Antonin Artaud
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Antonin Artaud
source : wikipédiaNé à : Marseille (Bouches-du-Rhône) , le 04/09/1896
Mort à : Ivry-sur-Seine , le 04/03/1948
Antonin Artaud, de son vrai nom Antoine Marie Joseph Artaud, est un poète, romancier, acteur, dessinateur et théoricien du théâtre français.
Théoricien du théâtre et inventeur du concept du « théâtre de la cruauté » dans Le Théâtre et son double, Artaud aura tenté de transformer de fond en comble la littérature, le théâtre et le cinéma. Par la poésie, la mise en scène, la drogue, les pèlerinages, le dessin et la radio, chacune de ces activités a été un outil entre ses mains, « un moyen pour atteindre un peu de la réalité qui le fuit. »
Souffrant de maux de tête chroniques depuis son adolescence, qu'il combattra par de constantes injections de médications diverses, la présence de la douleur influera sur ses relations comme sur sa création. Il sera interné en asile près de neuf années durant, subissant de fréquentes séries d'électrochocs.
En 1938 paraît un recueil de textes sous le titre Le Théâtre et son double dont Le Théâtre et la peste, texte d'une conférence littéralement incarnée, plus que prononcée, Artaud jouant les dernières convulsions d'un pestiféré devant une assistance atterrée puis hilare.
Déçu par le théâtre qui ne lui propose que de petits rôles, Artaud espère du cinéma une carrière d'une autre envergure. En 1935, il apparaît deux ultimes fois dans Lucrèce Borgia d'Abel Gance et dans Kœnigsmark de Maurice Tourneur.
Antonin Artaud aura tourné dans plus d'une vingtaine de films sans jamais avoir obtenu le moindre premier rôle ni même un second rôle d'importance.
Atteint d'un cancer du rectum diagnostiqué trop tard, Antonin Artaud meurt le matin du 4 mars 1948. Il est enterré au cimetière Saint-Pierre à Marseille.
Bibliographie sélective
L' Ombiilic des limbes
Le Pèse-nerfs, Leibovitz, 1925
L'Art et la Mort, 1929
Les Nouvelles Révélations de l'être, 1937
Le Théâtre et son double, 1938 : Page 1
D'un voyage au pays des Tarahumaras, 1945 : Page 1
Van Gogh, le suicidé de la société, 1947 : Page 1
Artaud le Mômo, 1947
Ci-gît, précédé de la Culture indienne, 1947
Pour en finir avec le jugement de Dieu, 1948
Les Cenci, in Œuvres complètes, 1964
Publications posthumes
50 Dessins pour assassiner la magie, 2004
Artaud Œuvres, choix de textes par Evelyne Grossman, 2004
Cahier d'Ivry, janvier 1948, fac-similé, 2006
Nouveaux Écrits de Rodez, 2006.
source : Esprits Nomades pour la bibliographie.
Mot-clé : #poésie
màj le 2/11/2017
bix_229- Messages : 15439
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Re: Antonin Artaud
Van Gogh est le livre que je préfère d' Artaud. Artaud s'est en partie identifié à Van Gogh, et c'est ainsi qu'on a un portrait sensible sinon ressemblant de Van Gogh et un autoportrait d' Artaud lui-meme en suicidé de la société...
Personnellement, j'aimais Van Gogh avant d'avoir lu Artaud, mais la lecture d'Artaud m'a fait connaître un Van Gogh que personne d'autre n'aurait pu me montrer.
Question d'empathie comme on dit. Artistes tous les deux, mais bien au delà de la fêlure. Artaud dans sa vie malheureuse ne connut pas beaucoup de moments heureux. Et il était beaucoup trop souffrant et hérissé pour avoir beaucoup d'amis.
Alors je pense qu'il a trouvé une parenté réelle avec Van Gogh.
Message récupéré
mots-clés : #creationartistique
Dernière édition par bix_229 le Lun 2 Jan - 17:40, édité 1 fois
bix_229- Messages : 15439
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Re: Antonin Artaud
J' espère que Constance/Elvire viendra compléter le tableau
Elle connait Artaud sous toutes ses facettes.
Elle connait Artaud sous toutes ses facettes.
bix_229- Messages : 15439
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Re: Antonin Artaud
LE THEATRE ET SON DOUBLE
Extrait de l' Encyclopaedia UniversalisLe 6 janvier 1936, Antonin Artaud (1896-1948) soumet à Jean Paulhan plusieurs textes (articles, conférences, lettres) destinés à composer un essai sur le théâtre. Au mois de décembre de la même année, il écrit à Gaston Gallimard pour défendre son travail « qui touche à des problèmes d'une extrême actualité ». Mais Le Théâtre et son double ne sera publié qu'en 1938, alors qu'Artaud vient d'être interné.
1. Restaurer la fonction sacrée du théâtre
Le Théâtre et son double regroupe un ensemble de conférences (« Le Théâtre et la peste », « La Mise en scène et la métaphysique »), d'articles (« Le Théâtre alchimique », « Sur le théâtre balinais »), deux manifestes sur « le théâtre de la cruauté », et de nombreuses lettres rédigées entre 1932 et 1937. À travers ces textes, Antonin Artaud expose ses conceptions du théâtre et secoue la complaisante torpeur dans laquelle se fige la culture occidentale. En y voyant davantage qu'un simple traité de la pratique théâtrale, Jacques Derrida insiste sur le fait qu'il s'agit là plus particulièrement « d'un système de critique ébranlant le tout de l'histoire de l'Occident ».
Le Théâtre et son double reçut son unique illustration avec la mise en scène des Cenci, drame tiré de Shelley et de Stendhal qu'Artaud monta en 1935, mais qui ne resta que dix-sept jours à l'affiche. Par la mise en scène et par l'interprétation, Artaud affirmait alors vouloir porter « au cours du spectacle, l'action, les situations, les images à ce degré d'incandescence implacable qui dans le domaine psychologique ou cosmique s'identifie avec la cruauté ».
Parce que l'idée de théâtre s'est perdue, Artaud entend la restaurer dans sa fonction sacrée, celle d'une métaphysique aboutissant à l'unité originelle. En s'inspirant du théâtre balinais, qui possède son propre langage de signes, il en vient à opposer la conception d'un théâtre occidental, assujetti à la parole et aux texte...
Dernière édition par bix_229 le Lun 2 Jan - 17:43, édité 1 fois
bix_229- Messages : 15439
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Re: Antonin Artaud
Les Tarahumaras
par Antonin Artaud
Gallimard
Collection Folio
1987
Voyage au pays des Tarahumaras, le livre qui a fait connaître ce peuple indien du Mexique et son fameux rite du peyotl
Gallimard
par Antonin Artaud
Gallimard
Collection Folio
1987
Voyage au pays des Tarahumaras, le livre qui a fait connaître ce peuple indien du Mexique et son fameux rite du peyotl
Préface de Paule ThéveninSi, en 1936, un poète désespéré par l'Europe n'avait cherché, au prix de difficultés et de souffrances incroyables, à se porter à la rencontre des Tarahumaras, mangeurs de peyotl, leur nom ne nous serait pas aussi familier, il ne serait pas devenu ce vocable évocateur de fabuleux paysages : montagnes peuplées d' « effigies naturelles » et gravées de signes magiques, ciels qui auraient inspiré leurs bleus aux peintres d'avant la Renaissance, cortèges de Rois mages apparaissent à la tombée du jour dans un « pays construit comme des pays de peinture »; et, pour beaucoup d'entre nous, les Tarahumaras ne seraient pas ce peuple fier et intact, obsédé de philosphie, qui a su maintenir, en des danses accompagnées de miroirs, de croix, de clochettes ou de râpes, les grands rites solaires : rite du peyotl au cours duquel un mystérieux alphabet sort du foie du participant et se répand dans l'espace, rite des rois de l'Atlantide déjà bien étrangement décrit par Platon, rite sombre du Tutuguri avec son tympanon lancinant.
Gallimard
bix_229- Messages : 15439
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Re: Antonin Artaud
ça m'avait solidement impressionné Le suicidé de la société, un titre encore plus sec que punk. ça m'a aidé aussi à être plus réceptif à cette peinture très particulière.
reprise de message :
Van Gogh le suicidé de la société
L'avant propos est légèrement inquiétant mais heureusement le texte lui même se révèle nettement plus lisible, même si le sens de certains passages mérite réflexion. Une écriture vivace d'apparence rageuse mais très douce, une sorte de grand écart démonstratif qui se resserre autour de plusieurs forme d'un même motif d'opposition du vrai et du tuant ? ... folie supposée et médecine improbable, réalité communément tangible et révélation de la peinture... la concrétisation, l'hommage donc, se fait dans la peinture mais ce motif pas loin d'être effrayant est comme la grande toile d'un cauchemar.
Je n'avais jamais lu Artaud et je connais peu Van Gogh que ce soit sa vie ou son œuvre qui me vient comme par à-coups... cette lecture m'a donc permis de découvrir une vision très précise et concrète de cette peinture, une peinture goûtée dans un absolu sans retenue, projetée hérissée de tous ses enjeux dans la plus parfaite actualité (le passage évoquant la tenue de l'exposition est très riche de sens). Il décrit ainsi la force vibrante et écorchée de l'inanimé, une transcendance de la simple peinture et du simple motif d'ailleurs choisis, et revient par ce chemin au sens et à une grandeur qui n'a plus vraiment de raison, une certaine normalité mais réalisée... L'attachement au peintre et à sa peinture est sincèrement poignant, pas tant dans la démesure qu'on peut trouver à la forme mais quelque chose de plus intime, face à de l'humain à nu presque étranger à une pudeur qui serait dévoilée grossière.
ça ébranle au fur et à mesure, après...
ça nécessite également de poursuivre vers cet auteur et regarder autrement la peinture.
très très grand merci à l'homme oiseau !
Et extrait :
reprise de message :
Van Gogh le suicidé de la société
« Je vois à l'heure où j'écris ces lignes, le visage rouge sanglant du peintre venir à moi, dans une muraille de tournesols éventrés,
Dans un formidable embrasement d'escarbilles d'hyacinthe opaque et d'herbages de lapis-lazuli.
Tout cela, au milieu d'un bombardement comme météorique d'atomes qui se feraient voir grain à grain,
Preuve que Van Gogh a pensé ses toiles comme un peintre, certes, et uniquement comme un peintre, mais qui serait,
Par le fait même,
Un formidable musicien. »
Dans Van Gogh le suicidé de la société, publié en 1947, quelques mois avant sa mort, Antonin Artaud rend au peintre un éblouissant hommage. Non Van Gogh n'était pas fou, martèle-t-il, ou alors il l'était au sens de cette authentique aliénation dont la société et les psychiatres ne veulent rien savoir. "Mais quelle garantie les aliénés évidents de ce monde ont-ils d'être soignés par d'authentiques vivants ?" (Aliénation et magie noire)
L'avant propos est légèrement inquiétant mais heureusement le texte lui même se révèle nettement plus lisible, même si le sens de certains passages mérite réflexion. Une écriture vivace d'apparence rageuse mais très douce, une sorte de grand écart démonstratif qui se resserre autour de plusieurs forme d'un même motif d'opposition du vrai et du tuant ? ... folie supposée et médecine improbable, réalité communément tangible et révélation de la peinture... la concrétisation, l'hommage donc, se fait dans la peinture mais ce motif pas loin d'être effrayant est comme la grande toile d'un cauchemar.
Je n'avais jamais lu Artaud et je connais peu Van Gogh que ce soit sa vie ou son œuvre qui me vient comme par à-coups... cette lecture m'a donc permis de découvrir une vision très précise et concrète de cette peinture, une peinture goûtée dans un absolu sans retenue, projetée hérissée de tous ses enjeux dans la plus parfaite actualité (le passage évoquant la tenue de l'exposition est très riche de sens). Il décrit ainsi la force vibrante et écorchée de l'inanimé, une transcendance de la simple peinture et du simple motif d'ailleurs choisis, et revient par ce chemin au sens et à une grandeur qui n'a plus vraiment de raison, une certaine normalité mais réalisée... L'attachement au peintre et à sa peinture est sincèrement poignant, pas tant dans la démesure qu'on peut trouver à la forme mais quelque chose de plus intime, face à de l'humain à nu presque étranger à une pudeur qui serait dévoilée grossière.
ça ébranle au fur et à mesure, après...
ça nécessite également de poursuivre vers cet auteur et regarder autrement la peinture.
très très grand merci à l'homme oiseau !
Et extrait :
Une exposition de tableaux de Van Gogh est toujours une date dans l'histoire,
non dans l'histoire des choses peintes, mais dans l'histoire historique tout court.
Car il n'y a pas de famine, d'épidémie, d'explosion de volcan, de tremblement de terre, de guerre, qui rebrousse les monades de l'air, qui torde le cou à la figure torve de fama fatum, le destin névrotique des choses,
comme une peinture de Van Gogh, - sortie au jour,
remise à même la vue,
l'ouïe, le tact,
l'arôme,
sur les murs d'une exposition, -
enfin lancée à neuf dans l'actualité courante, réintroduite dans la circulation.
Il n'y a pas dans la dernière exposition Van Gogh, au Palais de l'Orangerie, toutes les très grandes toiles du malheureux peintre. Mais il y a parmi celles qui sont là, assez de défilés giratoires constellés de touffes de plantes de carmin, de chemins creux surmontés d'un if, de soleils violacés tournant sur des meules de blé d'or pur, de Père Tranquille et de portraits de Van Gogh par Van Gogh,
pour rappeler de quelle sordide simplicité d'objets, de personnes, de matériaux, d'éléments,
Van Gogh a tiré ces espèces de chants d'orgue, ces feux d'artifice, ces épiphanies atmosphériques, ce "Grand Œuvre" enfin d'une sempiternelle et intempestive transmutation.
_________________
Keep on keeping on...
Re: Antonin Artaud
Je vais rapatrier de l'ancien forum le poème suivant :
mots-clés : #poésie
«VITRES DE SON»
Vitres de son où virent les astres,
Verres où cuisent les cerveaux,
Le ciel fourmillant d'impudeurs
Dévore la nudité des astres.
Un lait bizarre et véhément
Fourmille au fond du firmament;
Un escargot monte et dérange
La placidité des nuages.
Délices et rages, le ciel entier
Lance sur nous comme un nuage
Un tourbillon d'ailes sauvages
Torrentielles d'obscénités.
mots-clés : #poésie
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
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Re: Antonin Artaud
« Car pour moi les idées claires sont, au théâtre comme partout ailleurs, des idées mortes et terminées. »
Antonin Artaud, « La mise en scène et la métaphysique », in « Le théâtre et son double »
« Avoué ou non avoué, conscient ou inconscient, l'état poétique, un état transcendant de la vie, est au fond ce que le public recherche à travers l'amour, le crime, les drogues, la guerre ou l'insurrection. »
Antonin Artaud, « Le théâtre de la cruauté (Second manifeste) », in « Le théâtre et son double »
« …] Antonin Artaud. Il disait qu’il ne savait pas écrire mais qu’il écrivait quand même et qu’il fallait le délivrer en le publiant. »
Jean-Luc Godard, entretien avec Pierre Assouline, mai 1997, Lire n°255
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15626
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Localisation : Guyane
Re: Antonin Artaud
Voilà ce qu'en disait Bukowski :
Mais contrairement au vieux Buk, Artaud me fait l'effet inverse. Il a plutôt tendance à me plomber, tout comme Cioran. Sa souffrance, son angoisse, me touchent directement, et je ressens comme un malaise à chaque fois que je me plonge dans son oeuvre.
J'avais un peu ramé avec Le théâtre et son double, mais beaucoup aimé ses essais sur Van Gogh et les Tarahumaras.
Je relis L'ombilic des limbes, le pèse-nerfs, et autres textes ; recueil de poésie NRF Gallimard.
Artaud est d'une grande exigence littéraire, parfois inaccessible et indigeste, mais très souvent d'une grande puissance.
Un petit extrait :
La violence d'Artaud s'explique par le fait qu'il est l'un des rares Artistes à n'avoir jamais cherché à se mentir et à mentir aux autres. Son implacable lucidité, ses propos incisifs, son dégoût du Mensonge sont à la mesure de la souffrance d'un homme déchiqueté par la Vie et comprenant, non sans une immense répugnance, que ses semblables, les Artistes, ne sont, en fin de compte, que des "cochons".
Promis, quand vous broierez du noir, quand vous vous rongerez les sangs, il vous suffira d'en lire ici ou là des passages pour repartir du bon pied. Artaud aura été l'un de nos plus beaux fous. Je vous mets au défi d'en trouver un de son calibre dans la rue, ou assis à votre table, ou dans l'appartement d'à côté.
Mais contrairement au vieux Buk, Artaud me fait l'effet inverse. Il a plutôt tendance à me plomber, tout comme Cioran. Sa souffrance, son angoisse, me touchent directement, et je ressens comme un malaise à chaque fois que je me plonge dans son oeuvre.
J'avais un peu ramé avec Le théâtre et son double, mais beaucoup aimé ses essais sur Van Gogh et les Tarahumaras.
Je relis L'ombilic des limbes, le pèse-nerfs, et autres textes ; recueil de poésie NRF Gallimard.
Artaud est d'une grande exigence littéraire, parfois inaccessible et indigeste, mais très souvent d'une grande puissance.
Un petit extrait :
Ces formes terrifiantes qui s'avancent, je sens que le désespoir qu'elles m'apportent est vivant. Il se glisse à ce noeud de la vie après lequel les routes de l'éternité s'ouvrent. C'est vraiment la séparation à jamais. Elles glissent leur couteau à ce centre où je me sens homme, elles coupent les attaches vitales qui me rejoignent au songe de ma lucide réalité.
Formes d'un désespoir capital (vraiment vital),
carrefour des séparations,
carrefour de la sensation de ma chair,
abandonné par mon corps,
abandonné de tout sentiment possible dans l'homme.
Je ne puis le comparer qu'à cet état dans lequel on se trouve au sein d'un délire dû à la fièvre, au cours d'une profonde maladie.
C'est cette antinomie entre ma facilité profonde et mon extérieure difficulté qui crée le tourment dont je meurs.
Invité- Invité
Re: Antonin Artaud
Il y a longtemps que je m'intéresse à l'oeuvre d'Antonin Artaud. Il y a quelque chose de subversif, de profondément révolutionnaire et qui coule de source dans la lucidité qui est la sienne. Il a fait partie des éclopés de la vie, mais n'en a pas moins signé une oeuvre qui s'offrait en marge de cette existence somme toute tragique dans les souffrances qui ont été son lot.
Je voudrais signaler un extrait qui m'a beaucoup plu dans l'une des cinq lettres à André Breton :
Antonin Artaud, c'était un peu ça. La nature de sa plume m'a fait voir la vie différemment par rapport à un critère de normativité. Je voulais vous partager cette citation qui m'accompagne depuis plusieurs années en pensée.
Je voudrais signaler un extrait qui m'a beaucoup plu dans l'une des cinq lettres à André Breton :
C'était d'autre part me mésestimer terriblement que de ne pas me croire
capable,
moi,
de tenir tête à un public ou à une foule;
vous me direz que ce public et cette foule ont eu déjà une fois raison de moi
puisqu'ils m'ont fait emprisonner, déporter, encamisoler, interner et
empoisonner, et garder 9 ans interné.
Possible,
mais il y a des circonstances où il y va du simple honneur humain,
quel que soit le risque,
à tenir tête et à ne pas caner.
J'ai été arrêté et emprisonné en Irlande
parce que j'ai voulu avec la simple canne que vous connaissiez tenir tête à
toute une foule et à la police entière de Dublin.
La société m'a eu ce jour-là mais après 3 jours de bataille et on n'a jamais
parlé ouvertement des blessés, des mutilés ou des morts que j'avais faits.
Ensuite si j'ai été interné c'est qu'emprisonné, j'ai simulé la folie pendant
une heure devant un agent de la Sûreté, après avoir reçu la visite d'un
émissaire d'un groupement d'initiés, qui m'avait fait demander de me sacrifier,
et de subir un temps de claustration, de privations et de macérations
afin de corriger mon corps de certains vices, de certains travers, de
certains péchés auxquels dans mon corps même une bonne partie de
l'humanité se croyait attachée.
Et je ne vous ai pas encore redit que j'avais subi à ce moment-là de
nauséabondes influences d'envoûtement qui m'avaient incité à me convertir,
et que je l'avais fait.
Depuis j'ai renié mon baptême
et seuls ceux qui m'avaient fait baptiser pouvaient être hostiles à l'idée
de certaines révélations,
mais pas vous,
tout de même,
non,
pas vous
André Breton.
Je n'ai donné cette séance que pour révéler les tumeurs de la société
actuelle, sous l'angle où je les connais.
Je ne puis pas m'empêcher de le faire
parce que je veux vivre
et que les hommes de la terre présente
m'empêchent, moi, de respirer.
Antonin Artaud, c'était un peu ça. La nature de sa plume m'a fait voir la vie différemment par rapport à un critère de normativité. Je voulais vous partager cette citation qui m'accompagne depuis plusieurs années en pensée.
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
Date d'inscription : 04/12/2016
Age : 42
Localisation : Montréal
Re: Antonin Artaud
Van Gogh le suicidé de la société
Livre fini et très apprécié. Je ne rajoute rien de plus car vous en parlez très bien.
Van Gogh est pour moi un être à part, véritable chrétien au sens le plus noble du terme (il a tenté de suivre quasi à lettre l'enseignement des Evangiles, a prêché, etc...), un créateur épris de transcendance.
Dommage que certains n'y voient que du tourment, en se référant seulement à quelques analyses stylistiques un peu simplistes.
Sauf Artaud.
Qui souligne bien toute la luminosité (au sens propre et figuré) du peintre et sait capter la quintessence de ses oeuvres...
J'admire dans le livre les coups de griffes envers notre société, bâtie sur la pourriture et la dépravation (qui oserait prétendre le contraire ?) et toujours d'actualité. Quant à la pseudo-science qu'on nomme "psychiatrie"...no comment !
De la lucidité, de la compassion, une langue très originale et un point de vue très personnel.
Du coup, je vais poursuivre avec AA, que je ne connais pas.
Il m'a l'air d'être abyssal...
..
Livre fini et très apprécié. Je ne rajoute rien de plus car vous en parlez très bien.
Van Gogh est pour moi un être à part, véritable chrétien au sens le plus noble du terme (il a tenté de suivre quasi à lettre l'enseignement des Evangiles, a prêché, etc...), un créateur épris de transcendance.
Dommage que certains n'y voient que du tourment, en se référant seulement à quelques analyses stylistiques un peu simplistes.
Sauf Artaud.
Qui souligne bien toute la luminosité (au sens propre et figuré) du peintre et sait capter la quintessence de ses oeuvres...
J'admire dans le livre les coups de griffes envers notre société, bâtie sur la pourriture et la dépravation (qui oserait prétendre le contraire ?) et toujours d'actualité. Quant à la pseudo-science qu'on nomme "psychiatrie"...no comment !
De la lucidité, de la compassion, une langue très originale et un point de vue très personnel.
Du coup, je vais poursuivre avec AA, que je ne connais pas.
Il m'a l'air d'être abyssal...
..
Tatie- Messages : 278
Date d'inscription : 14/02/2021
Re: Antonin Artaud
Il me semble que la recherche de dépouillement de Van Gogh pour revenir à l'essence du message du Christ, et se détacher du dogme religieux imposé par l'Eglise, est à mettre en parallèle avec celle de Tolstoï. Le grand écrivain russe est revenu aux sources des Evangiles, et pour lui l'humanité ne peut progresser que par la mise en pratique des principes religieux qu'il détache dans l'enseignement de Jésus. A la base de tout, il place le Sermon sur la Montagne, dont il extrait cinq principes essentiels : ne te mets pas en colère / ne convoite point / ne prête pas serment / ne résiste pas au mal / aime tes semblables. L'avant-dernier a notamment inspiré Gandhi et se trouve au coeur du mouvement de désobéissance civile et de non-violence. Il n'est pas question d'accepter le mal mais de ne pas lui opposer de violence.
Tolstoï a aussi compris ce qu'il adviendrait du communisme, bien avant son avènement :
Tolstoï a aussi compris ce qu'il adviendrait du communisme, bien avant son avènement :
Même si ce que Marx a prédit se réalisait, le despotisme ne disparaîtrait pas. Aujourd'hui, ce sont les capitalistes qui gouvernent. Demain, ce seront les meneurs de la classe ouvrière.
Le socialisme ne supprimera jamais la pauvreté et l'injustice fondamentale qui résulte de l'inégalité des capacités. La justice et l'égalité sociale ne se réaliseront jamais, à moins que chacun ne consente à s'oublier et à se mettre fraternellement au service d'autrui.
Invité- Invité
Re: Antonin Artaud
Héliogabale ou l'anarchiste couronné
N’ayant pas spécialement d’idées préconçues sur ce texte avant de lire ― il m’était déjà arrivé de feuilleter des livres d’Antonin Artaud sans vraiment m’y plonger ― je me suis demandé quel allait être sa forme ; récit, prose poétique ou essai… Un essai ? certes… Même si Artaud semble se donner l’air d’étudier froidement le règne éphémère d’Héliogabale (sous un angle fort particulier, j’y viens) L’anarchiste couronné ne semble pas se définir de manière aussi simple ― un livre sur Héliogabale ? C’est un personnage singulier qui est dessiné par Antonin Artaud, on approche cette figure sans se soucier tant que cela de la véracité ou de l’historicité ; comme il y a le Justinien de Procope, il y a l’Héliogabale d’Artaud, quoique les motifs de ce dernier soient fort loin de l’accusation, mais purement littéraires. Dans toutes ce lucre et ces atrocités, Héliogabale est vu comme un personnage poétique. Le sens de cette appréciation reste longtemps obscur, douteux, mais Artaud poursuit son développement en reprenant les mêmes idées, les reformulant ; il éclaire son propre texte, un peu à la manière de Nietzsche. Cette « démoralisation de la vie publique » prend la forme d’une morale subversive, ou du moins d’une esthétique : Héliogabale est tout et son contraire, il absorbe tous les dieux, tous les désordres ; c’est l’unité et c’est l’anarchie. Et Artaud évoque cette unité avec une sorte de vénération exaspérante, en passant par ces développements cabalistiques, j’ai vraiment cru lire un texte saint… inversé, si l’on veut. C’était sans compter que cette démonstration devienne lyrique, sans compter cette apothéose à la toute fin du livre qui justifie à elle seule sa lecture ; une puissance qui synthétise quatre années de règne abominables en un moment de grâce.
N’ayant pas spécialement d’idées préconçues sur ce texte avant de lire ― il m’était déjà arrivé de feuilleter des livres d’Antonin Artaud sans vraiment m’y plonger ― je me suis demandé quel allait être sa forme ; récit, prose poétique ou essai… Un essai ? certes… Même si Artaud semble se donner l’air d’étudier froidement le règne éphémère d’Héliogabale (sous un angle fort particulier, j’y viens) L’anarchiste couronné ne semble pas se définir de manière aussi simple ― un livre sur Héliogabale ? C’est un personnage singulier qui est dessiné par Antonin Artaud, on approche cette figure sans se soucier tant que cela de la véracité ou de l’historicité ; comme il y a le Justinien de Procope, il y a l’Héliogabale d’Artaud, quoique les motifs de ce dernier soient fort loin de l’accusation, mais purement littéraires. Dans toutes ce lucre et ces atrocités, Héliogabale est vu comme un personnage poétique. Le sens de cette appréciation reste longtemps obscur, douteux, mais Artaud poursuit son développement en reprenant les mêmes idées, les reformulant ; il éclaire son propre texte, un peu à la manière de Nietzsche. Cette « démoralisation de la vie publique » prend la forme d’une morale subversive, ou du moins d’une esthétique : Héliogabale est tout et son contraire, il absorbe tous les dieux, tous les désordres ; c’est l’unité et c’est l’anarchie. Et Artaud évoque cette unité avec une sorte de vénération exaspérante, en passant par ces développements cabalistiques, j’ai vraiment cru lire un texte saint… inversé, si l’on veut. C’était sans compter que cette démonstration devienne lyrique, sans compter cette apothéose à la toute fin du livre qui justifie à elle seule sa lecture ; une puissance qui synthétise quatre années de règne abominables en un moment de grâce.
Antonin Artaud a écrit:L’anarchiste dit : Ni Dieu ni maître, moi tout seul
Héliogabale, une fois sur le trône, n’accepte aucune loi ; et il est le maître. Sa propre loi personnelle sera donc la loi de tous. Il impose sa tyrannie. Tout tyran n’est au fond qu’un anarchiste qui a pris la couronne et qui met le monde à son pas.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 31
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