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Flâneries urbaines

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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 2 Jan - 11:06

Salut,

Je prends encore l'initiative de lancer un fil. J'en lancerai sans doute d'autres dans les prochains temps, mais celui-ci m'est cher. Il s'agit du fameux fil sur les flâneries urbaines que je caressais comme projet sans qu'il soit trop défini.

Pour bien entreprendre la visée du fil, je pars de l'optique que la flânerie urbaine est distincte du récit de voyage. J'ai exposé mon plaidoyer pendant un travail de session comme suit :

«Tout comme il semble que la poésie et le voyage ne font pas bon ménage, les flâneries relèvent d’un art plus délicat : « [La poésie] aurait voulu [voir le voyage] comme on voit l’amour. Mais le voyage n’est pas une femme. Il ne veut pas de la contemplation. Son genre serait plutôt celui du mâle, et c’est l’action, sa passion.(1)» Après avoir examiné les deux genres d’écriture [flâneries et voyages], nous pouvons plaider en faveur de la nature contemplative des flâneries. Nous pouvons le faire en insistant sur le fait qu’elles se réalisent mieux à l’échelle des déplacements humains.»

(1) Henri Michaux, Passages, 1998, Paris : Gallimard, coll. «L’Imaginaire», p. 44.

Faites-nous part de vos expériences de flânerie urbaine, de vos réflexions sur ce sujet et des perspectives à partager à l'ensemble des participant-e-s du forum.


Dernière édition par Jack-Hubert Bukowski le Lun 2 Jan - 12:18, édité 1 fois
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 2 Jan - 11:31

Je prends le temps d'écrire une première partie de mon cheminement de flâneur urbain. En tant que Montréalais, j'ai eu le loisir de connaître plusieurs quartiers. À la manière de Gabrielle Roy qui a sillonné le quartier Saint-Henri, je me suis senti revivre en marchant au gré de mes déambulations urbaines. En marchant régulièrement dans le quartier du Vieux-Bordeaux au cours de mon adolescence, j'ai développé une perspective et une sensibilité en lien avec une expérience de faire des flâneries urbaines.

Tout comme je considère qu'il n'est pas nécessaire de marcher pour faire des flâneries, je pense qu'il est important de visualiser sa flânerie à la grandeur et l'échelle humaine. À mon sens, c'est important de considérer la contrepartie de la marche. Je reprendrai une citation de David Le Breton dans Marcher. Éloge des chemins et de la lenteur :

«Le flâneur est à la fois dans une conscience aiguë de sa disponibilité, mais simultanément il est immergé dans une conscience flottante aux détails qui l'environnent, il construit des romans en regardant les passants, ses souvenirs l'emportent dans une période ancienne de la ville qu'il a bien connue. Il chemine dans le temps et l'espace, mais le temps lui-même se décline en maintes couches sédimentaires, et l'espace est composé de nombre de passants, des rues, des quais, des églises ou des monuments.»

J'ai connu des expériences de flâner dans plusieurs quartiers. C'est en flânant que j'ai développé ma sensibilité de flâneur et de poète. Je me réalise mieux et en marchant au gré des inspirations que ça me permet d'évoquer devant cette impression de vide et d'activité ambiante.
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Message par Mordicus Lun 2 Jan - 11:43


(Mais peut-on flâner sans trop dévoiler son habitat d'origine ?)
Ou est-ce que la flânerie urbaine ne prend de sens que lorsqu'elle est géographiquement connue ?
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 2 Jan - 11:48

À l'automne 2015, j'ai connu l'opportunité d'une flânerie de groupe dans le quartier Mile-End de Montréal. J'y ai réalisé un poème en forme de caligramme. Il reprenait la scène d'une ruelle où j'ai eu le loisir de contempler une immense flaque d'eau à peine imaginable par son étendue et son ampleur. Voici ce que j'en ai retiré :

Première version :

«RUELLE EN CHAT»
À revers de l’ancien hôtel de ville,
La ruelle Groll émet des sons gutturaux
Sa situation et sa position faussent les données
Des rues environnantes qui gagnent en anonymat
Nous y constatons la vieillesse des immeubles
Néanmoins, le pittoresque des lieux confits
Illumine une simple flaque d’eau
Fait émerger des issues
Du tissu proximal
Veine porte
Ô


Version subséquente :

«Ruelle en chat»
À revers de l’ancien hôtel-ville,
La ruelle Groll émet sons gutturaux
Sa situation et position faussent données
Des rues environnantes qui gagnent anonymat
Nous y contemplons vieillesse, immeubles
Néanmoins pittoresque, lieux confits
Illumine simple flaque d’eau
Fait émerger issues
Tissu proximal
Veine porte
Ô

Alors, ne vous demandez-vous plus d'où me vient cette tentation au caligramme. Considérez ceci comme un gage de confiance à la présente démarche d'initier un fil artistique et littéraire sur les flâneries urbaines.
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Message par Mordicus Lun 2 Jan - 11:54


(Classe.)
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 2 Jan - 11:56

Mordicus a écrit:
(Mais peut-on flâner sans trop dévoiler son habitat d'origine ?)
Ou est-ce que la flânerie urbaine ne prend de sens que lorsqu'elle est géographiquement connue ?

Je pense que tu poses une question essentielle. Théoriquement, la flânerie urbaine peut être considérée comme prenant part à cette mouvance de la géopoésie. Il y a une manière, des façons de faire qui s'en inspirent. André Carpentier, le théoricien de la flânerie urbaine maintenant à la retraite plaide pour l'utilisation de la géopoésie dans l'appropriation de la méthodologie entourant les flâneries urbaines. Pour ma part, je suis moins à cheval là-dessus.

En tant que flâneur, je te dirais de te référer aux travaux qui se sont faits du côté de la France. La figure de Charles Baudelaire est abondamment utilisée pour parler du flânage en contexte parisien. Un de ses poèmes fait les gorges chaudes :

«À une passante»

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

Source : http://www.poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/charles_baudelaire/a_une_passante.html
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Message par Mordicus Lun 2 Jan - 11:59

Jack-Hubert Bukowski a écrit:
Je pense que tu poses une question essentielle.
[...]

C'est la première fois.
Qu'on me dit ça.

(Je suis flattée.)

...

Mais bon, j'ai rien compris à ta réponse.

(Mais j'adore Baudelaire <3)

...

Du coup, je ne sais pas si je vais pouvoir jouer avec vous.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 2 Jan - 12:06

L'important est que tu marches. En silence, à découvert, peu importe. Il y a tellement à découvrir et à réaliser en marchant et par le fait même d'enchaîner les mots, les expressions, les bribes et les démarches qui engendrent les oeuvres.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 2 Jan - 12:20

Mordicus a écrit:(Mais peut-on flâner sans trop dévoiler son habitat d'origine ?)
Ou est-ce que la flânerie urbaine ne prend de sens que lorsqu'elle est géographiquement connue?

Je reprends ta question au sens de la réitérer. À mon sens, une flânerie se réalise partout dans une ville urbaine densément peuplée ou un minimum peuplée, alors, il y a une condition essentielle de l'anonymat. Il y a une condition comme quoi c'est moins facile de flâner dans un lieu où nous sommes très familiers et donc, si c'est près de chez soi, il y a une difficulté supplémentaire.

De par la manière que les flâneries s'écrivent, elles ne sont pas toujours spécifiquement situées. On sait juste qu'elles ont été l'objet d'une flânerie urbaine. Nous pouvons biffer les lieux, les rendre moins connaissables dans le sens d'être spécifiques à un lieu connu. L'important dans les flâneries est l'attention portée aux détails, comment ils sont traités et transformés dans ce procédé littéraire. Il y a forcément une épuration. Il faut cependant insister sur le fait que l'observation d'une flânerie est brute, qu'elle peut nous faire écrire dans des carnets, consigner les observations et écrire nos textes de flânerie littéraire par la suite, après plusieurs flâneries si nécessaire.
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Message par ArenSor Lun 2 Jan - 18:10

Dans le genre, déambulation poétique, je te conseille, si tu ne l'as pas encore lu "Le Pieton de Paris" de Léon-Paul Fargue Smile
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Message par Bédoulène Lun 2 Jan - 18:30

je tente, ne crains pas de critiquer Jack



Seule dans la rue

Sur les  murs verts de lierre
J’entends le passage des lézards.
J’avance,  je longe les murs à lunettes
où le soleil cligne de l’œil, aguicheur et,
Insistant,  familier se joue dans mes cheveux.
Je reçois des gouttes d’eau sur la tête, flap, flap
Levant les yeux je vois d’où vient la source : une jardinière
qui suspendue dans le vide  me parait  aventureuse,
Inquiétante, mais   gaiement habitée d’ insectes.
Je hâte le pas, zut  la vieille couverture grise
du trottoir est ravagée,  le bitume  rongé
ma cheville surprise ;  il est temps
de  quitter  ce long chemin.

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Message par animal Lun 2 Jan - 22:28

Jack-Hubert Bukowski a écrit:Je reprendrai une citation de David Le Breton dans Marcher. Éloge des chemins et de la lenteur :

«Le flâneur est à la fois dans une conscience aiguë de sa disponibilité, mais simultanément il est immergé dans une conscience flottante aux détails qui l'environnent, il construit des romans en regardant les passants, ses souvenirs l'emportent dans une période ancienne de la ville qu'il a bien connue. Il chemine dans le temps et l'espace, mais le temps lui-même se décline en maintes couches sédimentaires, et l'espace est composé de nombre de passants, des rues, des quais, des églises ou des monuments.»

Je suis mal à l'aise avec le concept de géopoésie de même qu'avec cette forme de définition de la flânerie. J'y ressens comme une vision réductrice des possibilités et de l'expérience de... si ce n'est flânerie alors ? marche, déambulation, "expérience" du lieu connu ou inconnu à un rythme qui ne doit pas être arrêté par avance. Et puis il y a une sorte de romantisme dans cette évocation de la ville qui tracasse mon cœur d'animal de périphérie.

Ou alors je ne suis seulement pas flâneur. Mais j'ai besoin de ma dose. Dose d'habitude, il y a effectivement une question de reconnaissance qui importe. Une reconnaissance qui implique cependant que ça ne doit pas toujours ressembler. Dans d'autres villes je pense souvent à la mienne, et à d'autres déjà arpentées, même mal connues.

Je me pose aussi la question de l'usage et des distances, des temps. Ce qui est piéton, ce qui ne l'est pas. On peut flâner en bus, voiture ou train non ? Et avoir un cheminement pédestre parallèle, parfois, mais là je ne parle pas en imaginaire, je parle faux trottoir de bretelle d'accès à s'en écœurer les poumons.

Mais j'ai besoin de ma dose de périmètre et de retours. Ca prend du temps.

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Message par Jack-Hubert Bukowski Mar 3 Jan - 3:10

Animal a écrit:Je suis mal à l'aise avec le concept de géopoésie de même qu'avec cette forme de définition de la flânerie. J'y ressens comme une vision réductrice des possibilités et de l'expérience de... si ce n'est flânerie alors ? marche, déambulation, "expérience" du lieu connu ou inconnu à un rythme qui ne doit pas être arrêté par avance. Et puis il y a une sorte de romantisme dans cette évocation de la ville qui tracasse mon cœur d'animal de périphérie.

Tout d'abord, je pense que tu n'es pas seul dans ces réticences, Animal. Mordicus semble avoir eu un mouvement de recul face à cette avalanche théorique. Je les partage. Dans le champ des réflexions théoriques, les chercheurs qui se trouvent à être des flâneurs ou encore s'improvisent à être des flâneurs développent des marottes théoriques. Je n'ai pas encore statué sur l'objet de la géopoésie, mais il se trouve que c'est une pratique qui se trouve plus dans le champ des récits de voyage. En tant que déambulateur urbain, André Carpentier pense que ces applications théoriques se défendent dans ce contexte et peuvent être mises à profit. Pour ma part, je cultive un scepticisme et une mise à distance par rapport à ces assertions qui doivent encore se vérifier sur le plan de l'expérience de flâner.

Avant même que tu évoques un rythme qui ne doit pas être arrêté par avance et que tu accuse le procédé romantique de recourir aux passant-e-s, je dirai avant tout que les muses littéraires ont fleuré de longue date dans le domaine de la littérature. On fait avec ces considérations de l'expérience littéraire d'alors. Notre vue se dégage et s'épure à travers le temps. Je dirais quand même qu'il y a une notion de l'expérience sauvage de flâner.

Par rapport à la notion de périphérie et du coeur de ville, je pense Animal que tu touches à un autre point précis qui peut tempérer et entretenir une oscillation des divers pôles théoriques. En tant que flâneur, je considère que les quartiers périphériques sont tout aussi pertinents que les quartiers dits centraux et plus urbanisés que d'autres. Nous l'avons vu sur l'autre forum en évoquant l'exemple de Marie-Hélène Sarrasin qui soulignait la pertinence de flâner dans un contexte de banlieue et d'étalement urbain. En outre, Mathieu Arsenault a écrit Le guide des bars et pubs de Saguenay. Derrière ce titre qui semble référer à un objet publicitaire non-littéraire, Mathieu Arsenault a fait la démarche de flâner dans une ville en région éloignée de moyenne densité. Il a écumé les bars et fait le compte-rendu de ses observations de flâneries dans des bars en alternant entre l'essai et les poèmes d'une page à l'autre.

Pour aller au plus précis, le quartier Vieux-Bordeaux est un quartier très périphérique. Il n'est pas si densément peuplé et n'a pas beaucoup de magasins et d'animation urbaine dans l'environnement immédiat. Il se trouve à être près du bord de l'eau. Étant donné qu'il transite près des voies ferrées et qu'il a été un ancien terminus de tramways, sa mémoire historique et son appel peut être comparable au quartier Saint-Henri à plus petite échelle.

Montréal est une île. Elle évolue près de l'eau. Il n'y a pas rien qu'au centre-ville et au Vieux-Port que les choses se passent. Pour une raison ou une autre, les accès à l'eau ont été gommés et rendus invisibles dans la foulée de la modernisation qui a eu lieu dans le contexte de la Révolution tranquille. Le développement de l'autoroute métropolitaine, de l'Autoroute Décarie et de l'autoroute Ville-Marie a encore plus morcelé les quartiers qui l'étaient déjà par le réseau des voies ferrées et le Mont-Royal. Dans ce contexte, il y a déjà certains quartiers qui sont enclavés et "périphérisés" par la force des choses. Nous pouvons notamment penser à Vieux-Bordeaux, Parc-Extension, Saint-Henri, Verdun, Centre-Sud, Hochelaga, Villeray et quelques autres...

Je pense que la notion d'espace limitrophe peut aiguiser nos repères de Montréalais pour citer un exemple, pour constater l'interstice entre les territoires et les quartiers qui se délimitent entre zones distinctes. L'embourgeoisement des anciens quartiers populaires fait en sorte d'accentuer ces tendances en cours.

Je me pose aussi la question de l'usage et des distances, des temps. Ce qui est piéton, ce qui ne l'est pas. On peut flâner en bus, voiture ou train non ? Et avoir un cheminement pédestre parallèle, parfois, mais là je ne parle pas en imaginaire, je parle faux trottoir de bretelle d'accès à s'en écœurer les poumons.

Tu évoques une question que j'ai abordé dans mon travail de session, Animal. Voici une autre réflexion que je vous partage sur le sujet, pour encourager une réflexion en ce sens :

Pourrons-nous enfin savoir pourquoi il y a des quartiers plus «sexy» que d’autres? L’objet de mes flâneries les a rendus tous plus ou moins indistincts les uns que les autres. Cette distinction tient peut-être à la nature des déplacements à pied. Or, chaque expérience s’apprécie indifféremment dans la mesure où il est toujours possible de flâner en utilisant les moyens de transport. Le flâneur peut être à même de contempler le paysage ambiant sans avoir à se soucier de conduire un autobus ou encore une voiture. Il n’en reste pas moins que le flâneur se sent davantage dans son élément lorsqu’il visualise son déplacement à pied ou en utilisant un vélo.

Ceci faisait suite à une démarche d'atelier et des réflexions entretenues depuis une année. C'est une position que j'ai définie suite à l'expérience de flâner. Elle en vaut une autre. Tu peux tout aussi bien faire valoir les tiennes, Animal. Nous sommes tous là pour se nourrir mutuellement de nos expériences de flâneries diverses.
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Message par animal Mar 3 Jan - 7:18

Dans le champ des réflexions théoriques, les chercheurs qui se trouvent à être des flâneurs ou encore s'improvisent à être des flâneurs développent des marottes théoriques.
c'est un des trucs qui me démangent et l'expression de marotte théorique me semble pas mal. parfois ça manque de confrontation de la marotte théorique à du solide pour voir ce qu'il pourrait vraiment en rester. beaucoup d'idées qui restent en suspens et s'entretiennent elles-mêmes sans plus avoir de lien avec l'endroit.

périphérie ce sont aussi les non-quartiers et les non-endroits : les zones commerciales ou zones d'activités et les voies qui les relient.

pour les quartiers attractifs, il y a pas mal de trucs qui peuvent être des repères ?

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Message par animal Mar 3 Jan - 7:18

(je suis curieux de cette histoire de rapport à l'eau).

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Message par Jack-Hubert Bukowski Mar 3 Jan - 8:29

Par rapport aux quartiers dit de périphérie, il y a des flâneurs qui ont pris l'initiative de critiquer les rapports sociaux face à la marchandisation de la société. Il y a nécessairement une remise en cause des rapports à la consommation. Georges Perec a écrit Les choses pour dénoncer cette fétichisation aux objets. Pour ma part, j'ai pris connaissance de flâneries réalisées dans le quartier Dix-Trente. Il s'agit d'une méga centre commercial qui s'est enclavé dans la ville de Brossard sur la rive-sud de Montréal. Bientôt, il y aura peut-être le Projet 15-40 dans le nord de la ville de Montréal comme j'en avais parlé sur l'autre forum. Il y a notamment un centre d'achats «mort-vivant» à l'angle L'Acadie/Sauvé en face de l'épicerie libanaise Adonis. Tout ça découle de l'expansion du Marché Central. Mais plus ça va, plus nous voyons que les infrastructures héritées des années 1960 et 1970 ne suffisent plus à la tâche.

Quand je me rends au travail, je vois tout le gâchis de cette planification urbaine improvisée. En prenant l'autobus sur la voie de service de l'autoroute métropolitaine (A-40), je vois la «déshumanisation» à l'oeuvre. J'ai déjà habité près d'autoroutes et c'était encore plus flagrant en voyant l'autoroute Ville-Marie dans les airs à partir de Saint-Henri. Maintenant, il y a des travaux de réfection pour construire le nouveau pont Champlain et les raccordements des bretelles d'autoroute qui en résulteront. Le trafic sera monstre pour deux ans ou trois dans ce secteur de la ville.

En tant que flâneurs, nous nous inscrivons dans une logique qui tend à redonner la parole aux quartiers. J'ai eu l'impression de voir des villages lorsque je me trouvais dans Saint-Henri et Bordeaux-Cartierville. Le développement de la ville de Montréal a traversé plusieurs strates successives et j'ai parlé du tramway. Tout le réseau de trains est rendu privatisé. Il n'y a rien de vraiment public. Tout au plus, nous sommes condamnés à nous inscrire en marge. Il nous faut savoir gré de prendre ce pari pour réenchanter à nouveau notre regard au monde.

ArenSor, Léon-Paul Fargue est une belle référence à ce niveau. Bédoulène, tu as bien tenté le coup. Il est souvent question de bitume dans le domaine du flânage. Walter Benjamin a écrit un beau chapitre de livre sur le flânage chez Baudelaire dans Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme.

Jacques Réda, Léon-Paul Fargue et Charles-Albert Cingria sont tenus en respect lorsqu'on parle d'écrivains flâneurs. Il y en a d'autres. Pour ma part, je considère que Gabrielle Roy a fait une prouesse en écrivant Bonheur d'occasion car elle a fait honneur à la disposition, l'organisation et l'architecture du quartier. Ce n'est pas de l'écriture flâneuse, mais nous pouvons considérer son apport à ce niveau-là.

Au Québec, il y a un groupe de recherche à l'UQAM qui s'appelle La Traversée. Ils ont déjà fait publier Au détour de l'habitude de Benoît Bordeleau qui est un exemple de rigueur lorsque nous parlons du genre d'écriture des flâneries littéraires. Pour ma part, Charles Dionne est quelqu'un qui peut s'en rapprocher de par la manière qu'il dénonce la consommation et la marchandisation de la société.


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Message par Bédoulène Mar 3 Jan - 8:50

curieux, mais tout ce que tu dis Jack m'interpelle car à présent je me demande si dans la flânerie on ne peut également avoir une vue "politique" (questionnement, choix des constructions, structures ou pas, surconsommation etc..)

D'autre part je pense aussi à une flânerie olfactive, je m'explique : lorsque tous les matins je prenais le train à l'odeur du quartier, trains, gare se mêlait celle des "dragées" (il y a une fabrique à quelques pas) et plus encore la flânerie pouvait devenir "goûteuse" quand je sentais fondre dans ma bouche ce goût bien connu.

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Message par Jack-Hubert Bukowski Mar 3 Jan - 11:50

Le point de vue «politique» n'est pas ce qui détermine nécessairement la posture de l'écrivain flâneur, il s'inscrit peut-être en arrière-plan. La flânerie est le matériau qu'on utilise pour écrire l'unité textuelle qui en fera l'objet comme «produit transformé».

Par rapport aux cinq sens, tout peut être mis à disposition dans le cadre d'une flânerie. Mon enseignant nous disait en classe et le répétait assez souvent... il se met en mode flânage lorsqu'il décroche le combiné et parle à son ami... par la suite, il est prêt à se mettre dans la disponibilité d'esprit pour flâner. Dans mon cas à moi, c'est un peu différent vu que je suis Sourd. Mais, oui, le toucher, l'odorat et le goût sont des sens sollicités lorsque nous écrivons.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Jeu 5 Jan - 13:10

À la va-vite, je vous retranscris ce poème que j'ai lu dans un recueil :

3.

la plage urbaine
en cure de réanimation
offrande sur le cadastre du jour

clapotis du matin
les talons arriment leur cadence
un réveil goutte à goutte

effluves de veille à dissiper
les esprits s'affûtent
nulle défaillance

comme eux je m'exerce à palper
l'exil
dans les couloirs de vent

entends la maritime cavale
qui aimante les passants

Danielle Forget, Zone anthropophage

Je trouve que ça s'inscrit bien dans la thématique d'une poésie urbaine et qui se prête aux flâneries diverses.
Jack-Hubert Bukowski
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Message par Nadine Jeu 5 Jan - 20:12

JHB je tombe sur ce post, et j'y reviendrai . Cette semaine la maintenance prend le pas, ou le début d'année, peut-être, je suis dans les paperasses et je suis une flèche au travail, ce qui me laisse assez exsangue le soir.

As-tu lu "La forme d'une ville " de Julien Gracq ? Et si oui dirais tu que c'est une flânerie ? j'aurais dis oui, mais non.

Une flânerie litteraire, c'est lire de la poesie , par exemple, on peut dire ça non ? les formats courts, qui donnent à peser un sens, on releve la tête, quelques pas, ou quelques pas dans la tête seulement..
etc

Au Quebec, vous dites aussi "musarder" ? (passer son temps à flâner) (le museau en l'air -donc museau/muser/musarder)
Nadine
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