Étienne Pivert de Senancour
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Étienne Pivert de Senancour
Étienne Pivert de Senancour
(1770 - 1846)
(1770 - 1846)
Biographie :
Étienne Pivert de Senancour, né à Paris le 16 novembre 1770 et mort à Saint-Cloud le 10 janvier 1846, est un écrivain du premier romantisme français.
Il fut élevé à Paris, puis chez un curé de campagne près d'Ermenonville, à Fontaine Chaâlis, où il se prit de passion pour Rousseau. Mélancolique et solitaire, il souffrit au collège des sarcasmes de ses camarades. Il s'enfuit le 14 août 1789, pour éviter le séminaire auquel son père le destinait, ce qui lui valut de figurer sur la liste des émigrés.
Il s'installa en Suisse, fit un mariage malheureux, vit sa santé décliner. Il revint en 1795 à Paris, où il venait de publier un récit, Aldomen, ou le Bonheur dans l'obscurité. En 1799, il publia ses Rêveries sur la nature primitive de l'homme, où alternent contemplation des paysages de montagne, expression de la mélancolie, désir de changer la société. Oberman (18041) est le roman qui lui vaudra la gloire auprès des romantiques. Son amertume s'exprime à travers le journal intime d'un héros malheureux, dévoré d'ennui, de doutes et d'inquiétudes. Rêveries et descriptions de la nature y tiennent une grande place. Sainte-Beuve puis George Sand louèrent ce roman, passé presque inaperçu du vivant de son auteur, malgré l'attention que lui porta Charles Nodier.
Liszt a intitulé Vallée d'Obermann l'une des pages des années de pèlerinage (la Suisse), où il a fait figurer une citation de l'œuvre de Senancour « Que veux-je ? Que suis-je ? Que demander à la nature ? »
Vivant de petits travaux de librairie et de journalisme, Senancour collabora aussi à la Bibliographie universelle des contemporains. Il laissa une pièce de théâtre, des méditations, des essais, dont l'un lui valut d'être accusé d'impiété en 1825, et un petit traité, De l'amour, où il plaide pour le divorce. Le nom de Senancour est resté associé à son roman Oberman, mais reste peu connu pour ses autres œuvres. Les Rêveries de 1833 témoignent d'un Senancour moins amer, optimiste « par-delà le désespoir »2. Quelques-uns ont su trouver en lui un maître : Nerval, Balzac (qui célèbre Oberman dans son roman Illusions perdues en ces termes : « un livre magnifique, le pianto de l'incrédulité… ») et Proust ne se lassaient pas de le lire. Au Royaume-Uni, Senancour a eu une influence notable sur le poète et critique Matthew Arnold.
Bibliographie :
Romans
Aldomen, ou le Bonheur dans l’obscurité (1795)
Oberman (1804)
Isabelle (1833), roman épistolaire
Essais
Les Premiers Âges. Incertitudes humaines (1792)
Sur les générations actuelles. Absurdités humaines (1793)
Rêveries sur la nature primitive de l'homme, sur ses sensations, sur les moyens de bonheur qu'elles lui indiquent, sur le mode social qui conserverait le plus de ses forces primordiales (1798)
De l'amour (1806)
Lettre d’un habitant des Vosges sur MM. Buonaparte, de Chateaubriand, Grégoire, Barruel (1814)
Observations critiques sur l'ouvrage intitulé Génie du christianisme, suivies de réflexions sur les écrits de Monsieur de Bonald (1816)
Libres méditations d'un solitaire inconnu (1819)
Résumé de l’histoire de la Chine (1824)
Résumé de l’histoire des traditions morales et religieuses (1825)
Résumé de l'histoire romaine (1827)
Rêveries (1833, troisième édition remaniée; première édition en l'an VIII)
Théâtre
Valombré (1807)
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Re: Étienne Pivert de Senancour
Obermann
Obermann remet tout en question. Dans ses conceptions et dans son tempérament, il est en proie aux doutes, rejetant toutes formes de foi érigées en système commode pour la conscience, mais rejetant aussi bien l'incrédulité. Le roman est comme un voyage, Obermann s'ouvre à toutes expériences intellectuelles tandis qu'il explore et peint la Suisse, dans une poursuite incertaine du bonheur et de la beauté, si toutefois cette poursuite n'est pas vaine.
Vu qu'il s'agit d'une correspondance (mais on n'a droit qu'aux lettres d'Obermann, pas à celles de son interlocuteur) les thèmes et les idées de l'après-1789 sont abordées par confidences ou par la dispute ; suivre l'évolution d'Obermann sous ces rapports apporte beaucoup. Cerner un homme à l'aube du romantisme, avec une vue sur la société nettement plus en retrait que celle de Châteaubriand. Sur beaucoup de ces sujets, Obermann fait preuve d'une grande lucidité, en particulier sur les relations humaines, sur le mariage... il goûte à tout, analyse comme il sent, comme il respire ; son style, soit dans la concision soit dans des phrases plus longues est remarquablement clair et c'est un délice.
Obermann remet tout en question. Dans ses conceptions et dans son tempérament, il est en proie aux doutes, rejetant toutes formes de foi érigées en système commode pour la conscience, mais rejetant aussi bien l'incrédulité. Le roman est comme un voyage, Obermann s'ouvre à toutes expériences intellectuelles tandis qu'il explore et peint la Suisse, dans une poursuite incertaine du bonheur et de la beauté, si toutefois cette poursuite n'est pas vaine.
Vu qu'il s'agit d'une correspondance (mais on n'a droit qu'aux lettres d'Obermann, pas à celles de son interlocuteur) les thèmes et les idées de l'après-1789 sont abordées par confidences ou par la dispute ; suivre l'évolution d'Obermann sous ces rapports apporte beaucoup. Cerner un homme à l'aube du romantisme, avec une vue sur la société nettement plus en retrait que celle de Châteaubriand. Sur beaucoup de ces sujets, Obermann fait preuve d'une grande lucidité, en particulier sur les relations humaines, sur le mariage... il goûte à tout, analyse comme il sent, comme il respire ; son style, soit dans la concision soit dans des phrases plus longues est remarquablement clair et c'est un délice.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 31
Re: Étienne Pivert de Senancour
Merci d'avoir parlé de ce livre, que je suis en train de découvrir avec plaisir. On sent bien la filiation avec Rousseau, et les prémices du Romantisme. Mais pas que ; et comme tu dis, il y a beaucoup à puiser chez cet homme.
(Lettre VII, p 95)
(Lettre XIII p 117)
Mais cette vue des sommets abaissés sous les pieds de l'homme, cette vue si grande, si imposante, si éloignée, de la monotone nullité du paysage des plaines, n'était pas encore ce que je cherchais dans la nature libre, dans l'immobilité silencieuse, dans l'air pur. Sur les terres basses, c'est une nécessité que l'homme naturel soit sans cessé altéré, en respirant cette atmosphère si épaisse, si orageuse, si pleine de fermentation, toujours ébranlée par le bruit des arts, le fracas des plaisirs ostensibles, les cris de la haine et les perpétuels gémissements de l'anxiété et des douleurs. Mais là, sur ces monts déserts, où le ciel est immense, où l'air est plus fixe, et les temps moins rapides, et la vie plus permanente ; là, la nature entière exprime éloquemment un ordre plus grand, une harmonie plus visible, un ensemble éternel. Là, l'homme retrouve sa forme altérable, mais indestructible ; il respire l'air sauvage loin des émanations sociales ; son être est à lui comme à l'univers : il vit d'une vie réelle dans l'unité sublime.
(Lettre VII, p 95)
Pourquoi ce qui n'est point semble-t-il plus selon la nature de l'homme que ce qui est ? La vie positive est aussi comme un songe ; c'est elle qui n'a point d'ensemble, point de suite, point de but ; elle a des parties certaines et fixes ; elle en a d'autres qui ne sont que hasard et discordance, qui passent comme des ombres, et dans lesquelles on ne trouve jamais ce qu'on a vu. Ainsi, vraies et suivies, et d'autres bizarres, désunies et chimériques, qui se lient, je ne sais comment, aux premières. Le même mélange compose et les rêves de la nuit et les sentiments du jour. La sagesse antique a dit que le moment du réveil viendrait enfin.
(Lettre XIII p 117)
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Re: Étienne Pivert de Senancour
Lettre XXX (extrait)
Il faisait sombre et un peu froid ; j'étais abattu, je marchais parce que je ne pouvais rien faire. Je passais auprès de quelques fleurs posées sur un mur à hauteur d'appui. Une jonquille était fleurie. C'est la plus forte expression du désir : c'était le premier parfum de l'année. Je sentis tout le bonheur destiné à l'homme. Cette indicible harmonie des êtres, le fantôme du monde idéal fut tout entier dans moi ; jamais je n'éprouvai quelque chose de plus grand et de si instantané. Je ne saurais trouver quelle forme, quelle analogie, quel rapport secret a pu me faire voir dans cette fleur une beauté illimitée, l'expression, l'élégance, l'attitude d'une femme heureuse et simple dans toute la grâce et la splendeur de la saison d'aimer. Je ne concevrai point cette puissance, cette immensité que rien n'exprimera ; cette forme que rien ne contiendra ; cette idée d'un monde meilleur, que l'on sent et que la nature n'aurait pas fait ; cette lueur céleste que nous croyons saisir, qui nous passionne, qui nous entraîne, et qui n'est qu'une ombre indiscernable, errante, égarée dans le ténébreux abîme.
Invité- Invité
Re: Étienne Pivert de Senancour
bel extrait ! merci Arturo
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21099
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