Guy Vaes
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Guy Vaes
Guy Vaes (Anvers, 1927 – ibidem, 2012) est un romancier, poète, essayiste, photographe et critique de cinéma belge. Membre de la bourgeoisie francophone anversoise, il fut l’un des derniers écrivains flamands d’expression française.
En 1956, il fit paraître chez Plon Octobre long dimanche, roman qu’il aurait commencé à écrire en 1947, et qui connaîtra une réception extrêmement élogieuse (au moins équivalente à celle du roman d'Alain Robbe-Grillet, Le Voyeur, paru la même année) et demeure aujourd'hui l'un des classiques de la littérature belge du XXe siècle ; il ne publiera plus de roman avant L'Envers en 1983. Par la suite, il se partagea entre poésie, essai, roman et travaux journalistiques (contribuant aux journaux anversois francophones La Métropole et Le Matin, ainsi qu’à l’hebdomadaire bruxellois Spécial, où il tint la rubrique cinéma). Il fut élu à l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique en 1997.
Œuvres
Ce qui m'appartient, poésie, Anvers, Orion, 1952.
Octobre long dimanche, roman, Paris, Plon, 1956 (rééd. Bruxelles, Jacques Antoine (éditeur), coll. « Passé Présent », 1979).
« Poussière d'un monde », nouvelle, dans Fiction n° 33, août 1956.
La Flèche de Zénon. Essai sur le temps romanesque, essai, Anvers, Librairie des Arts, 1966.
Les Cimetières de Londres, essai, Bruxelles, Jacques Antoine, 1978.
Le Millénium éclair, poésie, Venise, édition privée, 1981.
L'Envers, roman, Bruxelles, Jacques Antoine, 1983 (récompensé par le prix Victor Rossel).
Mes villes, essai, Bruxelles, Jacques Antoine, Bruxelles, 1986.
Suite irlandaise, poésie, Bruxelles, Jacques Antoine, 1987.
Le Regard romanesque, conférences (Chaire de poétique), Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain, 1987.
L'Usurpateur, roman, Bruxelles, Labor, 1994 (rééd. coll. « Espace Nord », 2006).
La Jacobée noire, poèmes et photographies de l'auteur, Anvers, éditions Marc Poirier dit Caulier, 1996.
L'Œil pharaonique, poèmes accompagnant les photographies d'André Janssens, Bruxelles, La Lettre volée, coll. « Poiesis », 2001.
Les Apparences, roman, Avin, Luce Wilquin, 2001.
Les Stratèges, roman, Avin, Luce Wilquin, 2002.
(Wikipédia)
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15640
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Re: Guy Vaes
Octobre long dimanche
Le jeune Laurent Cartenas, qui a perdu Régine Cœursévère, revient à Vagrèze où son oncle est mort ; il y retrouve Irène, son amante de jardinier du domaine.
\Mots-clés : #fantastique #mort
Le jeune Laurent Cartenas, qui a perdu Régine Cœursévère, revient à Vagrèze où son oncle est mort ; il y retrouve Irène, son amante de jardinier du domaine.
Après cette première partie, dans la seconde, beaucoup plus développée, Laurent est montré dans son existence de secrétaire dans une agence de publicité, en relation avec ses amis Géo et Régis, et son amie Jessica. Ceux-ci se détournent de plus en plus de lui, qui apparemment disparaît de leur vie, devenant un « mort-vivant ».« Là, sur le mur du fond, entre un porte-manteau de bois de cerf et un baromètre à flèche d’or, un miroir s’arrondissait. Un petit miroir à cadre d’ivoire dont la réflexion avait beaucoup diminué. On y distinguait néanmoins une perspective repliée comme les ailes d’un oiseau. »
« N’avait-il pas consenti depuis toujours à sa plus secrète aspiration : se fondre dans une connaissance sensuelle du monde qui, en réalité, ne serait qu’une forme consciente du sommeil ? »
Laurent perd son emploi (et son logement), puis, attiré par Régine, « l’Égyptienne », s’inscrit au cours d’anglais qu’elle suit à l’institut Vercel.« Mais était-il encore temps de se guérir de sa plus vieille manie : celle de se regarder vivre et d’y prendre plaisir ? »
Outre de telles observations psychologiques, le récit accumule les allusions au genre fantastique, s’autoréférençant.« Un jour, cependant, l’habitude diluerait ce profil, ou bien le dégoût d’un bonheur rectiligne ; alors le jeune homme se demanda si, même à supposer que Régine devînt sa maîtresse, il ne valait pas mieux s’accoutumer dès ce soir à l’idée de la perdre. »
L’illustration de couverture de la première édition, chez Passé Présent, reprend ce passage du chapitre II, V :« Peut-être a-t-il été enlevé à ce monde par une mort qui ne vous conduit pas au cimetière ? »
Régine (qui méprise le fantastique, parle de « fable » et résiste à Laurent) :« Vers le milieu de la rue, sur le trottoir où marchait Laurent, se dressait une étroite façade de couleur gingembre, dont la peinture écaillée imitait les érosions lunaires ; un balcon de bois vert, surmonté d’une crête de fer forgé, y dessinait une proue de caravelle qui émergeait d’une eau verticale. »
Laurent évoque l’auteur Randolf Agee, et a des velléités d’écriture ; puis il rencontre Peterssen, un maquettiste, à Évreuze, sa (fictive) ville d’origine.« Le soir, nous dinions en tête-à-tête au salon, puis nous allions nous balader dans le jardin. Mon fiancé était un affreux bourgeois, il adorait une existence où l’aujourd’hui confirme la veille. »
Peterssen (avec qui Laurent se découvre des affinités) :« À chaque nouvelle plongée dans son passé, celui-ci modifiait sa physionomie ; aussi ce temps mort offrait-il les mêmes propriétés que l’avenir : il devenait malléable en se décomposant. »
Laurent, qui emménage dans un nouvel appartement, s’est écarté de Régine.« Je ne puis me persuader que mourir se fasse sans notre consentement. »
Sa nouvelle voisine, Frédérique Jussiaux, qui a un rapport ambivalent avec le Christ :« Mais, pour l’instant, il s’était fermé à tout contact extérieur, comme s’il craignait qu’en prenant congé de soi l’on eût dérobé sa phrase, son obsédante petite phrase. Car la découverte de celle-ci ne contenait pas seulement un arrêt de mort : elle sous-entendait qu’il n’avait pas seulement perdu de sa logique, qu’il était conscient du mécanisme de son destin et pourrait, à condition de se montrer énergique, naviguer peut-être à contre-courant. Maigre garantie de lucidité, sans doute, mais dont il n’eût voulu se débarrasser sous aucun prétexte. »
Régine s’est noyée, et Laurent part à Vagrèze pour faire valoir ses droits à l’héritage, comme débute la brève troisième partie.« Elle désigna le crucifix. Écrasé contre le mur, il caricaturait une libellule aux ailes racornies, un dieu-insecte attentif à ne pas bouger. Il devait être le seul objet au monde que le regard de la femme atteignît d’emblée, sans que rien ne s’interposât entre elle et lui. L’invisible point de mire, était-ce le thaumaturge décharné ? »
« Avez-vous déjà songé que la conscience pouvait s’éveiller dans un objet, à l’improviste ? […] Je veux dire, reprit-elle en épousant avec prudence ce qu’elle entrevoyait, je veux dire que la matière qu’on emploie pour créer un objet demeure étrangère à sa forme. C’est un morceau de nature supplicié. Le meuble qui s’use, perd son vernis et se démantèle, redevient bois, fragment d’arbre mort. Ainsi en va-t-il pour chaque objet, ainsi retourne-t-il à ses origines. »
Là Laurent se trouve sous l’emprise des réminiscences du jardinier disparu, Hugo, qu’il remplace auprès de la servante, Irène. Toujours passif, il oscille de plus en plus entre angoisse et complaisance.« Octobre verrait le premier anniversaire de sa vie de jeune mort. »
Claude, son cousin qui hérite du domaine :« Car n’était-il pas vécu plus qu’il ne vivait ? »
Entre introspection existentielle sur l’échec personnel et réalisme magique ou inquiétante étrangeté, c’est avec un style châtié que Guy Vaes nous immerge dans cette histoire orphique. Dürrenmatt, Julien Green et Henry James me sont venus à l’esprit au cours de cette lecture.« La ressemblance des jours ne lui garantissait-elle pas une éternité à mesure d’homme, un temps si long que l’angoisse de mourir devenait anachronique ? »
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Tristram- Messages : 15640
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Re: Guy Vaes
cela me fait hésiter
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21144
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Re: Guy Vaes
Je comprends, mais perso j'ai aimé ce livre !
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Tristram- Messages : 15640
Date d'inscription : 09/12/2016
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Re: Guy Vaes
J'ai lu ce livre il y a une paire d'années et je n'en avais pas fait de commentaire.
J'ai aussi beaucoup aimé cette histoire d'un homme qui s'efface littéralement, sort de la mémoire des gens qu'il a côtoyés.
C'est un auteur que je compte bien lire à nouveau.
Pour l'anecdote, voici la maison Art Nouveau d'Anvers avec la proue de navire dont il est question à plusieurs reprises dans le roman.
J'ai aussi beaucoup aimé cette histoire d'un homme qui s'efface littéralement, sort de la mémoire des gens qu'il a côtoyés.
L'écriture est très poétique« Il serait dorénavant l’homme dont les gens parleraient au passé. »
« Le sifflement d’un train crevait l’ouest d’une rauque horizontale. »
« Les grues avaient l’immobilité de branches de compas prêtes à tracer un cercle où tournoyeraient, affolés, la sirène d’un remorqueur et un oiseau ivre. »
« La nuit s’alourdissait. A l’horizon une lueur violette indiquait une blessure, causée sans doute par les clochers pointus et les mâts des navires, par les mille coqs de fer auxquels le vent du matin n’arracherait qu’une rauque supplication. Dans un fin réseau d’antennes et de cheminées, la voilure courbe d’un croissant de lune s’aventurait. »
J'ai trouvé que "Octobre, long dimanche" se rattachait aux courants littéraires des années 60 : Existentialisme, Nouveau Roman. Guy Vaes a d'ailleurs souvent été mis en parallèle avec Robbe-Grillet.« La bouche de Laurent était si sèche qu’il ne put répondre. S’il l’ouvrait, sans avoir au préalable enrobé ses paroles de salive, les mots risquaient de s’en échapper comme des billes. Et l’administrateur aurait contemplé avec stupeur ces gouttes de métal roulant sur le sol et rebondissant au bout du corridor, sur les marches de l’escalier. »
C'est un auteur que je compte bien lire à nouveau.
Pour l'anecdote, voici la maison Art Nouveau d'Anvers avec la proue de navire dont il est question à plusieurs reprises dans le roman.
ArenSor- Messages : 3377
Date d'inscription : 02/12/2016
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Re: Guy Vaes
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Tristram- Messages : 15640
Date d'inscription : 09/12/2016
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Localisation : Guyane
Re: Guy Vaes
commentaire, ressenti, photos ça incite à la lecture, merci
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Bédoulène- Messages : 21144
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