Iain Sinclair
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Iain Sinclair
Écrivain et cinéaste, Iain Sinclair est né en 1943 à Cardiff.
Après des études littéraires au Trinity College de Dublin et de cinéma à Londres, il s’installe dans le quartier populaire de Hackney, dans l’Est londonien. Il s’attelle alors à l’écriture d’une œuvre multiforme pour dire un territoire, Londres.
Depuis trente ans, Sinclair arpente inlassablement la ville.
En marchant, il relève les métamorphoses – et les agressions subies – d’un paysage urbain, et établit des connexions invisibles. Proche de J.G. Ballard, il est l’un des romanciers anglais les plus reconnus de sa génération.
inclute.fr (éditeur)
Bibliographie (en vf) :
- London orbital, 2010 : Pages 2
- Le Secret de la chambre de Rodinsky, avec Rachel Lichtenstein, 2002
- Londres 2012 et autres dérives, 2011
- London Overground, 2016
- Quitter Londres, 2018 : Pages 1
maj le 12/01/2021
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Keep on keeping on...
Re: Iain Sinclair
En attendant de la lecture détaillée... Je suis tombé sur London Orbital en 2014 et ça m'a beaucoup parler. La marche, le regard sur la ville, la pratique de la ville, l'observation de ses mutations, de ce qu'elle révèle du moment, ses dérives. Une rétrospection au présent. Beaucoup de références, amis, influences, des anecdotes. Il y a un côté contrarié et contrariant dans l'expérience de l'espace par la marche, qui n'est pas sans excès. Contrarié mais sans la tonalité du type qui a tout compris. Un peu farfelu... tentaculaire. Qui occupe un certain temps...
Pas mal de qualité et de bons passages.
A suivre !
Pas mal de qualité et de bons passages.
A suivre !
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Re: Iain Sinclair
Mon oreille se dresse !Proche de J.G. Ballard
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15643
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Re: Iain Sinclair
Allons-y d'un extrait, début du chapitre Paysage bruitiste de l'Overground :
En même temps qu'une guerre secrète faisait rage dans les tunnels sous les parcs, les jardins maraîchers et les fours en brique abandonnés, un futur agréé se dessinait sous la forme des rails du London Overground, le circuit ferroviaire aérien familièrement connu sous le nom de Ginger Line, la "Ligne orange". Pour le voir et l'entendre (et sentir aussi l'odeur de brûlé), il suffisait de vivre à l'intérieur de la zone de tracé. La plupart du temps - hormis les week-ends, où les tronçons étaient fermés pour cause d'aménagement perpétuel du Crossrail -, l'Overground fonctionnait. Et il fonctionnait parfaitement. Il reliait Haggerston à Denmark Hill, Willesden Junction à Canonbury : une boucle ferroviaire autosuffisante élevant les quartiers traversés au-dessus des autres, moins fortunés. Voyez l'Overground comme la transmutation de l'un des anneaux olympiques de Londres.
J'ai passé des mois à arpenter ce cercle, à regarder la transformation des espaces sous les voies, la métastase des arcades graisseuses en cafés franchisés et en salles de sport. Les palissades autour des chantiers, bariolées de prédictions splendides, me disaient le nombre de minutes exactes qu'il m'en coûterait pour arriver à des endroits plus désirables, des stations de catégorie supérieure.
Le bruit des wagons était un soupir languissant qui faisait frémir les vélos entassés sur les balcons des appartements neufs. Le doux zéphyr, souffle de vie, attirait des marcheurs agités, toujours en retard, informés par smartphone qu'un seul train allait partir de Highbury & Islington (dans les trois minutes).
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Re: Iain Sinclair
Attrape-tristram pour le moins grossier!animal a écrit:Et toutes ces citations...
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8431
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Re: Iain Sinclair
Je fais semblant d'avoir pas lu...
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Tristram- Messages : 15643
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Re: Iain Sinclair
Quitter Londres
1975-2016, ainsi se termine le livre. A travers ses marches, souvent accompagnées, l'auteur nous fait le récit dans différents quartiers de l'effacement de la ville. Dans le brouhaha des conversations des communications sur portables, les images de réhabilitations se succèdent, réécritures automatiques d'un mieux obligatoire polarisées sur des projets commerciaux et des investissements espérés juteux.
L'emballage censé rendre le tout séduisant est très balisé, promenades prédéfinies, religion du vélo, espaces de co-working, barbiers, ... on n'est pas très dépaysés.
De même que par l'envers du décor qui toujours chez Sinclair accompagne son regard, lui sert de moteur. Sans abris immigrés sans papiers, artistes, bâtiments et lieux qui sont un lien, l'histoire et l'âme du vécu de la ville sont sa trame à lui. Une trame réactualisée physiquement par la marche et le partage du récit... ou sa construction quand il s'agit d'une exploration commune.
Le kaléidoscope nostalgique donne le tournis mais l'épopée fait aussi bien. Malgré The Shard, la couleur des vélos et quelques couleurs locales c'est la reconnaissance d'un même mouvement destructeur qui rassure. Pas parce que le mouvement d'effacement et d'anonymisation est réjouissant mais pour le parcours humain qui laisse aussi imaginer que d'une façon ou d'une autre il peut persister une trace, une mémoire commune.
Pas mal de pistes à explorer, Sebald, Ballard et Moore pour les plus connus mais ça va bien plus loin !
Farfelu, énigmatique, nocturne, usé, vivifiant et chaleureux ? Au moins tout ça et bien plus encore ce judicieux portrait d'une ville emblématique (mais de quoi ?).
Phénoménal bric-brac plein de surprises.
Mots-clés : #lieu #urbanité
Dernière édition par animal le Jeu 25 Avr - 12:45, édité 1 fois
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Re: Iain Sinclair
Appétissant, même sans citation.
Mais d'elle-même, la britannique, l'insulaire, le centre de l'empire ?!Animal a écrit:une ville emblématique (mais de quoi ?)
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Tristram- Messages : 15643
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Re: Iain Sinclair
Il va y avoir des extraits.
Je suis revenu dans la périphérie de The Shard avec Bradley L. Garrett, auteur d'Explore Everyhting: Place-Hacking the City (2013). Je lui avais demandé de me montrer comment il avait évité le ticket d'ascenseur à 25,95£ en rentrant par effraction sur le site de construction. Et en montant quatre à quatre, sans se faire repérer, les soixante-dix étages du cœur de béton, avant d'escalader le contrepoids d'une grue gigantesque pour prendre quelques selfies. Histoire de profiter d'une vue ultime sur la ville sensible où tout coule : de là-haut, les lignes ferroviaires sont des rivières, et les rivières des veines et des artères palpitantes. Il n'y a personne. Le seul son est celui du vent. The Shard est pleinement lui-même lorsqu'on en fait l'expérience du seul endroit où on ne le voit pas, du sommet de la voile.
Lors d'une précédente expédition, je m'étais dit que l'aiguille de The Shard était vraiment improbable et incongrue dans la matière de Londres, vue depuis les buttes herbeuses où les urbanistes projettent un parc surélevé de 900 mètres de long, près des voies de garage du réseau ferré entre Peckham Rye et Queens Road Peckham. Si je n'avais pas passé une nuit au Shangri-La, je n'aurais jamais cru qu'à l'altitude où la base nuageuse circonscrit l'érection de la tour de verre, des gens faisaient des longueurs, jouissant de leur divorce avec le monde extérieur et ses complexités.
The Shard est une écharde plantée dans la rétine. Elle bouge en même temps que nous, toujours disponible et domine Londres quel que soit notre point d'entrée affligeant notre perspective. Même les cyclistes-sandwichs sur vélo Santander diffusent sa silhouette. Elle est imprimée en logo sur le garde-boue rouge-brun, comme le toboggan ArcelorMittal d'Anish Kapoor à Olympicopolis. Tant d'icônes londoniennes. De photographies que nous ne plus autorisées à prendre. Une architecture cible. Des structures faites pour exploser.
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Re: Iain Sinclair
Tu connais Londres, animal?
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8431
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Age : 64
Localisation : Roanne
Re: Iain Sinclair
Non. Seulement par photos, films et livres interposés. C'est loin pour y aller à pieds
Plus sérieusement j'en ai une certaine curiosité mais l'image de grosse grosse capitale ne me motive pas beaucoup.
Plus sérieusement j'en ai une certaine curiosité mais l'image de grosse grosse capitale ne me motive pas beaucoup.
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Re: Iain Sinclair
Le poème de Gascoyne, commandé par la BBC pour une diffusion en décembre 1995, s'appelait Night Thoughts. Et comme le plus populaire Au bois lacté de Dylan Thomas, c'était un songe, une rêverie nocturne, une "rencontre avec le silence". Le poète se souvient de ses propres nuits d'errance le long de la Tamise, à imaginer les centrales électriques comme des temples où se déroulent des "sacrifices rituels". Comme dans l'expédition décrite par Will Self dans la postface au Nightwalking de Matthew Beaumont, l'élan est toujours centrifuge : une traversée fébrile des faubourgs assommés pour se libérer des habitudes, puis les champs, "les coteaux ouverts". Il doit exister "Un espace public d'où l'on peut contempler / la puissance Nocturne de la Capitale". De son poste d'observation, le pèlerin est en quelque sorte racheté.
Mon burger à Hampstead n'avait aucun rapport avec un animal ayant un jour arpenté cette terre, sa substance relevait au mieux de la semelle reconstituée. Les frites, elles, étaient en bois : copeaux courbés et chutes de scierie macérés dans l'huile de lin. En bouche, l'aile tordue d'une vague forme pouletoïde horriblement torturée m'évoque de la friture de parapluie. Mieux vaudrait encore vider tous les sachets de mayonnaise aigre, ainsi que les poches de plasma d'ersatz de sauce tomate, et avaler l'emballage en polystyrène. Nos tubes digestifs ont accepté le défi et il faudra beaucoup de kilomètres à travers Londres pour en venir à bout. Mais David Erdos est toujours là, toujours partant. Il parle encore.
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Re: Iain Sinclair
En images (et avec sous-titres auto-générés approximatifs et non traduits). Le livre qu'il promène n'est pas celui-ci mais on trouve des morceaux du livre, celui évoqué plus haut, dans ce film.
edit : j'avais raté les options de traductions automatiques, ça doit commencer à être hasardeux mais mieux que rien ?
edit : j'avais raté les options de traductions automatiques, ça doit commencer à être hasardeux mais mieux que rien ?
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Re: Iain Sinclair
J’aime tellement Londres... J’y vais environ une fois par an. Je l’oublie puis la ville me manque. Son architecture, Camden, Oxford Street, Brixton, La Tamise, Big Ben, Hyde Park, Notting Hills, Paddington...
Les souvenirs, les déambulations diurnes et nocturnes dans les rues, les quartiers chauds, les quartiers riches, les DR Martens, les concerts à Wembley, les boîtes bizarres, la maison d’Amy Winehouse...
En lisant le nom de « London Orbital », par hasard, sur un autre fil, j’ai voulu voir ce que c’était.
J’ai peur de m’ennuyer sur 700 pages, de ressentir le manque de Londres (j’ai décidé de me passer de cette ville depuis le Brexit). Je ne sais pas.
Quelqu’un pourrait m’en dire plus ?
Les souvenirs, les déambulations diurnes et nocturnes dans les rues, les quartiers chauds, les quartiers riches, les DR Martens, les concerts à Wembley, les boîtes bizarres, la maison d’Amy Winehouse...
En lisant le nom de « London Orbital », par hasard, sur un autre fil, j’ai voulu voir ce que c’était.
J’ai peur de m’ennuyer sur 700 pages, de ressentir le manque de Londres (j’ai décidé de me passer de cette ville depuis le Brexit). Je ne sais pas.
Quelqu’un pourrait m’en dire plus ?
Romain- Messages : 102
Date d'inscription : 30/01/2020
Re: Iain Sinclair
J'avais gentiment pris mon pied. Rétrospectivement et avec d'autres lectures de l'auteur aussi je me dis qu'il fait drôlement travailler l'imagination avec ses ramifications variées, ses anecdotes, son temps... Allons à la pêche aux souvenirs :
centre commercial Bluewater
London Orbital
A l'aube du nouveau millénaire Iain Sinclair, devant le spectacle d'un dôme du nouveau millénaire qui s'annonce déjà comme un gigantesque échec commercial et immobilier, décide d'entreprendre un non-tour de Londres ou tour de Londres à l'envers, en suivant en sens inverse des aiguilles d'une montre et par ses marges la M25, grand périphérique circulaire autour de l'agglomération ou ville au sens étendu. Route appelée aussi London Orbital et faisant dans les 200kms de long, croisant cours d'eau et autoroutes, desservant centres et banlieues. Le projet simple, incongru néanmoins ambitieux d'une exploration qui s'annonce problématique. La M25 a-t-elle une destination ?
En voiture, sur la route, ça serait l'affaire de quelques heures, probablement stressantes. Le projet est autre : à pieds. Des journées de marche étalé dans le temps, calées dans les agendas des compagnons de route. Renchi le peintre/chamane ami de longue date ou le photographe Marc Atkins, mais pas seulement. A chaque fois reparti du point d'arrêt précédent. TOUTE la journée, avec départ de bonne heure et fin parfois à la nuit tombée.
Ça suffirait à donner un récit un peu choquant d'une action ou d'une activité pas très nette. Mais pas très nette en allant plus loin que l'originalité ou la symbolique de révolte que le geste peut avoir. Avec les 650 pages qui tendent les bras au lecteur de ce beau petit pavé au format presque carré, il peut se passer beaucoup de choses.
Sans surprises, c'est assez répétitif, ce n'est pas si grand, et une journée n'est pas faite si différemment d'une autre pour que la répétition ne fasse pas partie du voyage : petit déjeuner ou petite chirurgie improvisée, photos mais aussi décors, similitudes. Mais les marches sont préparées et documentées, avant le départ, chacun arrivant avec ses notes, ses cartes et parfois ses livres et complétées ensuite par de nouvelles recherches ou des retours, des expéditions spécifiques.
Au cheminement, au parcours, s'ajoute souvent l'histoire des lieux : les reconversions de sites industriels ou militaires, les bâtiments historiques comme les églises, pourquoi pas les pubs, beaucoup d'hôpitaux et d'asiles aussi, bradés et reconvertis en programmes immobiliers au vert. La tête commence à tourner, depuis les espaces verts domestiqués, à portée d'oreille de la route, les images s'agrègent en même temps que l'espace se retrouve distendu et riche en interstice.
Les faits divers et les légendes urbaines récentes ou moins récentes trouvent ainsi une cohabitation étrangement naturelle. A côté des entrepôts, centre commerciaux, activités tertiaires vides, systèmes de surveillance, une violence existe. Criminalité, sites militaires/défense nationale et moyens discrets de mise à l'écart. Asile pour les réfugiés, les poètes, les fous, les volontés politiques, zones pour parquer les animaux ou les incinérer en cette période de vache folle... Les strates de références qui construisent le paysage, qui sont à découvrir, à rechercher en même temps que la marche, le paysage, le voyage les appelle.
La marche a plusieurs, les aguerris, les préparés à affronter les kilomètres et l'humidité ou la bande d'arrêt d'urgence, et ceux qui vont souffrir. Les visions diffèrent mais s'entretiennent, poursuivent des objectifs qui peuvent être différents. La durée forcée, le temps repoussé sont moteur d'une dynamique complexe. Le rythme d'une réflexion qui se fait par étapes. Qui n'est pas finie, qui a une direction mais n'est pas définitivement définie ou délivrer après coup comme conclusion. La marche est différente et est un moteur.
Cette approche différente, qui en plus se nourrit de retours et d'anomalies, anomalies comportementales contre aberrations du paysages, à force de revenir et de tourner les pages trace un contour plus précis à une longue mutation. Le constat effrayant et catastrophique de campagnes bradées, villes et villages perdus autant qu'une ville plus grande, aux confrontations violentes, aux nombreuses obligations jusque (et surtout ?) dans le loisir, garde une vivacité réjouissante. Il y a une beauté singulière qui survit dans la grisaille et dans la folie.
Et puis autour de cette route symbole du déplacement est l'occasion d'une collection d'accès interdits plus encore que de chemins impraticables (ou risqués). Malgré tout la marche dans les marges progresse. L'imaginaire collectif rassasié revit, un retournement de l'inconscient s'opère et l'autre côté de la barrière qui n'a jamais vraiment cessé d'exister devient plus mystérieux et plus proche. Le processus est vivant. L'après n'est pas effacé a priori, le présent pas tout à fait non plus.
Et la richesse en références du livre et ses choix marqués (Thatcher et Blair & co s'en prennent plein les dents), c'est toujours une image qui s'élargit : Winston Churchill contre Samuel Palmer (<- et oui, on va chercher mille choses en parallèle de la lecture) opposés par dessus un mythe pictural ou Dracula en précurseur prédateur immobilier, ça n'en finit pas.
En résumé ? Excellente lecture, stimulante, intéressante. Amusante et bien tournée en plus d'être pertinente. Pour qui garde un œil ouvert et s'offre de temps à autres des petites balades potentiellement différentes il n'y a probablement pas de gros choc immédiat, de grande révélation. Oui les zones d'activités, les terrains vagues, les lotissements pourris et les villes désertes sont connues. Par contre le rapport au lieu, au temps, à l'exercice de vision et de découverte, de redécouverte, de lecture, la décantation du sentiment profond, ce qui fait une grande part du bouquin ne laissera pas pour autant indifférent. Surtout appliqué à un des centres du monde qui est ce qu'il est et aussi chez nous et chez d'autres du monde modernisé voire américanisé (paysage américain).
L'objet présente bien mais on remarque une coquille sur une occurrence du nom de l'auteur sur la couverture, les notes ne sont pas idéalement placées entre les chapitres (mais vu le format ça peut se discuter) et une carte pas forcément très détaillée mais plus substantielle qu'un simple objet graphique dans le dos qui se plie ("quatrième de couv qui s'ouvre") ça aurait été la vraie classe.
Excellente découverte de cet auteur recommandé par William Gibson (cause de la lecture). Et trois belles semaines d'un solide plaisir de lecture. Et cet avis est forcément vaseux ramené à ce qui est dans le bouquin, mais je reviendrai avec les extraits déjà postés et peut-être deux trois bricoles.
centre commercial Bluewater
London Orbital
A l'aube du nouveau millénaire Iain Sinclair, devant le spectacle d'un dôme du nouveau millénaire qui s'annonce déjà comme un gigantesque échec commercial et immobilier, décide d'entreprendre un non-tour de Londres ou tour de Londres à l'envers, en suivant en sens inverse des aiguilles d'une montre et par ses marges la M25, grand périphérique circulaire autour de l'agglomération ou ville au sens étendu. Route appelée aussi London Orbital et faisant dans les 200kms de long, croisant cours d'eau et autoroutes, desservant centres et banlieues. Le projet simple, incongru néanmoins ambitieux d'une exploration qui s'annonce problématique. La M25 a-t-elle une destination ?
En voiture, sur la route, ça serait l'affaire de quelques heures, probablement stressantes. Le projet est autre : à pieds. Des journées de marche étalé dans le temps, calées dans les agendas des compagnons de route. Renchi le peintre/chamane ami de longue date ou le photographe Marc Atkins, mais pas seulement. A chaque fois reparti du point d'arrêt précédent. TOUTE la journée, avec départ de bonne heure et fin parfois à la nuit tombée.
Ça suffirait à donner un récit un peu choquant d'une action ou d'une activité pas très nette. Mais pas très nette en allant plus loin que l'originalité ou la symbolique de révolte que le geste peut avoir. Avec les 650 pages qui tendent les bras au lecteur de ce beau petit pavé au format presque carré, il peut se passer beaucoup de choses.
Sans surprises, c'est assez répétitif, ce n'est pas si grand, et une journée n'est pas faite si différemment d'une autre pour que la répétition ne fasse pas partie du voyage : petit déjeuner ou petite chirurgie improvisée, photos mais aussi décors, similitudes. Mais les marches sont préparées et documentées, avant le départ, chacun arrivant avec ses notes, ses cartes et parfois ses livres et complétées ensuite par de nouvelles recherches ou des retours, des expéditions spécifiques.
Au cheminement, au parcours, s'ajoute souvent l'histoire des lieux : les reconversions de sites industriels ou militaires, les bâtiments historiques comme les églises, pourquoi pas les pubs, beaucoup d'hôpitaux et d'asiles aussi, bradés et reconvertis en programmes immobiliers au vert. La tête commence à tourner, depuis les espaces verts domestiqués, à portée d'oreille de la route, les images s'agrègent en même temps que l'espace se retrouve distendu et riche en interstice.
Les faits divers et les légendes urbaines récentes ou moins récentes trouvent ainsi une cohabitation étrangement naturelle. A côté des entrepôts, centre commerciaux, activités tertiaires vides, systèmes de surveillance, une violence existe. Criminalité, sites militaires/défense nationale et moyens discrets de mise à l'écart. Asile pour les réfugiés, les poètes, les fous, les volontés politiques, zones pour parquer les animaux ou les incinérer en cette période de vache folle... Les strates de références qui construisent le paysage, qui sont à découvrir, à rechercher en même temps que la marche, le paysage, le voyage les appelle.
La marche a plusieurs, les aguerris, les préparés à affronter les kilomètres et l'humidité ou la bande d'arrêt d'urgence, et ceux qui vont souffrir. Les visions diffèrent mais s'entretiennent, poursuivent des objectifs qui peuvent être différents. La durée forcée, le temps repoussé sont moteur d'une dynamique complexe. Le rythme d'une réflexion qui se fait par étapes. Qui n'est pas finie, qui a une direction mais n'est pas définitivement définie ou délivrer après coup comme conclusion. La marche est différente et est un moteur.
Cette approche différente, qui en plus se nourrit de retours et d'anomalies, anomalies comportementales contre aberrations du paysages, à force de revenir et de tourner les pages trace un contour plus précis à une longue mutation. Le constat effrayant et catastrophique de campagnes bradées, villes et villages perdus autant qu'une ville plus grande, aux confrontations violentes, aux nombreuses obligations jusque (et surtout ?) dans le loisir, garde une vivacité réjouissante. Il y a une beauté singulière qui survit dans la grisaille et dans la folie.
Et puis autour de cette route symbole du déplacement est l'occasion d'une collection d'accès interdits plus encore que de chemins impraticables (ou risqués). Malgré tout la marche dans les marges progresse. L'imaginaire collectif rassasié revit, un retournement de l'inconscient s'opère et l'autre côté de la barrière qui n'a jamais vraiment cessé d'exister devient plus mystérieux et plus proche. Le processus est vivant. L'après n'est pas effacé a priori, le présent pas tout à fait non plus.
Et la richesse en références du livre et ses choix marqués (Thatcher et Blair & co s'en prennent plein les dents), c'est toujours une image qui s'élargit : Winston Churchill contre Samuel Palmer (<- et oui, on va chercher mille choses en parallèle de la lecture) opposés par dessus un mythe pictural ou Dracula en précurseur prédateur immobilier, ça n'en finit pas.
En résumé ? Excellente lecture, stimulante, intéressante. Amusante et bien tournée en plus d'être pertinente. Pour qui garde un œil ouvert et s'offre de temps à autres des petites balades potentiellement différentes il n'y a probablement pas de gros choc immédiat, de grande révélation. Oui les zones d'activités, les terrains vagues, les lotissements pourris et les villes désertes sont connues. Par contre le rapport au lieu, au temps, à l'exercice de vision et de découverte, de redécouverte, de lecture, la décantation du sentiment profond, ce qui fait une grande part du bouquin ne laissera pas pour autant indifférent. Surtout appliqué à un des centres du monde qui est ce qu'il est et aussi chez nous et chez d'autres du monde modernisé voire américanisé (paysage américain).
L'objet présente bien mais on remarque une coquille sur une occurrence du nom de l'auteur sur la couverture, les notes ne sont pas idéalement placées entre les chapitres (mais vu le format ça peut se discuter) et une carte pas forcément très détaillée mais plus substantielle qu'un simple objet graphique dans le dos qui se plie ("quatrième de couv qui s'ouvre") ça aurait été la vraie classe.
Excellente découverte de cet auteur recommandé par William Gibson (cause de la lecture). Et trois belles semaines d'un solide plaisir de lecture. Et cet avis est forcément vaseux ramené à ce qui est dans le bouquin, mais je reviendrai avec les extraits déjà postés et peut-être deux trois bricoles.
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Re: Iain Sinclair
Merci beaucoup pour cette critique ! Après un si beau et appétissant compte-rendu, je vais bien évidemment me procurer le livre.
Romain- Messages : 102
Date d'inscription : 30/01/2020
Re: Iain Sinclair
Surtout qu'après la faillite du premier éditeur (il me semble) il est ressorti chez je ne sais plus qui d'un peu plus gros donc c'est plus facile à trouver !
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Re: Iain Sinclair
Gibson en référence maintenant. Moi aussi, je crains de devoir le chercher (soupir).
Cette démarche me rappelle celle d'un auteur français, un proche de François Bon si je me souviens bien, explorateur des périphéries...
Cela me ramentoit aussi des balades à pied dans les zones autour de Paris, réservées aux voitures, et pas du tout prévues pour les piétons (exotisme genre SF assuré).
Cette démarche me rappelle celle d'un auteur français, un proche de François Bon si je me souviens bien, explorateur des périphéries...
Cela me ramentoit aussi des balades à pied dans les zones autour de Paris, réservées aux voitures, et pas du tout prévues pour les piétons (exotisme genre SF assuré).
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Re: Iain Sinclair
Le livre est disponible chez Babel.
Romain- Messages : 102
Date d'inscription : 30/01/2020
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