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Juan Marsé

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Message par topocl Mer 3 Avr - 15:25

Bédoulène a écrit:il faut tenter "des lézards dans le ravin" vous trouverez certainement de quoi vous plaire. mes commentaires sont toujours en dessous des qualités du livre.

Bédoulène, un commentaire c’est toujours moins bien qu 'un bon livre. Pour tout le monde. On s'en veut toujours d'être réducteur, de ne pas avoir été à la hauteur du plaisir qu'on y a pris.

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Message par Tristram Mer 3 Avr - 16:25

Dans la PAL !

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Message par bix_229 Mer 5 Aoû - 17:05

J'ai honte ! Je ne savais pas que Juan Marsé était mort.
Il n'a pas écrit que des chefs d'oeuvre, mais quand meme beaucoup de livres
qui m'ont transporté dans Barcelone. Enfin la ville aux lendemains immédiats
de la guerre civile d'Espagne.
Il a eu le courage de dire ce que le franquisme avait détruit et rendu sordide.
Il avait aussi le catalan au coeur. Et à l'époque, pour le franquisme, c'était
aussi mal vu que d'etre anarchiste ou communiste.
Enfin, il apportait de la magie et de la lumière dans les ruines. B

Suit un article de Philippe Lançon sur Marsé.

PHILIPPE LANÇON · MIS EN LIGNE LE 29 JUILLET 2020 · PARU DANS L'ÉDITION 1462 DU 29 JUILLET

"La semaine dernière, un écrivain de langue espagnole est mort. Il avait 87 ans et s’appelait Juan Marsé. Il vivait à Barcelone, la ville que ses livres ont enrichie de quelques vies supplémentaires. Barcelone est le berceau de grands romans. En voici quelques-uns : La Place du diamant, de Mercè Rodoreda ; La Ville des prodiges, d’Eduardo Mendoza ; les romans de Manuel ­Vázquez Montalbán ; et, donc, ceux de Juan Marsé. En particulier : Teresa l’après-midi, Adieu la vie, adieu l’amour, L’Amant bilingue. J’ai commencé par le dernier et par hasard, il y a longtemps, en Galice. Le titre m’avait intrigué. La suite ne m’a pas déçu.

Dans la maison fin de siècle de Marsé, près du Paseo de Gracia, il faisait frais en été et il y avait sur certains murs des affiches de films américains. Le cinéma est partout dans son œuvre d’une si violente élégance. Le cinéma libère l’enfant, qui crée le cinéphile, qui cultive l’écrivain, qui réinvente sa mémoire à travers ce qu’il a vu. La manière dont Juan Marsé a noué les images à sa prose, pour faire des noeuds marins fixant des voiles bien dessinées, cette manière est somptueuse. Dans ses romans, les rues sont souvent sordides, les prostituées y respirent et y meurent. Il y a toujours un cinéma de quartier qui, dans des odeurs rances, diffuse des films américains. Son style : ombres chinoises, miracle des apparences, volutes en fer forgé.

À LIRE AUSSI : Le cochon a grossi
Juan Marsé a raconté comme personne la jeunesse populaire de Barcelone sous Franco. Son roman le plus célèbre, Adieu la vie, adieu l’amour, s’intitule en espagnol : Si te dicen que caí. C’est une citation ironique de Cara al sol, hymne de la Phalange à la mort glorieuse : « Si on te dit que je suis tombé, c’est que j’ai rejoint là-bas mon poste. » Le roman est écrit à la fin des années 1960, traité de «  porcherie  » par les censeurs, publié au Mexique en 1973, puis en Espagne en 1976, un an après la mort de Franco. À 7 ans, Marsé avait vu ses parents brûler dans le ­jardin la plupart des livres en catalan qu’ils possédaient, craignant la répression. Il en restait une douzaine dans la maison, publiés en espagnol ; parmi eux, Le Livre de la jungle et Tarzan l’homme-singe. L’enfant les lut.

Dans le quartier de Monte Carmelo, où se déroulent son enfance et le roman, une bibliothèque s’appelle aujourd’hui Juan-Marsé. Les jeunes qui vivent là-bas savent-ils qui est l’homme qui a donné forme écrite à leurs prédécesseurs ? L’indépendantisme catalan actuel, ce nationalisme culturel et linguistique développé par des démagogues pour gaver des pauvres d’esprit, n’entretient pas la mémoire ; il la manipule. Comme la plupart des écrivains catalans de langue espagnole, Juan Marsé s’y est opposé par souci de liberté. Quel écrivain accepterait que des idéologues lui claironnent dans quelle langue il doit rêver, imaginer, penser, écrire ? « Quand j’étais jeune, dit-il, je me suis demandé si je devais signer mes livres Joan ou Juan. Comme j’écrivais en espagnol, j’ai décidé de signer Juan. Je crois qu’il n’y a qu’une seule culture catalane, celle qui se fait en catalan et en espagnol, celle que font les citoyens de Catalogne. » Les indépendantistes n’aiment pas Juan Marsé.

À LIRE AUSSI : La dernière poignée de main
Il disait qu’il était conteur, non intellectuel. Un conteur, oui, mais orfèvre de sa langue : « J’ai quelques principes, disait-il, qu’on peut résumer à deux : trouver une bonne histoire à raconter, et bien la raconter, c’est-à-dire en prenant soin du langage ; car c’est le bon usage de la langue, et non pas seulement la singularité, la générosité ou l’opportunité du sujet, qui préserve l’œuvre de la moisissure du temps. »

En mars 1985, Libération demande à 400 écrivains du monde entier : «  Pourquoi écrivez-vous ? » Il répond : « Si j’écris des ­romans, c’est uniquement, et pleinement par plaisir esthétique. Ou, ce qui revient au même : pour me sentir vivre. Inven­ter des créatures imaginaires, la vie que je ne vis pas, et conjurer ainsi le néant et l’oubli, ce sont des formes de bonheur. J’écris pour survivre à mon enfance, pour sauver du néant quelques images, quelques sentiments et quelques émotions de l’enfance. Et, en dernière instance, je crois que j’écris pour la même ­raison que chantent les enfants dans la nuit quand ils sont seuls et qu’ils ont peur : pour tromper leur frayeur, faire fuir les ténè­bres et la solitude. » Comme tant d’autres, longtemps, il s’est couché de bonne heure, et il n’a pas dormi ; puis il a trouvé son salut dans ses nuits."


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Message par Bédoulène Jeu 6 Aoû - 8:35

merci Bix, j'y reviendrai et c'est aussi un rappel pour Tristram Wink

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Message par Tristram Jeu 6 Aoû - 11:37

Oui, et j'ai re-noté qu'il faudrait que j'en relise...

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Message par Tristram Mer 14 Déc - 12:53

Des lézards dans le ravin

initiatique - Juan Marsé - Page 2 51nw6410

Dans un faubourg de Barcelone, en 1945, juste avant la naissance du narrateur, qui discute avec son frère David à propos de leur mère, Rosa, la rouquine, que suit l’inspecteur Galván, à la recherche du père en fuite, Víctor Bartra.
« Tout se passe comme dans un rêve congelé dans le placenta de la mémoire, dans un temps suspendu qui connut le summum des mascarades publiques et des infortunes privées, des mauvais traitements et des malheurs, des cachots et des fers. »
Dans leur maison, l’ancien cabinet d’un oto-rhino décédé (où demeure au mur une image didactique de l’oreille), sise près d’un ravin où il coupe la queue des lézards, David discute aussi avec Juan, son frère aîné mort dans un bombardement, avec son père enfui par le ravin où il s’est ouvert la fesse sur un tesson, avec son vieux chien Étincelle et avec Paulino Bardolet, son copain amateur de maracas et de pelotages dans le cinéma Delicias. À l’asile, grand-mère Tecla réclame une mystérieuse Amanda ; David parle de son bourdonnement d’oreilles, qui se transforme parfois en sifflement de bombe (la bombe « atomice » est souvent évoquée), à l’oto-rhino mort.
« Une stridence obstinée se déroule comme un ruban dans ses oreilles, emportant le sommeil avec elle et installant l’inquiétude à sa place. »
David parle au pilote d’un Spitfire abattu, ou plutôt à sa photo affichée dans sa chambre, qu’il a trouvée parmi les papiers que sa mère lui a demandé de brûler. Víctor, considéré comme un opposant libertaire par le régime, l’aurait guidé pour traverser la frontière franco-espagnole alors qu’il participait à la Résistance. Galván convainc Rosa d’euthanasier Étincelle (qui rend visite à David après sa mort).
« Vous savez, qu’elles soient des animaux ou des personnes, les victimes s’installent dans la mémoire et finissent par se transformer en bubon… »

« …] parce que derrière les ragots sur la couturière et M. Bartra le fugitif, il y avait toujours la plainte d’une défaite commune, la musique répétitive et triste d’une offense partagée par beaucoup, et cette musique est la seule qu’il écoute. »
David, « menteur hypocrite » qui fantasme beaucoup (et semble doué de préscience), déteste Galván et aime se travestir en femme. Paulino, apprenti barbier, se fait régulièrement tabasser et abuser sexuellement par son oncle Ramón, ex-légionnaire devenu agent de police. À propos, les tortures policières sont de plus en plus évoquées. Et Galván est de plus en plus assidu auprès de Rosa.
« Depuis que papa nous a quittés, elle n’a partagé avec aucun homme un silence pareil. Au début de leur relation ce n’était pas comme ça. Quand, tout au long de nombreux après-midi, assis tous les deux autour de la table-brasero et buvant leur café, pressée par l’inspecteur elle avait consenti à parler d’elle – uniquement pour ne pas avoir l’air impolie ou ingrate envers lui, vu ses cadeaux et ses attentions, s’était-elle excusée au début –, en commentant certains aspects de son travail de couturière, par exemple, de sa grossesse ou de ses malaises, ou de n’importe quoi pourvu qu’ensuite il lui permît d’aborder le sujet de Víctor Bartra et de son éternel contentieux avec la justice, il y avait toujours eu un moment où, probablement à cause d’une chute momentanée de la conversation, elle s’était tue brusquement et avait laissé croître le silence entre eux : qui sait quel signal de danger, quel présage peut-être de malheur ou de mort l’incitait à se taire. Mais le silence de maintenant, dans la chambre, pense avec raison David, n’est pas le silence embarrassé de deux personnes qui n’ont soudain rien à se dire, bien au contraire : il suggère plutôt l’embarras qui semble provenir de tout ce qu’elles auraient à se dire, et que, pourtant, elles gardent pour elles. »
L’inspecteur a égaré son faux briquet Dupont doré que David a trouvé, et lui fait parvenir par Amanda, une jeune voisine.
« Cling. D’une certaine façon, pense-t-il obscurément pour la deuxième fois, appuyer le doigt sur le couvercle, c’est presque appuyer sur la détente d’un revolver. »
divulgâchage:
« Photographies du ravin, du peu qui reste de ses flancs effondrés et de son vertige enfantin, où est déposé un sédiment du temps, une réflexion de la lumière qui n’est pas totalement étrangère à mon propre discours au creux de cet oreiller. Il n’y a pas une seule voix de toutes celles qui sont enregistrées ici, pas un seul des mots gribouillés dans ces vieux cahiers d’école – vagues interminables et symétriques parodiant l’écriture illisible d’un inapte, c’est ce que j’entends dire – qui ne soit enraciné dans ce torrent éboulé et putride que ma mémoire préserve de l’oubli. C’est uniquement pour garder son souvenir inviolé que mon crayon court sur le papier rayé. »
On entre progressivement dans cet univers particulier qui s’étoffe peu à peu (j’ai vite pensé au Tambour de Günter Grass), et l’histoire s’emballant devient captivante vers sa fin. C’est le regard d’enfant, celui à naître comme David, oscillant entre conscience aigüe et fabulation, qui est prégnant dans la dénonciation du franquisme.

\Mots-clés : #enfance

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Message par Bédoulène Mer 14 Déc - 14:23

merci Tristram, je me souviens de ma lecture. Faudrait que je tente un autre livre.

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