant de personnes, autant de langages ? »
Quelques autres épisodes m’ont paru significatifs, comme les jeux incompréhensibles dans le stade, ou le « zoo de singes » :
« Le plus étonnant est que bien qu’innombrables, ils sont tous différents, comme des personnalités individuelles, il suffit de les observer suffisamment longtemps, chacun avec son caractère propre impossible à confondre : ils gambadent, montent et descendent nerveusement, se balancent, chipotent, l’air préoccupé, ou épluchent des fruits, jouent, se grattent, s’épouillent éperdument, lancent des grimaces vaniteuses ou obséquieuses, hospitalières ou repoussantes, dévotes et savantes, ils balbutient, ils criaillent, chuintent, cancanent, ils rigolent, s’emportent et s’ennuient, se détestent ou s’adorent, se giflent et copulent, ou bien ils se blottissent dans un coin, offusqués, ils rêvent de savanes, de liberté. »
Privé de parole et de lecture, Budaï vient à manquer d’argent, se clochardise.
« Désormais lui aussi, une fois son travail achevé, entre dans la buvette de la rue voisine. Il s’y est habitué à dessein, cela fait davantage partie de son mode de vie présent qu’une chemise propre, puisqu’il n’a même pas où se laver correctement. Sur le plan matériel il doit faire des choix : ou il économise pour du linge, ou il boit, or en toute sobriété et après réflexion il opte pour la boisson car sans alcool son existence est carrément insupportable.
Généralement la buvette est pleine à craquer, pourtant on n’y débite que deux ou trois sortes de boissons. Lui ne sait pas trouver de différence substantielle entre elles : c’est ce liquide sirupeux d’un goût légèrement écœurant que l’on trouve partout, selon lui à fort taux d’alcool. Ce local sale, mal aéré, bruyant et enfumé est surtout fréquenté par les permanents du marché, portefaix occasionnels et autres éléments misérables des bas-fonds, et aussi quelques ribaudes, personnages femelles délabrées et douteuses. Les clients passent souvent des heures devant le comptoir, un verre à la main, se complaisant dans de longues palabres compliquées, quoique Budaï les suspecte de ne pas toujours se comprendre même entre eux, et à la manière des ivrognes, de trompeter chacun sa partition solitaire. Les discussions sortent quelquefois de leur lit et dégénèrent brusquement en des querelles orageuses voire des rixes. À ces moments le serveur, un grand nègre baraqué, tête rasée en tablier vert, vide les perturbateurs sans ménagement. »
Au printemps, Budaï se joint à une émeute populaire qui s’achève dans le sang ; il discerne un courant dans un plan d’eau, ce qui lui redonne l’espoir de la mer, de la fuite.
Outre l’improbabilité d’une grande ville parfaitement inconnue, ce qui m’a étonné, c’est la certitude de Budaï que l’on s’inquiétera de son sort. Les vicissitudes de Budaï dans l’incommunicabilité ne vont pas sans générer de l’angoisse. Je ne pense pas qu'il faille à toute force trouver un sens de l'ordre de la parabole ou de l'allégorie dans ce livre, mais la confusion babelesque qui y est décrite peut sans doute être rapprochée du dialogue de sourds de nos sociétés contemporaines.
Dans mon exemplaire, la préface est du linguiste Claude Hagège.

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Message par Bédoulène Sam 13 Juil - 12:19

merci Tristram !

(vais voir la bio de Claude Hagège)

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Message par Krisz Lun 9 Sep - 10:32

C'est vraiment écrit "Budaï" avec un tréma dans la traduction française?
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Message par Tristram Lun 9 Sep - 10:53

Oui Krisz, dans les Éditions In Fine/Éditions Austral, 1996, traduction du hongrois par Judith et Pierre Karinthy.

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