Roberto Bolaño
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Re: Roberto Bolaño
Finalement acquis le tome 1, et commencé ce jour. L'intérêt de ce volume pour moi est la compilation des poésies de Bolaño ainsi qu'Appels téléphoniques et Etoile distante, que je n'avais pas. Le volume contient également Amuleto, déjà lu et fortement apprécié.
Avant de me plonger dans ce gros format, j'ai lu un autre court roman : Nocturne du Chili. Peut-être pas son meilleur ou suis-je passé à côté, cela dit c'est toujours un plaisir de le lire. La fin est plutôt sombre et rocambolesque.
Un aperçu des premiers poèmes :
A quatre heures du matin de vieilles photos de Lisa
entre les pages d'un roman de science-fiction.
Mon système nerveux se replie comme un ange.
Tout perdu dans le royaume des mots à quatre heures
du matin : la voix du rouquin fait plier la pitié.
Vieilles photos de maisons de cette ville
où lentement nous avons fait l'amour.
Presque une gravure sur bois, scènes
qui se succédèrent immobiles frondaisons entre les dunes.
Endormi sur la table je dis que j'étais poète,
un trop tard, un chéri, réveille-toi,
personne n'a brûlé les bougies de l'amitié.
Invité- Invité
Re: Roberto Bolaño
L'espoir
Les nuages bifurquent. L'obscurité
s'ouvre, pâle sillon dans le ciel.
Cette chose qui vient du fond
c'est le soleil. L'intérieur des nuages,
jusqu'ici absolu, brille comme un garçon
cristallisé. Routes couvertes
de branches, de feuilles mouillées, d'empreintes.
Je suis resté calme pendant la tempête
et maintenant la réalité s'ouvre.
Le vent traîne des groupes de nuages
dans différentes directions.
Je rends grâce au ciel d'avoir fait l'amour
avec les femmes que j'ai aimées.
De l'obscurité, pâle sillon, viennent
les jours comme des garçons qui marchent.
Maintenant ton corps est secoué par
des cauchemars. Tu n'es plus
le même : celui qui aima,
qui prit des risques.
Tu n'es plus le même, même si
demain tout peut-être s'évanouira
comme un mauvais rêve et que tu
recommenceras. Peut-être
que demain tu recommenceras.
Et que la sueur, le froid,
les détectives erratiques,
seront comme un rêve.
Ne te décourage pas.
Maintenant tu trembles, mais peut-être que
demain tout recommencera.
Invité- Invité
Re: Roberto Bolaño
Très alléchant, merci. J'ai vu que devait paraître sous peu déjà le 5e volume des oeuvres complètes de Bolano !
ArenSor- Messages : 3372
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Roberto Bolaño
Lu dans Le gaucho insupportable :
(nouvelle «Les mythes de Cthulhu»)
(nouvelle «Les mythes de Cthulhu»)
Déclaration de principes :
En principe, et tout d'abord, je n'ai rien contre la
clarté et l'aménité. Ensuite nous verrons.
Il convient toujours de faire ce genre de déclaration
quand on s'enfonce dans cette espèce de Club
Méditerranée habilement camouflé en marécages, en
désert, en faubourg ouvrier, en roman-miroir qui se
regarde lui-même.
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
Date d'inscription : 04/12/2016
Age : 42
Localisation : Montréal
Re: Roberto Bolaño
L'Esprit de la science-fiction
Dès les années 1980, Roberto Bolaño se met à l'écriture de fictions, sous forme de nouvelle puis de romans. Cependant Bolaño se considérait d'abord comme poète. Il pourrait être l'un de ses nombreux personnages, ceux qui se réunissent tard le soir à Mexico, se lisent et se critiquent les uns les autres. C'est en particulier dans Les Détectives Sauvages qu'il a restitué l'ambiance de ces soirées assis par terre dans la fumée ou marchant longuement dans les rues : errances, enquêtes, complicités intermittentes, fusions amoureuses, parfois adultérines...
Pour tout cela L'Esprit de la science-fiction préfigure le futur roman de Roberto Bolaño. Garcia Madero* n'existe pas encore, ce sont Jan et Remo qui font connaissance avec l'amour et des autres facettes, plus secrètes, plus obscures de la vie littéraire à Mexico. Bolaño laisse entrevoir qu'une réalité plus étrange, plus grande, plus complexe se dissimule derrière la surface des choses, faites de songes ou d'illusions. Cela se traduit d'une par un style imagé et efficace, comme dans la partie intitulée Manifeste mexicain ; d'autre part avec l'intégration de scénario, saynètes, interviews, d'autres histoires qui, du moins en apparence, n'ont aucun lien avec ce que l'on raconte et sont difficiles à relier entre elles. Mais à la manière d'un sous-entendu, elles laissent entrevoir une effervescence rêvée, faite pour déstabiliser la routine ainsi qu'une littérature figée par l'autorité de ses vieux modèles.
* : personnage des Détectives sauvages
Dès les années 1980, Roberto Bolaño se met à l'écriture de fictions, sous forme de nouvelle puis de romans. Cependant Bolaño se considérait d'abord comme poète. Il pourrait être l'un de ses nombreux personnages, ceux qui se réunissent tard le soir à Mexico, se lisent et se critiquent les uns les autres. C'est en particulier dans Les Détectives Sauvages qu'il a restitué l'ambiance de ces soirées assis par terre dans la fumée ou marchant longuement dans les rues : errances, enquêtes, complicités intermittentes, fusions amoureuses, parfois adultérines...
Pour tout cela L'Esprit de la science-fiction préfigure le futur roman de Roberto Bolaño. Garcia Madero* n'existe pas encore, ce sont Jan et Remo qui font connaissance avec l'amour et des autres facettes, plus secrètes, plus obscures de la vie littéraire à Mexico. Bolaño laisse entrevoir qu'une réalité plus étrange, plus grande, plus complexe se dissimule derrière la surface des choses, faites de songes ou d'illusions. Cela se traduit d'une par un style imagé et efficace, comme dans la partie intitulée Manifeste mexicain ; d'autre part avec l'intégration de scénario, saynètes, interviews, d'autres histoires qui, du moins en apparence, n'ont aucun lien avec ce que l'on raconte et sont difficiles à relier entre elles. Mais à la manière d'un sous-entendu, elles laissent entrevoir une effervescence rêvée, faite pour déstabiliser la routine ainsi qu'une littérature figée par l'autorité de ses vieux modèles.
* : personnage des Détectives sauvages
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 31
Re: Roberto Bolaño
Le Troisième Reich
« Le Troisième Reich » est l’un des premiers romans de Bolano, resté inédit et publié après la mort de l’auteur.
Un couple de jeunes allemands, Ingeborg et Ude, prend quelques jours de vacances dans un hôtel du bord de mer espagnol, près de Barcelone. Là, il rencontre, Hanna et Charly, un autre couple venant également d’Allemagne, qui leur fait connaître quelques locaux : deux ouvriers, le Loup et l’Agneau, ainsi que l’inquiétant et mystérieux « Brûlé », loueur de pédalos sur la plage.
Ude, adepte des « War Games », veut profiter du séjour pour écrire un article sur une variante dans le célèbre jeu « Troisième Reich ». Pendant ce temps, Ingeborg se dore au soleil, nage avec ses amis. Tous se retrouvent en soirée pour sortir en boîtes de nuit et éventuellement se saouler.
Bolano décrit le morne quotidien de ces vacanciers, n’occultant pas le caractère déprimant de ce genre de vie artificiel :
Un livre qui prend la forme d’un journal et où se trouve déjà les grands thèmes de l’œuvre de Roberto Bolano : terreur en arrière-plan, présence du mal, violence ayant parfois des connotations sexuelles, importance des rêves… sans, bien sûr, atteindre le niveau des grands romans de la maturité.
N.B : toujours de belles images poétiques dans l'écriture de Bolano :
« Le Troisième Reich » est l’un des premiers romans de Bolano, resté inédit et publié après la mort de l’auteur.
Un couple de jeunes allemands, Ingeborg et Ude, prend quelques jours de vacances dans un hôtel du bord de mer espagnol, près de Barcelone. Là, il rencontre, Hanna et Charly, un autre couple venant également d’Allemagne, qui leur fait connaître quelques locaux : deux ouvriers, le Loup et l’Agneau, ainsi que l’inquiétant et mystérieux « Brûlé », loueur de pédalos sur la plage.
Ude, adepte des « War Games », veut profiter du séjour pour écrire un article sur une variante dans le célèbre jeu « Troisième Reich ». Pendant ce temps, Ingeborg se dore au soleil, nage avec ses amis. Tous se retrouvent en soirée pour sortir en boîtes de nuit et éventuellement se saouler.
Bolano décrit le morne quotidien de ces vacanciers, n’occultant pas le caractère déprimant de ce genre de vie artificiel :
Il ne se passe pas grand-chose dans cet univers Sea, Sex and Sun, si ce n’est, par contraste, une sourde menace que l’on sent tapie derrière et qui se cesse de se renforcer au fur et à mesure de la lecture.« Triste est l’heure et tristes sont le baigneurs : fatigués, soûls de soleil, ils tournent leurs regards vers la ligne de bâtiments comme des soldats convaincus par avance de succomber ; leur façon de traverser la plage et le Pasco Maritimo, de leurs pas harassés, prudents mais avec un soupçon de mépris, de fanfaronnade face à un danger lointain, leur manière particulière de s’enfoncer dans les rues latérales où, immédiatement, ils cherchent l’ombre, les conduisent directement - sont un hommage - au vide. »
Bientôt des forces de décomposition se font sentir, un peu à la manière des univers de Dick :« Et si je te dis que je sens quelque chose d’intangible, de bizarre, tournant autour de moi, menaçant, tu me crois ? Une force supérieure qui m’observe. »
Parallèlement, Ude qui joue avec le Brûlé toutes les nuits une partie du « Troisième Reich » - et qui évoque le chevalier dans « Le Septième Sceau » de Bergman - perd la notion du temps, fait des cauchemars et voit sa santé se dégrader.« A mesure que l’été s’éteint (je veux dire à mesure que ses signes s’éteignent), on commence à entendre dans l’hôtel Del Mar des bruits qu’auparavant on ne soupçonnait même pas : les tuyauteries semblent maintenant vides et plus larges. Le bruit régulier sourd de l’ascenseur a cédé la place à des crissements et des courses entre le crépi et les murs. Le vent qui secoue le cadre et les gonds de la fenêtre est plus fort chaque nuit. Les robinets du lavabo chuintent et tressaillent avant de lâcher l’eau. L’odeur des couloirs, parfumés à la lavande artificielle, elle aussi se dégrade plus vite et s’imprègne d’une touffeur pestilentielle qui provoque d’horribles accès de toux au petit matin. »
Un livre qui prend la forme d’un journal et où se trouve déjà les grands thèmes de l’œuvre de Roberto Bolano : terreur en arrière-plan, présence du mal, violence ayant parfois des connotations sexuelles, importance des rêves… sans, bien sûr, atteindre le niveau des grands romans de la maturité.
N.B : toujours de belles images poétiques dans l'écriture de Bolano :
« Les yeux brillants d’Atahualpa m’ont observé à travers les cheveux qui lui tombaient sur le visage, comme une cascade d’eaux usées. »
« L’orage n’a pas mis longtemps à éclater et maintenant la pluie frappe le balcon ouvert comme une main très longue et osseuse, obscurément maternelle, qui voudrait m’avertir des dangers de l’orgueil. »
ArenSor- Messages : 3372
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Roberto Bolaño
L'évocation de ce jeu qui paraît aussi étrange qu'obscur m'a remis en mémoire Le Jeu des perles de verre de Hesse, bien que je suppose qu'il n'ait rien à voir avec ce livre.
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15610
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Roberto Bolaño
Pas lu "Le Jeu des perles de verre"
Le jeu "The Third Reich" existe réellement et Bolano en était un adepte. Cela permet à l'auteur d'aborder certains thèmes : la confusion possible entre jeu et réalité, prégnance du nazisme, le joueur s'identifiant aux grands stratèges de Hitler
Le jeu "The Third Reich" existe réellement et Bolano en était un adepte. Cela permet à l'auteur d'aborder certains thèmes : la confusion possible entre jeu et réalité, prégnance du nazisme, le joueur s'identifiant aux grands stratèges de Hitler
"Comme Model le Titan, Schörner l'Ogre, Rendulio le Bâtard, Arnim l'Obéissant, Witzleben l'Ecureuil, Blaskowitz le Droit, Knobeldorff le Joker, Balck le Poing, Mantuffel l'Intrépide, Student le Croc.... [suit une page de noms de généraux avec leurs qualificatifs]"
ArenSor- Messages : 3372
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Roberto Bolaño
Appels téléphoniques
Quatorze textes, parfois juste des fragments de récits, qui se passent en Espagne, au Mexique, au Chili, aux USA, mais aussi en Russie.
Ils parlent de la condition d’écrivain (endurant souvent des privations), apparemment inspirés par la vie de l’auteur (le narrateur est quelquefois Arturo Belano), et l’un d’eux se réfère à Enrique Vila-Matas (ami de Bolaño) de façon parodique.
D’autres évoquent des enquêtes, l’inquiétante étrangeté familière caractéristique des Détectives sauvages et 2666.
Une troisième partie regroupe les histoires de femmes ; dans la dernière, la plus longue, Vie d’Anne Moore, le personnage est aussi non-conformiste que les autres, et de même marqué par le malaise et/ou l’échec.
L’individualisme, subi ou non, ne semble pas constituer une solution à l’égarement existentiel à notre époque, et l’écriture pas forcément non plus…
Quatorze textes, parfois juste des fragments de récits, qui se passent en Espagne, au Mexique, au Chili, aux USA, mais aussi en Russie.
Ils parlent de la condition d’écrivain (endurant souvent des privations), apparemment inspirés par la vie de l’auteur (le narrateur est quelquefois Arturo Belano), et l’un d’eux se réfère à Enrique Vila-Matas (ami de Bolaño) de façon parodique.
D’autres évoquent des enquêtes, l’inquiétante étrangeté familière caractéristique des Détectives sauvages et 2666.
Une troisième partie regroupe les histoires de femmes ; dans la dernière, la plus longue, Vie d’Anne Moore, le personnage est aussi non-conformiste que les autres, et de même marqué par le malaise et/ou l’échec.
L’individualisme, subi ou non, ne semble pas constituer une solution à l’égarement existentiel à notre époque, et l’écriture pas forcément non plus…
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15610
Date d'inscription : 09/12/2016
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Des Choses à lire :: Lectures par auteurs :: Écrivains d'Amérique Centrale, du Sud et des Caraïbes
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